La vision du Hamas : 'Gagner la guerre contre Israël'; Netanyahou a oublié 'la chose fondamentale'

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00:00 - On en parle avec Charles Anderlin, ancien correspondant de France 2 à Jérusalem,
00:04 auteur de "Israël, l'agonie d'une démocratie" publié au Seuil il y a quelques mois.
00:09 Bonsoir Charles Anderlin, merci beaucoup d'être avec nous ce soir.
00:13 D'abord, votre réaction suite à ce qu'a pu révéler ce New York Times,
00:18 ce New York Times sur ces documents du mur de Jéricho.
00:20 Est-ce que vous avez été surpris ?
00:23 - Bah écoutez, non.
00:23 D'abord, c'est une histoire qui court en Israël depuis pratiquement deux semaines.
00:28 Et puis, des informations sur ce grand échec des renseignements militaires
00:34 et du Shin Bet, la sécurité intérieure,
00:37 et bien cela court depuis les jours qui ont suivi l'attaque du 7 octobre.
00:43 Tout d'abord, les jeunes soldats qui étaient devant leurs écrans
00:48 et qui suivaient les préparatifs du Hamas depuis presque un an
00:53 n'arrêtaient pas d'alerter leurs supérieurs pour leur dire
00:56 "Attention, il se prépare quelque chose, il se prépare quelque chose".
00:59 Et on a fini par leur dire "Arrêtez de nous envoyer ces informations,
01:04 cela ne vous concerne pas".
01:06 Et puis par la suite, on a appris qu'effectivement,
01:08 il y a eu des informations, des renseignements qui venaient du Hamas.
01:13 En avril dernier, il y a eu une première alerte justement
01:18 à propos d'une possibilité d'attaque de grande envergure du Hamas
01:23 sur les localités israéliennes avoisinantes.
01:27 Cela n'a pas eu lieu.
01:29 Et puis alors ce fameux document, oui,
01:31 il court en Israël depuis une dizaine de jours, 40 pages, tout y était.
01:38 Une analyste des renseignements militaires
01:41 avait considéré que c'était du sérieux
01:43 et qu'il fallait effectivement en tenir compte.
01:46 Eh bien, elle n'a pas été écoutée, on voit le résultat.
01:50 Il faut dire que le 7 octobre,
01:53 32 bataillons de l'armée israélienne étaient déployés en Cisjordanie
01:57 à l'occasion de la fête de Simchat Torah, la fête de la Torah,
02:01 pour garder les colons qui préparaient notamment des événements
02:06 dans des villages palestiniens.
02:07 Oui, mais Charles Anderlin, comment expliquer en fait
02:09 que les services de renseignement,
02:11 est-ce que c'est eux ou l'armée n'est pas réagi après ?
02:13 Quand on voit en fait le niveau de détail d'un tel document,
02:17 est-ce qu'on peut faire un parallèle avec la surprise en 1973,
02:21 la surprise de l'attaque des pays arabes à l'époque pendant Yom Kippour ?
02:26 Eh bien, écoutez, oui, tout à fait.
02:28 C'est le même genre de ce que l'on appelle la conception.
02:31 C'est une vision de l'ennemi développée
02:34 par les renseignements militaires au plus haut niveau.
02:37 On pense que voilà ce que nous comprenons,
02:39 voilà ce que nous savons.
02:41 Et tout ce qui sort de cette vision,
02:44 tout simplement, n'est pas accepté.
02:46 C'est exactement ce qui est arrivé.
02:48 Maintenant, vous savez, on m'a dit aussi que cela venait
02:50 tout simplement du problème de la Start-up Nation.
02:54 Trop d'informations.
02:56 Il y a eu l'année dernière une grande recherche
03:00 au sein des renseignements militaires
03:01 sur l'utilisation de l'intelligence artificielle,
03:05 selon un des responsables de la fameuse unité 8200,
03:09 qui est l'unité informatique de recherche de l'armée israélienne,
03:15 comme quoi on n'a plus besoin de renseignements humains
03:20 et de grandes analyses venues de l'extérieur.
03:23 On enregistre toutes les informations, des milliers,
03:27 et puis l'ordinateur, les algorithmes vous donnent la réponse.
03:31 C'est probablement ce qui est arrivé.
03:33 Il y a même eu un moment où l'écoute des téléphones portables
03:38 et du renseignement électronique a été pratiquement arrêtée
03:42 sur certains éléments de la bande de Gaza.
03:45 Donc cela fait partie d'une conception.
03:48 Maintenant, à la base de tout cela, il y a la grande idée politique,
03:52 à savoir que le Hamas, c'est une organisation fondamentaliste,
03:57 certes, dangereuse, certes, mais ce qu'il recherche,
04:00 c'est avant tout pouvoir contrôler la bande de Gaza.
04:03 Il suffit d'accepter de leur envoyer des fonds.
04:07 Benjamin Netanyahou a autorisé le financement du Hamas
04:10 à une importance sans précédent.
04:13 Selon Ismail Hani, un des chefs du Hamas,
04:16 en 2020, le Hamas avait reçu du Qatar un milliard de dollars.
04:21 Et puis alors, tout ce qui rentrait dans Gaza,
04:24 ou une grande partie pour la reconstruction,
04:26 ça partait dans les souterrains.
04:28 Alors la grande idée, si le Hamas peut gérer Gaza financièrement,
04:35 on autorise également des ouvriers gazaouis à aller travailler en Israël,
04:39 ce qui ramène des salaires.
04:41 Et puis donc, voilà, simplement, c'était oublier la chose fondamentale.
04:45 Le Hamas est une organisation intégriste, fondamentaliste,
04:50 qui a une autre vision que tout simplement contrôler Gaza,
04:53 mais de gagner la guerre contre Israël.
04:56 Alors ce qui est intéressant tout de même,
04:57 c'est que le New York Times, Charles Anderlin,
04:59 ne dit pas si les services de renseignement ou l'armée
05:02 qui ont détenu ce document,
05:03 avaient transmis au pouvoir politique ce document.
05:06 Est-ce qu'on peut dire qu'il y a une responsabilité de Benyamin Netanyahou
05:09 de ne pas avoir vu, ou au contraire,
05:11 à ce qu'ils auraient été transmis de toute façon à son cabinet ?
05:14 Il ne les aurait pas lus ou il les aurait lus
05:16 et aurait pris une décision inverse justement,
05:18 qui était celle que vous venez de souligner.
05:21 C'est-à-dire celle de se focaliser sur la Cisjordanie
05:24 ou de faire en sorte que le Hamas continue à avoir des fonds,
05:27 mais justement, ne pas penser qu'une attaque soit possible.
05:31 – Écoutez, une attaque possible, la grande idée,
05:33 c'était des renseignements militaires
05:36 et le chef des renseignements militaires, l'année dernière,
05:40 dans une conférence, a annoncé que pendant les cinq années à venir,
05:43 il n'y aurait pas de guerre entre Israël et ses voisins,
05:47 ou même, bien entendu, le Hamas.
05:49 Maintenant, la responsabilité, évidemment,
05:51 remonte jusqu'au plus grand échelon, jusqu'à Benyamin Netanyahou.
05:55 C'est lui qui a mis en place cette vision selon laquelle
05:58 il faut aider le Hamas à se renforcer, à rester à Gaza,
06:03 quitte à l'affronter de temps à autre avec des tirs,
06:07 des bombardements lorsqu'il tire des roquettes,
06:10 mais dans l'ensemble, la stratégie israélienne
06:13 est de séparer Gaza de la Cisjordanie.
06:16 À partir de là, les affaires militaires,
06:18 c'est tout simplement un problème tactique.
06:21 Vous savez, Benyamin Netanyahou a quand même approuvé
06:24 la construction de la grande barrière électronique
06:27 qui est également souterraine autour de Gaza
06:30 pour 3 milliards de shekels.
06:32 Cette barrière a duré 10 minutes le 7 octobre.
06:37 Donc, il a sa responsabilité.
06:39 La responsabilité revient toujours au chef.
06:41 D'ailleurs, il le dit, c'est moi qui suis le responsable.
06:43 Donc, il y aura une commission d'enquête après la guerre, vous pensez ?
06:49 Oui, ce sera nécessaire.
06:50 La question est de savoir est-ce que Benyamin Netanyahou la veut ?
06:53 Je ne suis pas sûr.
06:54 Il est question d'une commission d'enquête gouvernementale
06:58 qui n'aura certainement pas les pouvoirs judiciaires
07:00 d'une commission d'enquête en bonne et due forme
07:03 présidée par un juge de la Cour suprême.
07:06 Donc là, on ne sera pas dans le même scénario qu'en 1973,
07:09 au moment où il y avait une commission d'enquête avec Golda Maire,
07:12 effectivement, qui avait été remise en question à l'époque.
07:15 On ne sera pas dans le même schéma ?
07:18 À l'époque, l'échelon politique n'avait pratiquement pas été touché.
07:21 C'est l'échelon militaire qui a été remis en question.
07:26 Maintenant, cette fois, la bataille de Benyamin Netanyahou,
07:30 autre la guerre qui se déroule à Gaza,
07:32 la guerre de Netanyahou, c'est de la survie politique après la guerre.
07:38 Les élections n'auront lieu que dans trois ans, normalement.
07:41 Pour l'instant, il s'agit de bétonner la coalition gouvernementale,
07:45 de veiller à ce que la Cour suprême soit présidée
07:50 par un juge proche du pouvoir, de la droite israélienne.
07:54 Et puis, l'affaire est avant tout politique en Israël.
07:59 Vous savez, par exemple, en ce moment même,
08:01 le budget, un pays en pleine guerre, il y a un problème budgétaire,
08:04 la guerre coûte très cher.
08:06 Eh bien, on continue à financer, par exemple, les écoles talmudiques
08:11 qui ont reçu 40% de budget supplémentaire,
08:15 alors que l'enseignement supérieur séculier,
08:18 lui, est réduit de 500 millions de shekels.
08:21 Donc, c'est ça aussi.
08:23 Le changement de régime est toujours là.
08:27 Benjamin Netanyahou, son ministre des Finances,
08:31 Bézalel Smotric, qui est le chef du Parti sionisme religieux
08:36 et un colon radical, veille à bétonner la coalition gouvernementale
08:41 par des budgets très importants et veillez surtout à ce qu'à l'issue
08:46 de cette guerre, eh bien, ils resteront tous là,
08:49 les 64 députés de la coalition sur 120,
08:53 pour empêcher le cas échéant.
08:56 Ce n'est pas le seul scénario possible, j'imagine.
09:00 Il y en aura d'autres.
09:00 Maintenant, vous savez, la guerre risque encore de durer pas mal.
09:03 Merci beaucoup, Charlon Derlin, d'avoir été avec nous,
09:05 auteur de "Israël, l'agonie d'une démocratie".
09:08 C'est publié au Seuil.
09:11 Bonne soirée. Bonne soirée.
09:12 *rire*

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