À seulement 29 ans, Lorris Chevalier est le conseiller historique de Ridley Scott depuis déjà plusieurs films. À l'occasion de la sortie de "Napoléon", il est venu nous expliquer en quoi consiste le travail d'un conseiller historique pour le cinéma, et plus particulièrement pour ce film événement. ️
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00:00 Ridley Scott m'a dit la première fois que j'ai travaillé avec lui
00:02 que sur Gladiator, il a viré sept conciliés historiques.
00:05 Donc il m'a tout de suite dit,
00:07 ici, on n'a pas le temps pour de longs développements.
00:10 Votre Majesté, nous sommes découverts.
00:13 Bien.
00:14 Attendez !
00:17 On est sur la glace !
00:19 C'est un piège !
00:20 Retirez-vous !
00:22 Et ayant déjà travaillé avec Ridley Scott,
00:25 j'ai eu un appel de lui-même.
00:27 J'avais éteint mon téléphone
00:28 et quand je rallume mon téléphone, il y avait une messagerie.
00:31 J'ai vu, voilà, "Hi, Laurie, it's Ridley Scott."
00:34 Et j'ai cru que c'était mon père qui me faisait un canular téléphonique.
00:37 Mais en réalité, c'était bel et bien Ridley Scott qui m'appelait
00:40 pour discuter de ma présence sur le tournage,
00:43 ma présence en concilié musical,
00:46 concilié historique et documentaliste.
00:48 Pour Napoléon, on est 15 jours avant le tournage
00:51 et la production m'appelle et ils disent,
00:52 "Demain, l'actrice, donc Vanessa Kirby, est à Paris
00:56 et vous allez faire un tour des Invalides, de la Malmaison.
00:59 C'est vous qui gérez le tour
01:00 et on veut que les lieux soient plus ou moins privatisés."
01:03 Alors je leur dis, "Ah, ça va être un peu compliqué."
01:05 Et au final, on a réussi à avoir pas mal de lieux
01:08 pour plonger les acteurs dans le monde napoléonien,
01:12 pour qu'ils vivent vraiment le sens,
01:14 ce que leur personnage ressent.
01:16 Et donc, j'ai eu deux jours avec Vanessa Kirby dans Paris
01:19 et après, j'ai enchaîné deux jours avec Joachim Fenix.
01:21 Ça m'a permis déjà d'avoir une relation,
01:24 de dire vraiment tout ce que je pouvais leur dire
01:26 pour qu'eux aient une performance la plus historique possible.
01:30 Et donc, sur plateau, le conseiller historique
01:33 est beaucoup plus pratique,
01:35 au sens de, c'est là où il y a besoin de réactivité.
01:38 Tout passe par le réalisateur, qui est le général.
01:40 Et le conseiller, on doit attendre des questions.
01:43 Donc concrètement, il y a une scène,
01:45 l'acteur va dire, "Je veux changer mes lignes."
01:48 Eh bien là, il faut être prêt à savoir
01:51 ce que Napoléon pense de n'importe quel sujet.
01:54 Et donc, moi, j'avais travaillé sur des ouvrages.
01:56 Et donc, il y a des ouvrages qui compilent un dictionnaire
01:59 de citations napoléoniennes.
02:01 Donc, j'en avais un en français, un en anglais
02:03 et je savais plus ou moins par cœur.
02:06 Ça permet à l'acteur d'avoir des choses
02:08 avec lesquelles il peut jouer, qui va modifier bien sûr,
02:10 puisque la langue de l'époque n'est pas la langue
02:12 que l'on va utiliser dans le cinéma.
02:14 Mon travail, c'était vraiment de creuser le personnage
02:18 et de tout savoir sur lui,
02:19 de savoir le sens du rasage de Napoléon,
02:22 de savoir quand Napoléon dictait,
02:24 il avait son mollet gauche lorsqu'il était légèrement stressé
02:27 qui allait bouger,
02:28 de savoir n'importe quel détail,
02:30 ce qu'il allait avoir sur lui, la bonbonnière,
02:32 le petit mouchoir de poche, etc.
02:33 Le mot qui revient toujours pour le Conseil historique,
02:35 c'est "accurate".
02:36 Qu'est-ce qui est le plus adapté historiquement
02:40 à la temporalité dans laquelle on est ?
02:41 Chaque nationalité voit quelque chose de différent en Napoléon.
02:44 Les Anglais vont voir en Napoléon le dictateur,
02:48 qui était une menace.
02:49 Les Américains vont voir le self-maid man.
02:51 Les Français voient souvent l'homme providentiel.
02:54 Et donc, c'est vrai qu'il faut jouer avec toutes ces facettes.
02:57 Et Napoléon lui-même, de manière très intrigante,
02:59 a créé ces facettes.
03:01 La publicité du film est vraiment faite là-dessus,
03:03 tyran, amoureux, etc.
03:05 Et on joue avec ces différentes facettes.
03:07 Et l'avantage d'avoir un si grand acteur comme Joachim Phoenix,
03:10 qui a la capacité de prendre ces différents masques,
03:13 en quelque sorte,
03:13 et on essaye, du coup, en ayant toutes ces facettes-là,
03:16 de percer le masque Napoléon
03:18 Mais souvent, les fans de Napoléon sont vraiment...
03:22 C'est les plus gros fans au monde du personnage.
03:26 Et à chaque fois qu'il se passe quelque chose,
03:28 ils vont crier "Vive l'Empereur".
03:29 Mais il faut comprendre que c'est une oeuvre visuelle.
03:32 Et donc, dans une oeuvre visuelle, il y a des choix visuels.
03:34 Lorsqu'on utilise la discipline de l'histoire,
03:36 la première leçon que l'on a en licence 1, université 1,
03:39 c'est que l'objectivité n'existe pas.
03:42 [Générique de fin]
03:44 [SILENCE]