Sofiane Aboubeker, président de l'association des Métiers de la Sécurité, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent au problème de recrutement d'agents de sécurité pour les Jeux olympiques de 2024.
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00:00 - Europe 1, il est 6h41. - On vous parle ce matin sur Europe 1 d'un secteur qui recrute, en tout cas qui cherche à recruter dans la
00:06 perspective des Jeux Olympiques de Paris l'été prochain. C'est le secteur de la sécurité privée.
00:11 Les besoins sont énormes pour compléter le dispositif des forces de l'ordre.
00:15 On va voir comment cette profession des vigiles et des agents de sécurité se prépare justement à ces Jeux Olympiques.
00:20 - Et vous en parlez ce matin sur Europe 1, Alexandre Lemaire, avec votre invité,
00:23 Sofiane Aboubecker, président de l'association des métiers de la sécurité. - Bonjour Sofiane Aboubecker.
00:29 - Bonjour Alexandre Lemaire. - Il reste un peu moins de huit mois avant les Jeux Olympiques et vous avez du pain sur la planche.
00:33 Votre association des métiers de la sécurité est la deuxième organisation du secteur.
00:38 Votre priorité là c'est
00:41 recruter, recruter, recruter. Est-ce que vous aurez les bras à temps pour ces Jeux ?
00:45 - Non, nous n'aurons pas les bras à temps pour ces Jeux puisque cela fait deux ans que nous discutons
00:50 avec le ministère d'intérieur pour avoir des aménagements sur les parcours de formation. Ce qu'il faut comprendre c'est que la sécurité privée est un secteur
00:57 extrêmement réglementé et c'est une bonne chose.
00:59 Néanmoins, même les parcours de formation sont fixés par le ministère d'intérieur sans une véritable concertation avec les professionnels du secteur,
01:06 ce qui nous empêche de pouvoir recruter les effectifs nécessaires.
01:10 - Alors, on estime qu'en plus des gendarmes et des policiers, il faut 20 000 agents de sécurité
01:17 l'été prochain. Il va en manquer 8 000, estime un rapport du CNA. Est-ce que c'est un calcul que vous partagez ?
01:24 - Non, ce n'est pas un calcul qu'on partage parce qu'on pense que le chiffre est très clairement sous-estimé pour plusieurs raisons.
01:29 On a un déficit chronique aujourd'hui à l'heure où on parle de 30 000 agents de prévention et de sécurité sur le territoire national.
01:36 Pour les Jeux Olympiques, on estime nous un besoin
01:39 autour de 40 000 agents supplémentaires.
01:42 Donc vous voyez, l'équation est encore plus compliquée que cela et donc malheureusement, nous n'aurons pas les effectifs puisque dans un
01:49 timing aussi court, il reste maintenant un peu moins de huit mois avant le début de ces événements,
01:55 on ne sera pas en capacité de pouvoir recruter, de pouvoir former l'intégralité du personnel.
01:59 - Mais ces Jeux Olympiques, on les voit venir depuis longtemps, c'est un événement qui a été anticipé.
02:04 Comment se fait-il qu'on se retrouve là, maintenant, dans l'urgence, à se dire au manque d'agents de sécurité ?
02:09 - Et bien parce que depuis deux ans, nous alertons les pouvoirs publics sur cette situation et que les pouvoirs publics considèrent
02:15 qu'ils reviennent au secteur de travailler sur l'amélioration
02:19 des conditions d'attractivité, sans prendre en compte ce qu'on leur explique, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, si vous voulez,
02:26 la loi sécurité globale nous a mis un coup d'arrêt sur les recrutements puisqu'elle a notamment
02:31 imposé un type de séjour de cinq ans sur le territoire, ce qui peut être une bonne chose pour des questions de sécurité
02:35 et des questions de criblage.
02:38 - Donc pour tous les candidats au poste d'agent de sécurité, il faut avoir...
02:41 - Tout à fait, exactement. Tous les candidats au poste d'agent de sécurité,
02:45 avant même de pouvoir rentrer en formation,
02:47 il y a une enquête de moralité qui est faite par un établissement qui s'appelle le Conseil national des activités privées de sécurité.
02:53 - Ce qui est bien le moins, tout de même, Sofiane Aboubecker.
02:56 - Oui, mais je vous le disais que la réglementation, elle peut être nécessaire,
02:59 mais la réglementation doit être adaptée. Et donc une fois que le Conseil national des activités privées de sécurité a validé
03:05 la moralité du candidat à la profession d'agent de sécurité, eh bien celui-ci peut rentrer en formation.
03:11 Mais c'est un parcours aujourd'hui qui prend entre 6 et 8 mois.
03:14 - Oui, entre 6 et 8 mois et donc les Jeux olympiques dans moins de 8 mois.
03:17 Il vous manque encore plusieurs milliers de bras. Qu'est-ce qui ne va pas ?
03:21 Donc des problèmes de réglementation pour former et recruter ces agents.
03:25 Il y a aussi probablement un problème d'attractivité du métier.
03:29 - Mais bien sûr, mais le problème d'attractivité,
03:31 la première des problématiques d'attractivité, c'est le salaire.
03:34 Sauf que nos salaires ont augmenté de 7,5 % au niveau de la branche au 1er janvier 2023.
03:40 Ils augmenteront de 5 % au 1er janvier 2024, de 3,2 % au 1er janvier 2025
03:46 et de 2,8 % au 1er janvier 2026.
03:49 Donc cette équation salaire, nous sommes en train de la résoudre.
03:51 Mais pour pouvoir naturellement augmenter les salaires massivement,
03:55 nos coûts augmentent eux aussi massivement et donc nous le répercutons sur le prix client.
03:59 - Quel est le salaire d'un agent de sécurité aujourd'hui ?
04:01 - Aujourd'hui, en moyenne brute, on est un petit peu plus au-dessus du SMIC.
04:07 - Un peu plus au-dessus du SMIC ?
04:08 - On est à peu près 100 euros au-dessus du SMIC.
04:10 - Bon, mais est-ce que ça suffit ? Est-ce que ça suffit pour attirer des candidats ?
04:14 On voit bien, c'est beaucoup d'horaires décalés, agent de sécurité, on voit comment ça se passe.
04:18 Il faut quand même se tenir debout en statique pendant des heures.
04:21 Et puis c'est un métier à risque, si on parle d'être un agent de sécurité.
04:25 - Alors ça peut être un risque sur certains sites, mais ce n'est pas un risque sur tous les sites.
04:28 C'est pour ça que je dis qu'il y a des métiers qui sont extrêmement techniques,
04:31 qui nécessitent une revalorisation massive de leur salaire
04:33 et donc une augmentation massive des prix.
04:34 C'est logique, c'est le corollaire.
04:36 Puisque quand on gagne 10 euros, on ne peut pas en dépenser 200.
04:39 Enfin, ça, tout le monde le comprend de façon assez aisée.
04:41 Donc ça, c'est une réalité.
04:44 Et donc, le risque doit être assumé par le client, l'utilisateur final,
04:47 puisque c'est la logique économique du marché.
04:50 C'est pour ça que la sécurité privée est un secteur économique
04:52 et non pas un supplétif de la sécurité publique.
04:55 Ça, c'est vraiment une différence extrêmement importante à comprendre.
04:59 - Oui. Est-ce qu'ils sont assez formés, les agents de sécurité, aujourd'hui ?
05:02 C'est une formation diplômante. On y apprend quoi exactement ?
05:04 - On y apprend à faire du contrôle d'accès, on y apprend à faire des rondes,
05:07 on y apprend à remplir une main courante.
05:09 Très honnêtement, la formation, aujourd'hui, elle est d'une durée de 182 heures minimum.
05:13 C'est une formation qui est beaucoup trop importante en l'état.
05:17 - Trop importante ?
05:19 - Bien sûr, sur des métiers de base, c'est une formation qui est trop importante.
05:21 En plus, ce qu'il faut comprendre, c'est que la formation,
05:23 c'est une formation en cycle collectif.
05:25 Ça veut dire qu'il n'y a pas d'individualisation des parcours de formation.
05:27 C'est-à-dire que si vous, demain, Alexandre Le Maire,
05:29 vous décidez de rentrer en formation sur les métiers de la sécurité,
05:32 vous avez un parcours d'apprentissage qui va être différent de M. Martin.
05:37 Si M. Martin a une difficulté d'apprentissage, vous vous en êtes pénalisé.
05:42 C'est ce que l'on demande depuis deux ans au pouvoir public,
05:47 de pouvoir mettre en place les moyens, ce qui se fait dans toutes les autres manches.
05:51 Aujourd'hui, pour devenir boulanger-pâtissier,
05:53 vous avez des certificats de qualification professionnel
05:57 qui peuvent être faits en distanciel 100%.
05:59 - En tout cas, vous nous le dites, vous recrutez,
06:02 vous recherchez des agents de sécurité,
06:03 aujourd'hui encore, pour les Jeux Olympiques, Sofiane Labou-Méqueux.
06:05 - Bien sûr, on peut recruter jusqu'à 30 ou 40 000 personnes.
06:09 C'est d'ailleurs pour ça qu'un certain nombre d'opérateurs
06:10 ne se placent pas sur ces marchés, puisqu'ils savent qu'ils n'auront pas
06:13 les moyens humains pour répondre à la demande.
06:15 - En tout cas, le message est passé.
06:17 Vous recrutez, vous recherchez des bras pour assurer la sécurité de ces Jeux Olympiques.
06:22 Merci, Sofiane Labou-Méqueux,
06:24 présidente de l'Association des métiers de la sécurité, ce matin sur Europe 1.