• il y a 2 ans
Mathieu Baumel était mardi l'invité de « L'Équipe de choc » sur la chaîne L'Équipe. Le copilote de Nasser Al-Attiyah, qui s'apprête à prendre le départ de son dix-septième Dakar, a évoqué l'édition à venir (5 au 19 janvier) et sa passion pour cette «course mythique».

Category

🥇
Sport
Transcription
00:00 -Il s'apprête à disputer son 17e Dakar.
00:03 On a bien compté.
00:04 En tant que copilote, tenant du titre et champion du monde,
00:06 Mathieu Baumel est avec nous.
00:08 Salut Mathieu, bienvenue dans l'équipe de choc,
00:10 tranquille dans son petit canapé confort.
00:12 Ça va ?
00:13 -Ben, on est pas mal.
00:14 Salut France, salut à tous.
00:15 Bonjour.
00:16 -Ça sera pas la même dans 15 jours.
00:17 Départ donc du Dakar.
00:19 Est-ce que les valises sont bouclées ?
00:20 La voiture est prête ?
00:21 On fait quoi cette dernière semaine,
00:23 cette dernière quinzaine ?
00:24 La dernière ligne droite, qu'est-ce que tu fabriques ?
00:27 -La voiture est prête parce que tout est déjà parti
00:29 par bateau il y a quelques jours.
00:32 Et on passe les 15 derniers jours ici, maintenant,
00:35 à plutôt rester tranquille parce que ce qui nous arrive derrière,
00:37 ça va être très compliqué, très long,
00:39 et physiquement, il faut tenir le choc.
00:42 -On est toujours aussi excité d'y participer, Mathieu,
00:44 même quand on l'a déjà fait 17 fois, comme toi.
00:48 -Ouais, mais en fait, c'est ça qui est génial
00:50 dans ce genre de course.
00:51 C'est une course mythique, c'est la légende.
00:53 Et chaque année, on rencontre des paysages différents.
00:56 On passe jamais au même endroit, évidemment.
00:58 On roule 4 ou 20% du temps dans le désert,
01:01 donc hors-piste, comme on voit sur les images ici,
01:03 c'est du sable, c'est des dunes, c'est des grandes étendues.
01:06 Et moi, mon boulot, c'est d'essayer de trouver la bonne passe,
01:10 la bonne direction dans toute cette étendue hostile
01:14 et d'amener Nasser et la voiture et le team, bien sûr,
01:18 à remporter plusieurs étapes,
01:20 parce qu'il y en a 14 cette année sur le Dakar,
01:22 avec des étapes très très longues.
01:24 On part chaque journée pour quasiment 450 kilomètres de spécial.
01:28 Donc très tôt le matin jusqu'à Trétevard le soir
01:31 et on recommence le lendemain.
01:33 Donc c'est toujours très très impressionnant.
01:36 Et on est toujours un peu stressé avant le départ, évidemment,
01:40 mais on est toujours content d'y revenir.
01:42 - Alors, côté palmarès, Mathieu, c'est assez énorme.
01:45 C'est pas encore Peter Hensel,
01:46 mais depuis 10 ans, aux côtés de Nasser Al-Attiyah,
01:48 tu l'as cité, c'est 4 victoires, 4 fois 2e,
01:51 vous trustez le podium.
01:52 Là, vous allez viser un 3e succès consécutif.
01:54 C'est quoi votre secret à tous les deux pour dominer autant ?
01:56 Vas-y, balance.
01:58 - Le secret, c'est l'expérience et les années
02:02 et malheureusement toutes les erreurs qu'on a déjà commises
02:04 sur les 17 dernières éditions.
02:06 Et il faut prendre ça en compte pour justement essayer de faire…
02:09 Il ne faut pas être meilleur que les autres,
02:11 en fait, il faut être un peu moins mauvais que les autres.
02:14 Et une journée claire sur le Dakar, ça n'existe pas.
02:17 Donc on est toujours en train de faire des erreurs.
02:19 Donc c'est celui qui revient le plus vite possible sur la bonne trace
02:22 qui aura le plus de chances à la fin.
02:25 Mais moi, ce qui m'intéresse le plus dans ce genre d'épreuve mythique,
02:30 c'est justement de passer à des endroits où personne ne peut passer.
02:35 Donc c'est pour ça que chaque année, je rempile
02:38 et c'est pour ça que je prends beaucoup de plaisir
02:39 et que je suis très heureux de participer chaque année à ce Dakar.
02:42 - Surtout parce que tu gagnes, accessoirement.
02:44 C'est quoi votre relation entre…
02:45 - Non.
02:46 - Si, si, si, si.
02:47 Entre pilote, copilote, parce que tu accompagnes Nasser Al-Attiyah,
02:50 t'as dit depuis 10 ans, vous êtes copain, vous êtes collègue,
02:52 on se chauffe, on s'embrouille parfois.
02:54 On parle en anglais, comment ça se passe ?
02:57 - Alors avec Nasser, c'est tout en anglais,
02:59 parce que j'ai essayé en arabe et ce n'était pas concluant.
03:02 Et en français, quand je parle français dans la voiture,
03:05 c'est qu'il y a quelque chose de pas clair qui arrive en face.
03:07 Donc Nasser a déjà intégré ça et ralentit en général.
03:10 Et après, je lui explique en anglais.
03:12 Sinon, l'ambiance, forcément, elle est très bonne.
03:15 Il y a beaucoup de stress, mais on a la chance avec Nasser
03:18 d'avoir une relation qui est extraordinaire,
03:21 qui est au-delà d'une relation de travail.
03:23 Donc c'est vraiment deux potes, deux amis qui vont traverser le désert.
03:28 Et si on s'entend bien, s'il n'y a pas de stress,
03:32 qu'on arrive à rester calme, on garde de l'énergie justement
03:34 pour chacun bien faire son travail.
03:36 Donc Nasser, conduire le plus vite possible,
03:39 il faut savoir qu'il n'y a pas de reconnaissance,
03:40 on ne sait pas du tout où on va passer avant d'y arriver.
03:43 Donc c'est vraiment de l'analyse sur le moment,
03:46 d'une énorme anticipation, du pilotage à vue pour Nasser.
03:50 Et de mon côté, moi, beaucoup d'informations sur,
03:53 d'écrire le roadbook, donc ce que me donne l'organisateur
03:57 pour essayer de trouver la bonne piste.
03:59 Et de là, je dois, moi, tout analyser pendant que Nasser roule à bloc.
04:04 Donc quand c'est des pistes, comme c'est sur la petite vidéo maintenant,
04:08 c'est facile. Là déjà, c'est un peu plus compliqué
04:10 quand on est dans le désert, qu'il n'y a pas de traces
04:12 et qu'on est la première voiture et qu'on doit en fait travailler pour les autres.
04:14 Donc c'est une très, très belle aventure.
04:18 C'est une année de travail pour aller donc participer à cette course
04:22 qui dure 15 jours.
04:23 Et c'est vrai que quand on y est,
04:25 on a des moments où on peut se dire "mais qu'est-ce que je fais là ?
04:28 C'est dur, c'est long, on en chie".
04:30 Mais au final, quand c'est fini, on se dit "ben c'est déjà terminé,
04:33 il faut attendre encore une année pour y revenir".
04:37 Mais encore une fois, voilà, moi, ces paysages-là,
04:40 c'est vraiment extraordinaire.
04:42 On est au Moyen-Orient maintenant, on était bien sûr avant,
04:45 on a passé 11 années en Amérique du Sud et encore avant ça,
04:48 l'origine du Dakar, c'est l'Afrique.
04:51 Donc c'est vrai que ça nous a fait participer
04:53 à de nombreux kilomètres sur différents continents
04:56 et à chaque fois, c'est quelque chose de magnifique pour les yeux,
05:00 comme on voit sur ces images.
05:02 Donc il me reste 15 jours encore à attendre.
05:04 Là, en ce moment, c'est vraiment détente et un peu de sport,
05:07 mais je suis prêt pour attaquer ces 15 prochains jours,
05:11 les 15 premiers jours de janvier,
05:12 en essayant d'amener Nasser sur la bonne piste.
05:14 -12 étapes, on le rappelle, en 14 jours,
05:17 ce sera à suivre en direct sur la chaîne L'Equipe
05:18 pour la première fois et on est ravis.
05:20 Pierre Bouby.
05:21 -Salut Mathieu, moi, j'ai une question,
05:23 alors en tant que novice sur le Dakar,
05:24 mais tu t'expliquais que justement,
05:26 il n'y avait quasiment que du désert.
05:27 Donc moi, la première réflexion que je me dis,
05:29 c'est en fait, tu vas tout droit le plus vite possible.
05:32 -C'est pas idiot.
05:33 -Mais quelle est justement la difficulté dans ton rôle
05:36 d'essayer de trouver une bonne trajectoire
05:38 ou bonne ou mauvaise ?
05:40 Je n'arrive pas à cerner quand est-ce qu'il faut passer à droite
05:42 ou à gauche alors que tu peux aller tout droit ?
05:44 -Alors hier, par exemple, il y avait du bateau.
05:48 J'ai suivi quand même un peu de temps en temps.
05:50 Il y avait du bateau pour quand on est sur la mer,
05:52 c'est sûr qu'on a un cap, on essaye de le suivre.
05:54 À part un peu la dérive, il n'y a rien d'autre trop à gérer.
05:57 Moi, j'ai en face de moi en fait des énormes dunes,
05:59 des montagnes, des crevasses
06:03 et j'ai quand même un cap direct à aller choisir
06:06 pour aller au prochain waypoint,
06:07 donc le point de passage obligatoire.
06:09 Sauf que sur la terre, c'est impossible,
06:11 comme on voit sur les images là,
06:12 c'est impossible d'aller tout droit.
06:14 Donc moi, mon boulot, c'est d'être sûr de rattraper le cap
06:19 au moment où je sais que pour éviter la dune devant moi,
06:21 je suis allé par exemple 200, 300, 400 mètres trop à droite
06:25 et quasiment 40 ou 50 degrés au mauvais cap.
06:28 Moi, mon boulot, c'est de pouvoir calculer,
06:30 de revenir derrière cette dune et reprendre la ligne idéale.
06:33 Donc ça, c'est s'il n'y a qu'une dune.
06:35 Mais en général, il n'y a pas qu'une dune
06:37 et il y en a une autre sur une autre sur une autre,
06:39 ce sont des champs de dune
06:40 et c'est pour ça que des fois,
06:42 c'est marrant de nous voir à la télé tourner en rond
06:44 et aller chacun dans un sens
06:46 et en espérant que ça soit le bon côté
06:48 parce qu'en fait, on s'est trop décalé de cet axe idéal
06:53 et c'est très très dur souvent de revenir sur le bon point.
06:56 Voilà, il faut savoir qu'un point GPS de passage,
07:00 on en a, on va dire, une centaine sur les 400 ou 500 km
07:05 qu'on doit parcourir chaque jour.
07:06 Donc on va dire un à peu près tous les 20 km
07:09 et pour valider ce point, je dois passer à 50 mètres
07:12 du point virtuel qui est dans le GPS.
07:15 Évidemment, moi, je ne sais pas où c'est,
07:16 mais le roadbook doit m'y emmener.
07:18 Et si je quitte ou je me dévie un peu de cette trace,
07:21 je suis perdu.
07:22 Donc c'est mon boulot à chaque mètre qui passe
07:25 d'essayer de réévaluer ma position
07:27 et de voir si je suis toujours sur l'axe idéal,
07:30 ce qui n'est pas très facile à faire.
07:32 - Surtout quand il fait des températures extrêmes
07:34 et des conditions extrêmes.
07:35 Tiziani.
07:36 - Bonjour Mathieu.
07:37 - Une question par rapport à l'évolution de la course
07:39 et par rapport à ce qu'est votre expérience.
07:42 On pourrait se dire comme ça qu'avec la technologie,
07:44 les voitures qui se sont améliorées également,
07:47 vous avez parlé du GPS, de tout ce qui est cartographie.
07:50 Est-ce qu'on se trompe si on dit pour autant
07:52 que la course est plus facile aujourd'hui qu'elle l'était
07:54 il y a 10 ou 12 ans ?
07:58 - Alors, ce n'est pas du tout vrai, je suis désolé.
08:01 En fait, le règlement a évolué il y a quelques années
08:04 avec justement l'arrivée de David Castera
08:07 à la direction de l'épreuve.
08:09 Et on avait la possibilité en fait,
08:12 il y a quelques années en arrière,
08:13 de récupérer le roadbook du lendemain, la veille.
08:16 Ce qui nous permettait justement d'aller regarder
08:19 sur Google Earth, sur les cartes
08:20 et sur tous les documents qu'on avait des années précédentes,
08:24 tous les endroits où on était déjà passé.
08:26 Or, depuis 3 années maintenant, ceci n'existe plus.
08:30 Donc je récupère le roadbook, donc le livre de route,
08:34 qui me donne les directions et les dangers,
08:36 5 minutes avant le départ.
08:37 Donc ça veut dire que je n'ai aucun moyen de savoir
08:40 ce qui va m'arriver dans la journée qui est en face de moi.
08:43 Et le travail de préparation que j'avais la possibilité de faire
08:46 il y a quelques années en arrière,
08:48 et d'avoir en tête en fait,
08:50 je vais passer justement à gauche du champ de dune,
08:52 je vais aller vers la montagne, je contourne la montagne,
08:54 je suis la rivière, tout ça je ne l'ai plus.
08:57 Donc je suis obligé de vraiment me concentrer sur les informations
09:00 que je découvre au fur et à mesure que je roule dans la spéciale.
09:03 C'est-à-dire en condition de course, donc à grande vitesse,
09:07 et je dois prendre des décisions sur le moment.
09:10 Donc si je loupe une information, si je me trompe dans un cap,
09:15 si je manque une intersection, au final je suis perdu.
09:19 Avant j'aurais pu dire "bon ok, je sais qu'il faut que j'aille vers la montagne,
09:22 ben tant pis, je prends le risque d'y aller,
09:24 j'essayerai de me retrouver par rapport justement à ces fameux points GPS
09:27 en espérant que je puisse passer dans le rayon de validation".
09:32 Mais aujourd'hui ce n'est plus du tout possible.
09:33 Donc au moment où je ne suis plus sur la trace idéale, je suis perdu.
09:37 Donc la seule solution c'est revenir en arrière sur le dernier point
09:40 dont j'étais sûr à 100% d'être au bon endroit,
09:44 et je repars comme ça sur mon roadbook en espérant trouver ce fameux "waypoint"
09:50 5, 10 ou 15 kilomètres après.
09:52 Donc la façon de travailler a changé, ça a évolué.
09:55 Je trouve ça beaucoup plus intéressant moi,
09:57 et en même temps c'est quand même beaucoup plus stressant et beaucoup plus dur.
10:00 - Mathieu, rapide question quand même.
10:01 Il y a un petit jeune qui monte face à vous, il s'appelle Sébastien Loeb,
10:05 nonuple champion du monde des rallies.
10:07 Il n'a jamais gagné, mais ça fait deux années de suite qu'il vous talonne, Nasser et toi.
10:11 Est-ce que vous commencez à avoir un peu la pression ?
10:13 Est-ce que vous vous redoutez parce qu'il commence à faire son chemin Sébastien Loeb ?
10:18 - Sébastien Loeb, c'est vrai que ça sera son 8e Dakar si je ne me trompe pas.
10:23 Il a aujourd'hui tout ce qu'il faut pour gagner.
10:25 En premier lieu, ce qui est le plus important évidemment,
10:29 c'est le véhicule, mais la deuxième chose c'est le navigateur, donc le copilote,
10:33 et son copilote actuel Fabien Lurquin a montré qu'il pouvait être là,
10:39 de plus en plus présent, de moins en moins d'erreurs.
10:42 Donc évidemment, Sébastien et Fabien se rapprochent.
10:45 Je vous rassure, il n'y a pas qu'eux.
10:47 Au départ, il y a à peu près une dizaine de voitures qui sont capables de gagner le Dakar.
10:51 Cette année en tout, il y a quand même un peu plus de 400 concurrents
10:55 pour 800 pilotes, copilotes, pilotes de moto, de quad, de camion au départ.
11:00 Donc la compétition est quand même rude,
11:02 mais c'est vrai que Sébastien Loeb et Fabien Lurquin
11:05 sont là très proches de nous sur les dernières éditions.
11:08 Donc l'avantage cette année, c'est qu'on va rouler dans la même équipe,
11:12 avec la même voiture, donc le Hunter qu'on voit en vidéo derrière,
11:16 et ça va nous permettre de nous jauger d'un côté,
11:19 de savoir et d'essayer d'être le plus rapide que son concurrent,
11:26 mais ça va aussi nous permettre de travailler ensemble,
11:29 donc de mettre en avant, j'espère, Prodrive et le Hunter.
11:34 Donc on va voir ce qu'on peut donner.
11:36 En tout cas, un résultat 1-2 au prochain Dakar,
11:39 je cite de suite évidemment, quelle que soit la position.
11:42 - Oui, parce que c'est la même équipe.
11:43 Dernière question très rapide, Mathieu.
11:45 S'il n'y a qu'une seule chose à emporter sur le Dakar,
11:47 parce que moi je vais venir cette année, c'est quoi ?
11:51 - Alors, moi j'ai de la chance, je suis dans une voiture,
11:54 je n'aurai pas froid, mais si toi tu dors sous la tente
11:56 au départ ou à l'arrivée des spéciales,
11:58 il va falloir prendre une petite laine quand même.
12:00 Le soir, il fait un peu frais.
12:02 - C'est noté, je note, et on se retrouve évidemment au départ en Arabie Saoudite.
12:05 Merci beaucoup Mathieu Bommel d'avoir été avec nous.
12:08 On vous rappelle, départ le 5 janvier en direct sur notre antenne.
12:11 Et puis tiens, on continuera de parler du Dakar d'endroitier
12:13 avec un pilote moto cette fois, parce qu'il y a plein de catégories,
12:15 les camions, les buggies.
12:16 On sera avec le pilote français, Adrien Van Bevren.

Recommandations