• il y a 11 mois
Marie Vaislic, 93 ans, est une rescapée de la Shoah. Dénoncée par un voisin comme juive, elle est arrêtée en juillet 1944 devant chez elle à Toulouse. Elle est déportée au camp de femmes de Ravensbrück, dans le
nord-est de l'Allemagne. Seule, Marie réalise qu'elle ne pourra compter que sur elle-même.

#Shoah #campdeconcentration #Ravensbrück #déportée #déportation #génocide #survivante #mémoire

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Transcription
00:00 J'ai toujours eu la mort à côté de moi, en toutes choses.
00:25 Dans les transports, les wagons à bestiaux, là où nous étions, il y a deux petites ouvertures de chaque côté.
00:33 Alors il y avait les hommes qui regardaient là. Et puis un jour, ils se sont aperçus, quand on traversait les gares,
00:39 que ce n'étaient plus les gares françaises, que c'était des noms allemands.
00:46 Alors là, l'atmosphère commençait à être différente. Mais là, tout le monde était déjà fatigué.
00:53 Et là, c'est la première fois que moi, je me suis évanouie.
00:57 Ça, c'était la première fois, mais ça devait être la chaleur, la promiscuité, on était serré.
01:06 C'était des conditions vraiment très, très pénibles.
01:12 Quand on était en quarantaine, la Stubova, elle a fait venir les mères avec les enfants.
01:35 Et puis elle a dit que les enfants jusqu'à 14 ans, lèvent le doigt ou le bras, je ne sais pas.
01:44 Et moi, je venais juste d'avoir 14 ans. Je suis née en juin et ça, ça s'est passé au début août.
01:51 Alors j'ai levé le bras et ça a été ma chance. Là, ça a été ma première chance.
01:58 C'est là où j'étais considérée comme enfant. Après, c'est moi qui ai vu ce que je pouvais faire.
02:05 [Musique]
02:12 J'étais avec des mamans qui s'occupaient de leurs enfants.
02:16 Donc moi, j'étais là, pourquoi et comment, puisque j'étais seule.
02:22 Donc très vite, j'ai pris conscience qu'il fallait que je compte que sur moi.
02:27 Si je ne faisais pas attention à moi, eh bien, je ne serais pas là en train de vous parler.
02:37 Parce que j'ai vu qu'autour de moi, personne ne faisait attention à moi.
02:42 Au contraire, peut-être qu'on me poussait, qu'on me faisait… Bon.
02:47 Mais alors j'ai dit non, il faut que je pense d'abord à moi, il faut que je vois, que je m'oriente.
02:54 Et encore, j'ai eu la chance de rencontrer une personne là-bas, j'en parle d'ailleurs, Mimi,
03:03 qui m'a considérée comme sa fille, qui m'a expliqué ce qu'il fallait que je fasse.
03:10 Elle me connaissait indirectement.
03:12 C'est la seule qui vraiment s'est penchée affectueusement sur moi.
03:18 Je remarquais dans un sens, c'était peut-être normal, que les mères protégeaient leurs enfants.
03:27 C'était normal.
03:30 Mais moi, je sentais un vide.
03:33 Je me sentais seule.
03:34 Et c'est épouvantable quand vous vous sentez seule.
03:37 J'ai toujours eu quelque chose qui a joué avec la mort.
03:43 J'étais avec Mimi, et puis le couvre-feu, la sirène a sonné.
03:49 Et je n'ai pas eu le temps d'aller dans mon bloc.
03:54 Alors une capot, je ne sais pas quoi, m'a prise et m'a mise dans une baraque.
04:01 Et là, elle m'a indiqué où j'allais me coucher.
04:07 Bon, j'ai dormi toute la nuit.
04:09 Et le matin, je ne vous raconte pas comment, je me suis aperçue que j'avais dormi toute la nuit à côté d'une morte.
04:18 Voilà.
04:19 Et ça, ça a été la première fois.
04:21 J'ai toujours eu la mort à côté de moi.
04:24 En toutes choses.
04:28 Il y avait là, et puis Albert Heimbels, alors là, n'en parlons pas.
04:36 Albert Heimbels, je vivais avec les morts.
04:39 Quand les Russes ont commencé à avancer, et qu'on a vidé tous les camps de l'Est,
05:05 c'est là où ils ont commencé, on a parlé, cette marche de la mort.
05:11 Il y a eu des personnes, pleines de déportés, qui sont arrivés à Ravensbruck.
05:15 Et Ravensbruck ne pouvait pas contenir autant de personnes.
05:20 Alors on a vidé ce qui était à Ravensbruck.
05:25 On nous a mis dans un train assez l'ouvert.
05:28 Voilà, on est partis là pendant un certain temps.
05:31 Après on nous a fait des cendres, et on a continué à pied.
05:35 Quand vous arriviez, il y avait une odeur indescriptible.
05:40 Une odeur, vous ne saviez pas d'où ça venait.
05:43 Enfin on l'a vu après, ce sont les faux crématoires,
05:48 qui de nuit des jours, crachaient leur fumée.
05:52 Quand on était dans la grande pièce, quand on nous a fait des habillés,
05:57 et quand les Sturmbaufer, ou les Capots, je ne sais plus,
06:01 c'est plutôt les Capots qui nous amenaient là.
06:04 Quand ils ont commencé à dire, on va vous donner du savon,
06:09 et vous allez aux douches.
06:12 Douches, parce qu'on savait tout ce qui se passait,
06:17 à Auschwitz, ailleurs.
06:22 Là, pour moi, j'ai dit ça y est, cette fois-ci c'est fini.
06:28 Douches, ce n'est pas de l'eau, c'est du gaz.
06:34 Donc ma vie est terminée là.
06:37 J'étais sûre, quand on est allé dans cette salle,
06:49 j'étais sûre d'aller à la mort là.
06:53 Et là, c'était fini, je n'ai pas pu pleurer,
06:57 même des années après, ça m'est toujours resté dans les yeux,
07:03 aucune larme, je n'ai pu verser de larmes.
07:14 Quand les Anglais sont arrivés,
07:17 je pense que s'ils étaient arrivés une semaine après,
07:22 je n'aurais pas survécu.
07:25 Ils sont rentrés, et je pense qu'ils n'ont pas su nous soigner,
07:29 parce que nous étions des grands malades.
07:32 Nous n'avions pas mangé, nous n'avions pas bu, depuis combien ?
07:37 Ils ont été effarés de voir ça.
07:42 Et ils nous ont donné une soupe,
07:50 je ne sais pas comment un médecin a eu l'idée de nous donner ça.
07:56 J'en parle, parce que moi qui avais supporté pendant tout le temps,
08:01 je n'avais même pas eu un seul rhume.
08:05 Et là, avec cette soupe,
08:08 tout était tombé en bas,
08:12 là c'était le gras et tout ça,
08:14 mais j'avais tellement faim, je m'étais précipité,
08:17 on m'avait donné dans une gamelle,
08:19 et puis le soir, ça a été rapide,
08:23 j'avais une décentrée, j'étais malade, comme je ne sais pas quoi.
08:27 Et là, pourquoi je vous dis ça ?
08:30 Parce que je pense que peut-être 80% des personnes
08:36 qui étaient vivantes à Berimbels,
08:40 à la Libération, quand les Anglais sont arrivés,
08:44 sont décédées par les mauvais soins qu'on nous a donnés.
08:57 Je voulais effacer ça de mon esprit,
09:01 je ne voulais pas à un enfant de parler.
09:05 Et puis surtout, quand on est rentré,
09:08 on n'a pas voulu nous écouter, personne.
09:11 On disait, c'est pas possible.
09:14 Si on nous racontait que c'était si mauvais,
09:18 comment ça se fait qu'ils en sont revenus ?
09:22 Et moi, c'était pareil, comment un enfant est revenu ?
09:27 Qu'est-ce qu'elle a pu faire ?
09:30 Qu'est-ce que j'aurais pu faire ?
09:33 Et ça a toujours été ça, sous-entendu.
09:36 Papa ne m'a pas questionné.
09:39 Lui, il venait de perdre son père et sa mère.
09:43 Et maman, elle a eu la chance,
09:46 elle avait combien de frères ?
09:49 Et les trois étaient restés vivants.
09:52 Donc, comme ça, quand elle parlait,
09:55 et quand je voulais lui parler,
09:58 elle me disait, mais non, toi, tais-toi.
10:01 Les Juifs français n'ont pas souffert,
10:04 pas comme les Juifs polonais.
10:07 Donc, si vous voulez, je me suis tue.
10:10 Et puis à l'extérieur, on ne voulait pas nous entendre non plus.
10:14 C'était une période où De Gaulle
10:17 voulait remonter le moral des Français
10:20 et ne parler que de la résistance.
10:23 Le jour de la libération de Paris,
10:26 vous aviez 99 % de résistants.
10:30 Les autres, non.
10:33 En fait, c'était comme ça.
10:36 Donc, les Juifs, on n'en parlait pas.
10:39 Sous-titrage Société Radio-Canada
10:42 [Musique]

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