Ginette Kolinka, née Cherkasky le 4 février 1925 à Paris, est une survivante du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau et, à partir des années 2000, passeuse de mémoire de la Shoah.
Notre émission a été tournée dans le cadre de l'exposition " Ginette Kolinka, itinéraire d’une survivante d’Auschwitz ", qui est consacrée au cheminement d’une des dernières survivantes d’Auschwitz.
Cette exposition temporaire a lieu au Mémorial de la Shoah de Drancy jusqu'au 28 janvier 2024.
Notre émission a été tournée dans le cadre de l'exposition " Ginette Kolinka, itinéraire d’une survivante d’Auschwitz ", qui est consacrée au cheminement d’une des dernières survivantes d’Auschwitz.
Cette exposition temporaire a lieu au Mémorial de la Shoah de Drancy jusqu'au 28 janvier 2024.
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00:00 et qui se sentent partout à la maison.
00:02 Ce sont les seuls qui sont vraiment
00:06 à l'appel des éléments internationaux,
00:09 car ils peuvent faire leurs affaires partout.
00:13 Dès l'instauration du 3e Reich jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945,
00:29 les nazis vont mettre en place un processus d'extermination
00:32 contre les juifs, les homosexuels, les tziganes,
00:36 les handicapés et tous leurs opposants politiques.
00:39 Plus de 6 millions de juifs vont être assassinés
00:45 et la méthode de mise à mort va littéralement glacer le monde entier.
00:49 Après leur avoir fait croire qu'ils allaient aux douches,
00:53 on leur faisait inhaler un gaz mortel avant de les brûler.
00:56 C'est la première fois dans toute l'histoire de l'humanité
00:59 que de telles horreurs se sont produites.
01:02 Toutes ces personnes sont mortes,
01:04 non pas parce qu'elles étaient militaires ou qu'elles défendaient un territoire ou autre,
01:07 elles sont mortes tout simplement pour ce qu'elles étaient.
01:09 À la fin de la guerre et lors de la libération,
01:12 certains des prisonniers étaient encore vivants.
01:15 C'est le cas de Ginette Kolinka,
01:17 qui justement a passé plusieurs mois dans l'un de ses camps,
01:19 au Schwitz-Birkenau.
01:25 -Je suis Ginette Kolinka, née Tcharkovskie,
01:29 je suis juive, je suis née à Paris dans le 4e arrondissement.
01:33 J'ai toujours habité Paris,
01:35 sauf la période de guerre où on a été obligés de partir.
01:39 J'ai vécu la guerre, je peux dire, comme quelqu'un d'insouciante.
01:44 Je reconnais maintenant, j'avais quand même 14 ans,
01:47 je n'étais pas un bébé, mais vraiment,
01:50 je n'ai pas vu le danger, j'étais contentement,
01:55 comme une jeune, sans problème, sans souci.
01:59 Et puis, on a fallu qu'on parte parce qu'on était dénoncés,
02:04 dénoncés non pas comme juifs,
02:06 puisqu'il a fallu aller se faire recenser quand Hitler est arrivé,
02:10 et on a été se faire recenser dans les bureaux du commissariat.
02:15 [Musique]
02:33 -Est-ce que vous vous considérez comme heureuse aujourd'hui ?
02:36 -Moi, j'estime que j'ai eu une vie super heureuse,
02:42 et je souhaite à tout le monde d'avoir la vie que j'ai maintenant.
02:46 J'ai plus aucun problème, j'ai la chance d'être entourée
02:51 d'une famille qui… je vois, il y a des familles,
02:55 "ah non, tu ne viens pas, parce que je suis fâchée avec",
02:58 non, chez nous, les cousins, les cousines,
03:02 mes sœurs malheureusement ne sont plus là,
03:05 mais jamais, jamais, je ne me serais fâchée avec une de mes sœurs,
03:08 et mes sœurs ne se seraient jamais fâchées avec moi,
03:11 on était heureuses de se retrouver tous ensemble,
03:16 et non, alors maintenant, j'ai une vie très heureuse,
03:20 ça paraît bizarre parce qu'il y a tellement de problèmes,
03:23 mais non, moi, les problèmes, je pense que quand on a passé par Birkenau,
03:29 on ne va pas se plaindre du froid.
03:31 -1,3 millions de personnes ont été déportées à Auschwitz.
03:35 À la fin de la guerre, plus d'un million d'entre elles y avaient péri.
03:40 -On n'a plus de raison de se plaindre,
03:41 alors naturellement, il y a la question de santé,
03:44 moi j'ai la chance de tout ce que j'ai,
03:47 et j'ai eu plusieurs cancers, mais tout s'arrange,
03:51 tout est pris à temps, voilà, donc oui, je suis heureuse,
03:58 malgré tout ce qui se passe maintenant,
04:00 je suis, et je crie très fort, oui, j'ai une vie heureuse.
04:05 -Est-ce qu'on vous a l'impression qu'on vous a volé
04:08 une petite partie de votre adolescence,
04:10 où aujourd'hui, ce n'est pas vraiment quelque chose ?
04:11 -Non, on ne l'a pas volé, parce que je vous ai dit tout à l'heure,
04:15 j'ai vécu une jeunesse égoïste, c'est-à-dire sans penser que…
04:23 J'avais 14-15 ans pendant la guerre,
04:27 s'il n'y avait pas encore les histoires de juifs,
04:29 il y avait quand même des gens, des jeunes qui étaient à la guerre,
04:33 moi-même, j'avais des beaux frères qui y étaient,
04:36 mais égoïstement, ce n'est pas à eux que je pensais,
04:40 et moi j'ai vécu, je faisais partie d'une équipe de jeunes,
04:45 on faisait partie des auberges de jeunesse,
04:47 il n'y avait pas les facilités qu'il y a maintenant,
04:50 on partait à pied, à travers, on ne voit plus ça,
04:55 nous, on braillait dans le métro quand on rentrait le dimanche
04:58 d'avoir marché dans la campagne, on ne voit plus,
05:03 ça n'existe plus, vous voyez des jeunes,
05:06 vous n'avez même…
05:07 je n'ai jamais vu des groupes de jeunes qui chantaient dans le métro ou dans la rue,
05:11 on faisait exprès de descendre une ou deux stations avant,
05:16 où on voulait aller, et on partait à pied,
05:20 à travers les rues, alors que c'était la guerre,
05:25 on aurait dû être plus sérieux, mais on était jeunes.
05:30 – Et justement, pour des gens qui ne vous connaîtraient pas,
05:33 comment ça s'est passé justement là-bas dans les camps ?
05:35 Est-ce qu'à ce moment-là, vous aviez pensé à quelqu'un en particulier ?
05:38 – Ah non, alors là, si vous me parlez du camp,
05:43 et là je réponds, attention, mes réponses, c'est de moi que je parle.
05:48 – Bien sûr.
05:49 – Parce que, oui, vous vous dites bien sûr,
05:52 mais ceux qui écoutent pensent que dans les camps,
05:56 tout le monde c'était pareil, non, pas tout le monde c'était pareil,
06:01 il y en a qui ont souffert, tandis que moi, j'étais toute seule déjà,
06:05 et ça, j'étais très très contente d'être arrêtée toute seule,
06:09 parce que je pense à ceux qui étaient avec, comment même,
06:14 et j'y pense très très souvent, comment ont-ils pu accepter
06:19 de voir qu'on frappait leurs parents, leurs mères, leurs sœurs, leurs cousines,
06:25 comment ils ont pu accepter de les voir se changer, de les voir… je ne sais pas.
06:34 – Prisonniers de guerre, prisonniers politiques,
06:37 déportés en raison de leur religion, de leur origine ou de leur sexualité,
06:42 tous doivent passer par une phase de déshumanisation dès leur arrivée au camp.
06:47 – Alors que moi, j'avais la chance d'être toute seule et de penser qu'à moi,
06:52 mais ce que je crois, c'est que quand on est dans les camps comme ça,
06:59 et on pense qu'à soi, à mon avis, au début peut-être,
07:05 vous pensez un peu à aider quelqu'un qui est plus faible que vous, mais pas longtemps.
07:11 – Mais est-ce que typiquement, en ce moment, vous vous êtes dit,
07:14 peut-être la religion peut vous aider à faire passer le temps ?
07:17 – Non, moi, dans ma famille, on n'a jamais été religieux,
07:22 je suis, pour les autres, je suis juive, mais pour un juif, je ne suis pas juive.
07:30 Je ne sais pas ce que c'est que la religion, je n'ai jamais…
07:34 on ne dit pas "un juif n'est jamais athée",
07:39 un catholique qui ne pratique pas, je suis athée,
07:43 et bien moi, je suis athée chez les juifs.
07:45 – Et est-ce que vous aviez à ce moment-là des informations
07:47 de ce qui se passait en dehors des camps ?
07:49 Est-ce que les joualiers vous donnaient des informations ?
07:52 – Non, si, les informations, on en avait, chaque fois qu'il y avait un arrivage,
07:57 on avait des nouvelles fraîches, comment on savait les dates,
08:01 parce qu'on connaissait les dates, tout au moins, je crois,
08:06 que les gens étaient comme moi, et bien, quand il y avait un arrivage,
08:10 on savait qu'ils avaient été arrêtés telle date,
08:13 et puis qu'ils étaient partis telle date, on connaissait les dates.
08:19 – Et combien de temps vous êtes resté en tout ?
08:21 – 15 mois.
08:22 – 15 mois, et vous aviez de la nourriture tous les jours,
08:25 les conditions étaient comment ?
08:27 – Ah ben tous les jours, vous savez, c'est triste à dire,
08:30 mais quand vous mangez du caviar et de la langouste tous les jours,
08:34 ben vous en avez marre.
08:37 – Oui, ça c'est sûr.
08:39 – Mais quand je dis ça aux jeunes,
08:42 ben non, naturellement qu'on n'avait pas du caviar et de la langouste,
08:45 alors le matin, si vous voulez, on avait, on ne peut même pas dire une tasse,
08:52 parce que ni un bol, on nous servait dans des espèces de boîtes en fer
08:57 qui n'avaient aucune forme, qu'un chien même n'aurait pas mangé dedans,
09:02 alors là, on avait une espèce d'eau teintée, un peu noire, un peu marron,
09:08 on appelait ça du café, et puis il fallait attendre l'heure du déjeuner,
09:13 alors le déjeuner, c'était la capot qui le distribuait,
09:18 et la capot, elle n'était pas folle, si par hasard, on dit une louche,
09:25 ils nous servaient avec une boîte de conserve attachée avec un bout de bois,
09:31 avec ça on nous servait, et bien une boîte de conserve toute rouillée,
09:37 parce qu'à l'époque les boîtes de conserve n'étaient pas comme maintenant,
09:41 et bien elles nous servaient, si par hasard, dans la ration qu'elles vous servaient,
09:48 il y avait un petit bout de légumes qui flottait, ou un petit bout de viande peut-être,
09:53 et bien elles le prenaient et elles le mettaient de côté,
09:57 et je me rappelle toujours la première fois qu'on est à la distribution,
10:04 on est les unes derrière les autres, on tient bien notre place,
10:08 et celle qui est devant moi, la capot la sert,
10:11 et justement dans la louche qu'elle lui sert, il y a un petit bout de quelque chose,
10:17 la capot le prend et le met dans sa petite boîte qui est à côté d'elle,
10:21 et bien la fille, "eh dis donc c'est à moi ça ?"
10:25 "ah c'est à toi ça, ah madame c'est sa soupe",
10:29 et bien elle lui a pris sa petite ration de soupe qu'elle attendait depuis le matin,
10:33 elle l'a jetée par terre, "qu'est-ce que c'est à toi ?"
10:36 "eh bien lèche", voilà, ça c'était la première distribution,
10:40 et vous avez compris tout de suite ce qu'il faut vous dire,
10:46 on n'avait pas le droit ni de faire quoi que ce soit,
10:50 et c'était avec les capots,
10:52 et les capots c'était des personnes qui étaient déportées comme nous,
10:56 mais comment qu'elles étaient choisies,
11:01 toutes les filles comme moi on se demande toujours où est-ce qu'ils allaient les chercher.
11:06 – Et est-ce que vous aviez parfois des joailliers qui étaient justement gentils avec vous ?
11:11 Est-ce qu'il y en a qui ont… il y a eu parfois un geste aimable,
11:15 qui discrètement prenaient de vos nouvelles ?
11:17 – Parmi celles qui nous commandaient, non, moi je ne me rappelle pas,
11:24 mais des coups oui, mais pas des traitements gentils,
11:29 mais bon, peut-être que ça existait quand même,
11:32 mais moi je parlais uniquement que le français,
11:35 alors il fallait, si j'ai tombé sur des françaises,
11:38 on ne se faisait pas la guerre, même si on n'était pas…
11:45 on était même indifférents,
11:47 moi je crois qu'ils nous auront dit tout de suite,
11:51 tout de suite des personnes égoïstes, on n'était plus des personnes humaines.
11:57 – Mais typiquement vous avez gardé contact avec personne par la suite,
11:59 vous n'étiez pas fait des camarades ?
12:01 – Alors j'ai retrouvé des camarades,
12:03 on a eu la chance d'être un petit groupe de jeunes,
12:07 on s'était connu à Dorency, on s'était connu à Marseille,
12:12 d'abord Marseille, après Dorency,
12:14 et on a eu la chance toutes les cinq ou six, je ne me rappelle plus, à revenir.
12:21 Alors on est resté un petit peu en contact,
12:25 et puis petit à petit, il y en a qui sont partis,
12:28 ils se sont mariés, ont des enfants,
12:31 on est plus resté… on restait légèrement en contact les uns les autres,
12:36 mais pas… moi des copines très très… des copines de camp,
12:42 à part Marceline, Marceline Riden, avec qui j'ai été tout le temps,
12:48 c'est la seule que je peux dire, on ne s'est jamais quitté,
12:53 mais je n'étais pas copine quand même avec elle,
12:55 parce que moi j'avais 19 ans, elle en avait 15 à peine,
13:01 alors naturellement, elle avait des copines de son âge.
13:04 – T'es sûre ?
13:05 – Je ne me suis pas faite copine, comme on pourrait croire.
13:10 – Non, ça ne se soudait pas plus que ça ?
13:12 – Non, non, il n'y a pas tellement longtemps que j'ai réalisé que,
13:18 à Birkenau, je ne sais pas si vous vous rappelez,
13:22 on dormait dans des espèces de cases qu'on appelait des koya,
13:29 1m50 sur 1m50, on était 6 là-dedans.
13:33 – Chaque bâti s'abrite jusqu'à 1 200 prisonniers,
13:37 qui s'entassent pendant des mois sur le sol,
13:42 puis dans des lits qu'ils auront construits.
13:45 – Mais il y en avait 6 au-dessus et il y en avait 6 en dessous,
13:49 et bien je suis incapable de dire quelles étaient les personnes qui étaient là,
13:54 alors que je suis restée un minimum de 6 mois,
13:58 tous les soirs, à être avec les mêmes.
14:01 Je ne sais pas qui c'était.
14:03 – Parce qu'avec le temps, c'est normal que ça s'évite.
14:07 – Je ne sais pas, je ne sais pas, et malheureusement,
14:12 si je m'étais rendue compte de ça quand j'étais encore avec mes camarades,
14:18 que j'ai connus à Torresilles et à Marseille,
14:19 je leur aurais posé la question.
14:21 Mais là maintenant, il y a encore des survivants,
14:25 et si je leur pose la question, c'est pas…
14:29 Vous savez, à un mois près, c'était différent,
14:35 même un arrivage, et 8 jours après il y en a un autre,
14:40 on n'a pas subi les mêmes choses.
14:42 – Bien sûr, et le 30 avril 1945,
14:47 quand vous avez appris le suicide d'Adolf Hitler, est-ce que…
14:50 – Non, non, ça je n'ai pas réalisé du tout.
14:52 – Vous n'aviez pas forcément…
14:53 Mais est-ce que vous vous êtes dit,
14:54 j'aurais peut-être aimé qu'il soit peut-être jugé autrement ?
14:57 – Ouais, ouais, comme ça, les capots, les trucs,
15:02 c'est à petit feu qu'il aurait fallu les faire mourir.
15:06 Mais c'est trop facile la mort.
15:09 – Donc justement, sur le coup, vous auriez dit,
15:11 j'aurais préféré qu'il soit soit jugé…
15:13 – Il aurait fallu que je le mette dans les mains des déportés,
15:16 et on l'aurait fait travailler comme il nous a fait travailler, là, oui.
15:21 – Les hèteliers ont été,
15:25 ce n'est pas très strict,
15:29 mais ils ont été très méthodiques.
15:32 – Jusqu'au bout, ils défendent le régime nazi.
15:35 Mais à Nuremberg, un seul va renier ses convictions
15:38 et prétendre ne rien savoir de l'Holocauste.
15:42 C'est pourtant un des plus proches d'Hitler,
15:44 Albert Speer, l'architecte.
15:47 – Et même aujourd'hui, ça vous arrive parfois de faire des visites
15:51 avec des jeunes enfants, où vous les amenez sur les lieux
15:53 et vous leur dites, regardez, il me permet les yeux,
15:56 et imaginez qu'en dessous…
15:58 – Oui, exactement, depuis maintenant,
16:00 parce que ça fait trois ans que je ne vais plus en Pologne,
16:03 mais sinon, avant, quand j'y allais, je disais,
16:06 ce qu'on voit maintenant, le camp,
16:09 ce n'est pas du tout ce que nous, on raconte.
16:11 Et je leur dis, à chaque pas que vous faites,
16:15 vous pouvez être sûr qu'il y a quelqu'un qui est tombé sous les coups.
16:18 Il n'est peut-être pas tombé mort, il est peut-être tombé évanoui,
16:21 il est peut-être tombé ensanglanté, mais chaque pas que vous faites,
16:25 vous êtes sûr qu'il y a quelqu'un qui est tombé sous les coups,
16:28 de capot, ou de… pas tellement des…
16:31 Moi, je n'ai jamais vu, non, de quoi même que je n'ai jamais vu,
16:34 de soldats nous frapper.
16:36 Et les soldats qu'on a jugés, mais je n'ai jamais touché un seul…
16:42 Oui, c'est sûr, ils ne les touchaient pas eux-mêmes,
16:45 mais ils donnaient des ordres.
16:47 – Oui, ça, c'est pareil.
16:50 Et justement, comment on se reconstruit après ça ?
16:53 Est-ce qu'on arrive peut-être pas à pardonner ?
16:55 Le mot est peut-être très fort, mais…
16:57 – Qu'est-ce que vous dites ? – Pardonner ?
16:58 – Alors là, je me saute dessus.
17:00 Là, quand les jeunes me parlent de pardon,
17:04 je leur saute dessus.
17:06 Et ça, c'est plus Ginette la souriante et tout.
17:09 Non, on ne peut pas pardonner, c'est trop facile.
17:11 Tu vas faire des cochonneries, tu vas violenter quelqu'un,
17:15 et puis après, pardon, je ne referai plus.
17:18 Ah non, ça serait trop facile.
17:20 Non, non, pas d'excuses, pas de pardon pour les nazis,
17:25 parce que ça, je répète, je répète, je répète,
17:28 je fais une très grande différence entre les nazis,
17:33 les allemands de l'époque hitlérienne et maintenant.
17:37 – Bien sûr.
17:38 – C'est pas bien sûr, parce que ce n'est pas le cas pour tout le monde.
17:41 Moi, j'ai des camarades, jamais je ne mettrai un pied en Allemagne,
17:45 moi, jamais, tout ce qui est allemand, je n'achèterai jamais.
17:49 Non, moi, pas du tout.
17:50 Un allemand qui a 75 ans, quand moi je souffrais,
17:55 c'était un bébé, pourquoi je vais lui en vouloir ?
17:58 Son père, son grand-père, oui, d'accord,
18:03 à eux, aucun pardon.
18:05 – Et comment se reconstruire, justement ?
18:07 – Eh bien, ça dépend, tout ça, ça dépend de son retournage.
18:11 Moi, j'ai eu la chance de rentrer, de retrouver ma mère,
18:16 de retrouver mes soeurs, qui avaient eux-mêmes retrouvé
18:20 l'appartement que nous avions avant, parce que quand on quittait Paris,
18:24 les appartements étaient pris, on n'était pas propriétaires,
18:28 on était locataires, eh bien le propriétaire,
18:32 parce que quand on a été arrêtés,
18:34 je ne sais pas qui prenait tout ce qui était dedans, je ne sais pas.
18:40 Il y en a qui disent la Gestapo, les voisins peut-être, je ne sais pas.
18:47 J'avoue franchement que je n'ai jamais posé de questions très précises là-dessus.
18:52 – J'ai une petite question par rapport justement au conflit israélo-palestinien
18:56 qui se passe en ce moment, qu'est-ce qu'on se dit à votre place ?
19:00 Est-ce que notre société, notre époque actuelle et les hommes qui la composent,
19:04 ils ont toujours autant de haine ?
19:06 – Alors, attention, ma réponse c'est la haine.
19:11 Eh bien, on ne se dit rien.
19:14 On ne se dit rien parce que ça c'est une histoire de maintenant,
19:18 et moi quand je parle, je raconte mon histoire, celle que j'ai vécue.
19:23 Alors, ne me posez pas de questions sur le problème palestinien et israélien.
19:29 Ce que je peux vous dire c'est qu'on est tous capables
19:33 et on devrait tous être capables de vivre avec nos soi-disant ennemis,
19:40 parce qu'en réalité qu'est-ce qu'on est ?
19:42 Que des êtres humains.
19:44 Alors, si on ne parlait pas de religion, eh bien ça serait formidable.
19:49 – Et aujourd'hui, qu'est-ce que vous diriez à la jeune femme
19:53 que vous étiez plus jeune, de peut-être toujours croire en la vie ?
19:56 – J'espère que jamais, jamais personne ne revivra des périodes comme ça.
20:02 – Et dernière petite question,
20:04 est-ce que vous avez peur que plus tard on oublie ce qui s'est passé ?
20:07 – Je n'ai pas peur, je n'ai pas peur.
20:11 Égoïstement, je suis là maintenant et je vis le présent.
20:18 Peut-être que je ne vis pas ce qui était derrière,
20:23 parce que j'en parle beaucoup, mais je ne fais pas non plus de projet.
20:27 J'ai 99 ans, qu'est-ce que je voulais faire comme projet ?
20:30 Donc moi je vis le présent.
20:33 Le matin je me réveille, je suis encore en vie,
20:36 et je regarde les actualités et je me dis,
20:40 ça ne changera jamais, les gens sont toujours prêts à se battre pour eux,
20:47 alors qu'on pourrait tellement, tellement tous s'accorder.
20:50 – Oui, merci beaucoup à vous, Pat pour l'interview.
20:53 J'espère que cette vidéo vous aura plu.
20:54 N'hésitez pas à nous dire ce que vous en avez pensé en commentaire,
20:57 à mettre un petit like et puis aussi à vous abonner pour nous soutenir,
21:00 ça fait toujours plaisir.
21:01 [Musique]