Que se passe-t-il du côté de BFM ?
Il est possible que pour la première fois de son histoire BFM TV ne soit plus la première chaîne d’info de France sur une semaine complète, devancée par sa rivale CNews. Ce problème d'audience vient s’ajouter à des départs de présentateurs et même des rumeurs de ventes de la chaîne BFM TV. Alors que se passe-t-il à BFM ? Est ce que ça n’est qu’une crise passagère ou un vrai bouleversement qui s’opère ?
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Transcript
00:00 Avec Thomas Hill et C'est l'heure Thomas de la question Média du jour.
00:04 Nous le serons d'ici deux heures avec les chiffres de médiamétrie mais il est possible que pour la première fois de son histoire BFM TV ne soit plus la première chaîne d'info de France sur une semaine complète devancée par sa rivale CNews.
00:15 Ce problème d'audience vient s'ajouter à des départs de présentateurs, même des rumeurs de vente de la chaîne BFM TV.
00:22 Alors que se passe-t-il à BFM ? Est-ce que ça n'est qu'une crise passagère ou un vrai bouleversement qui s'opère ?
00:27 On va en parler ce matin avec Noa Moulinet. Bonjour.
00:30 Bonjour.
00:31 Vous êtes journaliste média à l'Informer, site qui s'intéresse aux coulisses de l'économie. Et puis Sarah Lequeuvre est avec nous également. Bonjour Sarah.
00:38 Bonjour Thomas.
00:39 Journaliste au Figaro. Alors d'abord Sarah, on va revenir sur les chiffres d'audience. On aura en fin de matinée le chiffre de la journée d'hier sur les chaînes info.
00:47 Mais sur tout le reste de la semaine, pour l'instant CNews est devant.
00:50 Et oui, CNews, première chaîne info de France. C'est la première fois que ça arrive dans l'histoire des chaînes info. Et l'écart même se creuse avec BFM TV parce qu'il était de l'ordre lundi.
01:00 Se resserre. Se resserre avec BFM TV.
01:02 Se resserre, pardon. Parce que lundi et mardi dernier, il était de 0,5 point de part d'audience, ce qui est important.
01:09 Et Noa Moulinet, comment est-ce qu'on peut expliquer ces chiffres selon vous ?
01:14 Qu'est-ce qui fait que, c'est peut-être d'ailleurs plus CNews qui progresse et BFM qui stagne, c'est ça à peu près ce qui se passe, c'est ça ?
01:20 Oui, forcément, il y a une tendance de fond depuis plusieurs années. C'est vrai que BFM TV, on le voit, perd de la vitesse avec la montée sur le côté de CNews, mais aussi d'LCI.
01:29 Il y a aussi la durée d'écoute quotidienne qui compte, puisqu'en fait on remarque que les téléspectateurs de CNews restent plus longtemps regardés, alors que BFM, ça peine à progresser.
01:38 Forcément, l'actualité peut aussi aider. CNews a beaucoup traité, par exemple, la mort du jeune Thomas Akripolski, qui a pu attirer les téléspectateurs également.
01:47 Et est-ce que BFM TV a réajusté un peu sa ligne éditoriale ces derniers temps ? Est-ce que vous avez remarqué un changement ?
01:53 Oui, il y a plus de débats, notamment, un peu moins d'infos, parce qu'il faut le rappeler, quand BFM TV a été créé, c'était le canal "Tout Info", c'est-à-dire que vous vous branchiez,
02:03 et à n'importe quelle heure de la journée, vous aviez les trois infos principales de la matinée, de la mi-journée, de l'après-midi.
02:09 Aujourd'hui, c'est un peu plus incertain. Alors, si vous avez un peu de chance, vous tombez sur un flash info, mais sinon, vous pouvez tomber sur un débat autour d'un fait divers.
02:16 Puis après, on parle de politique étrangère. Enfin, ça peut être confus pour le téléspectateur.
02:21 Et alors, si les audiences commencent à ne plus suivre, ça ne va pas faire les affaires de Patrick Drahi, le patron du groupe Altiz, dont fait partie BFM TV,
02:28 parce que depuis des mois, on parle de la volonté de ce groupe de vendre BFM TV. Vous en aviez parlé, Noa Moulinet, dans votre journal "L'Informé".
02:37 Et en fin de semaine dernière, il y a eu des rumeurs. On a parlé d'une vente au groupe CMA-CGM. Est-ce que ces rumeurs sont crédibles, selon vous ?
02:44 Il y a un vrai double discours de la part des dirigeants d'Altiz. Donc, d'un côté, on a le PDG d'Altiz, France, Arthur Dreyfus, qui dément à chaque rumeur.
02:52 Et d'un autre côté, on l'a révélé sur "L'Informé", il y a eu cette réunion en septembre dernier à New York, entre des investisseurs, entre les dirigeants d'Altiz,
03:01 et l'un d'entre eux a dit que la vente des médias d'Altiz pouvait être envisagée contre un bon prix. C'est quand même assez clair.
03:07 Du côté de CMA-CGM, c'est évidemment un candidat sérieux, même s'ils ont démenti immédiatement les rumeurs la semaine dernière.
03:14 Pourquoi est-ce qu'ils auraient besoin de vendre BFM TV, le groupe Altiz ? Est-ce qu'on le sait, ça, Noa Moulinet ?
03:19 Évidemment pour réduire l'endettement du groupe, qui est énorme, donc 60 milliards d'euros au total, dont 24 en France.
03:26 Donc c'est pour ça que cette rumeur tourne.
03:28 Et alors, qu'est-ce qu'ils peuvent espérer de la vente de BFM TV ?
03:31 Alors, le chiffre qui a tourné ces derniers mois, c'est 2 milliards d'euros.
03:35 On sait qu'Altiz a dit qu'il souhaitait réduire l'endettement d'un tiers, donc 8 milliards, il faut les trouver,
03:40 même si 2 milliards, ça semble très élevé par rapport aux performances réelles de BFM TV.
03:44 Alors on verra si ces rumeurs se confirment dans les semaines à venir, mais c'est quand même pas simple, du coup, pour la rédaction de BFM TV,
03:50 pour son patron aussi, Marc-Olivier Fogel, de travailler dans ces conditions.
03:53 Pas simple non plus d'aller recruter à l'extérieur des nouveaux journalistes pour remplacer les départs.
03:59 Yves Bigaud, si vous étiez à sa place, vous seriez dans quel état en ce moment ? C'est compliqué quand même.
04:05 Vous savez, quand on dirige une chaîne de télévision, quelle qu'elle soit, on est dans un état fébrile,
04:11 tout en étant concentré sur le quotidien et en essayant d'avoir une vision de l'avenir.
04:17 Mais c'est vrai que c'est extrêmement déstabilisant dès lors qu'on entend des rumeurs,
04:23 et il n'y a pas de fumée sans feu, dit-on toujours, et c'est sans doute aussi vraisemblablement ce qui explique un certain nombre de départs,
04:34 parce que TF1 vous appelle, vous vous dites à TF1, il y a peut-être plus de stabilité pour les années qui viennent,
04:40 donc au moins là, je vais me mettre à l'abri.
04:45 Après, les questions de ligne éditoriale et d'audience de BFM, je dirais que c'est le prix de leur succès.
04:54 Ça a été un phénomène à la télévision en France très très important, un succès absolument remarquable,
05:00 avec le Toutinfo dont vous parliez, Sarah, il y a un instant.
05:05 Et puis, toujours quand on a un succès comme ça, on a un concurrent qui vient et qui essaie de vous déborder,
05:13 souvent sur la gauche, là en l'occurrence c'est plutôt sur la droite,
05:17 et qui fait soit plus radical que vous sur la même thématique,
05:22 soit qui essaie de tirer la thématique vers notamment plus de parts d'audience, donc plus de durée d'écoute.
05:30 Donc typiquement, ce sont les débats, c'est les talk shows.
05:34 Or, la part d'audience, évidemment, c'est très important, parce que qu'est-ce que regardent les publicitaires ?
05:39 Ils regardent le nombre de téléspectateurs, mais ils regardent aussi combien de temps chaque téléspectateur regarde.
05:45 Donc là, c'est une bagarre pour le Grisby.
05:49 - Alors qu'est-ce que peut faire BFM face à ça ? On continue à en parler dans deux minutes sur Europe 1.
05:53 - Vous écoutez Culture Média sur Europe 1 avec la suite de la question Média du jour.
05:56 Thomas Hill, que se passe-t-il à BFM TV ? On en parle avec vos invités.
06:00 Vous recevez Noa Moulinet, journaliste média à l'Informer, Sarah Lecoeuvre, journaliste au Figaro, et Yves Bigaud.
06:06 - Qui est toujours avec nous. Alors on verra si les rumeurs se confirment.
06:10 On en a parlé, effectivement, de la possible cession de BFM TV à un grand groupe.
06:15 En attendant, c'est vrai qu'il y a beaucoup de départs de grandes figures de BFM TV.
06:19 Aurélie Casse, partie à France 5, Jean-Baptiste Boursier pour LCI, Pascal Delatour-Dupin aussi C8.
06:25 Il y a eu Cécile Olivier aussi, alors c'est pas une figure de l'antenne, mais hors antenne.
06:30 Elle était chef du service Police Justice, elle a rejoint le magazine elle.
06:33 Et puis, donc, dernière en date, Bruce Toussaint, parti pour TF1 en cours de saison.
06:38 Alors j'imagine que chaque cas est évidemment particulier, mais Patrick Sauss, qui est éditorialiste politique et international de BFM,
06:45 il dit lui-même dans le télérama "Au temps d'un coup, je ne l'ai jamais vu en 15 ans de maison".
06:50 Qu'est-ce qui explique ce mouvement de départ selon vous, Sarah Lecoeuvre ?
06:53 Alors déjà, bon, il y a peut-être une coïncidence du calendrier.
06:56 Il faut rappeler qu'Aurélie Casse et Jean-Baptiste Boursier, on peut les considérer comme des bébés BFM.
07:01 Donc ils ont l'âge, ils ont 30, 40 ans, ils ont l'âge de voler de leur propre zèle et d'être courtisés par la concurrence.
07:06 Et parfois, ils acceptent. Mais le problème, c'est qu'ils acceptent.
07:09 Et d'ailleurs, Jean-Baptiste Boursier nous avait confié qu'il n'avait pas hésité longtemps avant de dire oui à LCI.
07:14 Alors qu'il avait beaucoup de choses à BFM.
07:15 Oui, il était le monsieur week-end globalement de la chaîne.
07:19 Parce que, pour avoir interrogé quelques journalistes en interne, ils me disent que l'ambiance s'est détériorée depuis quelques mois.
07:25 En raison notamment aussi de la ligne édito et cette pipolisation de l'actualité.
07:29 On l'a vu notamment avec l'affaire Palmade, qui était en boucle des jours et des jours.
07:33 Et ça n'a pas plu à tout le monde.
07:35 Certains pointent du doigt aussi le management de Marc-Olivier Fogiel, qui serait trop interventionniste.
07:41 Est-ce que c'est des échos que vous avez eus aussi en interne à BFM, Nora Moulinet ?
07:45 Oui, c'est sûr. On a des journalistes à BFM TV qui critiquent beaucoup sa façon de diriger.
07:50 Il y en a d'autres qui apprécient le fait qu'il soit impliqué.
07:53 Jeudi dernier, quand il y a eu les rumeurs de rachat de BFM, il a eu un tweet un peu humoristique suite à ça,
07:59 qui n'a pas vraiment plu aussi en interne.
08:01 On disait, voilà, nous on est inquiet, il y a une incertitude et à côté de ça, on le voit rire.
08:05 Donc c'est vrai que ça ne peut pas forcément plaire.
08:07 Il avait fait aussi un long mail, juste après le départ de Bruce Toussaint, à tous ses collaborateurs
08:11 pour les rassurer sur les audiences, souligner les points forts de la chaîne.
08:15 Mais ça n'a pas rassuré vraiment tout le monde en interne.
08:17 Non, au contraire. On se dit qu'il se sent plutôt en danger.
08:20 Et désormais, en interne, les journalistes se demandent, mais combien de temps va-t-il encore rester ?
08:25 Et on parie plutôt sur sa date de départ.
08:28 Et son remplacement qui serait éventuellement Laurent Guimier, c'est ça ?
08:31 Voilà, parce qu'il dirige le pôle média du groupe CMA-CGM.
08:36 Alors face à ces départs, il y a quand même eu des recrutements.
08:38 Il y a eu Julie Hamet qui est venue de LCI.
08:41 Et puis la surprise de l'année, ça a été l'arrivée de Laurent Ruquier aux 20h de BFM TV.
08:45 Mais pour l'instant, ça ne prend pas vraiment, en tout cas en audience, ça ne prend pas vraiment ça à le cœur.
08:50 Non, alors il y a eu un effet de curiosité au départ.
08:52 La première semaine, il y avait 400 000, 500 000 personnes.
08:55 Mais la salle s'est vidée rapidement.
08:57 Désormais, l'audience aussi entre 200 000, 300 000.
09:01 Loin derrière, Pascal Praud, qui présente une émission à la même heure sur CNews.
09:06 L'écart est grand à cette heure-là.
09:08 Vous pensez que ça peut décoller pour lui ?
09:10 Yves Bigaud, je ne sais pas si vous avez regardé son émission à 20h.
09:13 Est-ce que Laurent Ruquier à 20h, c'est une bonne idée selon vous ?
09:16 Je ne sais pas.
09:17 Je sais que la relation entre Laurent Ruquier et Marc-Olivier Faugillet, elle est très ancienne.
09:22 Elle est très forte.
09:24 Donc quand Laurent a décidé de quitter, après plus de 20 ans, France Télévisions,
09:31 c'était un peu logique qu'ils se retrouvent ensemble, tous les deux.
09:35 Après, Laurent, pour lui, c'est un pari parce qu'il change complètement de registre.
09:39 Laurent, c'est un humoriste.
09:41 Au départ, c'était un auteur formidable, notamment pour Laurent Gérard,
09:44 mais pas uniquement, pour lui-même aussi.
09:47 C'est aussi quelqu'un qui fait du stand-up, qui est sur scène.
09:51 Alors, il a beaucoup abandonné les planches depuis un certain temps.
09:54 Il écrit pour le théâtre.
09:56 Il a vraiment un talent tout à fait multiple.
09:58 Mais là, il se retrouve dans un rôle.
10:00 Il s'est, pardon, lancé un défi.
10:03 - Oui, c'est un vrai défi pour lui, c'est un vrai changement.
10:05 - Ça, c'est sûr.
10:06 Mais peut-être se trouve-t-il dans un rôle qui n'est pas celui que le public attend de sa part.
10:13 Bien sûr, on s'attend à ce que Laurent ait une opinion, soit intelligent et en regard sur l'actualité.
10:20 Mais on s'attend surtout à ce qu'il nous fasse rire.
10:22 Et là, je n'ai pas l'impression que ce soit l'essentiel de ce qu'il réalise à BFM.
10:27 Après, c'est extrêmement courageux de sa part d'avoir tenté ce pari.
10:32 Mais vous savez, dans une vie, dans une carrière, se ramasser une fois, ce n'est pas très grave.
10:38 Et il faut juger de toute façon les gens, les artistes ou les humoristes.
10:45 Il faut les juger à leur sommet, jamais à leur moyenne.
10:48 - Et puis l'autre interrogation, c'est le chamboulement causé par le départ de Bruce Toussaint.
10:53 Puisque du coup, ce sera Maxime Suitek qui prendra sa place le matin.
10:56 Julie Hamet qui prendra la place de Maxime Suitek en fin de soirée.
10:59 Vous pensez que c'est de nature à faire évoluer les audiences de BFM dans un sens ou dans un autre ?
11:04 Comment vous le sentez, Noa Moulinet ?
11:06 - C'est sûr qu'en lançant sa mini-matinale avec Bruce Toussaint, TF1 ne cherche pas à aller piquer des téléspectateurs à France 2 Télématin.
11:12 Clairement, en prenant un profil comme ça, chaînes info, on cherche à grappiller du côté des chaînes info.
11:17 Donc en effet, je pense qu'il y a une inquiétude.
11:19 Reste à voir les performances en janvier.
11:21 - On suivra ça de près.
11:23 Merci Noa Moulinet, journaliste média à l'informer, qui s'intéresse aux coulisses de l'écho.
11:27 Et Sarah Lequeur, journaliste au Figaro, un grand merci également à Yves Bigaud, qu'on retrouve demain, c'est à 6h du mat' que ça démarre.
11:35 - C'est ça, jusqu'à 1h du matin suivant.
11:38 - Un grand tour du monde.
11:39 - 19h sur TV5 Monde.
11:41 - La piste de la francophonie pour la planète.
11:43 - Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin.