Le Big Five

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#Sport 
Transcript
00:00 Bienvenue dans le Big Five.
00:03 Cinq invités exceptionnels réunis pour la première fois sur un même plateau
00:07 pour vous accompagner dans votre salon et partager avec vous, bien sûr,
00:10 les moments les plus forts de leur carrière et aussi les plus belles anecdotes de leur carrière en Formule 1.
00:15 On les accueille avec beaucoup de bonheur.
00:16 Franck Montagny, salut.
00:17 Salut.
00:18 Franck, fidèle parmi les fidèles, bien sûr, dix ans à nos côtés, évidemment, en Canal+
00:21 mais aussi sept Grands Prix en Formule 1 et pilote d'essai dans les plus belles années Renault.
00:24 À vos côtés, Paul Belmondo, deux saisons en Formule 1, sept Grands Prix.
00:28 Bienvenue, Paul. Jacques Villeneuve, qu'on ne présente plus non plus, à nos côtés depuis dix ans à Canal+
00:33 et champion du monde 1997 de Formule 1.
00:36 Jean Alési, à ma droite, recordman français du nombre de départs en Formule 1,
00:40 201 pour vous avec une superbe victoire notamment pour Ferrari en 1995
00:44 et à vos côtés un quadruple champion du monde que vous avez coiffé au poteau sur le nombre de départs,
00:48 199 pour vous, Alain, mais évidemment, 490 pour le champion du monde.
00:51 J'aurais préféré le contraire.
00:53 Bienvenue en tout cas, messieurs. J'espère que vous êtes en forme.
00:55 Vous avez passé un bon moment pour évoquer votre carrière en Formule 1.
00:58 C'était à ces époques-là. Voilà les belles photos que nous avons retrouvées.
01:01 C'est qui ? C'est qui ? Je ne voulais pas le poser.
01:02 On ne vous les reconnaissait pas ?
01:03 Non, non, on ne les connait pas.
01:05 On évoque, messieurs, les victoires et les échecs de vos carrières en Formule 1,
01:08 celles qui forgent finalement une carrière en F1.
01:11 La victoire, on ne va pas s'éviter.
01:13 On va gagner du temps.
01:14 Chacun ses victoires. Ce n'est pas forcément monter sur la plus haute marche du podium.
01:17 On va en parler, justement. En tout cas, gagner, perdre, rater,
01:20 les plus grands regrets que vous pourriez avoir dans vos carrières.
01:23 Alain, évidemment, les victoires, les titres, bien sûr.
01:26 On va commencer par le plus beau, par les victoires,
01:28 même si les échecs forgent encore une fois les carrières.
01:31 On a toujours plus d'échecs, même en proportion.
01:33 On a toujours plus d'échecs que de victoires.
01:34 Oui, par définition, bien sûr.
01:35 C'est un métier de frustré, c'est sûr.
01:38 51 victoires. La première, c'était en 1981 à Dijon.
01:41 Est-ce que c'est celle-là qui marque le plus une carrière ?
01:44 Ou finalement, c'est sans parler de titres, mais de victoires ?
01:47 Non, non, ce n'est pas celle-là qui me revient régulièrement à l'esprit.
01:53 C'est celle qui est un peu le déclic. Il faut gagner une première fois.
01:57 C'était une course en deux temps, donc c'était encore un peu différent.
02:01 Non, non, il y a eu des victoires.
02:03 Bien sûr, je me rappelle de certaines très, très belles victoires,
02:06 comme le Monaco 86, le Grand Prix du Mexique 90,
02:11 avec la Ferrari, qui était certainement la plus incroyable,
02:15 la plus aboutie aussi sur le plan pilotage et réglage de voiture.
02:19 C'était mon truc, c'est là où j'ai le plus de plaisir.
02:22 Après, c'est la globalité, c'est sûr que c'est difficile.
02:25 Le titre de 86 aussi est bien plus beau pour moi que les autres,
02:30 parce que c'est celui que j'ai obtenu avec la cohésion de l'équipe.
02:34 On avait une voiture bien sûr un peu inférieure au Williams cette année-là,
02:38 donc ils l'ont perdu aussi, parce qu'ils ne s'entendaient pas non plus très bien les pilotes.
02:43 C'est là où on voit que ce soit la course d'hier ou d'aujourd'hui ou de demain,
02:47 il faudra toujours la bonne voiture, la bonne cohésion des pilotes,
02:51 le bon management, le budget nécessaire.
02:54 Mais quand il y a un élément qui n'est pas là, on ne gagne pas.
02:58 Donc en 86, on n'avait pas tout et on a réussi à gagner.
03:02 Et Kéké d'ailleurs, à l'époque, quand on formait un coéquipier,
03:05 a joué un rôle pas déterminant, mais important aussi dans l'ambiance.
03:10 La dernière course, c'était prévu avec lui qu'il fasse le Lièvre.
03:13 A l'époque, on avait quand même le boost, donc la pression de turbo un peu supplémentaire.
03:18 Lui, il n'aurait pas terminé la course de toute façon avec les freins.
03:21 Donc voilà, c'est ce qui fait la beauté de ce sport.
03:24 Et malheureusement, on ne sait pas toujours tout ça dans le détail à l'extérieur.
03:29 - C'est pour ça que vous êtes là pour le raconter aujourd'hui ?
03:32 - Oui, c'est vrai que si j'avais un jour un livre à faire,
03:35 je raconterais toutes ces choses-là sur des anecdotes précises.
03:38 - Ou un documentaire, par exemple.
03:40 - Voilà, un documentaire, je suis en train de le faire,
03:44 mais c'est beaucoup plus compliqué.
03:46 Enfin, quand on s'aperçoit qu'il faut quand même rester dans le sens large.
03:49 Mais ça, c'est intéressant.
03:51 Et ce n'est pas évident d'avoir une bête victoire,
03:54 ou une bête saison, ou un beau championnat complètement abouti.
03:58 Ce n'est pas évident.
04:00 - Première saison en Formule 1, première victoire déjà en 1996 au Nürburgring.
04:04 Un souvenir ému ou encore une fois, comme Alain, peut-être pas la plus marquante,
04:07 il y a même des pilotes qui ont oublié leur première victoire.
04:11 - Pas la plus marquante, mais très importante,
04:14 parce que j'avais Michael collé dans les fesses toute la course.
04:17 Et c'est aussi que depuis le début de la saison, à part Melbourne,
04:21 qui est une piste qui m'allait bien, où j'étais compétitif,
04:23 les deux Grands Prix suivants,
04:25 Damon me collait une seconde en qualif à chaque fois, donc c'était compliqué.
04:28 Et il faut souvent cette première victoire, le déclenchement,
04:31 pour qu'après tout commence à mieux fonctionner.
04:33 Et ça a énormément aidé à ça.
04:35 Et donc, première victoire, c'était en Allemagne.
04:37 Et ma dernière aussi. Donc c'était une piste importante.
04:39 Pourtant, c'est une piste que je détestais, où je n'étais pas rapide.
04:42 Et c'est surprenant parfois, comme on peut avoir des bonnes surprises
04:46 sur des mauvaises pistes.
04:48 Non, la victoire qui m'a marqué, c'est plus celle à Estoril en 1996,
04:53 parce que c'est celle qui a permis de garder le championnat en vie jusqu'à la dernière course.
04:57 Et aussi parce que c'était après un combat contre Michael,
05:00 avec un dépassement par l'extérieur, qui n'était pas supposé arriver.
05:04 Donc c'est plus ces moments-là qui marquent que la victoire elle-même.
05:07 J'ai plus de souvenirs de Paul, de tours de Paul, que de victoire.
05:11 Et quand on regarde finalement ce qui se passe autour de nous,
05:13 avant les premières victoires, ou même si elles n'arrivent pas,
05:15 ces premières victoires, est-ce qu'on a en admiration,
05:17 vous avez évoqué tout à l'heure Michael Schumacher,
05:19 que vous avez tous plus ou moins côtoyés,
05:21 est-ce que c'est quelque chose qui inspire,
05:23 est-ce que c'est quelque chose qui énerve, qui irrite ?
05:25 Est-ce que c'est un modèle, Paul ?
05:28 Non, en fait, moi je me souviens que quand je roulais en Formule 1,
05:32 j'étais dans mon groupe de pilotes, en fait.
05:35 Ma course, elle était face à ceux qui devaient se qualifier.
05:38 Il n'y avait que ça. Les autres, ils étaient hors de portée,
05:41 ils étaient très, très loin. On se voyait avec Jean,
05:43 mais ils étaient à des années-lumière devant.
05:45 Donc pour moi, mon ensemble de la Formule 1, c'était ces pilotes-là.
05:49 Et le but, c'était d'être 26e le samedi après-midi,
05:53 et après, de faire le mieux possible pendant la course.
05:55 Mais on savait qu'il y avait une limite qu'on ne pouvait pas atteindre
05:57 avec les voitures qu'on avait. Donc on était dans ce monde-là.
06:00 Alors bien sûr, je me souviens quand Mansell est champion du monde en Hongrie.
06:06 Voilà, donc je me souviens de lui, je me souviens de ce tour d'honneur qu'il a fait,
06:09 de l'avoir salué, de me dire, bon, voilà, c'est incroyable,
06:12 il est déjà champion du monde. La saison n'est même pas terminée
06:14 et il était déjà champion du monde. Donc c'était juste incroyable.
06:18 Mais c'est vrai que j'avais de l'admiration pour ces pilotes-là,
06:21 pour Ayrton, bien sûr, aussi, mais ils étaient tellement loin de nous
06:26 que non, c'était ceux qui étaient autour de moi, où j'avais ma concentration.
06:30 - Mais s'ils se retrouvaient en piste, Franck, en même temps qu'eux,
06:32 que ces grands champions, où l'est, contre ces hommes-là ?
06:35 - Alors très sincèrement, c'est plutôt pénible.
06:38 - Non mais donc ça peut énerver, c'est vrai ?
06:40 - Moi, je roule dans la Renault avec Alonso pendant trois ans.
06:43 Il est champion du monde, mais bon, j'ai fait quand même 70 000 km dans l'auto,
06:48 donc ça fait un peu des bornes. Des fois, il est plus vite, des fois, je suis plus vite.
06:52 Enfin bref, on n'est pas à deux secondes d'écart, il y a deux, trois dixièmes.
06:56 Quand vous vous retrouvez dans une auto qui est quatre, cinq secondes moins vite,
06:59 et qu'au sixième ou dixième tour, vous mettez les drapeaux bleus
07:02 et vous voyez votre ancienne voiture, vous arrivez dans les rétros,
07:04 ça fatigue un petit peu, en fait, à un moment donné.
07:07 On se gare, votre ingénieur, il vous gueule dessus
07:08 parce que vous perdez trop de temps à laisser passer les autres.
07:10 Mais il n'y a pas de course. Comme il dit, on est là pour essayer de faire 16e, 15e, 14e,
07:15 s'il y a une casse, et puis voilà.
07:17 Mais si on n'est pas présent à ce moment-là, c'est sûr qu'il n'y a pas de suite.
07:21 Donc il faut obligatoirement pas se dépasser de casse-là.
07:23 Et avec Paul, ce qui nous a manqué, c'est le déclic de la première victoire, c'est tout.
07:26 [Rires]
07:29 – Celui qui compte.
07:30 Pour reparler justement de ces hommes qui étaient victorieux à ces moments-là,
07:34 encore une fois, vous avez tous couru, tous les deux, notamment contre Schumacher,
07:38 un souvenir peut-être de cette époque-là, de cette rivalité-là, de ce que vous partagez ?
07:44 – Moi honnêtement, j'ai été plus impressionné par les pilotes quand je suis rentré en Formule 1.
07:50 Michael n'était pas là, Nelson Piquet, Alain, Nigel Mansell,
07:56 des garçons qui pour moi étaient mes idoles au Sénat bien sûr.
08:03 Ils avaient tous un caractère très différent.
08:07 Et la chance que j'ai eue, c'est qu'au bout d'un an, j'étais avec Alain en tant que coéquipier.
08:12 Donc pour moi, c'était génial parce que je me suis dit,
08:15 bon, mais finalement, parce qu'on part toujours dans des rêves de mystère,
08:19 il fait comment pour aller plus vite, comment il règle sa voiture,
08:23 donc du coup, en plus, Alain, c'est le seul pilote que je connais au monde qui ne cache rien.
08:30 Parce qu'il est tellement spécial quand il conduit que même si vous donnez vos réglages,
08:33 vous n'arrivez pas à conduire comme il fait.
08:37 Mais c'était des indications, c'était des, comment je pourrais dire, des directions à prendre et à essayer.
08:44 Et je me rappelle très, très bien, moi, quand j'arrivais de chez Tyrrell,
08:48 j'étais très vite sur un tour et je me dis, bon, Alain, tu vas voir comment je vais le calmer là.
08:53 Et je n'ai jamais réussi à le taxer en calife, surtout qu'à l'époque, on avait des pneus de calife.
08:59 Donc des pneus de calife, ça voulait dire non limite quoi.
09:03 Et je n'arrivais pas à le battre. Je m'énervais.
09:05 Au début de la saison, il m'avait dit, tu vas voir, parce qu'on rigolait quand même bien.
09:09 C'était très cool. Il me dit, tu vas voir, en calife, tu vas voir, je vais te mettre la misère.
09:16 Je lui ai dit, écoute, à chaque fois que je serai devant toi en calife, tu te rappelles,
09:20 je te montrerai mon nez parce qu'il se moquait toujours de mon nez.
09:23 Donc je sortais de la voiture et devant tout le monde, les ingénieurs savaient ça.
09:26 Et donc ils attendaient que je fasse le signe du nez.
09:29 Et c'est vrai que ça décontractait beaucoup l'ambiance.
09:34 - Vous l'avez vu arriver, Michael Schumacher ?
09:36 C'était la fin de votre carrière, le début de la sienne.
09:38 Vous avez vu arriver ce jeune ?
09:40 - Je crois qu'il est arrivé pendant mon année sabbatique. Je ne me rappelle plus très bien.
09:43 Enfin, il y a eu une année. Et puis après, j'ai couru avec lui en 92 et 93.
09:47 Enfin, le 93 Estoril où il gagne et je fais deuxième.
09:53 Là, j'ai vu la largeur de la voiture de Schumacher.
09:57 Il avait les roues comme baignures, tu sais, qui s'élargissent.
10:01 Il a été capable de tout. Mais bon, moi, je jouais mon championnat.
10:04 Mais oui, c'était quelqu'un de...
10:06 Bon, après, moi, je n'ai jamais eu trop de gros problèmes.
10:09 Mais on sentait qu'il y avait quand même...
10:12 J'avais connu Senna. Je connaissais Senna aussi en même temps.
10:17 Donc Senna, Schumacher, ça faisait beaucoup.
10:19 C'est marrant parce que quand je vois le podium, on est tous les trois ensemble en Espagne.
10:23 C'est quand même...
10:25 Voilà, oui, c'est même des gens qui ont gagné ou j'ai gagné contre eux.
10:29 C'est toujours historiquement quelque chose d'assez incroyable.
10:33 Mais chacun a son style.
10:35 Après, sincèrement, moi, j'étais avec Senna. Je n'aurais pas aimé être avec Michael dans une équipe, en tout cas.
10:41 C'est ça que nous en parlera plus tard.
10:42 Mais avec Nicky, avec d'autres pilotes, même avec Jean pour les réglages.
10:46 Enfin, tout était... Même Ayrton. Tout était sur une table.
10:49 Il n'y avait pas de problème.
10:51 Par contre, sur la piste, chacun voit les choses différemment.
10:55 Vous les voyez comment, vous, Jacques, sur la piste avec Michael Schumacher ?
10:58 En fait, on était très rarement sur la piste ou dans le combat ensemble.
11:04 C'était arrivé deux fois en 1996.
11:06 J'étais très content parce que les deux fois, je les ai doublés.
11:09 Donc, ça, c'était génial.
11:10 Et en 1997, on s'est retrouvés sur la piste une seule fois.
11:13 Et c'est lors du dernier Grand Prix.
11:16 Donc, on a passé la saison à ne pas se battre, ce qui était quelque chose de très étrange.
11:20 Donc, pas si curieuse alors. Enfin, moi aussi.
11:22 Si, très curieuse, très curieuse.
11:24 Mais ça, on le savait parce qu'il avait déjà...
11:27 Il avait déjà, avec Damon, tâté le sujet, le territoire.
11:32 Donc, on savait comment il allait gagner ces championnats.
11:35 Et le but, c'était de mettre de la pression pour le pousser à la faute.
11:39 Donc, la pression, ça a commencé un mois avant, à part les journaux,
11:42 en vraiment expliquant tout ce qui s'était passé,
11:44 à tel point que la FIA, avant la course, a dit que s'il y a une action de la sorte,
11:47 il y aura une grosse pénalité.
11:49 Et quand il a essayé de me sortir, il s'est loupé.
11:51 Et sans cette pression-là, mise au préalable dans les médias,
11:55 je pense que ça serait passé très différemment.
11:58 Et on parlait des pilotes avec qui on a roulé.
12:00 J'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai grandi dans les padocs avec mon père.
12:03 Donc, j'ai connu les pilotes des années 70 jusqu'à ce que je roule.
12:06 Et ma première année en Formule Indie, j'ai eu la chance de rouler avec Mansell,
12:11 Emerson Fittipaldi et Mario Andretti,
12:13 tous dans la même saison, ce qui était quelque chose d'hallucinant.
12:17 Et puis, après, j'ai roulé avec tout le monde ici.
12:20 Toi et Alain sur la glace, donc c'était pas en F1,
12:22 mais quand même, on a quand même réussi à un moment ou un autre.
12:25 Donc, c'est quand même génial parce que c'est un paquet de générations,
12:28 des héros en grandissant.
12:30 Et après, d'être capable de se battre sur la piste contre eux, c'était génial.
12:33 Et c'était aussi de voir toute cette génération-là, jusqu'à Alain,
12:37 peut-être jusqu'à nous aussi, où il y avait un respect entre les pilotes
12:39 qui était quelque chose d'hallucinant.
12:42 Quand on arrivait, nous, en jeunes pilotes,
12:44 on regardait ces grands messieurs avec énormément de respect,
12:47 de la même manière qu'on respectait nos profs à l'école et ainsi de suite.
12:51 Donc, il y avait un peu cet esprit-là.
12:53 Et ils n'étaient pas en train d'essayer de nous écraser
12:55 parce qu'ils savaient qu'on avait beaucoup de chemin à faire.
12:58 Mais c'était une époque aussi où piloter était très dangereux.
13:02 Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'il n'y a pas ce respect-là.
13:06 Donc, oui, voilà, ce respect venait de là, finalement,
13:08 de la mise en danger de sa vie.
13:10 D'être capable d'aller chercher le plaisir,
13:13 d'aller repousser ce risque et d'être capable de jongler avec ce risque.
13:16 Oui, ça faisait une philosophie de vie qui était vraiment différente.
13:18 Ça, c'est une réalité.
13:20 C'est intéressant qu'on parle des victoires individuelles,
13:22 avec l'équipe bien sûr derrière, mais il y a aussi des victoires collectives.
13:25 Julien Fébraud a une petite question pour vous.
13:27 Allez, c'est parti mon Juju.
13:28 Mon Francky, une question pour toi.
13:30 Toi qui as été pilote et mérite de développement de l'ÉQE Renault
13:33 à la grande époque des titres mondiaux de 2005 et 2006,
13:36 tu peux nous le dire maintenant.
13:37 Il y a prescription.
13:38 C'était quoi le truc de cette voiture ?
13:40 Qu'est-ce qui fait qu'elle allait si vite ?
13:42 Au-delà, évidemment, de tes compétences pour la développer.
13:44 Je travaille avec les pneumatiques, mon Julien.
13:46 Cette année-là, en fait, c'était juste dingue
13:48 parce que c'était toujours la même opération.
13:50 On rentrait d'une course, on allait trois jours sur un circuit.
13:53 La première demi-journée, on travaillait sur la voiture.
13:56 Donc, ça veut dire que les ingénieurs avaient le droit d'apporter
13:58 nouveau moteur, nouveau aileron, nouveau pièce, nouveau amortisseur,
14:00 une demi-journée.
14:01 Le reste des deux jours et demi
14:03 était consacré uniquement et seulement aux pneumatiques.
14:06 On avait trois semi-remorques foules de pneumatiques
14:08 qui étaient adaptées à notre voiture.
14:10 Quel bonheur !
14:11 Il y avait Michelin et Bridgestone.
14:12 Bonheur pour le roulage, malheur pour le...
14:14 Oui !
14:17 C'est vrai que ça, c'était dingue
14:18 parce que le Renault marchait incroyablement bien.
14:20 On était en tête pour se battre avec la Ferrari.
14:22 Et forcément, on avait tous les ingénieurs de Michelin pour nous.
14:26 Et moi, en tant que pilote de développement,
14:28 je récoltais tout ça.
14:29 C'était un vrai kiff parce que on avait...
14:31 Enfin, Michelin français, moi français.
14:34 Ça tisse forcément un petit peu des liens.
14:36 Et les essais, moi, je me rappelle de ces essais pneumatiques
14:39 comme les meilleures sensations de toute ma vie dans une voiture.
14:42 Mais tellement de kilomètres accumulés aussi.
14:44 Oui, puis c'est que des essais.
14:45 Mais on utilise vraiment la quintessence à 100% de la voiture.
14:49 Ça va vite tout le temps.
14:51 Il faut vraiment être concentré pour arriver à matcher la vitesse de la voiture,
14:54 que ce soit pour les changements de vitesse, pour les passages en courbe.
14:57 Toutes les choses très banales qu'on a l'habitude de faire toute sa vie auparavant,
15:01 là, il faut se concentrer pour les faire parce que ça va très très vite.
15:03 Une petite idée, les kilomètres accumulés ?
15:05 Moi, je dirais 50, 70 000 par an.
15:07 Oui.
15:08 Je suis pas loin.
15:09 Beaucoup de temps dans une Formule 1.
15:10 Oui.
15:11 Pas du tout.
15:12 On a évoqué les victoires aussi, les échecs font partie d'une carrière.
15:15 Jean, je me tombe pas vers vous spécialement parce que c'est plus que les autres.
15:19 Non, mais c'est important qu'après votre victoire,
15:22 gagnée au 91ème Grand Prix de votre carrière,
15:25 Jean, jusqu'à ce que vous terminez votre carrière,
15:27 finalement après 95, il n'y a plus eu de victoire.
15:30 Mais comment on se construit dans ces moments-là ?
15:33 Est-ce que l'espoir continue à nous faire vivre ?
15:35 Est-ce qu'on a continué à nous animer, bien sûr ?
15:37 Comment on gère finalement l'après-victoire si on termine sa carrière sans autre ?
15:41 Je sais pas.
15:43 Déjà, quand j'ai gagné, ça a pas été…
15:46 Je te suis pas ouvert.
15:48 Je peux te parler quand même.
15:50 C'est un petit peu d'offre.
15:51 En plus, j'ai l'impression d'être gros, tellement que t'es petit.
15:54 Alors gros, c'est comme ça.
15:56 En fait, moi, quand j'ai gagné Montréal,
16:02 évidemment, j'avais envie de continuer à gagner des courses.
16:06 Mais après Montréal, je crois que j'ai fait 4 Grands Prix d'affilée
16:11 où à 6 tours de l'arrivée, je perds une roue.
16:14 J'étais en bis-bis avec Jean-Thaud,
16:19 donc j'avais pas d'information.
16:21 Un autre Grand Prix, je perds mon dernier Grand Prix à 3 tours de l'arrivée
16:24 parce qu'ils m'ont pas fait rentrer changer les pneus.
16:26 Il y a eu plein de situations.
16:27 En Monza, je casse aussi la voiture.
16:30 À Spa, j'ai un pushrod qui casse.
16:34 Toutes les courses où j'étais en tête.
16:37 Après, quand je suis sorti du Ferrari,
16:39 on va chez Benetton avec Gareth Berger.
16:41 Là, j'avais plein d'espoir.
16:44 Mon staff technique était parti,
16:45 donc du coup, c'était plus la même histoire.
16:48 Donc en fait, les objectifs, c'est par rapport à ce qu'on conduit.
16:52 Paul a été très clair tout à l'heure.
16:55 À un certain moment, on sait qu'on va se battre pour la victoire.
16:58 À un certain moment, pour un podium.
17:00 Après, pour les points.
17:02 Et puis, quand on a la marre, on dit stop.
17:05 C'est simple.
17:06 Jacques, vous aussi, vous avez connu ça.
17:08 Puisque finalement, après les deux premières saisons
17:10 où vous devenez champion du monde en 97,
17:12 huit saisons s'enchaînent derrière.
17:14 Sans ces succès-là, comment est-ce qu'on les traverse ces années-là ?
17:18 C'est plutôt le regard que vous avez aujourd'hui dessus.
17:20 Parce qu'effectivement, comme vous le dites,
17:21 quand on est en plein dedans,
17:22 on a toujours des objectifs selon la voiture que l'on a.
17:25 Mais le regard que vous portez dessus aujourd'hui.
17:26 Il n'y a pas que la victoire.
17:27 Il y a le combat contre le coéquipier qui est primordial.
17:30 Et c'est aussi de savoir, après un week-end,
17:32 combien on s'est donné,
17:34 la manière à laquelle on a fonctionné.
17:36 Si on a été au top de la monoplace,
17:38 si on a peut-être récolté un peu mieux que ce qui était possible,
17:42 ou si on a juste baissé les bras et fait un week-end pas bien.
17:48 Donc, il y a aussi cette fierté-là du travail accompli qui perdure.
17:54 L'année la plus difficile, je pense, c'est peut-être 98,
17:57 parce que c'était une Williams ratée,
17:59 avec le numéro 1 sur le capot.
18:01 Quand on a du mal à rouler et qu'il y a le numéro 1 sur le capot,
18:04 c'est assez difficile.
18:05 Après l'expérience BAR, c'est facile maintenant de juger que c'était un raté,
18:11 mais en même temps, c'était mon équipe, je l'ai construite.
18:14 C'était un challenge qui était quand même génial.
18:17 Et aujourd'hui, c'est Mercedes.
18:19 Donc, à la base, ce n'était pas un projet mauvais.
18:23 Ce n'était pas plutôt bien né finalement, puisqu'ils en sont arrivés là.
18:27 Quel est le gros revers de votre carrière, Alain ?
18:30 Il est identifié ?
18:32 Il y en a plusieurs, c'est sûr.
18:35 Mais je pensais à ça en même temps, et la question à Jean.
18:39 Quand il est arrivé, Jean, en 91 chez Ferrari,
18:42 à part ma première année chez McLaren,
18:44 c'était la première année où je n'ai pas gagné une course.
18:47 Et c'est vrai que quand on gagne,
18:50 on est dans un mouvement de succès qui vous amène énormément de bonheur.
18:57 Et là, sans gagner, on regarde les autres devant se bagarrer.
19:01 Au bout de deux tours, vous êtes à quelques secondes.
19:03 Ce n'est pas pareil.
19:05 On a envie que ça s'arrête assez vite.
19:08 Mais il faut l'accepter, parce que quand on a gagné beaucoup,
19:11 on sait qu'il y a un moment où un autre,
19:13 il faut que ça dure le moins longtemps possible, c'est tout.
19:16 Je n'ai pas considéré des échecs.
19:19 Parce que, bien sûr, des courses où on dit,
19:21 si je n'avais pas fait ça, j'aurais marqué un demi-point, par exemple, en 84.
19:27 Il ne faut pas raisonner comme ça.
19:29 Sur la globalité, mais chacun ici a une vision différente par rapport à sa carrière.
19:36 Son propre échec ?
19:37 Non, parce qu'il faut avoir connu des choses différentes.
19:41 C'est sûr que plus vous avez de succès,
19:43 peut-être que vous pouvez tomber à un moment
19:45 quand vous n'êtes pas dans le coup avec peut-être encore plus de dépression.
19:50 En tout cas, ça n'a pas été mon cas.
19:51 Mais en 91 a été, oui, une saison difficile pour moi.
19:54 Parce qu'on savait pourquoi ça ne marchait pas.
19:57 Enfin, moi, je le savais, en tout cas.
19:59 Je pense qu'il n'y a personne ici qui s'en rappelle
20:02 parce que ça n'avait jamais été évoqué.
20:04 Mais c'est l'essence.
20:06 Parce que tout le monde parlait du châssis, de l'ingénieur, etc.
20:08 On avait une essence en 90 qui était top.
20:10 Parce qu'à l'époque, on avait des essences spéciales.
20:13 Toi, tu n'as pas connu ça en 90.
20:15 Mais en 90, on a...
20:16 Non, parce que en 91, elle était différente.
20:18 En 90, on démarrait des voitures.
20:21 J'étais avec toi, là.
20:22 Oui, en 91, mais pas en 90.
20:24 Moi, j'étais avec Nigel.
20:25 Ne t'inquiète pas.
20:26 En 90, je te sentais passé, je me rappelle.
20:28 En 92, on les avait encore.
20:30 On mettait les voitures en route.
20:32 On se mettait en combinaison, casque, etc.
20:35 Une fois que la voiture en route dans le garage,
20:37 on montait dans la voiture et on partait.
20:39 Nigel, par exemple, a vomi 2-3 fois.
20:42 C'était une essence incroyable.
20:44 Et l'année d'après, en 91, on a perdu entre 25 et 30 chevaux.
20:48 Le problème, c'est que Elf avec Renault, à l'époque,
20:52 ils ont gagné une vingtaine de chevaux.
20:55 L'essence, c'était énorme, la différence.
20:58 Et donc, c'est pour ça que la polémique
21:00 et la politique interne à Ferrari,
21:02 chacun...
21:03 "Non, c'est le châssis, c'est le machin, etc."
21:05 On a coupé le châssis en deux, je sais pas si tu te rappelles,
21:07 pour faire...
21:08 Mais c'était grotesque.
21:10 C'était grotesque.
21:11 On ne roule pas un châssis en deux.
21:13 - Vous avez coupé un tuyau en deux ?
21:14 - Non, mais ils ont carrément refait la partie avant.
21:18 C'était Jean-Claude Migeot, d'ailleurs, un ingénieur français,
21:21 en disant que c'est l'aérogne qui vient de l'avant,
21:23 en milieu de saison.
21:25 - Vous étiez un petit peu perdu.
21:26 - Voilà.
21:27 Donc, bon, c'est sûr que moi, avec mon caractère,
21:29 c'est pas comme ça qu'il faut faire, etc.
21:31 C'est là où on a commencé à dire...
21:33 Ils m'ont proposé d'éventuellement être, pour 92,
21:37 directeur sportif en même temps que pilote.
21:40 - Double ou quoi ?
21:41 - Ça m'a coûté cher à la fin de l'année.
21:43 - Paul, peut-être une anecdote sur ça,
21:46 sur un moment plus difficile qu'un autre ?
21:48 - En fait, c'est deux fois au Grand Prix de Monaco,
21:50 en 92 et 94, en fait.
21:52 92, parce que tout se passait très, très bien.
21:54 En fait, le jeudi, j'étais largement qualifié.
21:57 Et le samedi matin, pareil, j'étais dans les 26,
22:01 donc j'étais en train de vivre un rêve
22:04 avec une voiture fabuleuse.
22:05 Et tout le monde sait, ici,
22:06 lorsque vous avez une voiture qui fonctionne à Monaco,
22:08 c'est juste un plaisir énorme.
22:10 Donc j'avais beaucoup de plaisir.
22:12 Ça allait vite et j'étais très heureux.
22:14 Et malheureusement, au moment de la qualif',
22:16 au moment où j'ai enclenché la première,
22:17 la boîte a cassé.
22:18 Et j'ai pas pu aller défendre mes chances.
22:21 On m'a mis dans la voiture de Van Linger
22:23 à 10 minutes de la fin.
22:24 Il fait 1m87, j'en fais 1m76.
22:27 Donc...
22:28 - Joué !
22:29 - À Monaco, c'est pratique.
22:32 Il n'y a rien à voir.
22:33 - Bien sûr, mon temps a été battu
22:36 parce qu'à Monaco, le samedi, ça va plus vite.
22:38 Et je me suis retrouvé dehors.
22:39 Et après, 94, j'étais qualifié par les circonstances,
22:43 parce que suite aux accidents, malheureusement,
22:44 de Ratzenberger, d'Ayrton et de Carl, justement.
22:48 Et je pense que j'ai vécu le pire week-end
22:51 que j'ai eu en sport automobile.
22:53 J'ai cassé un moteur à la première libre.
22:55 Donc j'ai fait 10 tours.
22:57 J'ai cassé le moteur au début de la qualif.
23:00 J'ai cassé le moteur au début de la 2e libre.
23:02 - Il y avait moins de...
23:04 - J'ai cassé le moteur...
23:05 - C'est pas de la fond budgétaire, ce moment-là.
23:06 - J'étais pas fini, j'ai cassé le moteur à la qualif.
23:08 J'ai cassé le moteur au warm-up.
23:10 - Il était pas terrible, ce moteur, non ?
23:11 - Ils ont refait mon moteur.
23:13 Avec tous les bouts.
23:14 - Ah, avant de le refondre.
23:15 - Non, non, avec tous les bouts.
23:16 Mais c'est vrai, je vous jure,
23:17 ils ont pris des bouts de chaque moteur.
23:18 Ils m'ont refait un moteur.
23:19 On me dit ça aux mecs aujourd'hui en Formule 1,
23:21 ils y croient pas.
23:22 Donc ils m'ont fait ça dans le garage.
23:23 Je suis parti au Grand Prix comme ça.
23:25 L'ingénieur, il a eu une idée géniale.
23:26 Je sais pas ce qu'il m'avait fait sur la voiture.
23:28 Mais à chaque fois que je sortais du tunnel,
23:30 je prenais un coup de marteau sur la tête.
23:32 Donc je voyais plus rien.
23:33 Et je me disais, mais quand est-ce qu'il va casser
23:35 ce putain de moteur ?
23:36 Mais quand il va casser ?
23:38 Et il a mis je sais pas combien de tours à casser.
23:39 J'en pouvais plus.
23:40 Je me faisais doubler, je me faisais insulter
23:41 par tout le monde.
23:42 Mais je me disais, c'est pas possible,
23:43 il faut que ça s'arrête.
23:44 Et ça s'est arrêté.
23:45 Et là, ça a été une délivrance.
23:46 C'est la seule fois que j'ai eu une délivrance en Formule 1.
23:48 J'étais content que ça s'arrête.
23:49 Pas dans le meilleur moment.
23:50 C'était un bonheur de vous écouter.
23:51 Le Big Five, c'est terminé.
23:52 Merci de l'avoir suivi.
23:53 A très bientôt.
23:54 Salut.
23:54 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
23:55 Les sous-titres ont été réalisés par la communauté d'Amara.org
23:58 Merci à mes tipeurs et souscripteurs
24:03 [SILENCE]