• l’année dernière
Une personne sur quatre est atteinte d’un trouble psychique à un moment de sa vie. Et la pandémie de Covid-19 a encore renforcé ces troubles. Pour briser le tabou, personnalités et anonymes se confient au micro de Yahoo dans "Tourments", le nouveau format de Yahoo.
Maman d’un enfant autiste et autrice d’un récent ouvrage sur le sujet, Valentine Lecêtre a fait tout son possible pour le sortir de sa bulle. Pour Yahoo, elle a accepté de se livrer sur son histoire, expliquant le combat qu'elle a mené pour que son fils s’intègre au mieux dans la société malgré sa différence. Pour elle, l’autisme n’est pas une fatalité. Elle a donc rappelé l’importance de ne pas perdre espoir, livrant un beau message d’espoir.
Au total, les troubles du spectre de l’autisme (TSA) représentent entre 0,9 % et 1,2 % des naissances, soit environ 7 500 bébés chaque année. La Haute Autorité de santé estime donc qu’environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans et près de 600 000 adultes sont autistes en France. Pour rappel, l’autisme se manifeste par des troubles de la communication, des intérêts ou activités obsessionnels, des comportements à caractère répétitif, ainsi qu’une forte résistance au changement. La personne présente aussi souvent des hyper ou hypo-sensibilités sensorielles (sons, lumière, couleurs, toucher…), des signes qui s’expriment avec des intensités variables.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Mon nom est Valentine Lecettre, je suis maman d'un enfant qui a été diagnostiqué autiste
00:04 à l'âge de 16 mois.
00:05 Il a aujourd'hui 9 ans.
00:08 J'ai décidé d'écrire un livre pour aider d'autres parents tout simplement à traverser
00:12 ces épreuves et peut-être aller plus vite et prendre les bonnes décisions.
00:15 Mon fils a été diagnostiqué à 16 mois.
00:20 Il n'a pas été diagnostiqué par un médecin au premier abord, il a été diagnostiqué
00:25 plutôt, on va dire, verbalement par moi.
00:27 Un jour, mon ex-mari qui voulait avoir un deuxième enfant m'a dit « Pourquoi, ce
00:32 ne serait pas le timing de faire un deuxième ? » et je lui ai dit « Mais le premier
00:34 est autiste, tu ne te rends pas compte de ce que je vis à la maison ? »
00:37 Et ça a résonné en lui, en moi et en fin de compte, c'était la première fois que
00:42 j'en parlais.
00:43 Il y avait plusieurs signes, notamment la perte du regard.
00:47 Ça veut dire que vous avez un enfant qui lorsqu'il prend le vibron ou le sein, il
00:53 vous regarde dans les yeux au plus profond et on a l'impression qu'il voit à travers
00:56 vous.
00:57 C'est un petit peu spécial ce que vous vivez avec un enfant quand il est tout petit
01:01 et au fur et à mesure, il ne me regardait plus.
01:02 Ce n'est pas quelque chose de commun, l'enfant regarde la mère, c'est une question de
01:06 survie en fait, c'est un réflexe.
01:09 Donc il ne faisait pas ça et au fur et à mesure du temps, je me suis aperçue qu'il
01:12 ne réagissait pas aux bons sons, aux bons bruits.
01:14 En revanche, il n'aimait pas qu'on le touche, il n'aimait pas les bruits forts,
01:17 l'eau, les caresses.
01:21 C'était un enfant qui me repoussait tout le temps au plus jeune âge.
01:27 C'était inquiétant et il faisait beaucoup de crises.
01:29 J'ai connu un enfant qui jusqu'aux premières années de sa vie ne savait que pleurer ou
01:34 rire.
01:35 C'était assez déroutant.
01:37 La plupart des parents sont dans le déni et c'est souvent le père qui est le plus
01:41 dans le déni que la mère parce que souvent, encore plus si c'est un enfant qui est un
01:45 mâle, l'homme se voit dans l'enfant et donc ne voudrait pas être dans un échec.
01:52 Il va compter comme quelque chose de personnel alors que ce n'est pas le cas.
01:55 Quand j'ai perçu les premiers signes qui m'ont alertée, je me suis tout de suite
01:59 dit qu'il fallait faire quelque chose et alerter le plus de personnes possibles autour
02:04 de moi.
02:05 J'ai été voir premièrement forcément ma pédiatre qui m'a dit qu'il n'y avait
02:08 pas de signe et que c'était mon premier enfant.
02:11 J'ai été à la crèche où on m'a dit oui, il est très difficile mais bon, voilà.
02:16 Les signes ne sont pas forcément tous aussi révélateurs pour certaines personnes qui
02:21 ne sont pas familières avec tous ces petits pointeurs au plus jeune âge et c'est vraiment
02:27 là le problème puisque les diagnostics sont faits à l'âge de 4-5 ans en France.
02:31 Peut-être même 5-6 ans quand j'ai eu le diagnostic.
02:33 Il faut vraiment pouvoir diagnostiquer un enfant avant ses 5 ans pour pouvoir vraiment
02:38 l'aider.
02:39 Après on peut mais c'est moins facile.
02:41 Quand j'ai vu qu'on cochait toutes les cases, je me suis dit qu'il y avait urgence
02:47 d'avoir un diagnostic de quelqu'un qui nous dise qu'en fait on se trompe.
02:49 Donc on a pris rendez-vous, on a rencontré des psychologues, suite à quoi ils nous
02:56 ont effectivement confirmé malheureusement que je n'étais pas folle et que mon fils
02:59 avait bien un trouble du spectre autistique et probablement juste autiste.
03:03 Alors quand tout le monde me confirme ce que je pensais intimement, il n'y a pas 150
03:09 solutions.
03:10 Donc forcément j'ai essayé de trouver des livres, des méthodes, quelles étaient
03:15 les recommandations de l'AHAS.
03:17 Et en fait ce que je voyais c'est qu'on ressort avec cette phrase "on est autiste,
03:23 on ne sort pas de l'autisme".
03:24 Mais qu'est-ce que l'autisme si ce n'est pas une boîte noire finalement où il y
03:30 a des gens qui sont d'un côté au potentiel et de l'autre côté des enfants qui sont
03:35 enfermés dans leur monde.
03:37 C'est vraiment très très large.
03:39 Donc la plupart disaient que ce n'était pas un futur qui allait être positif avec
03:47 juste des façons d'avoir une vie meilleure dans les circonstances.
03:52 Mais il y avait très peu de livres ou de méthodes où on vous disait "on peut s'en
03:56 sortir et votre enfant autiste va pouvoir avoir une vie tout à fait normale".
03:59 Donc forcément j'ai choisi ceux qui disaient ça, qui étaient positifs.
04:03 Donc lorsque j'ai été voir cette première personne qui m'a fait le diagnostic de Sacha,
04:10 ce qui m'a interpellée c'est qu'elle m'a dit qu'elle aurait pu l'aider et
04:13 qu'on était en retard.
04:14 Donc mon fils avait 16 mois et elle m'a dit "si vous étiez venu voir avant ces un
04:18 an, j'aurais pu vous aider".
04:20 Pourquoi ? Parce que je pars à la retraite dans trois ans et qu'en un an, deux ans,
04:24 trois ans, je peux soigner et sortir de l'autisme tout à fait un enfant qui a moins d'un
04:28 an.
04:29 À un an et demi, il faudra trois, quatre, cinq ans et je ne serai plus sur le circuit.
04:32 Donc je vais vous envoyer à d'autres personnes.
04:36 J'ai compris qu'en fin de compte il y avait une urgence, pas seulement parce que
04:39 la personne partait à la retraite mais parce que plus on attend, plus ça va être difficile
04:43 de sortir de son monde.
04:45 Une fois que cette décision est prise, elle m'a recommandé d'aller voir une sensimotricienne,
04:50 une orthophoniste, une psychothérapeute, une pédopsychiatre, toute une ribambelle
04:57 de personnes que j'ai vues.
04:59 Et j'ai mis en place ce que recommandait l'association avec laquelle j'ai travaillé
05:04 la première.
05:05 Il y en a eu plusieurs.
05:06 Donc on a mis en place à 16 mois, il a fallu trois ans pour avoir des vraies différences.
05:11 Malgré tout, mon fils est devenu verbal entre les deux.
05:14 Ce qui était plus embêtant, c'est qu'il répétait en boucle les mêmes phrases.
05:18 L'école, c'est un grand chapitre parce que dans les méthodes que j'ai utilisées,
05:24 on vous dit de ne pas mettre votre enfant à l'école avant ses six ans quasiment.
05:27 Dans mon cas, j'ai décidé de faire ce qui était pour moi intuitivement le plus logique,
05:32 d'emmener mon fils à l'école à deux ans et demi au lieu de trois ans, en avance sur
05:36 l'école française.
05:37 Ne pas le mettre à la crèche, mais le mettre dans une pré-école, une école privée, dans
05:43 des petits groupes où il a été plus surveillé.
05:47 Et avec l'accord de l'école, j'ai pu mettre mon fils à l'école quelques heures seulement
05:53 le matin.
05:54 Donc au début, une demi-heure, une heure, une heure et demie.
05:57 Les autistes, souvent, considèrent que leur première défaillance, bien sûr, ça va
06:02 être le social et ça va être le manque d'attention, le manque d'amour et d'affection qui vont
06:09 porter à une personne.
06:10 Aujourd'hui, mon fils est verbal, me dit tous les jours qu'il m'aime.
06:14 On a des échanges qui sont au-dessus de la norme.
06:17 Mon fils a des amis, il s'entend bien avec tout le monde.
06:21 Je suis surprise si on peut m'appeler comme quelqu'un, une personne aidante parce que
06:25 je ne suis pas une personne aidante.
06:26 Mais pour mon fils, j'ai juste été une mère, une bonne mère et encore juste une mère,
06:31 encore une fois, un enfant n'a pas demandé à vivre, il n'a rien demandé.
06:34 C'est la moindre des choses que de s'occuper de lui.
06:36 Dans ce rôle de mère, j'entends parler de sacrifice et de temps en temps, je peux utiliser
06:40 ce mot également, mais aujourd'hui, je ne considère pas que j'ai fait un sacrifice.
06:44 Mon fils m'a, dans cette thérapie, offert une nouvelle vie au passage.
06:51 Donc, je pense qu'il m'a offert d'être une meilleure personne.
06:55 Donc, c'est une expérience extraordinaire.
06:57 Dans notre cas, c'est un succès.
06:59 Ça a été du bonheur.
07:00 Il y a des parents qui vont faire le choix de vivre leur vie à eux.
07:06 Et je ne les blâme pas.
07:07 J'ai des amis autour de moi qui sont plus jeunes, qui ont les mêmes soucis.
07:10 On fait comme on peut.
07:12 Lorsque j'ai fait les formations, je me suis aperçue que 9 parents sur 10, c'était des
07:18 femmes.
07:19 Est-ce qu'ils se sont séparés ou pas ? Les stats, celles que j'ai mises dans mon bouquin,
07:24 c'est-à-dire que quasiment tous se séparent avec un diagnostic pareil.
07:27 Et ceux qui restent ensemble, c'est ceux qui ont une fratrie, qui ont déjà d'autres
07:31 enfants.
07:32 La raison, elle est évidente, c'est que quand vous avez un seul enfant et qu'il ne va pas
07:36 bien, déjà c'est déstabilisant pour le couple.
07:39 L'enfant prend toujours de la place, mais encore plus si on doit s'en occuper.
07:42 Et on n'est pas forcément d'accord sur ce qu'on va faire.
07:45 Et on n'est pas forcément d'accord sur la vision des choses.
07:48 Et je sais que pour ma part, si j'étais restée en couple, je n'aurais pas pu faire un tiers,
07:54 un quart, un huitième de ce que j'ai fait.
07:56 Parce que le papa aurait demandé beaucoup d'attention, c'est une vérité.
08:00 Et puis on m'aurait dit que j'en faisais trop tout le temps.
08:03 Et je n'en faisais pas trop.
08:05 Il y avait besoin.
08:06 Il y a six mois, mon fils m'a demandé « Maman, tu es plutôt jolie fille et intelligente,
08:14 comment ça se fait que tu n'as pas d'amoureux ? »
08:16 Je lui ai dit « Merci mon fils, merci de savoir que j'existe.
08:20 Je me suis occupée de toi, je n'ai pas eu le temps.
08:22 Mais maintenant, maintenant que tu es connectée, je vais avoir un amoureux.
08:27 Ça te va ? Qu'est-ce que tu en penses ? »
08:28 Il me dit « Écoute, si tu as un amoureux, je serais très contente de le connaître.
08:32 Parce qu'à mon avis, il doit être très intéressant.
08:34 » Alors quand on s'occupe beaucoup d'un enfant, la première peur qu'on peut avoir
08:38 c'est « Mais ton fils, il va être dans les jupes de sa mère, il ne va pouvoir rien
08:41 faire de sa vie.
08:42 » Moi, je suis contente de déclarer que mon fils, je l'amène devant un endroit où
08:45 il va y avoir une activité avec d'autres enfants, il me lâche, il ne regarde même
08:47 pas derrière lui.
08:48 Et malheureusement, j'ai du mal à le retrouver.
08:49 Donc, je pense que ça va bien se passer.
08:52 Ce que j'imagine pour l'avenir de mon fils, c'est absolument rien.
08:55 C'est fantastique.
08:56 C'est une page blanche.
08:59 Je n'ai aucune idée de ce qu'il fera.
09:01 J'ai des idées parce que je vois qu'il s'intéresse plus aux maths, que c'est
09:08 quelqu'un qui aime les sciences.
09:09 Oui, il aime l'histoire, il aime la géographie, il a une mémoire démentielle.
09:13 À 5 ans, c'était un expert sur l'univers.
09:16 Il s'était passionné, il avait des documentaires qu'il regardait dans tous les sens, les
09:20 trous noirs, les trous de verre.
09:21 Ensuite, ça a été les molécules.
09:23 Ensuite, ça a été la chimie.
09:26 Donc, ce sont des choses qui sont peu courantes pour un enfant de son âge.
09:29 Du moment qu'il est heureux, ce qui semble être le plus important pour tout le monde,
09:33 tout va bien.
09:34 J'ai commencé à écrire ce livre lorsqu'il avait 4 ans.
09:37 À l'époque, je ne savais pas où on allait.
09:40 J'étais convaincue qu'on allait réussir, mais j'avais besoin de l'écrire pour
09:43 moi.
09:44 J'avais besoin d'écrire pour mon fils, pour laisser une trace, pour qu'il sache
09:47 ce qu'on a vécu.
09:49 Mon fils n'a pas encore lu mon livre et je lui lis quelques passages, pas tous parce
09:54 qu'il y en a certains qui sont difficiles.
09:56 Il y a quelque chose qu'il n'arrive pas à gérer, c'est les émotions fortes.
10:00 Il a du mal avec tout ce qui est triste.
10:03 Il y a quand même des passages tristes.
10:05 Donc, je lui lis plutôt ceux qui sont heureux.
10:07 Ce qui est amusant, c'est que depuis bien deux ans, j'ai des crises de larmes de
10:14 bonheur avec mon fils en live.
10:17 Je pleure, je ris en même temps, mais ce sont des larmes de joie.
10:23 Donc, belle histoire.
10:28 *rire*
10:28 [Générique]

Recommandations