La politique et moi - Marie Guévenoux

  • l’année dernière
Marie Guévenoux, députée Renaissance de l'Essonne.

Elle a fait ses gammes à droite, d'abord dans le syndicalisme étudiant, puis avec Alain Madelin et Alain Juppé. Désormais membre de Renaissance, Marie Guévenoux a été élue première questeure de l'Assemblée, un des postes les plus stratégiques au palais Bourbon.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcript
00:00 Elle a fait ses gammes à droite,
00:01 avec Alain Madelin, puis Alain Juppé,
00:04 désormais membre de Renaissance.
00:05 Elle occupe un des postes les plus stratégiques à l'Assemblée.
00:09 Musique intrigante
00:11 ...
00:22 Bonjour, Marie Guevenou. -Bonjour.
00:24 -En 2017, quand vous êtes arrivée à l'Assemblée,
00:26 vous aviez à peine 40 ans, je crois,
00:29 mais déjà plus de 20 ans d'expérience de politique
00:31 quand la plupart de vos collègues de La République en marche
00:35 débutaient en politique.
00:36 On a retrouvé des images de vous, qui datent de 1996.
00:39 Vous étiez engagée au sein du syndicat étudiant Uni
00:42 et vous vous apprêtiez à rencontrer Jacques Chirac à Amiens.
00:46 -A 19 ans, en première année de droit,
00:48 elle s'est engagée à fond pour le candidat Chirac.
00:52 Elle aussi sera du déjeuner.
00:54 -On va faire un bilan sur l'orientation,
00:56 sur le procès des sélectifs,
00:58 qui n'est pas terrible à l'université.
01:01 On va parler d'instruction professionnelle,
01:03 du statut d'étudiant et du statut social.
01:06 -Quand on vous entend faire la liste
01:08 de tous les sujets que vous voulez aborder avec Chirac,
01:11 on sent que... -Ce n'est pas rempli de la mission.
01:14 -Il y avait déjà ce côté très carré, très sérieux chez vous.
01:18 Vous n'étiez pas là pour aller faire des blagues avec Jacques Chirac.
01:22 -Oui, mais c'est la même chose que le frac le déjeuner.
01:25 J'ai réussi à lui dire qui j'étais. -Ce n'est pas allé pour moi.
01:28 -J'ai quand même réussi à faire une remarque,
01:31 mais c'était impressionnant.
01:32 On se mettait pas mal de pression.
01:34 Moi, c'était mon premier engagement.
01:37 Ca comptait pour moi.
01:38 On m'envoyait déjeuner avec le président de la République.
01:42 -Voilà la sortie du déjeuner sur le perron de la préfecture.
01:45 C'est la campagne présidentielle de Jacques Chirac
01:48 qui a déclenché votre premier engagement.
01:50 Vous avez soutenu sa campagne,
01:52 sauf que vous ne vous définissez pas comme chiracienne.
01:55 -Parce que je crois qu'au fond...
01:58 Je vais le dire de façon très franche.
02:00 Je pense que j'ai été rapidement un peu déçue
02:03 de l'action qu'il avait menée.
02:07 Maintenant que j'ai vieilli,
02:09 je me rends compte que les choses sont moins simples
02:12 et que "déçu", c'est trop fort.
02:14 Mais à l'époque, je ne me considérais pas comme chiracienne.
02:17 J'étais plus sensible à la personnalité d'Alain Madelin.
02:20 -Ca, c'est à partir de 1999 ?
02:23 -Oui, mais en 1995, il est membre du gouvernement
02:28 de Jacques Chirac et d'Alain Juppé.
02:30 Il est ministre de l'Economie et des Finances
02:33 et il démissionne rapidement après avoir été nommé.
02:36 J'avais à l'époque estimé que c'était la preuve
02:39 d'une forme de cohérence avec ses convictions
02:41 et ça m'avait impressionné.
02:43 -Alain Madelin incarnait la droite libérale à l'époque.
02:46 Vous avez milité dans son parti à partir de 1999.
02:51 Vous avez dirigé le mouvement des jeunes avec Madelin.
02:53 Quand Alain Madelin a intégré l'UMP,
02:56 vous l'avez suivi et là, c'est Alain Juppé
02:58 que vous avez rencontré.
03:00 Il a été le premier président de l'UMP.
03:02 Sur le papier, vous étiez pas faits pour vous entendre.
03:05 Ca s'est bien passé, il vous a fait confiance.
03:07 Comment vous expliquez que l'alchimie
03:10 se soit bien faite entre vous ?
03:12 -Alain Juppé, c'est quelqu'un qui est très à l'écoute,
03:17 contrairement à ce que l'image peut passer
03:20 ou peut laisser penser lui.
03:21 C'est quelqu'un qui est très à l'écoute
03:24 et qui a une vraie considération pour la jeunesse.
03:26 J'ai pu l'observer quand moi-même, j'étais jeune.
03:29 Et après, j'ai pu l'observer avec lui
03:31 parce que j'ai cheminé assez longtemps avec Alain Juppé
03:35 parce que j'ai commencé à...
03:36 Je l'ai rencontré en 2002, vous l'avez dit.
03:39 Et j'ai fait sa campagne... -En 2016.
03:41 -Exactement. J'ai fait sa campagne
03:43 pour les primaires de la droite et du centre en 2016.
03:46 J'ai eu l'occasion d'observer qu'avec les jeunes de 2016,
03:50 dont je faisais plus partie,
03:51 il avait la même écoute, la même bienveillance
03:54 et le même intérêt, au fond.
03:57 C'était pour quelqu'un de 25, 26, 27 ans,
03:59 je ne sais plus quel âge il avait à l'époque,
04:02 avoir un ancien Premier ministre, président de parti,
04:05 à l'époque présidentiable, qui s'intéresse à vous
04:07 et à votre point de vue,
04:09 c'était pas très difficile de bien s'entendre avec lui.
04:12 -A l'UMP, vous avez créé et présidé
04:14 le mouvement des jeunes populaires,
04:16 la première présidente des jeunes pop.
04:18 Vous avez côtoyé beaucoup de personnalités
04:20 que vous croisez à l'Assemblée, dans les rangs du RN, de LR,
04:24 de la majorité présidentielle, je peux citer Franck Alizio,
04:27 Sébastien Cheniot, Aurélien Pradié, Virginie Duby-Muller,
04:30 Aurore Berger, Gérald Darmanin, Benjamin Haddad,
04:33 et encore, je crois qu'il y en a d'autres.
04:35 C'était une bonne école de la politique, les jeunes pop ?
04:38 -Oui, d'abord, les mouvements de jeunesse,
04:41 c'est une école de la politique, certains disent, du vice.
04:44 -C'était la phrase de Mitterrand sur le mouvement
04:47 de la politique, c'est l'école du vice.
04:49 -Nous, on n'était pas des jeunes socialistes,
04:52 donc j'ai pas le sentiment d'avoir vécu dans l'école du vice.
04:55 C'était très formateur. J'en retire une bande de copains,
04:58 qui sont pas les noms que vous avez cités,
05:01 même si j'ai des affections pour certains.
05:03 -Vous avez repéré Aurélien Pradié.
05:05 -Oui, il était tout jeune. Il avait 16 ans.
05:08 Il était impressionnant, Aurélien, parce qu'à 16 ans,
05:12 il montrait qu'il avait du potentiel.
05:14 Il semblerait que ça n'ait pas été démenti.
05:17 -Vous avez traversé, au sein des jeunes populaires,
05:20 des moments difficiles, notamment quand Nicolas Sarkozy
05:23 a repris en main l'UMP. Il vous a demandé de démissionner.
05:26 C'est aussi ça, l'apprentissage de la politique,
05:29 cet aspect qui peut être parfois violent ?
05:31 -Oui, mais il m'a pas exactement demandé de démissionner.
05:34 -Il vous a poussé à la démission ?
05:36 -On peut le présenter comme ça.
05:38 Je savais très bien qu'en me présentant
05:40 à la présidence des jeunes de l'UMP,
05:43 qu'il n'était pas en soutien de ma candidature.
05:46 -Vous le voyez comme trop pro-Juppé, trop pro-Chirac,
05:48 alors que c'était pas assez pro-lui et pas assez pro-Sarkozy.
05:52 -Et c'était pas forcément faux,
05:54 mais c'était pas forcément vrai non plus.
05:56 Bref, quand on préside un parti
05:58 et qu'on veut être candidat à la présidence de la République,
06:01 on a envie d'avoir un mouvement de jeunes qui obéit
06:04 avec le doigt sur la couture du pantalon.
06:07 L'enjeu est tellement grand que je le comprends.
06:09 On aurait pu être gérés différemment.
06:12 C'est pas grave, on s'en fiche.
06:14 C'est passé maintenant, tout ça.
06:15 Mais oui, on m'a présenté comme anti-Sarkozy,
06:18 je l'étais au fond, pas à ce point.
06:21 -Ca vous a pas empêché de continuer dans la politique,
06:24 dans des cabines ministérielles, au Conseil général des Yvelines,
06:28 et en 2016, vous avez participé à la campagne d'Alain Juppé.
06:31 En 2017, l'affaire Fillon éclate,
06:33 et entre les deux tours de la présidentielle,
06:36 vous vous tournez vers Emmanuel Macron.
06:38 Pour bien resituer les choses, il faut se rappeler
06:41 qu'il y avait pas mal de ralliements à gauche,
06:43 mais encore peu à droite.
06:45 Ca a été difficile à prendre ?
06:47 -Oui et non. Non, parce que par rapport à beaucoup de mes amis
06:50 qui avaient des responsabilités politiques,
06:52 qui avaient des mandats, je l'ai engagé que moi-même.
06:55 Donc je n'avais pas grand-chose à justifier auprès de...
06:59 Ca n'était qu'un choix personnel.
07:01 Et après, oui, c'était difficile,
07:03 parce qu'on n'était pas nombreux à le faire.
07:05 Et que quand vous retournez vers vos amis
07:08 qui militent depuis 20 ans au même endroit que vous,
07:11 et que vous êtes seuls,
07:13 bah voilà, vous vous dites, "Bon, j'aurais préféré..."
07:16 La politique, c'est une aventure collective,
07:19 on le dit pas assez.
07:20 Moi, c'est comme ça que je le vis.
07:22 Et c'est vrai que ça a été un choix que j'ai fait seul.
07:25 -Peur de passer pour une traître ?
07:27 -Oui, bien sûr. -C'est ça, le risque ?
07:29 -C'est très compliqué de...
07:31 de faire en sorte, de faire comprendre aux gens
07:36 qu'on va pas à la gamelle, en fait.
07:38 On fait ça par conviction,
07:40 parce qu'on pense que c'est le bon choix.
07:42 Je pense que maintenant, les gens qui me connaissent
07:45 et qui ont pu juger de mon engagement depuis
07:47 savent ce qu'il en est, mais sur le moment,
07:50 il y a quand même ce premier réflexe,
07:52 ce premier jugement qui est porté
07:55 sur le fait de la trahison.
07:57 -Il y a une image, en 2022, qui m'a marquée,
08:00 c'est à la fin de la cérémonie d'investiture
08:03 d'Emmanuel Macron à l'Elysée.
08:05 On le voit aller saluer les principales personnalités
08:08 de la France, et il s'arrête pour vous saluer,
08:10 pour vous remercier personnellement
08:13 de ce que vous avez fait pour lui pendant la campagne présidentielle.
08:16 Ca a surpris pas mal de journalistes politiques.
08:19 Comment vous l'expliquez ?
08:21 -Je sais pas, peut-être parce que je suis en dessous
08:24 des radars des journalistes politiques.
08:26 -C'est l'impression que ça donne.
08:28 Tous les journalistes ont peut-être pas pris la mesure
08:31 du rôle que vous avez pu jouer. -Peut-être,
08:34 mais en plus, j'ai pas cherché à le valoriser particulièrement.
08:37 -Pourquoi ne pas chercher à vous mettre plus en avant ?
08:40 Vous avez occupé des fonctions importantes,
08:43 des postes de confiance.
08:44 Vous avez été secrétaire générale de la campagne d'Alain Juppé,
08:47 directrice administrative et financière
08:50 de celle de François Fillon,
08:51 trésorière de La République en marche,
08:54 puis déléguée générale adjointe.
08:56 C'est des postes où on reste dans l'ombre, en général.
08:59 -Oui, mais moi, je...
09:01 Je ne recherche pas la lumière.
09:03 Probablement que je la craignais aussi,
09:06 donc voilà, au fond, c'est quand même...
09:08 plus simple d'évoluer dans l'ombre.
09:12 En tout cas, c'est probablement moins de pression.
09:14 Donc voilà.
09:16 Après, j'essaie de faire sérieusement mon travail,
09:18 de faire en sorte que les gens qui me font confiance
09:21 en soient contents,
09:23 et maintenant, j'ai une dimension...
09:25 Je suis élu, maintenant,
09:27 et donc je sais qu'il y a une part d'exposition
09:29 que je dois aussi prendre,
09:31 parce que c'est ce qu'on attend aussi de la fonction.
09:35 -Vous avez été élue première caster de l'Assemblée en 2022,
09:38 aux côtés d'Eric Woerth et d'Eric Ciotti.
09:40 C'est une fonction stratégique de l'Assemblée.
09:43 On va en parler dans un instant,
09:45 mais là encore, c'est une fonction
09:47 qui n'est pas très connue du grand public.
09:49 -C'est un rôle...
09:50 fondamental.
09:52 -Oui, alors, sur le rôle, vous expliquez,
09:54 les casters sont à la fois trésoriers et préfets.
09:57 On parle souvent de ce côté trésorier,
09:59 vous gérez un budget très conséquent.
10:01 Combien c'est ? -600 millions d'euros.
10:04 -A peu près 600 millions d'euros par an pour l'Assemblée.
10:06 On retient moins souvent la dimension préfet.
10:09 Qu'est-ce que vous entendez par là ?
10:11 -Pour faire simple, les casters s'occupent
10:13 de la définition et de l'exécution du budget,
10:16 ils s'occupent d'accompagner le personnel de l'Assemblée,
10:19 c'est 1200 agents de la fonction publique parlementaire
10:22 et des contractuels, et ils s'occupent d'accompagner
10:25 les députés dans les moyens qui sont les leurs
10:28 pour mener à bien leur mandat.
10:30 Donc c'est trois gros morceaux, si on peut dire,
10:33 et au fond, vous touchez un peu à tous les domaines,
10:37 donc c'est peut-être en ça qu'une fonction préfet...
10:41 -Un peu plus préfet. Vous dites que caster,
10:44 c'est un poste aussi, voire plus stratégique
10:46 que secrétaire d'Etat. Si on vous propose
10:49 un poste de secrétaire d'Etat, vous direz non ?
10:51 -Je ne vais pas me faire beaucoup de copains
10:54 avec le secrétaire d'Etat. Non, mais c'est comme tout.
10:57 Caster, en tout cas, c'est une responsabilité très forte,
11:00 très importante dans l'institution,
11:02 on touche à énormément de sujets.
11:04 Je vais citer les trois principaux sujets,
11:07 les ressources humaines, le budget et l'accompagnement des députés,
11:10 mais en réalité, il y en a beaucoup d'autres.
11:13 Il y a le parc bâtimentaire,
11:15 il y a les investissements que l'on fait,
11:17 il y a la démarche environnementale,
11:19 il y a beaucoup de choses. Ca ressemble à la maire d'une ville.
11:23 -Vous êtes la maire de l'Assemblée.
11:25 On va passer à notre quiz.
11:26 Je vous explique le principe, je vais commencer une phrase
11:30 et vous allez devoir la compléter.
11:32 On y va.
11:33 Depuis que je suis casteur, beaucoup de députés...
11:36 -Ha !
11:37 Beaucoup de députés...
11:39 Euh...
11:40 font appel à moi pour...
11:41 pour les aider dans l'exercice de leur mandat.
11:44 -Pour régler des petits soucis. -Oui.
11:46 Ca va de sujets compliqués à des sujets moins compliqués,
11:49 de type chauffage ou climatisation. Il faut rester humble.
11:53 -Les députés qui utilisent TikTok, WhatsApp ou Instagram...
11:56 -Essayent d'intéresser les plus jeunes.
11:58 -J'avais en tête ce communiqué que vous avez publié
12:01 sur les invitants à faire attention à leurs données personnelles.
12:04 -Tout à fait.
12:06 C'est vrai qu'on a voulu sensibiliser nos collègues
12:09 au fait que l'utilisation de ces réseaux sociaux
12:11 pouvait les exposer et qu'il fallait être vigilant
12:14 à l'utilisation de l'ensemble des réseaux sociaux
12:17 par le biais des téléphones portables,
12:19 qui sont les leurs, donc on peut pas leur interdire
12:22 de les utiliser, mais ça nécessite de la vigilance.
12:25 -Enfin, quand je ne serai plus député,
12:28 je pourrai enfin...
12:29 -Euh... Oh là là !
12:30 -Faire plein de choses. -La liste est trop longue.
12:33 -Non, mais il y a plein de choses que j'aimerais plus faire.
12:37 En premier lieu, je m'occuperais probablement
12:40 plus de ma famille, donc voilà.
12:43 Et après, il y a plein d'autres choses que j'aimerais faire.
12:46 Mais je suis honnêtement une femme très épanouie
12:50 dans la façon dont je gère mon temps,
12:53 à la fois comme députée, comme mère de famille
12:55 et comme individu, donc tout va bien.
12:58 -Ce sera le mot de la fin.
13:00 Merci, Marie Guevenoud. -Merci à vous.
13:03 Générique
13:05 ...

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