Les scientifiques du régime nazi ont été traqués par tous les vainqueurs de la seconde guerre mondiale. Comme les Etats-Unis, la Grande Bretagne ou l'URSS, la France a elle aussi, amplement participé à ce pillage des ressources humaines et scientifique de l'Allemagne défaite.Après-guerre, quel fut l'apport de ces ingénieurs et techniciens allemand, exfiltrés par les vainqueurs de la seconde guerre mondiale ? Pour en débattre, Bénédicte Delfaut, réalisatrice du documentaire, Robert Frank, historien et Michel Tedoldi, écrivain et réalisateur. LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
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00:00:00 Générique
00:00:01 ...
00:00:15 -Bienvenue à tous.
00:00:17 Les scientifiques du régime nazi ont été traqués
00:00:19 par tous les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale.
00:00:23 C'est ce phénomène qui nous intéresse aujourd'hui
00:00:25 dans ce débat d'oct.
00:00:27 Un documentaire exclusif qui va suivre, tout d'abord,
00:00:30 "Main basse sur les savants d'Hitler",
00:00:32 réalisé par Bénédicte Delfaux.
00:00:34 Comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou l'URSS,
00:00:37 vous allez y découvrir que la France a elle aussi
00:00:40 amplement participé à ce pillage des ressources humaines
00:00:43 et scientifiques de l'Allemagne défaite.
00:00:46 Je vous laisse le découvrir, puis Bénédicte Delfaux sera
00:00:49 sur ce plateau avec l'historien Robert Franck
00:00:51 et l'écrivain et réalisateur Michel Tedoldi.
00:00:54 Avec eux, nous nous interrogerons sur l'après-guerre
00:00:58 des savants du régime hitlérien. Bon doc.
00:01:01 "La vie de l'homme" de Michel Tedoldi
00:01:03 ...
00:01:13 -Vernon, Normandie.
00:01:15 Sur cette photo d'école prise dans les années 50,
00:01:20 une tenue dénote par rapport à celle des autres.
00:01:23 Un petit garçon blond porte une culotte courte, en cuir,
00:01:27 la tenue traditionnelle bavaroise.
00:01:30 Une colonie allemande a vécu ici, au milieu des bois,
00:01:34 juste après la Seconde Guerre mondiale.
00:01:36 Que venait-il faire en France alors que le pays
00:01:39 se remet difficilement des quatre années d'occupation nazie ?
00:01:43 Quel mystère entourait ces familles ?
00:01:46 Elles ne sont pas les seules dans l'Hexagone.
00:01:49 Dans le plus grand secret, des milliers d'Allemands
00:01:52 ont été transférés sur le sol français.
00:01:54 -Je pensais que cette organisation
00:01:59 de prendre les gens pour les déplacer
00:02:02 dans un autre pays pour travailler,
00:02:05 c'est en quelque sorte une prise de guerre.
00:02:08 -A Vaucresson, on a logé
00:02:11 les scientifiques,
00:02:14 les enjeux techniciens
00:02:16 qui devaient être interrogés.
00:02:19 -Avant d'arriver en France,
00:02:21 ces hommes ont fait l'objet d'une traque impitoyable.
00:02:25 Leurs poursuivants sont des scientifiques
00:02:28 versés dans l'armée.
00:02:29 Parmi eux, Yves Rocard,
00:02:32 un célèbre physicien français.
00:02:34 Musique intrigante
00:02:37 -Mon grand-père était un peu
00:02:39 un des derniers touche-à-tout de la physique.
00:02:41 On ne pouvait pas le rouler dans la farine.
00:02:44 -L'Allemagne a été passée au peigne fin
00:02:47 pour retrouver des scientifiques
00:02:49 qui ont servi le Troisième Reich.
00:02:51 A quel degré ces brillants cerveaux
00:02:53 étaient-ils impliqués dans le régime nazi ?
00:02:56 -Ils ont pris tout le monde,
00:02:58 même ceux qui étaient dans l'SS.
00:03:00 -C'est une ombre de l'histoire terrible.
00:03:03 Il y a une responsabilité morale sûre.
00:03:05 -Ces scientifiques vont eux-mêmes
00:03:08 retracer leur parcours,
00:03:10 de l'Allemagne hitlérienne à la France de l'après-guerre.
00:03:13 Leur voie se mêle à celle des scientifiques français
00:03:17 qui les ont recherchés pour une plongée intimiste et inédite
00:03:21 dans l'une des plus vastes opérations de pillage
00:03:24 de la science nazi du XXe siècle.
00:03:26 Musique sombre
00:03:28 ...
00:03:38 Musique sombre
00:03:41 ...
00:03:45 Plusieurs milliers de scientifiques allemands
00:03:48 ont commencé leur carrière ici, à Pienemünde,
00:03:51 tout au nord de l'Allemagne,
00:03:53 dans un gigantesque centre de recherche
00:03:56 qui ne figure sur aucune carte.
00:03:58 Depuis 1942,
00:04:00 l'Allemagne nazie conduit là son programme d'armes nouvelles.
00:04:04 -Personne ne connaissait,
00:04:06 à part les militaires et les gens au pouvoir,
00:04:13 autrement, c'était archi-secret.
00:04:15 ...
00:04:19 -Les parents d'Herbert Bülle
00:04:21 avaient été recrutés par l'armée allemande,
00:04:24 comme des milliers d'autres ingénieurs.
00:04:26 ...
00:04:34 -Ma mère était dessinatrice,
00:04:36 très bonne dessinatrice.
00:04:38 Mon père était ingénieur.
00:04:41 Spécialisé dans le guidage des fusées.
00:04:46 -Herbert Bülle vit aujourd'hui en Allemagne.
00:04:50 Il a grandi en France.
00:04:52 C'est lui le petit garçon de la photo d'école
00:04:55 prise en Normandie dans les années 50.
00:04:58 ...
00:05:00 Son histoire familiale se mêle
00:05:02 avec celle des débuts de la recherche aérospatiale.
00:05:04 -Mon père et ma mère ont travaillé dans l'équipe de Von Braun.
00:05:09 Donc il faut dire que c'était un grand centre de recherche
00:05:13 dans le domaine de la fusée,
00:05:17 des V1 et des V2.
00:05:19 Musique de suspense
00:05:21 -Werner Von Braun dirige une équipe de chercheurs
00:05:25 qui espèrent être les premiers
00:05:26 à réussir à envoyer un objet dans l'espace.
00:05:29 Leurs travaux ont attiré l'attention
00:05:31 des hauts gradés de la SS.
00:05:33 ...
00:05:38 -Il y avait par exemple Himmler, un dirigeant au niveau militaire,
00:05:42 qui avait visité Pénémunde
00:05:44 et qui avait vu l'intérêt des V1 et des V2.
00:05:48 Mais pour attaquer d'autres pays.
00:05:51 ...
00:06:00 -Nous eûmes l'impression, en arrivant,
00:06:02 de nous trouver dans un monde peint par Jules Verne.
00:06:05 L'ensemble était extrêmement impressionnant.
00:06:07 La hauteur des fusées exigeant des ateliers de montage
00:06:10 adaptés en conséquence.
00:06:12 ...
00:06:14 -Pierre de Conde est un jeune employé français
00:06:17 envoyé en Allemagne.
00:06:18 Il appartient à un bataillon de travailleurs forcés.
00:06:21 ...
00:06:23 -Nous appriment par nos camarades à quoi était destinée
00:06:26 la production du Heimat Artillerie Park 22.
00:06:29 Il s'agissait de mettre au point une fusée, la V2,
00:06:32 qui, d'après les rumeurs qui circulaient,
00:06:34 devait effectuer une destruction totale
00:06:37 dans un rayon de 20 km lors de son impact.
00:06:39 ...
00:06:47 -Il y a bien longtemps, ça fait 61 ans,
00:06:51 que j'ai commencé l'histoire des fusées.
00:06:55 En 41, il y avait un essai.
00:06:59 Nous sommes allés...
00:07:02 à la plage pour voir de loin le départ de la fusée.
00:07:08 C'était formidable. Elle montait.
00:07:11 ...
00:07:13 Et tout à coup, on a entendu un son.
00:07:17 Là, la fusée est revenue
00:07:22 et est tombée dans l'eau.
00:07:25 Il y avait une série d'essais qui ne marchaient pas.
00:07:30 ...
00:07:41 Et enfin, le 2 octobre 1942,
00:07:45 c'est la première fois qu'il y avait un essai
00:07:50 qui a été réussi.
00:07:52 Après, il y avait un dîner au mess-hotel des officiers.
00:07:58 Tout le monde était heureux.
00:08:00 ...
00:08:02 -Les Alliés apprennent l'existence de ces nouvelles menaces.
00:08:06 On parle pour la V1 de bombes robots.
00:08:09 Ces armes meurtrières sont pointées sur Londres.
00:08:12 ...
00:08:17 Francis Rocart, astrophysicien,
00:08:20 a conservé sur des bandes enregistrées
00:08:23 les souvenirs de son grand-père, Yves Rocart.
00:08:25 Il était le père de Michel Rocart, l'ancien Premier ministre,
00:08:29 et surtout un grand physicien français.
00:08:32 En juin 1944, il est conseiller scientifique
00:08:36 du général de Gaulle, qui la rejoint à Londres.
00:08:39 ...
00:08:42 -A cette époque, j'avais la tête farcie
00:08:45 des installations bizarres des Allemands
00:08:47 sur les côtes de Normandie.
00:08:49 La crainte diffuse d'une arme inconnue
00:08:51 hantait nos esprits.
00:08:53 ...
00:08:58 -En septembre 1944,
00:09:00 les premières fusées V2 s'abattent sur Londres.
00:09:03 ...
00:09:08 ...
00:09:15 -J'ouvre la porte du couloir, plus de couloir.
00:09:18 Je m'approche d'une fenêtre sur la cour, plus de cour.
00:09:21 Elle était remplie de décombres du toit.
00:09:24 Le ciel nocturne hérissait de faisceaux projecteurs,
00:09:27 rougeoyets avec des incendies de tous côtés.
00:09:30 En franchissant la fenêtre pour descendre sur mon toit,
00:09:33 j'ai eu pendant quelques instants
00:09:35 la vision dantesque de Londres en flammes
00:09:37 sous l'effet d'armes secrètes d'Hitler.
00:09:40 ...
00:09:45 -Mon grand-père, évidemment, était au courant
00:09:48 de l'existence des V1 et des V2.
00:09:50 Mon grand-père, par ses compétences techniques,
00:09:53 a eu vent de plusieurs avancées technologiques allemandes,
00:09:57 comme la V1.
00:09:58 ...
00:10:01 -A Londres, on a besoin d'hommes capables de décrypter
00:10:04 ces nouvelles armes.
00:10:05 C'est la première fois qu'un engin volant
00:10:08 explose à 300 km de son point de décollage.
00:10:12 ...
00:10:16 A Toulon, en France,
00:10:18 vit l'un des derniers témoins de ces avancées spectaculaires.
00:10:22 Ursula Mendel a 101 ans.
00:10:26 Elle est née en Allemagne
00:10:28 et son destin est étroitement lié au Troisième Reich.
00:10:31 ...
00:10:34 Son père était l'un des généraux d'Hitler.
00:10:37 -Je voulais absolument travailler,
00:10:40 parce qu'on était déjà en guerre,
00:10:43 et je voulais pas faire un métier
00:10:46 sans aider à notre victoire.
00:10:50 -Ursula est alors une toute jeune femme
00:10:54 qui a fait partie des jeunesses hitlériennes.
00:10:56 Elle a 20 ans, quand la guerre éclate.
00:10:59 -Je me suis complètement fait prendre
00:11:03 par cet éternel réclame que tout le monde,
00:11:07 les journaux et tout, ont fait autour d'Hitler.
00:11:10 "Hitler, magnifique, il fait ceci, il fait cela,
00:11:13 "oh, quel magnifique !"
00:11:14 Mais moi, je le crus.
00:11:16 Moi, j'étais une fanatique pour Hitler.
00:11:19 ...
00:11:20 Si j'avais su tout ce qui se passait,
00:11:23 en notre nom,
00:11:24 et qu'il y avait toutes ces atrocités autour de nous,
00:11:28 j'aurais été probablement franchement contre,
00:11:32 mais en ne sachant rien de tout ça,
00:11:35 c'est devenu une normalité.
00:11:38 Musique de tension
00:11:40 ...
00:11:42 -Les industries civiles sont converties
00:11:44 pour fabriquer des armes.
00:11:46 Toute la population allemande est réquisitionnée.
00:11:49 Ursula passe la guerre à travailler dans les usines.
00:11:53 Elle devient l'assistante d'un ingénieur
00:11:56 en charge de la conception de l'aile d'une torpille
00:11:59 larguée d'un avion.
00:12:00 ...
00:12:02 -C'était une aile qu'on aurait pu mettre sur n'importe quoi,
00:12:06 mais elle était prédestinée à être mise sur une torpille.
00:12:10 A l'époque, ça n'existait pas.
00:12:12 C'est probablement un dernier espoir de gagner cette guerre.
00:12:17 ...
00:12:20 -C'était assez redoutable.
00:12:22 Le principe, c'est que le pilote avait une bombe avec des ailes
00:12:25 et la bombe est larguée.
00:12:27 Le pilote avait deux manches à balais,
00:12:29 il pilotait son avion et la bombe.
00:12:31 Il faisait en sorte que la bombe pointe vers le bateau
00:12:35 et le bateau explosait.
00:12:36 -Les Alliés demandent à Yves Rocart de trouver une parade.
00:12:41 ...
00:12:43 -J'ai fait des petits brouilleurs
00:12:45 que j'ai fait installer sur tous nos croiseurs.
00:12:48 Un a servi au moment du débarquement, dans le midi.
00:12:51 Les bombes ont été s'écraser à 500 mètres derrière.
00:12:54 Autrement dit, j'ai eu des petits succès techniques.
00:12:58 ...
00:13:00 -Les armées de l'air anglaise et américaine
00:13:03 reprennent peu à peu le contrôle de l'espace aérien.
00:13:06 ...
00:13:17 -Nous sommes front, hinterland,
00:13:20 maintenant, la guerre se rapproche de plus en plus
00:13:23 de notre sol bien aimé.
00:13:25 Donaueshingen a souffert de la première attaque aérienne.
00:13:29 La rue, le long de la Bribard,
00:13:31 avec les belles maisons à colombages, est détruite.
00:13:34 Il y a beaucoup de morts, c'est horrible.
00:13:38 Tous les villages entre Donaueshingen
00:13:40 et le lac de Constance ont subi des raids aériens.
00:13:43 Nous allons nous y habituer,
00:13:46 comme toutes les autres régions avant nous.
00:13:50 ...
00:13:55 Nous nous trouvons dans une situation très difficile.
00:13:58 J'espère que nous pourrons nous en sortir une fois de plus.
00:14:02 Jusqu'ici, nous réussissons,
00:14:03 au prix d'infinis soucis et peu de sommeil.
00:14:06 ...
00:14:07 -Je recevais quand même assez de lettres de sa part
00:14:11 pour voir qu'il était très pessimiste.
00:14:14 Mon père ne croyait plus du tout,
00:14:18 mais il a fait son devoir de soldat jusqu'à la fin,
00:14:21 parce que c'était ça.
00:14:23 C'était pas parce qu'il était nazi, c'était parce qu'il était soldat.
00:14:27 -Les armes miracle n'ont pas permis de changer le cours de la guerre.
00:14:32 Le territoire des vaincus est réduit à un champ de ruines.
00:14:36 Mais pour les Alliés, c'est aussi une mine d'or
00:14:39 de technologies d'avant-garde
00:14:41 qui suscite déjà la convoitise des vainqueurs.
00:14:44 ...
00:14:48 Musique de tension
00:14:50 ...
00:14:59 -Par un beau matin de 1945,
00:15:01 j'étais assis dans la cabine d'un camion de l'aviation américaine,
00:15:05 en train de rebondir sur les routes semées de Trou-le-Bombe,
00:15:08 dans le centre de l'Allemagne.
00:15:10 J'étais en mission, mais c'était une curieuse mission.
00:15:13 J'avais dans la poche des ordres secrets,
00:15:16 et j'étais en train d'exécuter le projet Lusti,
00:15:19 une opération extra-rapide menée par l'aviation américaine
00:15:22 pour débusquer et mettre la main sur tous les savants nazis d'Allemagne.
00:15:26 L'opération Lusti n'était qu'une partie du plan général
00:15:30 nommé Opération Paperclip.
00:15:32 ...
00:15:36 -Paperclip est le nom du plan secret américain.
00:15:39 Les Anglais et les Soviétiques ont prévu d'en faire autant.
00:15:43 ...
00:15:47 Mais les savants d'Hitler ont reçu l'ordre de dissimuler leurs travaux.
00:15:51 Les forêts, les tunnels, les grottes leur ont servi de cachette.
00:15:58 Pour échapper aux Alliés, des milliers d'entre eux
00:16:01 se sont fondus dans le flot des réfugiés.
00:16:03 Parmi eux, Werner Von Braun, le concepteur des fusées nazis,
00:16:09 il s'est volatilisé avec tous ses spécialistes.
00:16:12 ...
00:16:19 -C'était la décision
00:16:21 du service militaire à Berlin
00:16:27 qu'il fallait évacuer Penemünde,
00:16:31 aussi bien les scientifiques que tout le savoir,
00:16:34 les papiers, les documents,
00:16:36 et de se retirer dans la forteresse bavaroise,
00:16:40 parce que c'était l'idée de Hitler
00:16:43 qu'on allait retrouver un refuge dans les Alpes.
00:16:46 J'étais complètement idiot, mais c'était leur idée.
00:16:52 -Il n'y a plus de sanctuaire.
00:16:55 Le réduit bavarois dont Hitler avait fait sa retraite
00:16:59 tombe à son tour.
00:17:00 En mai 1945, toute l'Allemagne,
00:17:05 prise en tenaille entre les armées américaines,
00:17:08 la France française et soviétique de l'autre, est occupée.
00:17:11 Les concepteurs des fusées se rendent.
00:17:17 Leur chef, Werner Von Braun,
00:17:19 est soulagé le jour de son arrestation.
00:17:21 Il est sorti vivant du chaos.
00:17:24 ...
00:17:31 -Mon père, d'abord, se trouvait en sécurité
00:17:34 avec toute l'équipe,
00:17:36 avec Von Braun,
00:17:38 pour eux, c'était vraiment primordial et crucial
00:17:41 de tomber sous la main des Américains,
00:17:45 parce que là, on était sûrs qu'ils étaient bien traités
00:17:49 et que, de toute façon,
00:17:51 ils étaient reconnus pour leurs sciences et pour leurs savoirs.
00:17:55 Musique intrigante
00:17:57 -Dans les capitales européennes,
00:17:59 alors que les populations se réjouissent
00:18:02 de la chute du Troisième Reich,
00:18:03 l'inquiétude monte parmi leurs gouvernants.
00:18:06 A Paris, le gouvernement provisoire a appris
00:18:09 que les Américains avaient retrouvé les spécialistes des fusées.
00:18:13 Le temps presse pour profiter de cette manne exceptionnelle.
00:18:16 Il faut reconstruire le pays, ruiné par 5 années d'occupation.
00:18:20 -Moi-même, je revenais de la guerre,
00:18:23 j'étais habillé en marin, ingénieur en chef de la marine,
00:18:26 j'avais eu des négociations
00:18:28 avec le chef du 2e bureau de la marine.
00:18:30 Il m'a appuyé sur l'idée qu'il fallait faire
00:18:33 un effort considérable pour mettre la main sur la tête
00:18:36 des techniciens allemands après la guerre.
00:18:39 Il y avait tellement de choses
00:18:41 pour lesquelles nous recevions des coups sans comprendre.
00:18:44 J'avais le sentiment que nous avions beaucoup à apprendre.
00:18:47 -Il y a un obstacle majeur.
00:18:50 La France, à genoux après 5 années d'occupation,
00:18:54 a collaboré avec l'ennemi.
00:18:56 Elle est donc tenue à l'écart du butin des vainqueurs.
00:19:00 Le général de Gaulle, qui dirige le gouvernement provisoire,
00:19:03 va s'interposer au nom de l'intérêt supérieur de la France.
00:19:08 De Gaulle pense que le pays ne peut pas se passer de l'apport allemand.
00:19:12 Secrètement, il donne l'ordre à son armée
00:19:16 de faire main basse sur les savants d'Hitler.
00:19:19 Musique sombre
00:19:22 ...
00:19:25 -Il y aura lieu de transférer en France
00:19:27 les scientifiques ou techniciens allemands de grande valeur
00:19:31 pour les faire interroger à loisir sur leurs travaux
00:19:34 et éventuellement les engager à rester à notre disposition.
00:19:38 ...
00:19:41 Brouhaha
00:19:43 -La marine a monté une petite section,
00:19:45 la section T-Marine, comportant peut-être une centaine d'hommes
00:19:49 sous les ordres d'un lieutenant de vaisseau
00:19:52 avec un armement léger pour accompagner les armées françaises
00:19:55 au fur et à mesure qu'elles envahissaient l'Allemagne.
00:19:59 -C'est un combat qui inspirait leur mission et leur travail.
00:20:02 -Il a été envoyé en Allemagne alors que la France n'y avait pas droit.
00:20:06 C'était juste les gagnants, c'est-à-dire les Américains
00:20:09 et les Anglais, mais discrètement, les Français le faisaient également.
00:20:13 -Des unités de recherche vont donc se mêler
00:20:16 aux troupes du général de Latre de Tassines.
00:20:19 Terre, mer, air,
00:20:21 chaque corps d'armée possède sa propre section scientifique.
00:20:25 Par pragmatisme,
00:20:28 le Haut-Commandement français s'apprête à désobéir
00:20:31 aux consignes des Alliés et la chance va lui sourire.
00:20:34 Musique de tension
00:20:36 ...
00:20:43 -De nombreux laboratoires importants ont été évacués
00:20:46 dans l'état du Württemberg.
00:20:49 On attendait impatiemment que cette zone soit occupée,
00:20:52 quand de nouvelles complications ont surgi.
00:20:55 Ce territoire scientifiquement désirable
00:20:57 allait être pris par les troupes françaises.
00:21:00 Musique de tension
00:21:02 -Le général de Gaulle a joué là encore un rôle déterminant.
00:21:06 A force d'insister auprès de Winston Churchill,
00:21:09 il arrache en juillet 1945 la promesse que la France
00:21:13 aura elle aussi le droit d'occuper une partie de l'Allemagne.
00:21:16 Le pays a finalement été divisé en quatre zones,
00:21:19 attribuées à chacune des armées qui l'ont envahie.
00:21:22 Le petit territoire attribué à la France est prometteur.
00:21:26 Il comprend le lac de Constance,
00:21:28 au bord duquel des centaines d'ingénieurs allemands
00:21:31 ont trouvé refuge.
00:21:32 ...
00:21:36 Tous ont poursuivi leur travail jusqu'au bout.
00:21:39 ...
00:21:40 Parmi eux, il y a Ursula Mendel,
00:21:43 toujours occupée à des calculs
00:21:45 pour améliorer l'aile de la torpille planante.
00:21:48 ...
00:21:50 -C'était des officiers qui venaient en tant que force occupante.
00:21:54 Ca nous gênait pas du tout.
00:21:56 Ils étaient très corrects, ils nous regardaient faire.
00:22:01 Ils étaient très intéressés par notre aile.
00:22:03 ...
00:22:06 C'était un peu nos patrons, en quelque sorte.
00:22:08 ...
00:22:12 -Ma position personnelle était de parler très poliment
00:22:15 aux Allemands que je voyais là et de dire
00:22:17 "Ce que vous avez fait est très intéressant, continuez.
00:22:20 "On vous met deux marins en faction devant la porte
00:22:23 "pour que vous puissiez continuer de travailler tranquille."
00:22:26 ...
00:22:30 -Yves Rocart note toutes ses recherches dans des carnets.
00:22:34 A de nombreuses reprises, il se déplace en Allemagne
00:22:37 pour interroger les scientifiques.
00:22:40 Leurs noms, leurs fonctions, leurs travaux,
00:22:43 tout est recensé ici de manière méticuleuse.
00:22:46 Yves Rocart reconstitue intégralement
00:22:49 les organismes des instituts technologiques allemands.
00:22:52 ...
00:22:54 -Le spectre est assez large.
00:22:56 On peut citer ces affaires de torpilles électromagnétiques
00:23:00 sur lesquelles il s'est intéressé.
00:23:02 On peut citer les bombes volantes,
00:23:04 mais aussi tout ce qui était cellules de sulfure de plomb,
00:23:09 cellules infrarouges.
00:23:10 Il y avait une avancée dans ce domaine en Allemagne
00:23:14 et ça a été récupéré à ce moment-là.
00:23:16 ...
00:23:21 -L'Allemagne se révèle être un eldorado
00:23:23 pour tous les scientifiques dépêchés sur place.
00:23:26 ...
00:23:27 On découvre ici le nouveau carburant,
00:23:30 à Propergol liquide, défusé nazi.
00:23:32 ...
00:23:35 Là, ce sont les éléments d'une installation révolutionnaire
00:23:39 pour l'époque qu'on achemine en France.
00:23:42 ...
00:23:46 C'est une soufflerie,
00:23:48 un équipement destiné à tester l'aérodynamie des avions et des fusées.
00:23:52 ...
00:23:54 Elle est remontée pièce par pièce à Maudan, en Savoie.
00:23:57 ...
00:24:02 Le site est toujours utilisé.
00:24:04 C'est encore la plus grande soufflerie du monde.
00:24:07 ...
00:24:10 Pour exploiter ces avancées technologiques,
00:24:13 il faut pouvoir mettre la main sur leurs brillants inventeurs.
00:24:17 ...
00:24:20 Parmi les hommes les plus convoités,
00:24:22 il y a les patrons du complexe militaro-industriel.
00:24:26 ...
00:24:29 Ferdinand Porsche est activement recherché.
00:24:32 Chef de l'entreprise de moteurs Porsche,
00:24:34 il a mis son empire au service d'Hitler.
00:24:37 ...
00:24:39 Il a fabriqué ses avions, ses chars
00:24:41 et du matériel de guerre en quantité industrielle.
00:24:45 ...
00:24:48 Mais il demeure introuvable, comme Willi Messerschmidt,
00:24:52 le grand fournisseur d'avions de la Luftwaffe,
00:24:55 l'armée de l'ère allemande,
00:24:57 et l'inventeur du premier avion à réaction du monde.
00:25:00 ...
00:25:11 -J'ai monté une sorte de commando.
00:25:14 J'ai capturé Messerschmidt,
00:25:17 qui était sur le point d'être évacué
00:25:20 par une unité SS vers la Suisse.
00:25:23 Et j'ai pu le ramener vers les lignes alliées.
00:25:28 ...
00:25:30 J'avais déjà récupéré toutes les archives de Messerschmidt
00:25:34 au fond d'un lac, où ils avaient été immergés dans le Tirol.
00:25:39 Et le dernier camion français partait
00:25:42 lorsqu'est arrivé tout un bataillon américain
00:25:45 avec des forces puissantes,
00:25:48 qui sont arrivés un peu après la bataille.
00:25:50 D'ailleurs, ils m'en ont voulu.
00:25:52 ...
00:25:56 -Les Américains ont repris Messerschmidt,
00:25:59 mais les Français ont eu le temps de l'interroger
00:26:02 et de copier ses travaux.
00:26:03 Les Alliés se livrent une concurrence féroce.
00:26:06 Des scientifiques disparaissent mystérieusement.
00:26:11 ...
00:26:17 -J'avais mis la main sur d'excellents ingénieurs
00:26:20 et agents techniques d'un laboratoire de torpilles.
00:26:23 Ces Allemands ont fait regrouper dans une grosse ferme
00:26:26 des environs de Kreisborn.
00:26:28 Nos premiers ennuis vinrent de nos concurrents américains,
00:26:31 qui avaient mis le cap sur le même groupe que nous.
00:26:34 Le conseiller de l'armée américaine,
00:26:36 le célèbre Von Kármán, me dit...
00:26:39 "Vous, les Français, vous êtes naïfs
00:26:41 "de croire que ces Allemands sont tous des génies."
00:26:44 Il ne m'encourageait pas du tout à traiter
00:26:46 avec les techniciens allemands, mais il déclencha
00:26:49 l'action des services secrets américains
00:26:51 pour faire évader les Allemands.
00:26:53 Ceux-ci quittaient la zone française,
00:26:56 enlevaient un autre barbe dans une voiture américaine.
00:26:59 ...
00:27:06 -Il y a eu de nombreuses équipes qui ont fait ça.
00:27:09 Les Américains l'ont fait énormément,
00:27:11 les Anglais aussi.
00:27:13 C'était un peu... Chacun, c'était un peu des potes banals et compagnie.
00:27:17 On se faisait pas de cadeaux.
00:27:19 ...
00:27:20 -Pour les convaincre de rester au service de la France,
00:27:24 les scientifiques allemands sont choyés.
00:27:26 Un petit groupe de spécialistes de fusée
00:27:29 est installé dans cette auberge, à Hemdingen.
00:27:32 Pendant qu'ils dessinent les plans des V2,
00:27:35 les autorités françaises prennent en charge
00:27:38 tous les aspects matériels.
00:27:39 ...
00:27:45 -Il y en a eu...
00:27:46 ...près de 30.
00:27:49 Nous étions une trentaine d'ingénieurs.
00:27:52 ...
00:27:59 Nous avons négocié avec le ministère des Armées.
00:28:02 ...
00:28:05 L'affaire a bien évolué.
00:28:08 ...
00:28:12 Nous avons obtenu des documents français
00:28:14 qui protégeaient nos familles.
00:28:16 Nous avions un supplément de nourriture,
00:28:19 ce qui, à l'époque,
00:28:22 était important, vu la misère qui régnait en Allemagne.
00:28:26 ...
00:28:31 -Wilhelm Dollopf vérifiait les calculs
00:28:34 des moteurs de fusée V2.
00:28:35 Il était soulagé d'avoir retrouvé du travail.
00:28:38 ...
00:28:41 -Ce qu'on sait très rarement,
00:28:43 c'est qu'en Allemagne, les restrictions
00:28:46 ont commencé le premier jour de la guerre, en 1939.
00:28:50 Si bien qu'à la fin de la guerre, nous avions vraiment faim.
00:28:54 On était vraiment tous alimentés.
00:28:56 ...
00:29:00 -Des dizaines de laboratoires allemands
00:29:03 travaillent ainsi pendant plus d'un an
00:29:05 pour le compte de l'armée et de la recherche française.
00:29:08 ...
00:29:16 Nous sommes en mars 46,
00:29:17 en plein travail sur notre empennage
00:29:19 pour torpilles planantes,
00:29:21 quand surgit l'ingénieur du génie maritime.
00:29:24 Il déclare que notre travail doit cesser en Allemagne.
00:29:27 La consternation est grande.
00:29:29 ...
00:29:34 Les recherches à but militaire sont interdites sur le sol allemand
00:29:38 pour éviter que l'Allemagne ne se réarme
00:29:40 et ne redevienne une puissance hostile.
00:29:43 ...
00:29:48 ...
00:29:54 -Au bout de quelques mois, il y eut les instructions
00:29:57 pour déménager en France les institutions que nous avions fondées.
00:30:01 -Si on veut continuer à exploiter ce potentiel,
00:30:04 ces ingénieurs, ces gens qu'ils connaissent,
00:30:07 il faut les faire venir en France.
00:30:09 Donc, il n'y a pas trop d'alternatives.
00:30:14 -Évidemment, pour nous, c'était très étonnant,
00:30:17 parce qu'on pensait qu'après la guerre,
00:30:20 des déplacements forcés comme ça,
00:30:25 ça n'était plus possible.
00:30:27 C'est là où on fait des propositions alléchantes,
00:30:29 un peu carottes et le bâton.
00:30:31 Je me souviens que mon grand-père me disait
00:30:34 qu'il arrivait avec des propositions
00:30:36 de faire venir la famille, de salaire, etc.,
00:30:39 mais aussi, s'ils refusaient, en gros, ils les emmenaient de force.
00:30:43 ...
00:30:48 -Pour les savants d'Hitler, c'est l'exode.
00:30:51 ...
00:30:52 Les Etats-Unis ont déjà transféré sur leur territoire
00:30:56 118 spécialistes des fusées,
00:30:58 avec leur ingénieur en chef, Werner Von Braun,
00:31:01 qui deviendra l'architecte du programme spatial américain.
00:31:05 ...
00:31:07 Les Soviétiques vont organiser le déménagement forcé
00:31:10 de milliers de chercheurs en URSS.
00:31:12 ...
00:31:15 Des voix s'élèvent pour protester contre l'arrivée d'anciens nazis.
00:31:19 ...
00:31:21 Mais qui étaient-ils vraiment,
00:31:23 ces collaborateurs aîlés du Troisième Reich ?
00:31:26 ...
00:31:42 -J'ai encore les laissé passer pour entrer en France,
00:31:46 pour aller à Paris.
00:31:48 Et à Paris, on était reçus à la gare de l'Est,
00:31:52 du deuxième bureau.
00:31:53 Ils étaient là avec des voitures, je crois,
00:31:57 et on nous a amenés à Vaucresson,
00:32:00 dans le château de Vaucresson.
00:32:02 ...
00:32:15 -C'est là qu'un, je crois, monsieur Lévy...
00:32:19 ...
00:32:22 dont je n'ai plus jamais entendu parler par la suite,
00:32:26 nous a interrogés.
00:32:28 Il nous a posé des questions sur nos activités pendant la guerre,
00:32:32 sur ce que nous savions.
00:32:34 ...
00:32:38 -Mon père a été questionné.
00:32:40 On lui a remis un questionnaire à remplir,
00:32:45 et là, il a écrit dedans
00:32:47 qu'il avait été SA.
00:32:49 ...
00:32:51 Donc, la France, et aussi les Américains,
00:32:56 ils savaient qu'il était SA.
00:32:58 Ils sont quand même intéressés.
00:33:00 ...
00:33:04 -La SA est la première milice privée,
00:33:06 qui, dans les années 30, a oeuvré
00:33:08 pour ouvrir la voie du pouvoir aux fascistes en Allemagne.
00:33:12 ...
00:33:14 -Si on voulait faire quelque chose,
00:33:18 il fallait être dans la SA.
00:33:20 Ca prouvait qu'on était engagés
00:33:24 pour...
00:33:25 ...
00:33:27 pour le régime, quoi.
00:33:29 A mon avis, il faut différencier entre un engagement fort
00:33:33 et un engagement un peu banal.
00:33:37 ...
00:33:39 Il est rentré dans la SA,
00:33:41 pas la SS, la SA,
00:33:44 et il en est ressorti
00:33:47 quelques années plus tard.
00:33:50 Pour moi,
00:33:52 je pense que mon père
00:33:54 n'était pas tellement engagé là-dedans.
00:33:59 ...
00:34:04 -Il devait, sur Hitler,
00:34:08 jurer fidélité et tout ça au Führer,
00:34:12 et après, c'était pratiquement pas possible
00:34:16 de s'en aller sans difficulté.
00:34:18 Musique de tension
00:34:20 ...
00:34:28 -Karl Bencke travaillait lui aussi sur les V2.
00:34:32 Il a subi le même interrogatoire
00:34:34 de la part des services secrets français.
00:34:36 ...
00:34:39 -Mon père, à Pénémunde, il était scientifique,
00:34:42 mais je ne pense pas qu'il ait vraiment adhéré
00:34:46 aux idées d'Hitler.
00:34:48 On ne peut pas dire qu'on en ait discuté
00:34:52 vraiment ensemble, mais c'est le sentiment que j'ai.
00:34:56 C'était quelqu'un de bon, je pense,
00:34:58 qui faisait son travail. Voilà.
00:35:01 ...
00:35:06 -Karl Bencke a adhéré à l'IS
00:35:09 à partir de 1934,
00:35:11 et plus tard au Parti nazi.
00:35:13 Christelle, sa fille, n'était pas au courant.
00:35:16 ...
00:35:19 La tentation de tirer un trait sur la guerre,
00:35:22 de cacher son engagement politique,
00:35:24 a été très répandue dans l'Allemagne de l'après-guerre.
00:35:28 C'est ce que découvre Ursula Mendel
00:35:30 le jour où, à son tour, on vient l'interroger.
00:35:33 -La Sécurité navale est venue chez moi
00:35:36 juste avant mon départ.
00:35:39 C'était un officier de la Sécurité
00:35:42 qui était comme tâche de voir
00:35:44 si les Allemands étaient dangereux ou pas, etc.
00:35:47 Alors il m'a demandé "Vous n'étiez pas nazi ?"
00:35:52 J'ai dit "Monsieur, c'est assez difficile,
00:35:57 "quelqu'un de rouvert en Allemagne qui n'était pas nazi."
00:36:00 En quelque sorte, oui, j'étais nazi.
00:36:02 Et puis, finalement,
00:36:04 il était un peu pris à court,
00:36:07 il s'est levé, il s'est un peu incliné devant moi,
00:36:10 et il m'a dit "Mademoiselle, vous êtes le premier nazi
00:36:14 "que je rencontre en Allemagne.
00:36:16 "De mon côté, vous n'avez rien à craindre."
00:36:18 Alors ça, c'était...
00:36:21 Et ça, ça m'a mise en scène une colère noire
00:36:25 contre les Allemands.
00:36:27 Je dis "Mais comment ils se comportent
00:36:30 "qu'un officier me dise ça,
00:36:32 "qui me dise "Mademoiselle, vous êtes le premier nazi
00:36:35 "que je rencontre en Allemagne."
00:36:37 Mais ça, c'est inadmissible pour moi,
00:36:40 parce que ça pouvait montrer
00:36:42 qu'on s'est mis derrière un parablui,
00:36:45 on n'était pour rien, alors qu'on était ce qu'on était.
00:36:49 On ne pouvait très bien avouer ce qu'on était.
00:36:53 -Aucun profil n'arrête les recruteurs,
00:36:59 même les plus compromis.
00:37:02 Otto Ambross, chimiste, ami personnel d'Himmler,
00:37:05 a donné son feu vert à l'usage du Zyklon B à Auschwitz.
00:37:10 C'est le gaz utilisé pour l'extermination
00:37:14 des Juifs d'Europe.
00:37:16 Otto Ambross est sur la liste des criminels de guerre.
00:37:20 Pourtant, à la Libération,
00:37:23 il est embauché par une entreprise française
00:37:26 de colorants chimiques.
00:37:28 La France finit par le livrer aux Américains.
00:37:31 Ce tribunal, dressé pour juger les crimes commis à Auschwitz,
00:37:35 le condamne à huit ans de prison en 1947.
00:37:40 Combien d'autres ont échappé à tout jugement ?
00:37:45 Pendant la Seconde Guerre mondiale,
00:37:58 au centre de l'Allemagne, près de Nordhausen,
00:38:00 une gigantesque usine souterraine a été creusée
00:38:03 sur ordre des nazis en 1943.
00:38:05 Il fallait poursuivre la fabrication des V2
00:38:09 dans un lieu sûr, à l'abri des bombardements alliés.
00:38:13 Quand les troupes américaines découvrent le site,
00:38:16 en avril 1945, elles découvrent l'enfer.
00:38:20 La construction du camp de Dora a été une hécatombe.
00:38:25 Les soldats américains évacuent les corps suppliciés
00:38:28 et les déportés, forcés à travailler jusqu'au dernier jour,
00:38:32 dans les entrailles militaires du régime.
00:38:34 "Nous sommes restés 72 heures debout,
00:38:49 "sans nourriture et sans sommeil.
00:38:51 "Des grappes humaines de cornus s'agglutinaient
00:38:54 "afin de rechercher un semblant de chaleur."
00:38:58 Comment résister à une température de moins 25 degrés ?
00:39:02 Vision dantesque, ahurissante.
00:39:04 Ils mourraient bien davantage d'hommes
00:39:06 qu'ils ne sortaient de fusée.
00:39:09 -Ces dessins ont été réalisés sur place par un prisonnier français.
00:39:17 Il témoigne de la brutalité des capots.
00:39:25 Les ingénieurs étaient présents,
00:39:27 comme le prouvent ces clichés
00:39:29 pris par un photographe officiel du régime.
00:39:32 Comment se sont-ils comportés
00:39:34 envers cette main-d'oeuvre réduite en esclavage ?
00:39:37 -Au début du mois de mars 1944,
00:39:46 on nous a annoncé la visite d'un groupe d'ingénieurs.
00:39:49 L'un d'eux m'a aperçu et a foncé vers moi,
00:39:53 m'a giflé, invectivé, m'a accusé de sabotage
00:39:56 parce que j'avais posé le pied
00:39:58 sur un petit moteur de guidage de l'aileron de la fusée.
00:40:01 Après son départ, mon chef d'équipe m'a dit
00:40:04 qu'il s'agissait de Werner Von Braun.
00:40:06 -Il paraît qu'il y avait du sabotage aussi
00:40:09 dans ces galeries souterraines
00:40:12 que les Allemands, bien sûr, essayaient de détecter à temps,
00:40:15 mais certainement que ça eut lieu.
00:40:17 Et celui qui était pris, évidemment,
00:40:19 c'est très, très malheureux.
00:40:21 C'était la peine de mort.
00:40:23 Tout ça, c'est sûr que c'est une ombre de l'histoire terrible.
00:40:29 -Des dizaines d'autres sites souterrains
00:40:32 ont été construits pour la fabrication des armes
00:40:35 du régime nazi, laissant dans leur sillage des milliers de morts.
00:40:39 -Oh là là ! Il est fragile.
00:40:44 Il est...
00:40:46 Il souffle.
00:40:48 Il souffle.
00:40:50 Contrat de prestation de service
00:40:53 entre le ministère de l'Armement
00:40:56 et mademoiselle Mendel Ursula.
00:40:58 -Ursula Mendel décroche à son tour en 1947
00:41:04 un contrat d'assistante technique
00:41:06 dans un laboratoire de la marine française.
00:41:09 -C'était tellement incroyable
00:41:11 que ça s'est passé comme ça
00:41:13 que personne n'a vu ce filtre qu'ils auraient pu mettre
00:41:18 en disant "La fille de la générale
00:41:22 "qui s'est battue en Normandie contre nous,
00:41:25 "qu'est-ce qu'elle voulait qu'on en fasse ?"
00:41:28 Non, ça passait.
00:41:30 -Leur degré d'adhésion au régime nazi a été très variable.
00:41:34 Seule certitude, la France a accueilli
00:41:37 plusieurs milliers d'anciens collaborateurs
00:41:41 de la recherche.
00:41:43 On estime leur nombre à 5 000 environ.
00:41:46 ...
00:41:51 ...
00:41:53 ...
00:41:57 -Vernon s'offre à la flânerie.
00:41:59 Des roches, quelques grottes ?
00:42:02 Allons voir.
00:42:04 Un carrefour, une plaque, LRBA.
00:42:07 Il faut montrer pas de blanche
00:42:09 pour entrer au laboratoire de recherche balistique
00:42:12 et aérodynamique de Vernon.
00:42:14 ...
00:42:17 -C'était caché sur le plateau,
00:42:19 complètement à l'extérieur de Vernon,
00:42:21 et pratiquement les hôtes français de Vernon
00:42:25 n'avaient ni accès ni grosses connaissances de ces lieux.
00:42:28 ...
00:42:30 -En mai 1946, un premier groupe s'installe.
00:42:33 70 ingénieurs qui ont mis au point les V2
00:42:37 sont chargés de doter la France d'une fusée.
00:42:40 ...
00:42:42 Peu à peu, on construit pour eux une soufflerie,
00:42:45 des stands d'essai pour les moteurs.
00:42:48 Une cité de l'espace voit le jour.
00:42:51 ...
00:42:57 -Au mois de septembre 1947,
00:43:00 je suis arrivé à Vernon.
00:43:03 Moi, j'étais en train de faire
00:43:06 des études.
00:43:08 J'étais dans la section van, soupape...
00:43:11 J'avais une chambre au barraquement E,
00:43:14 à l'entrée, qui est détruite maintenant.
00:43:18 On était bien traités,
00:43:20 on était contents de travailler en France.
00:43:23 ...
00:43:27 -Sur ces images rares, tournées par l'un de ces scientifiques,
00:43:31 on aperçoit les maisons mises à leur disposition.
00:43:35 Les femmes et les enfants rejoignent les pères de famille
00:43:39 dans les mois qui suivent.
00:43:41 Le déménagement est pris en charge, les salaires sont bons.
00:43:45 La France leur a déroulé le tapis rouge.
00:43:48 ...
00:43:55 -Pour vivre, pour jouer, tout ça, on était très bien,
00:43:59 très bien en l'herbe.
00:44:02 On disait toujours "lieu de repos bien aménagé".
00:44:05 C'est vrai que pour les enfants, c'était le paradis,
00:44:09 de jouer.
00:44:10 Moi, je faisais des gros bouquins de muguets,
00:44:13 je cherchais des murs avec ma mère, les fraises des bois,
00:44:17 parce qu'ils mettaient ça dans du vin blanc,
00:44:21 et c'était de la bolle, c'était une boisson qu'on buvait en Allemagne,
00:44:25 c'est un genre de sangria.
00:44:27 -Les premières années, la colonie allemande
00:44:30 reproduit son mode de vie à l'identique.
00:44:32 Les fêtes traditionnelles,
00:44:34 comme le carnaval des enfants, ponctuent l'année.
00:44:37 A première vue, l'arrivée des spécialistes en Normandie
00:44:41 ne pose aucune difficulté.
00:44:43 ...
00:44:47 -Je crois que la peur d'aller à l'étranger
00:44:52 a été tout de suite oubliée,
00:44:54 voyant comment on les traitait en France.
00:44:59 Ils étaient traités aussi bien
00:45:01 au point de vue paiement
00:45:05 comme un Français.
00:45:08 Ils étaient très bien payés.
00:45:10 Musique intrigante
00:45:13 -Un second groupe rejoint le premier
00:45:15 pour construire des moteurs de char.
00:45:17 La colonie allemande compte désormais 130 scientifiques.
00:45:21 De nouvelles maisons sont mises en chantier.
00:45:24 Alors que la ville de Vernon,
00:45:26 bombardée par l'aviation allemande en 1940,
00:45:29 n'est toujours pas reconstruite.
00:45:31 -La ville, elle a été quand même beaucoup détruite, dévastée.
00:45:36 Les Vernonais, de voir ces camions
00:45:39 qui montaient avec des agglos, du ciment, du sable,
00:45:43 tout ce qu'il fallait pour construire,
00:45:45 ils le prenaient pas très bien, ce qui est tout à fait logique.
00:45:49 Et franchement, après toute cette violence
00:45:52 qui a été connue de par la faute des Allemands,
00:45:56 moi, je comprends.
00:45:57 Musique sombre
00:46:01 -Cette installation aux portes d'une cité meurtrie
00:46:04 déclenche l'hostilité des habitants.
00:46:07 ...
00:46:13 Les enfants allemands scolarisés avec les Français le ressentent.
00:46:16 -On était reconnus de loin avec cette culotte en cuir.
00:46:21 Il y avait une haine.
00:46:24 -Les Français traitaient les Allemands de boche.
00:46:28 Les écoliers, les camarades scolaires reprenaient ça.
00:46:33 On s'est quand même interrogés sur tout ce qu'on a...
00:46:37 Toute l'histoire, finalement, des Allemands à Vernon.
00:46:40 De toute façon, on était très jeunes,
00:46:43 mais on se disait, "Tiens, pourquoi on est mal vus ?
00:46:45 "Pourquoi on a des problèmes ? Pourquoi il y a des tensions ?"
00:46:49 -Notre frère aîné, lui, il avait, je dirais, à peu près 18 ans.
00:46:54 Et lui, il est allé travailler comme apprenti
00:46:58 chez un électricien en ville.
00:47:02 Et donc, il allait faire des installations
00:47:04 chez des particuliers.
00:47:06 ...
00:47:09 -Karl Bencke a placé son fils en apprentissage
00:47:12 chez un électricien français.
00:47:14 ...
00:47:16 -Et là, lui, il a subi quelques agressions.
00:47:19 C'était plus difficile.
00:47:20 -Battu sauvagement, le jeune homme en gardera des séquelles.
00:47:24 Sa famille n'a jamais porté plainte.
00:47:26 -Ca a été assumé.
00:47:30 On a fait du mieux qu'on a pu, mais voilà.
00:47:33 Hum-hum.
00:47:35 Oui, oui.
00:47:37 Mais...
00:47:38 Enfin, il faut avouer que c'est une période qui n'était pas facile.
00:47:42 ...
00:47:48 -L'arrivée des Allemands suscite partout la peur
00:47:51 et l'incompréhension.
00:47:53 A Decize, dans la Nièvre,
00:47:55 170 ingénieurs débarquent en juillet 1946.
00:47:59 Avec leurs 272 wagons remplis d'outillages,
00:48:04 ils ne pouvaient pas passer inaperçus.
00:48:07 ...
00:48:14 -Aujourd'hui, nos rues sont à nouveau pleines de silhouettes
00:48:17 que nous reconnaissons pour les avoir trop connues.
00:48:20 L'uniforme n'y est plus,
00:48:23 mais nous reconnaissons l'allure et le regard.
00:48:26 Les habitants de Decize se rappellent surtout
00:48:30 les derniers teutons, ivres de fureur et armés jusqu'aux dents,
00:48:34 partir en expédition contre les maquis du Morvan.
00:48:37 Personne n'oublie.
00:48:39 ...
00:48:43 -Les craintes de la population n'ont pas pesé lourd
00:48:46 face à la raison d'Etat.
00:48:47 L'ingénieur en chef du groupe, Hermann Oestrich,
00:48:51 a mis au point l'un des tout premiers moteurs à réaction.
00:48:54 Ses bombardiers ME 262
00:48:57 représentaient une avancée technologique majeure.
00:49:00 Pour venir travailler en France,
00:49:02 le ministère de l'Armement lui a fait un pont d'or.
00:49:04 Oestrich a dicté ses conditions
00:49:06 pour mettre au point le premier moteur à réaction français.
00:49:10 5 % du prix lui revient sur chaque exemplaire fabriqué.
00:49:14 ...
00:49:17 Le gouvernement français a entouré d'une discrétion maximale
00:49:21 l'installation de dizaines de laboratoires civils et militaires.
00:49:24 Les moteurs à réaction à Decize,
00:49:27 les sous-marins à Cherbourg,
00:49:28 les avions de chasse à Melun...
00:49:30 Dans tous ces centres, des Allemands travaillent pour la France,
00:49:34 car la priorité est donnée au retour du pays
00:49:36 parmi les puissances mondiales.
00:49:38 ...
00:49:43 ...
00:49:54 -A mon arrivée ici, en février,
00:49:56 les arbres et les buissons de Mimosa
00:49:58 ployaient sous leur charge luxuriante.
00:50:00 A Fréjus, je fais la connaissance de mes nouveaux camarades.
00:50:04 Ce sont des ingénieurs,
00:50:06 amenés ici d'office, mais ils disent qu'ils s'y plaisent bien.
00:50:09 Le personnel allemand se compose d'une trentaine d'ingénieurs
00:50:12 et d'une dizaine de techniciens.
00:50:14 Je suis appelée chez le professeur Bittel, physicien.
00:50:17 Il m'apprendra, en acoustique sous-marine,
00:50:19 tout ce qui me sera utile plus tard.
00:50:21 Pendant quatre ans, nous travaillerons ensemble.
00:50:24 -Au début, nous étions des ingénieurs et techniciens allemands,
00:50:28 avec, je crois, on avait deux techniciens français.
00:50:32 Tout ce qui était scientifique ou savoir,
00:50:36 c'était dirigé par les Allemands.
00:50:39 -Ursula Mendel fait partie des effectifs embauchés par la marine.
00:50:44 Elle travaille dans l'un des trois centres expérimentaux
00:50:47 de la côte d'Azur, ouvert grâce au recrutement d'Ivrocar.
00:50:50 ...
00:50:56 -J'avais embauché tous ces ingénieurs et techniciens
00:50:59 qui étaient très bons et qu'on a transférés en France
00:51:02 au laboratoire du BRUSC.
00:51:03 Ils avaient la solution pour cette orpite
00:51:06 qui se retourne sous les bateaux et explose.
00:51:08 -Entre Français et Allemands, ça marchait très bien.
00:51:11 Et plus le travail que je faisais était finalement important,
00:51:17 plus j'étais contente que je pouvais montrer que c'était possible.
00:51:22 Parce qu'il est presque incroyable que j'étais une des rares personnes
00:51:27 qui était au courant qu'il va y avoir des sous-marins nucléaires.
00:51:32 Mais c'était classifié.
00:51:35 La marine française avait sacré confiance en moi.
00:51:39 ...
00:51:43 -Ursula Mendel passe son diplôme d'ingénieure
00:51:46 et sert fidèlement les intérêts de la France.
00:51:49 Les autorités militaires lui imposent un silence complet
00:51:52 sur la nature de son travail.
00:51:54 Dans son contrat, il est écrit qu'en cas d'espionnage,
00:51:58 c'est la peine de mort.
00:52:00 -J'ai trouvé ça un peu dur,
00:52:03 que ce soit déjà dans un contrat.
00:52:06 Je me suis dit, s'ils veulent qu'on le sache,
00:52:09 c'est leur truc, quoi.
00:52:10 D'ailleurs, ça risque pas beaucoup qu'il fallait moins le dire,
00:52:15 parce que je suis née dans une famille militaire
00:52:19 où on savait de quoi on peut parler, de quoi on peut pas parler.
00:52:23 Ça, je le savais déjà tout petit, quoi.
00:52:26 ...
00:52:29 -Ursula Mendel a été une pionnière.
00:52:32 Elle a créé le premier service de mesure des bruits sous-marins,
00:52:36 une discipline nouvelle
00:52:37 qui a permis d'augmenter la sécurité à bord des submersibles.
00:52:41 -Les sous-mariniers, c'était les premiers qui ont compris
00:52:45 que j'avais raison et qui m'ont adoptée
00:52:48 à partir de ce moment-là.
00:52:50 Maintenant, il y a des oreilles d'or.
00:52:52 C'est vraiment devenu quelque chose
00:52:54 qui est...
00:52:56 qui a été compris.
00:52:58 Musique douce
00:53:00 -La greffe a pris.
00:53:02 Les premiers instituts de recherche franco-allemands voient le jour.
00:53:05 Leurs travaux vont permettre à la France de rattraper son retard.
00:53:09 -Finalement, vaille que vaille,
00:53:13 avec le temps, les Français et les Allemands vont se réconcilier.
00:53:17 C'est ce qui s'est passé.
00:53:18 ...
00:53:22 -A la fin des années 50,
00:53:24 le fruit de ces collaborations se concrétise.
00:53:27 ...
00:53:34 Musique douce
00:53:36 -Le 22e salon de l'aéronautique qui vous est présenté
00:53:39 révèle au monde étonné le prodigieux essor
00:53:42 de notre aéronautique nationale.
00:53:44 Depuis la guerre, nos constructeurs, nos centres d'essai,
00:53:47 nos services techniques ont fait d'une industrie
00:53:50 mise en sommeil pendant les hostilités
00:53:52 une des plus florissantes et sûrement la plus vivante qui soit.
00:53:56 -Le salon du Bourget 1957 est une vitrine mondiale
00:54:00 pour les réalisations technologiques françaises.
00:54:03 Le pays vient de se doter de ses premiers avions à réaction.
00:54:07 ...
00:54:11 -Mistir 4A, Marcel Dassault, France.
00:54:13 Intercepteurs et avions d'appui transsonique
00:54:16 qui équipent les forces aériennes de l'OTAN.
00:54:18 ...
00:54:20 -Personne ne précise que le concepteur
00:54:23 du premier moteur à réaction est allemand.
00:54:26 Hermann Östrich l'a mis au point indécise.
00:54:29 ...
00:54:37 Les prouesses technologiques éblouissent les visiteurs,
00:54:40 mais leur ADN reste inconnu.
00:54:42 Le Djinn est un hélicoptère léger qui bat des records d'altitude.
00:54:46 ...
00:54:49 Le nom des deux ingénieurs allemands qui l'ont conçu
00:54:52 n'est jamais prononcé.
00:54:54 Le clou du salon de l'espace, c'est cet appareil futuriste.
00:54:58 -Atare volant C-400 P2, France.
00:55:02 Appareil expérimental pour l'étude du décollage
00:55:06 et de l'atterrissage à la verticale construit par la SNECMA.
00:55:09 On songe à équiper le réacteur d'une aile annulaire
00:55:12 dont la partie intérieure sera pourvue d'un statoréacteur.
00:55:16 ...
00:55:18 -Le comte Helmut von Zborowski en est l'inventeur.
00:55:21 Il faisait partie des unités d'élite de la SS.
00:55:25 Mais c'est aussi un génie,
00:55:27 enlevé à la fin de la guerre aux Américains.
00:55:30 Arrivé en France, il a mis au point
00:55:32 le premier avion à décollage vertical au monde.
00:55:35 S'il ne s'était pas crashé lors d'un essai,
00:55:39 ce curieux engin aurait propulsé la France
00:55:42 dans un univers de science-fiction.
00:55:44 ...
00:55:50 -Pourquoi il y a eu une omerta sur la présence
00:55:53 de scientifiques allemands sur le territoire français ?
00:55:56 Je dirais que ça a été la même chose aux Etats-Unis avec von Braun.
00:55:59 S'il est arrivé aux Etats-Unis, c'était sous le plus grand secret.
00:56:03 Pendant 4-5 ans, personne n'était au courant de rien,
00:56:06 surtout pas la presse.
00:56:07 Après, l'affaire a un peu explosé
00:56:09 avec le fait que von Braun a été du parti nazi.
00:56:12 -Les recherches conduites en Normandie
00:56:14 par les anciens collaborateurs de Werner von Braun
00:56:17 sont restées entourées jusqu'au bout d'un épais mystère.
00:56:20 ...
00:56:22 Eux-mêmes conservent une discrétion totale
00:56:25 sur les raisons de leur présence.
00:56:26 ...
00:56:28 -On savait qu'ils travaillaient sur des moteurs de fusée,
00:56:31 sur des fusées,
00:56:32 mais à l'excellence,
00:56:36 les pères ne parlaient de rien.
00:56:38 Souvent, les épouses ne savaient pas ce que faisait leur mari.
00:56:43 Tellement c'était secret.
00:56:46 Ils ont été formés comme ça.
00:56:48 Tous les papiers qui circulaient, par exemple, dans l'usine,
00:56:53 ont été tamponnés, secrets, numérotés, etc.
00:56:57 -Il y avait aussi un petit côté cocorico,
00:57:00 qui était de ne pas trop révéler
00:57:03 que c'était grâce aux Allemands et au cerveau allemand
00:57:06 qu'on avait fabriqué les premières fusées Véronique,
00:57:09 des fusées sondes qui volaient à Maguire et autres.
00:57:14 Donc la fierté nationale voulait plutôt montrer
00:57:18 que c'était grâce aux ingénieurs français.
00:57:21 -Ceci, c'est Véronique, la fusée.
00:57:24 ...
00:57:27 -Les ingénieurs allemands de Vernon
00:57:29 se voient confier le secteur propulsion des fusées.
00:57:32 ...
00:57:40 -Le général de Gaulle a demandé
00:57:42 à ce qu'on développe, par exemple,
00:57:45 une fusée anti-avion,
00:57:48 la Parka, qui a été développée au LRBA,
00:57:52 pour descendre les bombardiers russes
00:57:56 qui sont chargés de bombes atomiques.
00:57:59 Ca, bien sûr, en tant qu'enfance,
00:58:02 on sait que c'est quelque chose de tout à fait nouveau
00:58:06 et quelque chose qui va faire changer le monde.
00:58:09 -Mais ces premiers missiles Solair
00:58:12 ou Mer-Air, impulsés par des équipes allemandes,
00:58:15 rencontrent des problèmes de guidage.
00:58:17 Le développement de plusieurs fusées est abandonné.
00:58:21 Les ingénieurs allemands de Normandie
00:58:23 se concentrent dans les années 60
00:58:25 sur la conception de moteurs de lancement,
00:58:28 toujours plus puissants.
00:58:30 -Ces réalisations très spectaculaires
00:58:32 vont de Véronique, dont il a déjà été tiré plus de 70 exemplaires,
00:58:36 au premier étage émeraude du lance-satellite Diamant,
00:58:39 et à Cora, deuxième étage du lanceur européen Eldos Eclès.
00:58:45 -Les recrues allemandes mettent au point un moteur fusée
00:58:48 qui équipera les premiers étages de tous les lances-satellites
00:58:53 jusqu'en 2003,
00:58:54 jusqu'au dernier vol de la fusée Ariane 4.
00:58:57 ...
00:59:03 -Ca a été comme ça que la France a pu fabriquer des fusées
00:59:07 et devenir un peu le leader européen d'Ariane.
00:59:11 ...
00:59:14 -Mission accomplie.
00:59:16 On estime que le travail des scientifiques allemands
00:59:19 a fait gagner à la France 15 précieuses années
00:59:22 de recherche et d'études.
00:59:23 Ils sont pour la plupart repartis.
00:59:25 L'Allemagne, à partir des années 60,
00:59:28 a été en mesure de leur proposer des postes équivalents.
00:59:31 Seules quelques familles sont restées en France,
00:59:34 sans attirer l'attention.
00:59:36 ...
00:59:40 -Moi, ça ne m'a jamais troublé qu'on soit resté un peu dans l'ombre.
00:59:44 -Beaucoup ? -Beaucoup dans l'ombre.
00:59:48 Ca nous a pas... Non, je sais, et mon père non plus.
00:59:52 Ca n'a...
00:59:53 D'aucune façon, ça ne l'a troublé.
00:59:56 ...
00:59:59 -Entouré par le secret défense,
01:00:01 l'existence de ces colonies allemandes sur le sol français
01:00:05 n'a jamais été portée à la connaissance du grand public.
01:00:08 ...
01:00:14 -Main basse sur les savants d'Hitler,
01:00:16 un documentaire exclusif pour notre chaîne,
01:00:19 réalisé par Bénédicte Delfaux,
01:00:20 comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou l'URSS.
01:00:23 Vous venez de le découvrir.
01:00:25 La France a donc elle aussi participé
01:00:27 à la traque des scientifiques du régime nazi.
01:00:30 Après guerre, quel fut l'apport de ces ingénieurs
01:00:33 spécialement exfiltrés par les vainqueurs
01:00:36 de la Seconde Guerre mondiale ?
01:00:37 Nous allons en débattre sur ce plateau de Débat doc
01:00:40 avec nos invités. Bénédicte Delfaux est parmi nous.
01:00:43 Bienvenue à vous.
01:00:44 C'est donc vous qui avez réalisé ce film,
01:00:47 cette solide enquête historique sur un chapitre,
01:00:50 c'est vrai, souvent méconnu, de l'après-guerre,
01:00:52 notamment du côté français.
01:00:54 On va bien sûr revenir sur votre enquête
01:00:57 et on va le faire avec vous, Michel Tedoldi.
01:00:59 Bienvenue. Vous êtes écrivain et réalisateur.
01:01:02 Vous aussi, vous vous êtes intéressé très près
01:01:05 à ce sujet concernant l'Hexagone, avec ce livre,
01:01:08 "Un pacte avec le diable,
01:01:10 "quand la France recrutait des scientifiques nazis",
01:01:13 ouvrage publié chez Albin Michel.
01:01:15 C'est en enquête, pour écrire cet ouvrage.
01:01:19 Et puis, enfin, Robert Franck est avec nous.
01:01:21 Vous êtes historien, spécialiste de l'Europe
01:01:24 et des relations internationales.
01:01:26 Bénédicte Delfaux, comment vous est venue l'idée
01:01:29 de cette enquête historique ?
01:01:31 Qui nous fait des révélations peu communes,
01:01:35 peut-être sans doute très méconnues en France,
01:01:37 sur cette fameuse TRAC,
01:01:40 cette exfiltration,
01:01:42 ce recrutement des savants hitlériens
01:01:45 par la France ?
01:01:46 -Alors, comme beaucoup,
01:01:48 je connaissais l'opération Paperclip,
01:01:50 qui était un peu la face émergée de tout cet iceberg.
01:01:54 On a pu apprendre des Etats-Unis
01:01:56 l'existence de l'exfiltration de savants scientifiques allemands.
01:01:59 En France, c'est un peu par hasard,
01:02:01 du fait que je connaisse la région de Vernon, en Normandie,
01:02:05 que j'ai appris l'existence et le séjour très long
01:02:08 de certains de ces scientifiques dans cette région
01:02:11 et que ma curiosité a été un peu attisée.
01:02:13 Et au fur et à mesure, en creusant,
01:02:15 avec l'aide de ma coautrice,
01:02:17 on a pris la mesure à la fois de l'ampleur du phénomène,
01:02:21 parce qu'il touche un grand nombre de spécialités,
01:02:25 et aussi bien, et ça, ça me paraît important,
01:02:27 dans le champ militaire, que je développe dans le documentaire,
01:02:31 mais aussi dans le champ civil,
01:02:33 ce qui est encore un domaine assez méconnu.
01:02:35 -Votre ouvrage, lors de sa parution,
01:02:37 a beaucoup fait parler,
01:02:39 parce qu'on avait le sentiment qu'on ne connaissait pas ce sujet
01:02:42 traité dans ce documentaire, et que, l'un et l'autre,
01:02:46 vous êtes allés à l'encontre d'un beau récit national
01:02:49 qu'on nous a longtemps raconté, notamment sur la période gaullienne,
01:02:53 où les Français ne savaient pas qu'on avait recruté
01:02:56 des technologies en matière d'aérospatial,
01:02:59 notamment des missiles, etc.
01:03:02 -Je crois qu'il ne faut pas parler au passé,
01:03:05 parce que ça continue à être le cas
01:03:08 sur tout le discours qui continue à perdurer
01:03:11 sur les 30 Glorieuses,
01:03:13 qui nous fait entendre
01:03:17 que la France s'est relevée toute seule,
01:03:19 avec ses petits bras, et qu'elle a profité de l'apport de personnes.
01:03:23 Or, cet apport existait,
01:03:26 cet apport était connu,
01:03:29 et cet apport a été gommé,
01:03:32 a été oublié par tout le monde, historien compris.
01:03:36 Il y a un grand blanc, un grand blanc historique,
01:03:39 comme si on ne voulait pas se confronter
01:03:41 au mensonge du roman national qu'on a construit.
01:03:44 C'est un peu ce qui s'est passé
01:03:46 au travers du recrutement de ces scientifiques nazis,
01:03:49 parce qu'ils sont plus que allemands, ils sont nazis.
01:03:52 Quand on prend leur CV,
01:03:54 quand on prend globalement leur CV,
01:03:56 ils sont nazis. Par exemple,
01:03:58 ce que j'ai trouvé très beau dans le film,
01:04:01 c'est la dame, la dame de sang, qui dit qu'elle était nazie.
01:04:04 Les autres n'ont jamais dit,
01:04:07 ne reconnaîtraient jamais,
01:04:08 moi, j'ai lu des interviews, j'ai vu des interviews,
01:04:11 que c'était d'anciens nazis.
01:04:13 Quand on prend l'opération Paperclip,
01:04:15 quand on lit le livre de Linda Hunt,
01:04:18 quand on voit le comportement de ces ingénieurs à Dora,
01:04:21 ou des milliers de déportés... -Vous avez vu des images
01:04:24 dans votre film. -Des milliers de déportés
01:04:27 sont morts. -Avec du travail obligatoire.
01:04:29 -Les ingénieurs participaient à cette entreprise.
01:04:34 Il y a même eu, qui est comble de tout,
01:04:38 la direction SS du camp,
01:04:40 qui a envoyé, ça, c'est dans les archives de Dora,
01:04:43 une lettre aux ingénieurs, en leur demandant,
01:04:46 en leur précisant que c'était eux
01:04:48 qui étaient responsables des punitions
01:04:51 et pas les ingénieurs.
01:04:52 Donc, il y a une participation, mais objective,
01:04:55 à cette machine de mort des ingénieurs nazis.
01:04:59 -Robert Frank, il faut recontextualiser tout cela.
01:05:02 Fallait-il faire la même chose que les Américains
01:05:05 à travers cette fameuse opération Paperclip,
01:05:08 qui a permis tout de même aux Américains
01:05:11 de recruter quelques 1 500 savants allemands,
01:05:15 qui avaient, évidemment, participé à ce régime nazi ?
01:05:19 Il y a un contexte dans tout ça,
01:05:21 qui est celui du début de la guerre froide.
01:05:23 La France avait peut-être aussi tout intérêt
01:05:26 à être de cette traque, non ?
01:05:29 -Bien sûr. Il y a plusieurs choses.
01:05:32 Il faut bien comprendre la réputation
01:05:34 de la science allemande.
01:05:36 Dans les années 30, les Allemands ont entré très loin
01:05:39 dans la recherche anatomique, comme les Français,
01:05:41 mais comme les Britanniques, comme les Américains.
01:05:44 La guerre cloisonne tout ça. Les Allemands sont de leur côté.
01:05:48 C'est aussi un inconvénient allemand,
01:05:50 c'est qu'ils sont de leur côté.
01:05:52 Beaucoup de Juifs savants allemands ou italiens
01:05:55 sont partis aux Etats-Unis.
01:05:57 Quand la paix revient, c'est une course.
01:06:01 Je crois que le film le montre bien.
01:06:03 C'est une course. La traque, c'est aussi la pêche.
01:06:06 La pêche aux savants.
01:06:08 Il faut bien comprendre une chose.
01:06:11 À Potsdam, en juillet 45, Truman, calmement,
01:06:13 annonce à Staline, à Churchill,
01:06:15 "Il y a quelques jours, nous venons de faire une expérience."
01:06:19 C'est la bombe atomique expérimentale.
01:06:21 Staline ne pique pas,
01:06:22 parce qu'on pense que les Soviétiques
01:06:25 étaient au courant de ça.
01:06:26 C'est quoi, l'idée de Staline ?
01:06:28 Bien sûr, ça va être utilisé contre le Japon,
01:06:30 mais c'est aussi un avertissement au monde,
01:06:33 et pourquoi pas à Staline ?
01:06:34 Il y a déjà une tension.
01:06:36 La guerre froide, officiellement, commence en 1947,
01:06:39 mais il y a déjà une tension.
01:06:40 C'est la course à l'armement atomique.
01:06:43 Les Américains, ils sont très vite voir,
01:06:45 mais la course aussi aux autres armes.
01:06:47 Tout le monde est dans le coup, et la France en particulier.
01:06:51 Le film montre bien le fait que la France
01:06:53 obtienne une zone d'occupation en France.
01:06:55 C'est fondamental, car on a un terrain pour cette pêche.
01:06:58 -1945, nous ne sommes pas encore dans la guerre froide.
01:07:02 Vous l'avez dit, on date à 1947, à peu près.
01:07:04 -Les tensions existent. -Mais cette course,
01:07:07 à laquelle vous faites référence, a lieu entre alliés.
01:07:10 -Elle a lieu entre alliés.
01:07:11 -On peut quantifier, par alliés, ce qu'a été cette traque,
01:07:15 entre l'URSS, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne.
01:07:18 -En termes de saisie, c'est compliqué.
01:07:22 On n'a pas des chiffres extrêmement fiables,
01:07:25 extrêmement précis.
01:07:26 On sait, en termes de moyens,
01:07:28 et c'est intéressant de souligner,
01:07:30 qu'on s'aperçoit, par exemple,
01:07:31 que pour la seule armée de l'air américaine,
01:07:34 ce sont 200 enquêteurs qui fouillent l'Allemagne
01:07:37 pour un corps d'armée.
01:07:38 Chaque corps d'armée disposait de ses propres enquêteurs.
01:07:42 Les services secrets au sein de chaque armée alliée
01:07:44 coordonnaient ces recherches.
01:07:46 Donc, on a véritablement une traque à l'échelle d'un pays
01:07:50 qui va donner des résultats formidables.
01:07:53 Là-dessus, il n'y a aucun doute.
01:07:55 On a vraiment fait main basse sur tous ces scientifiques.
01:07:58 Alors, dans quelle proportion
01:08:01 on va avoir, sans doute, largement en tête l'URSS ?
01:08:06 Il faut se rappeler que l'URSS a une logique de trophée.
01:08:10 Elle rentre sur le sol allemand, elle se serre.
01:08:13 Il n'y a pas de justification morale à avoir.
01:08:16 Les destructions, les morts ont été terribles
01:08:19 sur le sol soviétique.
01:08:21 Donc, on se paye sur la bête.
01:08:24 D'ailleurs, très vite, les scientifiques allemands...
01:08:27 -C'est aussi vrai concernant ces savants hitlériens ?
01:08:30 -Alors, comme une oeuvre d'art, on s'empare d'un savant...
01:08:34 -J'avais le chiffre de 5 000 savants recrutés par les soviétiques.
01:08:38 -On a parlé, à certaines époques, de 20 000, 30 000,
01:08:41 en tout cas plusieurs milliers,
01:08:43 peut-être même plus qu'une dizaine de milliers,
01:08:45 parce que ce qui est attesté, de toute façon,
01:08:48 c'est qu'en 1947, les soviétiques vont décider
01:08:51 de remplir plusieurs dizaines de trains
01:08:54 qui vont partir en URSS,
01:08:55 remplis de ces scientifiques et de leurs familles,
01:08:58 pour aller travailler pour l'URSS dans des domaines variés.
01:09:01 On va les installer dans des centres de recherche technique.
01:09:05 Donc, je pense qu'en termes de volume,
01:09:07 on est avec l'URSS face aux plus grands pilleurs.
01:09:11 -Oui. -Mais ce qui est très...
01:09:13 -Et ensuite, les Etats-Unis ? -Non.
01:09:15 Ensuite, la France. -La France.
01:09:17 Vous en arrivez l'un et l'autre, c'est assez comparable.
01:09:20 Une fourchette, on dirait, entre 4 000 et 5 000.
01:09:23 Alors, à la fois, savants, ingénieurs et techniciens allemands
01:09:27 qui auraient été recrutés par la France,
01:09:30 c'est un chiffre sur lequel on peut à peu près se mettre d'accord.
01:09:33 Vous avez l'un et l'autre...
01:09:35 -C'est un peu à la louche, parce qu'il n'y a pas de statistiques,
01:09:39 personne ne s'en est chargé, donc on pense, en gros,
01:09:42 parce que c'est par gros paquets qu'ils arrivaient.
01:09:45 -On aurait donc recruté davantage de ces savants
01:09:47 que les Américains ? -Oui.
01:09:49 Bien sûr, mais on était les mieux-disants.
01:09:51 Il faut bien comprendre qu'on est sur un marché concurrentiel.
01:09:55 Là, on dit que c'était une lutte entre les alliés,
01:09:58 mais c'était une vraie lutte,
01:10:00 c'est-à-dire qu'il y a des histoires
01:10:02 qui sont dignes de romans policiers,
01:10:04 on les planquait, on les cachait,
01:10:07 et après, on leur proposait des conditions de recrutement.
01:10:10 Les Français ont été les mieux-disants.
01:10:12 Il y en a certains, parce que c'étaient les rois du pétrole,
01:10:15 ces ingénieurs, c'est-à-dire que c'est eux qui décidaient.
01:10:19 Par exemple, on fait le tour des alliés.
01:10:21 "Vous me proposez quoi, les Américains ?
01:10:23 "Vous me proposez quoi, les Anglais ?
01:10:25 "Vous me proposez quoi, les Français ?"
01:10:27 Un type comme Ostrich a fait ça.
01:10:29 Il était chez le mieux-disant, et le mieux-disant était le Français.
01:10:33 Et ça, on le retrouve à peu près systématiquement
01:10:37 dans tous les recrutements,
01:10:39 c'est-à-dire que la France propose les meilleures conditions
01:10:43 de vie, de travail, de salaire.
01:10:46 -Je pense qu'il faut aussi avoir en tête
01:10:48 la grande panique qui régnait dans l'esprit de ces scientifiques.
01:10:52 Ils se retrouvent sans laboratoire.
01:10:54 Leurs travaux, la plupart du temps, ont été cachés, détruits.
01:10:59 Et la grande peur qui monte parmi eux,
01:11:02 c'est se retrouver enlevés par les Soviétiques.
01:11:05 Ils le savent, entre eux,
01:11:06 que les Soviétiques vont leur mettre la main dessus,
01:11:09 qu'ils risquent de disparaître,
01:11:11 ils n'auront aucune maîtrise sur leurs conditions de vie.
01:11:14 De même, ils viennent frapper à la porte des Français,
01:11:17 tout plutôt que les Russes. C'est très net.
01:11:20 Et les Français vont énormément jouer là-dessus.
01:11:23 On va faire partie de ces pays qui vont en douce
01:11:26 se présenter en zone soviétique,
01:11:29 se nuire, organiser des enlèvements.
01:11:32 C'est un vrai roman d'espionnage.
01:11:35 -Ce dépend des conditions familiales.
01:11:37 Beaucoup d'Allemands préféraient rester chez eux.
01:11:40 Les Soviétiques pouvaient faire peur,
01:11:42 mais ils pouvaient être mieux disants sur un point.
01:11:45 "Si vous venez avec nous,
01:11:47 "on vous laisse dans la zone soviétique allemande,
01:11:50 "ce qui va devenir l'Allemagne de l'Est."
01:11:52 -Ce qui s'est passé avec les Soviétiques,
01:11:55 c'est quand même qu'on les criminalise un peu
01:11:59 parce que les...
01:12:00 Il y a eu des travaux là-dessus, aussi.
01:12:02 Le recrutement des ingénieurs allemands en Union soviétique,
01:12:06 on a créé des villes quasiment pour eux,
01:12:08 et c'était là-bas, les rois... C'était les rois.
01:12:11 Il y avait des conditions de vie, ils étaient très bien payés.
01:12:15 Certains réussissaient à faire importer des voitures allemandes
01:12:18 jusqu'en URSS. -Sauf qu'ils ne pouvaient pas
01:12:21 rentrer en Allemagne. -Ils ont eu des conditions de vie
01:12:24 qui n'étaient pas dramatiques.
01:12:26 Et à partir de 50, 55, on les a renvoyés en Allemagne,
01:12:32 une fois qu'on les avait bien pressurés.
01:12:34 Mais il ne faut pas s'imaginer
01:12:36 qu'il y a un ours soviétique sanguinaire
01:12:38 et qu'il y a des gentils alliés.
01:12:40 C'est beaucoup plus complexe que ça.
01:12:42 Vraiment beaucoup plus.
01:12:44 Il n'y a qu'une seule chose qui est commune
01:12:46 à tous ces recrutements, c'est l'oubli
01:12:49 de l'implication de ces savants dans le système hitlérien,
01:12:53 c'est-à-dire qu'on gomme tout le passé des gens.
01:12:56 Il n'existe pas un type comme Ambrose
01:12:59 qui a...
01:13:00 qui a, à la base, l'utilisation du Zyklon...
01:13:04 Excusez-moi, du Zyklon à Auschwitz,
01:13:07 a été recruté par les Français pour des raisons économiques,
01:13:11 mais sans aucun problème.
01:13:12 -J'ai vu que cette fameuse opération Paperclip,
01:13:15 orchestrée par les Américains,
01:13:17 et qu'on a évoquée au début de cette émission,
01:13:20 s'est arrêtée en 1957, parce que l'Allemagne de l'Ouest
01:13:23 a été en colère auprès du gouvernement des Etats-Unis
01:13:26 pour l'avoir dépouillée de ses compétences scientifiques.
01:13:29 Il y a donc un moment où la RFA,
01:13:31 parce qu'après, dans les années 50, on en est à la RFA,
01:13:34 proteste et veut voir revenir ses propres savants.
01:13:38 J'imagine qu'il y a...
01:13:40 -Oui, bien sûr, mais ça va peut-être devenir aussi possible,
01:13:43 parce que, comme vous l'avez dit, la plupart des apports
01:13:46 de ces savants sont déjà donnés aux différents recruteurs.
01:13:50 D'une part. D'autre part, la RFA...
01:13:52 -On a appris ce qu'on devait prendre de ces savants
01:13:55 avant qu'ils ne retournent pas chez eux.
01:13:57 -En 57, la RFA a plus de consistance internationale
01:14:00 et peut effectivement demander cela.
01:14:03 -Il y a un phénomène, aussi, à cette période-là,
01:14:06 c'est qu'on est en pleine guerre de Corée,
01:14:08 et les Etats-Unis trouvent ça très intéressant
01:14:11 d'avoir une Allemagne de l'Ouest capable de se redresser,
01:14:14 de produire à son tour des armes.
01:14:16 On a besoin d'alliés, en fait, dans ce contexte de guerre froide.
01:14:20 -Il y a une figure dans votre documentaire
01:14:22 qui répertorie sur l'Hexagone
01:14:24 tous les sites dont on bénéficiait...
01:14:27 -Connus. -Connus.
01:14:29 Dont ont bénéficiaient les Français,
01:14:32 avec ces techniciens et ingénieurs allemands.
01:14:36 Cette carte, donc, dans à peu près beaucoup de domaines,
01:14:39 mais beaucoup de domaines militaires,
01:14:41 donc des domaines sensibles, on faisait travailler ces Allemands
01:14:45 dans des domaines ultrasensibles.
01:14:47 Missiles solaires, missiles sol-mer,
01:14:50 le spatial, l'aérospatial.
01:14:52 -Également, on a, sur toute la façade sud-méditerranéenne,
01:15:00 des laboratoires entiers d'études sous-marines.
01:15:02 Les Allemands étaient avancés en acoustique sous-marine,
01:15:06 qui ont été démontés et les savants amenés sur place
01:15:09 pour y travailler.
01:15:10 Les premiers sous-marins nucléaires français
01:15:13 doivent beaucoup à cet apport.
01:15:14 -La bombe... -La maille de l'inventaire.
01:15:17 -Première bombe atomique française, 1960.
01:15:20 Aucun technicien ingénieur allemand n'a travaillé sur ce projet ?
01:15:23 -Si. Mais alors là, c'est le seul point
01:15:26 où, effectivement, on peut reconnaître l'omerta,
01:15:28 mais qui dépasse, qui est un truc français sur la bombe atomique.
01:15:32 On a quelques informations par les Américains.
01:15:35 On sait qu'ils ont travaillé sur les missiles
01:15:37 qui permettaient de lancer la bombe atomique.
01:15:40 On sait que certains ont peut-être certainement travaillé
01:15:43 sur la bombe atomique elle-même, mais là, c'est vrai,
01:15:46 en l'occurrence, il y a une omerta totale.
01:15:49 J'ai cherché, j'ai quelques brides d'informations,
01:15:51 mais rien de très précis sur la participation
01:15:54 de ces scientifiques à la bombe atomique.
01:15:56 -J'ai eu le sentiment qu'ils avaient tous été enlevés
01:15:59 avant que les Français n'arrivent par les Américains.
01:16:03 Il reste plus grand monde.
01:16:04 C'était pas non plus extrêmement développé.
01:16:07 -Ils étaient pas. Ce qu'il faut dire, quand même,
01:16:09 c'est que là où les Américains se sont plantés,
01:16:12 c'est qu'ils pensaient que les Allemands
01:16:14 étaient à deux doigts d'avoir la bombe atomique
01:16:17 et c'était pas le cas. Ils l'ont découvert.
01:16:20 Joliot-Curie leur avait dit, dont on n'a pas du tout parlé,
01:16:23 à une place essentielle dans toute cette affaire,
01:16:26 qu'il a continué, pendant toute la guerre,
01:16:28 à avoir des rapports avec un certain nombre
01:16:31 de scientifiques allemands, savait que les Allemands
01:16:34 n'étaient pas du tout avancés tel qu'on le croyait
01:16:37 sur la bombe atomique.
01:16:38 -Merci, Hitler. -Robert Frank.
01:16:40 -Merci, Hitler.
01:16:41 Merci, Hitler.
01:16:42 Parce que c'est sa décision.
01:16:45 Je veux dire, les savants allemands,
01:16:47 dans quelle direction on va ?
01:16:49 Est-ce qu'on va du côté des V1 et des V2
01:16:51 ou du côté de la bombe atomique ?
01:16:53 Il faut bien comprendre que Otto Hahn, en 1938,
01:16:56 c'est lui qui montre comment la matière fissile,
01:16:58 c'est une avancée essentielle, juste après Frédéric Joliot-Curie.
01:17:04 Donc, il décide, on prend les missiles.
01:17:08 Et donc, c'est délaissé.
01:17:09 Beaucoup de savants allemands, à l'époque,
01:17:13 se rendent compte que de toute façon,
01:17:15 on sera pas prêts avant la fin de la guerre.
01:17:17 Et là, c'est ça, peut-être, le paradoxe.
01:17:20 C'est que, au fond, c'est Werner von Braun,
01:17:23 qui est donc l'homme important pour Hitler,
01:17:25 les V1 et les V2. -La plus grande prise
01:17:28 des Américains. -Absolument.
01:17:29 Ca n'aboutit pas à une victoire allemande,
01:17:32 car les V1 et les V2, quelle que soit leur nocivité,
01:17:35 ça met pas fin à la guerre.
01:17:36 Ce sont les Américains qui le récupèrent.
01:17:39 Et là, en temps de paix, si Werner von Braun
01:17:41 décide de se laisser en temps de guerre,
01:17:44 pour la conquête pacifique de l'espace,
01:17:46 il sera extrêmement performant.
01:17:48 Et là, de ce point de vue, il y a un vrai paradoxe,
01:17:51 guerre et paix, autour de Werner von Braun.
01:17:53 -Il aurait une très grande importance
01:17:56 dans la conquête spatiale.
01:17:57 Il intègre la NASA, créée en 1958,
01:17:59 outre-Atlantique, et...
01:18:02 -Oui, la mission Apollo. -Le programme Mercury,
01:18:05 le programme Apollo, il y aura amplement contribué.
01:18:08 -C'est lui qui met au point, vraiment,
01:18:10 ce qui va permettre aux astronautes de la mission Apollo
01:18:13 de pouvoir se poser sur la Lune.
01:18:15 Il y a vraiment eu un gain de temps considérable.
01:18:18 On estime, en France, 15...
01:18:20 10, 15 années de recherche. -Vous dites 15,
01:18:23 dans votre film. -Oui, 15.
01:18:24 -On aurait pris 15 ans d'avance en recrutant ces ingénieurs,
01:18:28 ces techniciens allemands ? -On n'en avait pas les moyens
01:18:31 de ces travaux, à la fois d'un point de vue financier,
01:18:34 on n'en avait pas les moyens matériels,
01:18:36 nos laboratoires étaient dévastés,
01:18:38 la réforme de l'éducation, le régime nazi s'était servi,
01:18:41 on ne disposait de plus rien.
01:18:43 Il y avait aussi, au-delà de toute la réflexion morale et éthique
01:18:47 qu'on peut avoir, il y avait aussi une nécessité pragmatique,
01:18:51 je crois, qui, à l'époque, fait loi,
01:18:54 de dire, on ne peut pas, si on veut un jour regagner
01:18:57 une place au sein du Conseil des Nations,
01:18:59 on ne peut pas faire l'impasse
01:19:01 sur cette formidable avancée technologique
01:19:04 qu'on voit chaque guerre,
01:19:06 l'occasion d'avancée technologique,
01:19:08 et les Allemands, tout n'était pas tout rose,
01:19:10 ils avaient des échecs aussi,
01:19:12 mais dans énormément de domaines, il y avait des choses intéressantes.
01:19:16 -Votre point de vue sur l'apport de ces fameux savants hitlériens
01:19:21 sur les avancées technologiques connues par la France
01:19:24 dans les années 50, 60 ?
01:19:26 Ca nous a permis de prendre autant d'avance que cela ?
01:19:29 -Oui, dans certains domaines. -Mais quels domaines ?
01:19:32 -Le domaine de l'aéronautique,
01:19:34 le domaine espacial, ça a mis plus de temps,
01:19:36 mais le domaine de l'aéronautique, l'histoire de Dassault...
01:19:39 Personne ne parle de Dassault. -Il y a pas mal de livres
01:19:42 sur Dassault et sur la façon dont il a recruté
01:19:45 des ingénieurs à l'Ouagadougou. -Il y a pas mal de livres.
01:19:48 J'ai travaillé là-dessus, j'ai eu beaucoup de mal
01:19:51 à avoir des informations sur Dassault.
01:19:53 Il y a un grand vide sur cette période.
01:19:55 Dassault a raconté sa propre légende,
01:19:58 mais elle n'a aucun rapport avec la vérité,
01:20:00 avec ce qui s'est passé. Dassault a été un de ceux...
01:20:03 Il a été un des premiers à faire des inventions.
01:20:06 Dassault, il sort de camp,
01:20:07 et c'est une tête de gondole pour le gouvernement,
01:20:10 donc on lui donne de l'argent et il produit des Ferrari passés.
01:20:14 Il produit une série d'avions qui ne marchent pas.
01:20:17 Il réussit à récupérer...
01:20:18 -Je vais répondre.
01:20:21 -Il réussit à récupérer les plans,
01:20:23 des plans allemands qui ont été récupérés
01:20:27 pendant l'occupation,
01:20:29 d'ailes en flèche de systèmes comme ça.
01:20:31 C'est la première chose. Il commence à fabriquer des avions
01:20:34 qui marchent un peu mieux.
01:20:36 Et là-dessus, il se met... Je sais pas très bien comment,
01:20:39 mais il y a une collaboration entre lui et Ostrich,
01:20:42 c'est ce qu'il faut voir.
01:20:44 C'est lui et Ostrich qui ont motorisé jusqu'au Mirage
01:20:47 tous les avions de Dassault.
01:20:49 -Ostrich, qui nous amène les fameux moteurs à réaction.
01:20:52 -C'est lui qui est l'inventeur. -C'est l'homme des tubes.
01:20:55 -Dassault doit beaucoup à Ostrich.
01:20:57 -Je crois que vous êtes d'accord avec ça.
01:21:00 -Non, parce que c'est pas Dassault qui choisit son motoriste,
01:21:03 c'est l'Etat français qui lui impose le motorisme.
01:21:06 Il a déjà des avions qui fonctionnent parfaitement.
01:21:09 Je suis pas d'accord avec l'expression "Ferrari passée".
01:21:12 -C'est un mensonge.
01:21:13 -Ces premiers avions, ce sont des moteurs à réaction anglais
01:21:17 qui fonctionnent parfaitement, mais qui coûtent cher.
01:21:20 L'Etat français lui demande de basculer
01:21:22 sur les moteurs à réaction fabriqués en France.
01:21:25 -On va pas être d'accord.
01:21:27 -A la sortie du Coeur nazi,
01:21:28 il a déjà des contacts avec des techniciens allemands.
01:21:31 Il est très sensibilisé à l'avance allemande.
01:21:34 Il s'appelait Marcel Bloch.
01:21:36 Ses avions des années 30, certains étaient bons,
01:21:38 d'autres étaient réputés pour être des cercueils volants.
01:21:42 Il est nationalisé en 36.
01:21:44 Il change de nom, il prend le nom de...
01:21:46 L'obstinat de guerre de son frère.
01:21:48 Et c'est vrai qu'il y a une vraie reconversion.
01:21:51 Il devient le grand avionneur après la Seconde Guerre mondiale
01:21:54 et cette fois, des avions qui réussissent.
01:21:57 La science et la technique allemande
01:21:59 ont joué un rôle dans ce progrès.
01:22:01 -Si on dépasse le cadre français,
01:22:03 pour ce que vous en savez,
01:22:05 est-ce que cet apport des savants allemands
01:22:09 a davantage profité aux Etats-Unis ou à l'URSS,
01:22:11 les deux grandes puissances de la deuxième partie du siècle ?
01:22:15 -C'est compliqué à quantifier, tout ça.
01:22:18 Et puis, c'est pas selon la quantité.
01:22:20 On disait que les Français ont recruté davantage
01:22:23 que les Américains, mais avec Werner von Braun,
01:22:26 c'est la bonne pêche. La qualité compte.
01:22:28 Ca dépend aussi de l'emploi.
01:22:30 C'est très difficile de savoir quel est l'apport allemand
01:22:33 dans la fabrication de la bombe atomique soviétique.
01:22:36 Il y a toutes ces discussions. -C'est surtout l'espionnage.
01:22:39 -Il y a l'espionnage, il y a aussi le recrutement de certains.
01:22:43 Je crois qu'il faut bien comprendre
01:22:45 que la Seconde Guerre mondiale
01:22:47 n'a pas modifié la science dans le monde,
01:22:49 mais a apporté beaucoup de choses.
01:22:51 On ne recherche plus individuellement,
01:22:54 le groupe est réorganisé.
01:22:55 Les Américains ont été très forts pendant la guerre.
01:22:58 Donc, savoir quel est l'apport d'un tel ou d'un tel
01:23:02 dans un système de recherche,
01:23:03 laboratoire, industrie, etc., c'est extrêmement difficile.
01:23:07 Donc, quel est l'apport de monsieur Allemand là-dedans ?
01:23:10 C'est extrêmement difficile.
01:23:12 -J'aurais tendance à dire que c'est presque équivalent.
01:23:15 Quand on voit, je vous rejoins tout à fait,
01:23:17 sur le fait qu'au sein d'un même laboratoire,
01:23:20 les équipes travaillent ensemble,
01:23:22 avec des connaissances, des compétences,
01:23:24 les Soviétiques vont récupérer le bras droit de von Braun
01:23:28 pour les fusées. On sait très bien
01:23:30 que Korolyev, le grand patron de l'aéronautique...
01:23:34 Pardon, spatiale soviétique,
01:23:36 était présent en Allemagne, a récupéré des savants,
01:23:41 a bénéficié de membres de cette équipe
01:23:43 qu'il a fait travailler pour lui.
01:23:45 On sait que l'avance soviétique peut s'expliquer
01:23:48 aussi en partie par cet apport.
01:23:50 Je pense que les deux grands blocs de la Guerre froide
01:23:53 ont peu ou prou bénéficié à par égale,
01:23:56 parce qu'on met beaucoup en avant les fusées,
01:23:58 mais il y a un tas de domaines dont on parle beaucoup moins,
01:24:02 mais qui ont été essentiels.
01:24:03 Il y a une scientifique allemande,
01:24:05 qui est une chimiste extrêmement renommée,
01:24:08 les Américains mettent la main sur elle,
01:24:10 elle ne trouve pas d'emploi,
01:24:12 l'armée, on ne sait pas quoi faire d'elle,
01:24:14 elle va finir par travailler pour Monsanto
01:24:17 et faire une carrière incroyable aux Etats-Unis.
01:24:20 Donc, il faut savoir que tous ces pays
01:24:23 ont été drainés de façon souterraine,
01:24:25 parce que ça ne s'est pas su,
01:24:27 par cet apport, par ces cerveaux, qui étaient très compétents.
01:24:30 -Ce sera le mot de la fin.
01:24:32 Merci pour votre documentaire,
01:24:34 qu'on a eu le plaisir de présenter dans cette émission,
01:24:37 consacrée à l'exfiltration,
01:24:39 le recrutement des savants hitlériens
01:24:42 par ceux qui étaient les vainqueurs
01:24:44 de cette Seconde Guerre mondiale.
01:24:46 On a découvert avec ce film,
01:24:48 que je conseille, bien entendu,
01:24:50 que la France a amplement participé à cette traque,
01:24:53 à ce recrutement et ces exfiltrations
01:24:56 pour développer nos industries aérospatiales,
01:25:00 spatiales, militaires, également.
01:25:03 Vos réactions, ce sera sur #DébatDoc,
01:25:05 bien entendu. J'espère que vous serez là
01:25:08 pour réagir à ce que seront les réactions.
01:25:10 Elles devraient être nombreuses.
01:25:12 Je vous donne rendez-vous pour un prochain Débat Doc.
01:25:15 On se repasse à la même heure, toujours,
01:25:17 avec son documentaire et son débat.
01:25:19 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:25:22 Générique
01:25:24 ...