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France 2, 18/02/1993 :
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- Bande annonce "Taratata"
- Bande annonce "L'instit"
- Spot promo "France Culture"
- Début "Bas Les Masques" (Mireille Dumas)

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Transcription
00:00:00 ♪ ♪ ♪
00:00:03 Tout de suite, Balaymasque avec Mireille Dumas.
00:00:05 ♪ ♪ ♪
00:00:10 - Ces grains de café sont bons, très bons,
00:00:15 mais pas assez bons pour Jacques Vabre.
00:00:18 Alors il faut recommencer,
00:00:21 refuser, exiger, affiner sa recherche
00:00:25 jusqu'à trouver le grain juste.
00:00:29 Celui que seul Jacques Vabre sait choisir
00:00:32 pour votre plus grand plaisir.
00:00:35 Jacques Vabre.
00:00:38 Choisissez l'homme qui sait choisir le café.
00:00:41 ♪ ♪ ♪
00:00:46 - Alors, petit bandit?
00:00:59 Aujourd'hui, il fait du logisque,
00:01:01 il existe aussi en pistolet.
00:01:03 (bruit de moteur)
00:01:06 (cris de la foule)
00:01:08 (couinement)
00:01:10 (musique)
00:01:12 (rires)
00:01:14 ♪ Hollywood ♪
00:01:18 (cris de la foule)
00:01:21 ♪ ♪ ♪
00:01:23 ♪ C'est le chant de vivre ♪
00:01:25 ♪ Hollywood, j'ai tant, j'ai tant ♪
00:01:27 ♪ Mon mot très frais ♪
00:01:29 ♪ Hollywood, j'ai tant ♪
00:01:31 ♪ Hollywood, j'ai tant ♪
00:01:33 - Énergie présente "Les Jacksons",
00:01:37 un rêve américain en vidéo.
00:01:39 Un filmé de 4 heures,
00:01:41 des débuts à la gloire,
00:01:43 avec des chansons originales
00:01:45 interprétées par Michael.
00:01:47 ♪ ♪ ♪
00:01:49 "La légende des Jacksons", en 2 cassettes vidéo,
00:01:51 disponible également en coffret,
00:01:53 avec France 2 et Énergie.
00:01:56 - Ne pas utiliser K2R avant lavage,
00:01:58 c'est s'exposer à un reproche.
00:02:00 Muet,
00:02:03 mais ferme, de la part de votre linge.
00:02:05 K2R avant lavage,
00:02:09 appliqué sur les tâches et les sélissures,
00:02:11 vous garantit une tranquillité à toute épreuve.
00:02:13 K2R avant lavage,
00:02:16 pour un linge sans tâches et sans reproche.
00:02:18 - C'est pas si simple à doser, surveiller,
00:02:24 tourner, goûter.
00:02:26 - Ça, j'en ai.
00:02:28 - Aujourd'hui, Rivoire et Carré présente
00:02:30 "Les pâtes en sachet cuisson".
00:02:32 - Sachet cuisson ?
00:02:33 Mon chéri, Rivoire et Porto,
00:02:34 on n'a pas une femme ministre.
00:02:35 - Retirez cet écouté.
00:02:36 Sachet cuisson, Rivoire et Carré.
00:02:38 - Si on avait été des femmes,
00:02:40 on y aurait pensé plus tôt.
00:02:42 ♪ ♪ ♪
00:02:47 - Brice Popori Pottery.
00:02:49 Découvrez sa collection de céramiques désodorisantes
00:02:52 pour 30 jours de fraîcheur permanente.
00:02:55 Elles se rechargent et le parfum se diffuse
00:02:58 à travers la partie poreuse.
00:03:00 Popori Pottery, respirez ses brises.
00:03:03 - David, devant lui, David, devant lui !
00:03:08 (sifflement)
00:03:10 (cris)
00:03:12 ♪ I feel good ♪
00:03:13 ♪ I do what I want ♪
00:03:16 ♪ I feel good ♪
00:03:21 ♪ I do what I want ♪
00:03:23 - Citroën AX7 Alassa,
00:03:25 vous n'imaginez pas tout ce qu'elle peut faire pour vous.
00:03:28 (cris)
00:03:30 Citroën AX7 Alassa,
00:03:32 toute équipe, 54 900 francs.
00:03:34 - Quand on voyage, l'idéal serait de disposer de son argent
00:03:38 aussi facilement qu'en France.
00:03:40 Au CCF, on réalisera bientôt en temps réel
00:03:43 vos opérations bancaires en Europe.
00:03:45 C'est tous les jours qu'on juge sa banque.
00:03:47 CCF, Crédit commercial de France.
00:03:51
00:03:54 - Crêpe de Marie, tarte aux trois fromages de Marie,
00:03:57 pomme entière de Marie, parfait !
00:03:59 - Audacieux, mais parfait.
00:04:01 - Mademoiselle, vous aussi, vous êtes parfaite.
00:04:03 Ce n'est pas une raison pour négliger l'essentiel.
00:04:05 - Vous invitez-vous à arriver, qu'est-ce que je vois ?
00:04:07 Assiette carton, verre plastique, serviette en papier.
00:04:09 Vous voulez ma mort.
00:04:10 Vous ne regardez jamais la télévision.
00:04:12 - I'm sorry, but who are you ?
00:04:14 - Hachis, tartes, crêpe de Marie,
00:04:16 ce n'est pas parce que c'est déjà fait qu'il ne faut rien faire.
00:04:18 - Flowers. - Fleurs.
00:04:19 - Rétidresse. - Jolie robe.
00:04:22 - Il est parfois très embarrassant
00:04:26 de ne pas pouvoir joindre son correspondant du premier coup.
00:04:29 Et si vous communiquez avec les outils d'aujourd'hui,
00:04:32 aujourd'hui, tout le monde peut être joint directement
00:04:35 avec les standards numéristes de France Télécom.
00:04:38
00:04:42 - Ah, ça fait beau, ça !
00:04:44 (rires)
00:04:46 (cris)
00:04:48 - Oh !
00:04:52 - Hum !
00:04:54 Et si on faisait plutôt une petite tarte aux fraises, hein ?
00:04:58 - J'aime pas les fraises.
00:05:00
00:05:03 - Francine, dès qu'on la voit, on ne pense plus qu'à ça.
00:05:12 - Dis donc, t'es inspirée ou tu fais du sel ?
00:05:15 Tu peux pas comprendre. Tu vas même plus déjeuner.
00:05:18 Tu peux pas comprendre.
00:05:20 - Vébol, deux pilotes,
00:05:23 tant que vous ne l'aurez pas essayé, vous ne pourrez pas comprendre.
00:05:26
00:05:31 - Quelle aventure ! Ouf !
00:05:41 Y a des frutos dans le frigo.
00:05:43 Rien ne vaut un frutos soleil entier pour se regonfler.
00:05:46 You play ? Une fleur la vie.
00:05:48
00:05:53
00:05:57 - Tous les jeudis, après "Envoyé spécial",
00:06:01 "Taratata", le nouveau rendez-vous musical de France 2.
00:06:04
00:06:07 Émotion, feeling, improvisation,
00:06:10 les plus grandes stars, comme vous ne les avez jamais vues,
00:06:13 interprètent leurs chansons préférées.
00:06:15 Cette semaine, Nagui reçoit Maxime Le Forestier,
00:06:17 Marc Lavoine et Alain Souchon.
00:06:19 "Taratata", la sincérité et l'impertinence de Nagui
00:06:22 et le talent des plus grands artistes.
00:06:25 "Taratata", avec Maxime Le Forestier,
00:06:27 jeudi, 22h20, sur France 2.
00:06:29 - Êtes-vous raciste, monsieur Bonafé ?
00:06:38 - Mais c'est ça que vous faites à l'école, maintenant ?
00:06:40 Un village paisible, réveillé par les démons de haine et de fureur.
00:06:44 - Retourne à ta balie de merde, Anthony.
00:06:46 J'ai marre que tout te tasse mal avec toi.
00:06:48 - J'ai voulu faire un stit parce que
00:06:50 c'est à l'école qu'on le fait, les enfants.
00:06:52 Après, c'est trop tard. - Pourquoi il se met, là ?
00:06:54 Il va faire le guignol sur son estrade et passe, toi.
00:06:57 Un héros d'aujourd'hui défend contre tous les valeurs de la vie.
00:07:00 La force et la présence de Gérard Klein,
00:07:02 l'un stit, mercredi, 20h50, sur France 2.
00:07:04 (Générique)
00:07:33 - France Culture.
00:07:35 Le monde appartient à ceux qui l'écoutent.
00:07:38 (Musique)
00:07:41 (Musique)
00:07:44 (Musique)
00:07:46 (Musique)
00:07:56 (Musique)
00:08:09 (Musique)
00:08:11 - Bonsoir. Bienvenue sur le plateau de "Balai Masque".
00:08:25 En mon honneur et ma conscience,
00:08:27 telle est la formule consacrée qui permet à un juré
00:08:30 d'envoyer un homme en prison
00:08:32 ou bien de l'acquitter au nom du peuple français.
00:08:34 Mais que se cache-t-il derrière ces mots ?
00:08:37 Que se passe-t-il dans la tête de celui
00:08:39 qui se trouve soudain contraint de juger son semblable ?
00:08:42 Nicole a jugé sept fois en trois semaines de session d'assises.
00:08:46 Trois semaines où elle a vu défiler attaques à main armée,
00:08:49 viols, incestes.
00:08:51 Trois semaines qui ont été les plus dures
00:08:53 et les plus riches de sa vie.
00:08:55 Sans trahir le secret des délibérés,
00:08:57 elle raconte les combats de sa conscience.
00:08:59 En face d'elle, Bernard Fayol,
00:09:01 président de Cour d'Assise,
00:09:03 explique qu'un professionnel de la justice
00:09:05 connaît aussi le doute et l'angoisse.
00:09:08 André, lui, était de l'autre côté dans le boxe des accusés
00:09:12 et il a dû convaincre ses hommes et ses femmes
00:09:14 qui le regardaient.
00:09:16 Aline, elle aussi a sondé sa conscience
00:09:19 quand elle a dû dénoncer les parents d'un enfant battu.
00:09:22 Nous irons aussi en Hongrie
00:09:24 où l'on s'interroge sur la meilleure façon
00:09:26 de rendre la justice
00:09:28 et nous écouterons un condamné qui,
00:09:30 du fond de sa cellule, se souvient de ses jurés.
00:09:33 Mais tout de suite, retrouvons Nicole
00:09:35 et le récit de ses trois semaines de Cour d'Assise.
00:09:38 Nicole, vous avez 62 ans,
00:09:49 vous êtes retraitée
00:09:51 et vous, vous avez eu une expérience
00:09:53 assez exceptionnelle
00:09:55 puisque vous avez été jurée sept fois.
00:09:57 Sept fois, vous avez été tirée au sort
00:09:59 sur une session de trois semaines.
00:10:01 C'est-à-dire que vous avez été jurée d'assise
00:10:03 donc sur sept procès.
00:10:05 Il y a deux ans.
00:10:07 Il y a deux ans.
00:10:09 Qu'est-ce que vous avez gardé comme souvenir
00:10:11 de cette expérience ?
00:10:13 C'est une expérience de ma vie
00:10:15 qui a été une étape
00:10:17 très difficile, pénible.
00:10:21 Elle marque terriblement
00:10:23 pour plusieurs raisons.
00:10:25 Car, bon,
00:10:27 ça vous arrive un beau jour,
00:10:29 on a été tirée au sort
00:10:31 sur les listes électorales,
00:10:33 on reçoit cette lettre
00:10:35 de la mairie où on est un peu surprise
00:10:37 puisqu'on ne reçoit pas très souvent
00:10:39 des lettres de mairie.
00:10:41 Jusqu'au jour où on reçoit
00:10:43 une convocation d'aller
00:10:45 retirer sa citation
00:10:47 au commissariat de police,
00:10:49 aux gendarmeries
00:10:51 si on habitait à une commune.
00:10:53 Alors là, bon, c'est vrai
00:10:55 que je me suis dit
00:10:57 "Eh bien Nicole, ça y est,
00:10:59 tu vas être dans le bain.
00:11:01 Non seulement t'as été tirée au sort
00:11:03 sur les listes électorales,
00:11:05 mais maintenant, à nouveau,
00:11:07 tu es retenue pour vraiment
00:11:09 siéger aux assises.
00:11:11 Et si t'as pu être éventuelle jurée,
00:11:13 j'allais devenir jurée
00:11:15 si j'étais retirée au sort lors des procès.
00:11:17 Qu'est-ce qui a été le plus difficile
00:11:19 pour vous dans votre expérience
00:11:21 de jurée, au cours des procès ?
00:11:23 Il y a la récusation qui peut être vécue.
00:11:25 Ça a été mon cas une fois.
00:11:27 Cette récusation est quand même
00:11:29 toujours une atteinte, donc ça peut être
00:11:31 difficile, une atteinte à la personne.
00:11:33 On ne sait jamais pourquoi.
00:11:35 Et après,
00:11:37 il y a quand même à entendre
00:11:39 certains faits qui sont très
00:11:41 difficiles à entendre, très très
00:11:43 difficiles.
00:11:45 Vous entendez des témoignages
00:11:47 qui sont durs, vous avez les
00:11:49 pièces à conviction qui sont
00:11:51 très difficiles aussi.
00:11:53 Vous savez, être
00:11:55 des heures devant cette table où vous avez
00:11:57 des armes, où vous avez des couteaux,
00:11:59 le linge, n'en parlons pas, je ne sais pas,
00:12:01 je n'en parlerai même pas.
00:12:03 Mais toutes ces armes, tous ces couteaux que vous avez
00:12:05 sous les yeux, c'est jamais très agréable.
00:12:07 C'est quand même pas... c'est une partie
00:12:09 bien sérieuse
00:12:11 et bien sévère. Et quand
00:12:13 on vous passe les...
00:12:15 les preuves,
00:12:17 c'est-à-dire qu'elles ne peuvent être qu'en photo,
00:12:19 vous avez certaines photos qui restent,
00:12:21 qui me resteront je pense
00:12:23 gravées jusqu'à la fin de mes jours.
00:12:25 - Vous ne vous attendiez pas, vous Nicole,
00:12:27 à être confrontée comme ça à ces réalités ?
00:12:29 - Ah non ! - C'était loin de vous ?
00:12:31 - C'était loin de moi, tout à fait.
00:12:33 - Quel est le procès qui
00:12:35 vous a le plus atteinte ?
00:12:37 Le plus troublé, le plus dérangé ?
00:12:39 - Alors le procès
00:12:41 qui m'a vraiment le plus dérangée,
00:12:43 ça a été un procès d'un inceste.
00:12:45 D'un père qui avait violé
00:12:47 deux filles.
00:12:49 - Bien.
00:12:51 - Même si on ne doit pas
00:12:53 se laisser se reprendre
00:12:55 par ses propres impressions,
00:12:57 on n'est quand même qu'un être humain.
00:12:59 Moi j'étais qu'un être humain, avec toutes mes failles,
00:13:01 les qualités et les défauts. Donc il y a bien toujours
00:13:03 un moment où vous avez...
00:13:05 quand vous écoutez, vous êtes attentif,
00:13:07 vous dites "Mon Dieu, ça, ça aurait pu m'arriver,
00:13:09 ça aurait pu arriver
00:13:11 aux enfants d'un tel
00:13:13 ou d'une telle, ou etc."
00:13:15 Et moi j'ai trouvé
00:13:17 ce procès d'inceste
00:13:19 particulièrement difficile à vivre,
00:13:21 non seulement
00:13:23 le jour du procès, mais dans les jours
00:13:25 qui ont suivi.
00:13:27 - Est-ce qu'à un moment donné, vous avez plein
00:13:29 cet homme ? Au contraire,
00:13:31 vous étiez...
00:13:33 vous aviez de l'agressivité, je dirais,
00:13:35 vis-à-vis de son acte ? - Non, non. Parce que le rôle du juré,
00:13:37 je le savais bien,
00:13:39 je ne devais pas être agressive
00:13:41 parce que je n'aurais pas été un bon juré.
00:13:43 Un juré ne doit pas être agressif,
00:13:45 ce n'est pas son rôle.
00:13:47 Ça n'a pas été le mien.
00:13:49 - Je parle à l'intérieur de vous, vous avez eu du ressentiment.
00:13:51 - Non.
00:13:53 Moi j'ai plein, surtout,
00:13:55 les deux enfants
00:13:57 qui sont marqués pour leur vie.
00:13:59 C'est irréparable.
00:14:01 - C'est-à-dire qu'à aucun moment, vous n'avez
00:14:03 vous ressenti des circonstances
00:14:05 atténuantes par rapport à ce père ?
00:14:07 - Oui,
00:14:09 personnellement, je les aurais mal compris,
00:14:11 les circonstances atténuantes, vous voyez.
00:14:13 Je les aurais mal compris parce que pour moi,
00:14:15 c'était quelque chose qui ne devait pas se faire.
00:14:17 Donc, ce père
00:14:19 qui faisait croire à ses enfants
00:14:21 qu'on fait ça par amour,
00:14:23 par amour pour papa parce qu'on aime papa,
00:14:25 oh,
00:14:27 oh là là.
00:14:29 Et c'est là où, lorsque l'on est juré,
00:14:31 que l'on entend tout ça,
00:14:33 et qu'on n'a pas le droit
00:14:35 de montrer un ritus
00:14:37 du visage, de la bouche,
00:14:39 on doit rester impassible.
00:14:41 Et peut-être que dans ce cas-là,
00:14:43 d'écrire en prenant des notes
00:14:45 vous permet de cacher
00:14:47 cette expression qu'on pourrait avoir
00:14:49 ou cette larme qui vous vient au coin de l'œil.
00:14:51 Parce que c'est difficile
00:14:53 de ne pas avoir la larme au coin de l'œil.
00:14:55 Vous entendez les autres se moucher fortement,
00:14:57 il y a des fois, on sait bien ce que ça veut dire
00:14:59 de se moucher fortement pour chasser des larmes.
00:15:03 J'en suis encore, vous voyez.
00:15:05 - Ça vous a bouleversée.
00:15:07 - Ah oui, là moi j'ai été bouleversée.
00:15:09 - Est-ce que ça veut dire aussi, Nicole,
00:15:11 que pour lui, vous avez demandé la peine
00:15:13 maximum, maximale ?
00:15:15 - Je ne répondrai pas à votre question.
00:15:17 - Ah vous n'avez pas le droit de dire.
00:15:19 - Ah, je ne répondrai pas à votre question.
00:15:21 Parce que ça fait partie d'un délibéré,
00:15:23 et qu'on jure de ne pas
00:15:25 faire part, même après,
00:15:27 même des années après, j'ai juré.
00:15:29 Donc je ne répondrai pas à votre question.
00:15:31 - Je sais que vous êtes tenue au secret,
00:15:33 mais est-ce que par exemple,
00:15:35 vous pouvez dire sur les sept procès
00:15:37 que vous avez donc assisté,
00:15:39 vous avez été en accord avec, je dirais,
00:15:41 les peines demandées,
00:15:43 les sept fois,
00:15:45 ou par moment, pas du tout ?
00:15:47 - Il y a eu des procès où je n'ai pas été d'accord
00:15:49 avec les peines demandées.
00:15:51 - Est-ce que vous avez été révoltée
00:15:53 à un moment donné par la peine qui a été donnée ?
00:15:55 En vous disant, ça c'est trop,
00:15:57 ce n'est pas possible, je pense ?
00:15:59 - Oui, pour un procès, c'est vrai,
00:16:01 mais je ne dirai jamais
00:16:03 que cette peine était trop forte.
00:16:05 Mais il y a eu un procès
00:16:07 où j'ai été bouleversée
00:16:09 par le cri de l'épouse
00:16:11 quand elle a entendu le nombre donné
00:16:13 à son mari.
00:16:15 Bon, mais c'est vrai que ce cri,
00:16:17 je l'ai encore en tête.
00:16:19 - Et ça veut dire que vous l'entendez encore, ce cri ?
00:16:21 - Ah oui, je suis marquée par ce cri.
00:16:23 Je suis marquée par ce cri de douleur,
00:16:25 ce cri de douleur
00:16:27 qui venait du cœur,
00:16:29 mais c'est dur
00:16:31 d'écrire une peine
00:16:33 pour un accusé.
00:16:35 Bon, il y a l'acquittement,
00:16:37 c'est une chose,
00:16:39 et puis après,
00:16:41 si on n'a pas acquitté la personne,
00:16:43 eh bien, il faut trouver la peine,
00:16:45 la peine qui le ramènera le mieux
00:16:47 dans la société.
00:16:49 Mais comment nous, jurés,
00:16:51 moi, simple employé de bureau
00:16:53 comme d'autres, tel métier ou tel autre,
00:16:55 peu importe, le juré populaire,
00:16:57 c'est l'ensemble de tout le monde,
00:16:59 mais on n'a pas fait d'études
00:17:01 véritables pour définir
00:17:03 si deux ans, c'est mieux qu'un an
00:17:05 ou si trois ans, c'est mieux que quatre.
00:17:07 On ne le sait pas.
00:17:09 D'abord, un individu,
00:17:11 on voit bien soi-même,
00:17:13 moi, je me suis transformée,
00:17:15 j'ai changé.
00:17:17 La personne qu'on envoie en prison,
00:17:19 elle va se transformer de quelle façon,
00:17:21 comment sera-t-elle,
00:17:23 et tout ça, c'est sûr que...
00:17:25 - Au moment d'être délibérée,
00:17:27 est-ce qu'à un moment donné,
00:17:29 vous vous sentez influencée par les magistrats ?
00:17:31 - Non. - Jamais ?
00:17:33 - Non, non.
00:17:35 Ça, je me l'étais refusée.
00:17:37 Ce que j'ai eu besoin, c'est quand même,
00:17:39 on était à l'écoute des magistrats,
00:17:41 moi-même, j'étais très à l'écoute.
00:17:43 Il y a un silence, on entend voler une mouche
00:17:45 parce qu'on s'écoute les uns les autres.
00:17:47 Bon, le magistrat, il est professionnel.
00:17:49 Bon, il causera du code, bien entendu.
00:17:53 Mais l'écoute ne veut pas dire influence
00:17:55 parce que le juré,
00:17:57 il écrit coupable ou non coupable
00:17:59 en répondant oui ou non.
00:18:01 C'est lui qui lui écrit,
00:18:03 on ne lui tient pas le stylo.
00:18:05 C'est le juré lui-même qui écrit.
00:18:07 Autour de table, il peut bien dire
00:18:09 oui, je le crois coupable,
00:18:11 et écrire non après, c'est un vote,
00:18:13 un vote secret, un vote écrit.
00:18:15 Et des papiers qui sont brûlés après,
00:18:17 qui ne laisseront pas de traces,
00:18:19 et heureusement.
00:18:21 On ne peut pas dire qui a mis quoi.
00:18:23 Et quand il y a un silence,
00:18:25 on ne peut pas dire qui a mis quoi.
00:18:27 Et quand il faut écrire une peine,
00:18:29 il faut tenir le stylo.
00:18:31 On pourrait envoyer la personne en prison.
00:18:33 - Et donc on juge bien avec toute sa vie.
00:18:35 On ne peut pas être un juge impartial.
00:18:37 C'est bien avec tout son affect,
00:18:39 avec son vécu, mon juge Nicole.
00:18:41 - Non, là, je ne suis pas d'accord avec vous.
00:18:43 Parce qu'à ce moment-là,
00:18:45 je me laisserai laisser emparer
00:18:47 par mes sentiments.
00:18:49 C'est parce que lorsque vous délibérez,
00:18:51 vous pesez le pour, le contre.
00:18:53 Mais après le délibéré,
00:18:55 quand le procès est vraiment fini,
00:18:57 ben, Nicole,
00:18:59 parce qu'on se tient vraiment fortement
00:19:01 pendant un procès,
00:19:03 pendant un délibéré.
00:19:05 On ne peut pas se détendre.
00:19:07 C'est impossible.
00:19:09 Des heures, des heures.
00:19:11 - Vous avez pleuré après, à un certain moment ?
00:19:13 - Après, j'ai pleuré.
00:19:15 - Ah oui, parce qu'on sent que vous vous serrez.
00:19:17 - J'ai explosé, j'ai pleuré.
00:19:19 Parce que je n'ai jamais pleuré en procès.
00:19:21 J'ai injuré. Ce n'est pas possible.
00:19:23 Donc, vous concentrez, vous concentrez,
00:19:25 vous concentrez. Il faut bien que la soupape éclate après.
00:19:29 - Et comme vous vous êtes tenue au secret,
00:19:31 est-ce que, justement, à aucun moment,
00:19:33 vous n'avez eu envie de parler à votre mari ?
00:19:35 De vous confier,
00:19:37 de lui raconter,
00:19:39 de vous libérer, je dirais.
00:19:41 - C'est vrai que
00:19:43 on aurait envie,
00:19:45 à certains moments, de parler.
00:19:47 - Vous avez eu envie de lui parler ?
00:19:49 - Oui, mais vous n'avez rien dit.
00:19:51 - Et je n'ai rien dit, ou très peu.
00:19:53 Je lui ai plutôt répondu à des questions.
00:19:55 Parce qu'il avait mal entendu.
00:19:57 On entend très mal dans la salle de trésor.
00:19:59 - Sur les délibérés ?
00:20:01 - Jamais. Jamais j'ai parlé du délibéré de mon mari.
00:20:03 Jamais.
00:20:05 - Vous avez respecté le secret ?
00:20:07 - Ah oui.
00:20:09 - Pourquoi ?
00:20:11 - Eh bien, parce que je l'ai juré.
00:20:13 - Vous avez eu l'impression, vous, d'avoir appris certaines choses ?
00:20:15 - Humainement, j'ai appris.
00:20:17 Ça me permet de peut-être
00:20:19 mieux voir maintenant certaines choses.
00:20:21 Ça ne sera jamais parfait.
00:20:25 Mais ça m'a fait avancer.
00:20:27 J'ai fait des pas dans ma vie.
00:20:29 Cette vie interne, des choses que l'on ressent
00:20:31 et que l'on n'exprime pas, parce que l'être humain a son secret.
00:20:33 Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas honnête
00:20:35 et qu'on n'est pas...
00:20:37 mais... qu'on n'est pas franc.
00:20:39 Mais on a bien le droit à garder
00:20:41 quelque chose en soi.
00:20:43 - J'ai l'impression, comme vous en parlez,
00:20:45 que c'était vraiment douloureux, difficile,
00:20:47 mais en même temps que ça a été une expérience fantastique
00:20:49 et que c'est pratiquement
00:20:51 l'expérience de votre vie.
00:20:53 - C'est une expérience de ma vie, oui.
00:20:55 C'est une expérience de ma vie qui m'a fait voir la justice,
00:20:57 qui m'a fait voir l'approche
00:20:59 de beaucoup d'autres personnes que je n'aurais jamais connues.
00:21:01 Moi, les magistrats, pour moi, c'était des personnes
00:21:05 qui avaient un autre niveau que moi.
00:21:07 Ces hommes avec ces robes rouges,
00:21:09 l'Hermine...
00:21:11 Bon, c'est vrai que c'est impressionnant,
00:21:13 mais je ne pense pas qu'il s'est impressionné.
00:21:15 Bon, c'est une chose.
00:21:17 Puis après, quand on est libéré,
00:21:19 le magistrat quitte sa robe et autres
00:21:21 et vient causer au milieu de nous
00:21:23 parce qu'on se trouve 12 égaux,
00:21:25 12 personnes, on est vraiment égaux,
00:21:27 et ça, c'est beau.
00:21:29 Même si vous êtes juré,
00:21:31 je suis juré.
00:21:33 C'est une mauvaise étape.
00:21:35 On n'a pas besoin d'aller juger son prochain.
00:21:37 Mais puisque le devoir civique est là,
00:21:39 il faut l'accomplir.
00:21:41 - D'avoir à juger quelqu'un, ça vous a coûté ?
00:21:43 - Oui, ça m'a coûté.
00:21:45 Ça m'a coûté.
00:21:49 Moi, je ne suis pas sur Terre pour juger
00:21:51 et mettre mon prochain en prison.
00:21:53 Et pourtant,
00:21:55 la faute est reconnue.
00:21:57 Il est coupable.
00:21:59 Alors, quelle réponse on peut donner à cela ?
00:22:09 - Alors, sur l'interrogation de Nicole,
00:22:11 M. Fayolle,
00:22:13 vous êtes président de la Cour d'Assise
00:22:15 depuis 1986
00:22:17 d'Aix-en-Provence, c'est cela ?
00:22:19 - Je crois, oui.
00:22:21 - En mon honneur et ma conscience,
00:22:23 qu'est-ce que cela veut dire
00:22:25 pour vous
00:22:27 et de manière générale ?
00:22:29 - La loi, je vais la citer,
00:22:31 elle demande que l'on juge
00:22:33 avec son intime conviction.
00:22:35 Donc, dans la sincérité
00:22:37 de sa conscience.
00:22:39 - Est-ce que vous, en tant que magistrat,
00:22:41 vous avez des problèmes de conscience ?
00:22:43 - J'espère bien que j'ai des problèmes
00:22:45 de conscience. A ce niveau-là, je ne vois pas pourquoi
00:22:47 je serais épargné
00:22:49 par rapport au jury.
00:22:51 - Vous en avez eu de graves, au point de ne pas
00:22:53 pouvoir dormir, comme c'est arrivé
00:22:55 pour Nicole, tout au long
00:22:57 de votre carrière ?
00:22:59 - Non. Je ne dis pas
00:23:01 que j'ai toujours bien dormi, mais j'ai dormi.
00:23:03 Cela étant, dans certains cas,
00:23:05 c'est vrai qu'il y a
00:23:07 certaines inquiétudes. Dans votre
00:23:09 présentation, vous avez, je crois, parlé
00:23:11 du doute et de l'angoisse.
00:23:13 Le doute,
00:23:15 je l'admets très bien, je pense que c'est même
00:23:17 quelque chose qui doit être
00:23:19 provoqué. C'est à travers
00:23:21 le doute qu'on arrive
00:23:23 à se faire une conviction. - Est-ce qu'il vous est resté
00:23:25 dans la tête, un procès en particulier ?
00:23:27 - Non.
00:23:29 Non. J'ai...
00:23:31 - Vous n'avez jamais été choqué ?
00:23:33 - Choqué, si.
00:23:35 Mais...
00:23:37 qui me dit que ma réaction
00:23:39 est la bonne,
00:23:41 je n'en sais rien. Dans certains cas,
00:23:43 je peux effectivement
00:23:45 mal vivre une décision.
00:23:47 Il n'est pas possible
00:23:49 de ne pas s'impliquer dans un procès.
00:23:51 La difficulté, c'est de trouver
00:23:53 jusqu'à quelle distance
00:23:55 on s'implique. Ce qui fait
00:23:57 que les affaires d'assises
00:23:59 réactives en tout le monde,
00:24:01 juraient comme magistrats
00:24:03 parfois
00:24:05 des difficultés que l'on a pu connaître.
00:24:07 Ça peut nous renvoyer, et pas seulement les affaires
00:24:09 d'inceste, à notre enfance,
00:24:11 à notre adolescence, à notre
00:24:13 rôle de conjoint,
00:24:15 de parent. - Il n'y a pas
00:24:17 particulièrement une histoire qui vous
00:24:19 ait frappée plus qu'une autre ?
00:24:21 Vous vous êtes retrouvés
00:24:23 un peu en porte-à-faux ou...
00:24:25 je ne sais pas, simplement
00:24:27 avec une peine
00:24:29 demandée qui ne soit pas encore...
00:24:31 - Ça m'est arrivé encore assez récemment.
00:24:33 - Sur quel genre d'histoire ?
00:24:35 - Une affaire d'inceste. - Ah, aussi !
00:24:37 Et alors,
00:24:39 la peine qui était
00:24:41 donnée par les jurés,
00:24:43 était plus sévère ou moins sévère que celle que vous
00:24:45 venez d'appliquer ? - Beaucoup plus sévère,
00:24:47 d'abord, que celle qui avait été requise.
00:24:49 Et personnellement, j'ai trouvé,
00:24:51 mais à tort peut-être, cette peine excessive.
00:24:53 Mais
00:24:55 dans ce cas-ci, madame, c'est vrai que
00:24:57 je voyais un balancement, et c'est peut-être là que le président
00:24:59 peut, jusqu'à
00:25:01 quelle mesure, influencer,
00:25:03 parce qu'il y a parfois un désir
00:25:05 de punition qui est peut-être
00:25:07 trop fort, où on a l'impression que parce
00:25:09 qu'on va condamner
00:25:11 à telle peine, on va
00:25:13 évacuer ce problème, ou qu'on va faire oeuvre
00:25:15 de salubrité publique.
00:25:17 Et d'un autre côté, dans certains cas,
00:25:19 et c'est ce que madame a dit, on a le sentiment
00:25:21 que peut-être le besoin de protection
00:25:23 par rapport notamment aux victimes,
00:25:25 l'a peut-être
00:25:27 emporté sur d'autres considérations.
00:25:29 De toute façon, il n'y a jamais de bonne décision
00:25:31 qui puisse prendre en compte tous les paramètres.
00:25:33 - Mais est-ce qu'à un moment donné, vous avez
00:25:35 essayé, puisque vous avez trouvé la peine trop lourde,
00:25:37 de le dire,
00:25:39 de le faire savoir ? - Mais cela m'arrive,
00:25:41 parce que je pense que c'est plus clair,
00:25:43 et que la meilleure façon de pouvoir
00:25:45 être aussi
00:25:47 objectif, impartial que possible,
00:25:49 surtout quand on peut vous prêter
00:25:51 des arrières-pensées, c'est peut-être de dire
00:25:53 quelle est sa subjectivité.
00:25:55 - Donc monsieur Fayol, vous l'avez dit,
00:25:57 que c'était trop sévère à ce moment-là,
00:25:59 et les jurés ne vous ont pas écrit...
00:26:01 - Non, c'est trop tard. - Ah c'était... - Oui.
00:26:03 - Mais par rapport à ce procès d'inceste,
00:26:05 vous étiez... je parle de ça parce que c'est
00:26:07 le seul exemple que vous m'ayez donné.
00:26:09 Qu'est-ce qui s'est passé
00:26:11 ensuite dans votre tête ?
00:26:13 - Qu'est-ce qui s'est passé
00:26:15 ensuite dans ma tête ?
00:26:17 Eh bien...
00:26:21 un sentiment
00:26:23 à tort ou à raison
00:26:25 de culpabilité,
00:26:27 aussi curieux que ça soit, moi, oui.
00:26:29 Je me suis dit, mais
00:26:31 qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que je n'ai pas fait,
00:26:33 plus précisément ?
00:26:35 Mais j'ai pensé à la manière dont j'avais conduit
00:26:37 les débats.
00:26:39 - Vous vous êtes remis en cause.
00:26:41 - Oui, mais finalement, c'est peut-être,
00:26:43 bon, je me donne le beau rôle,
00:26:45 un excès de scrupules, parce que je vais quand même
00:26:47 pas me reprocher d'avoir été,
00:26:49 j'allais dire, trop empathique
00:26:51 avec les victimes, d'avoir fait
00:26:53 émerger leur souffrance.
00:26:55 Ça, non.
00:26:57 Mais c'est vrai que
00:26:59 je me suis dit, tu n'as pas fait pareil
00:27:01 avec l'accusé.
00:27:03 C'est vrai que l'un des
00:27:05 rôles du président
00:27:07 dans les débats et
00:27:09 du procès, c'est parfois
00:27:11 ou souvent, de
00:27:13 faire prendre conscience
00:27:15 à l'accusé, s'il est coupable,
00:27:17 de ses responsabilités,
00:27:19 et parfois de le confronter
00:27:21 aux dégâts, à la souffrance
00:27:23 des victimes. Et là,
00:27:25 et c'est souvent le cas en matière
00:27:27 d'inceste, le père ne s'était pas rendu
00:27:29 compte de ce qu'il avait
00:27:31 volé, détruit, la vie de sa fille.
00:27:33 Ce qui fait que ça a dû
00:27:35 complètement l'anéantir
00:27:37 et il ne s'est pas défendu.
00:27:39 - Est-ce qu'il vous semble que les jurys populaires
00:27:41 sont plus répressifs ou moins répressifs
00:27:43 que les jurys de notables
00:27:45 d'avant la réforme ?
00:27:47 Donc, qui étaient choisis
00:27:49 sur la notabilité, non pas sur les listes électorales.
00:27:51 Est-ce qu'il y a une différence ?
00:27:53 Depuis 78, 80...
00:27:55 - Oui. Ce qui est incontestable,
00:27:57 c'est qu'il y a
00:27:59 un renforcement des peines,
00:28:01 de la durée des peines, et notamment
00:28:03 des peines de longue durée.
00:28:05 Ce que l'on peut penser,
00:28:07 mais sous toute réserve,
00:28:09 c'est que, dans certains cas,
00:28:11 c'est vrai, les
00:28:13 jurys qui étaient composés,
00:28:15 et vous caricaturez un peu en parlant de notables,
00:28:17 mais c'est vrai que c'était une sélection
00:28:19 avant l'entrée en vigueur de la loi
00:28:21 de 78 en 1980,
00:28:23 étaient peut-être, dans l'ensemble,
00:28:25 pour certaines affaires,
00:28:27 mais peut-être davantage
00:28:29 pour certaines catégories d'accusés,
00:28:31 davantage enclins à l'indulgence.
00:28:33 Mais ça pouvait partir
00:28:35 d'un sentiment de paternalisme,
00:28:37 en pensant que
00:28:39 ces accusés
00:28:41 qui n'avaient pas eu
00:28:43 bien des chances dans leur vie
00:28:45 et qui avaient eu des conditions, notamment,
00:28:47 d'éducation tout à fait déplorables,
00:28:49 ne peuvent pas être tenus pour responsables
00:28:51 entièrement
00:28:53 de tout ce qu'ils auraient reproché.
00:28:55 - Nicole, vous disiez
00:28:57 que vous aviez été récusée.
00:28:59 Alors, justement, on va regarder un avocat de la Défense
00:29:01 récuser des jurés
00:29:03 et s'expliquer ensuite sur les jurys populaires.
00:29:05 - Première étape difficile
00:29:07 pour le jury populaire,
00:29:09 le tirage au sort.
00:29:11 Un moment de suspense
00:29:13 qu'il revive avant chaque procès.
00:29:15 Sur 30 jurés,
00:29:17 seuls 9 d'entre eux
00:29:19 seront retenus pour siéger.
00:29:21 - La cour !
00:29:23 - Le numéro 14.
00:29:25 - Récusée.
00:29:31 - Vous êtes récusée par la Défense.
00:29:33 - La cour.
00:29:39 - Le numéro 14.
00:29:41 - Récusée.
00:29:43 - Vous êtes récusée par la Défense.
00:29:45 - La cour.
00:29:47 - Le numéro 14.
00:29:49 - Récusée.
00:29:51 - Le numéro 20.
00:29:53 - Récusée.
00:29:55 - Le numéro 26.
00:29:57 - Récusée.
00:29:59 - Vous êtes récusée par la Défense.
00:30:01 - Le numéro 21.
00:30:03 - Le numéro 24.
00:30:07 - Récusée.
00:30:09 - Vous êtes récusée par
00:30:11 Monsieur l'Avocat général.
00:30:13 - Le numéro 23.
00:30:15 - Le numéro 24.
00:30:19 - Le numéro 8.
00:30:21 - Récusée par la Défense.
00:30:25 - Vous avez été récusée.
00:30:31 Est-ce que vous êtes content ou pas content ?
00:30:33 - Bon, c'est pas une question
00:30:35 d'être content ou pas content.
00:30:37 On sait qu'on n'a pas de responsabilité à prendre.
00:30:39 On était venus pour en prendre.
00:30:41 J'en avais été tirée au sort pour ça.
00:30:43 Moi, je vois pas comme ça.
00:30:45 - Bon, là, j'ai été récusée
00:30:47 et...
00:30:49 je suis un peu soulagée, mais
00:30:51 moi, je crois que c'est dommage
00:30:53 pendant toute la session de ne pas
00:30:55 avoir participé au moins une fois.
00:30:57 - Bon, c'est parce que
00:30:59 c'est intéressant. Sur le plan personnel,
00:31:01 je veux dire, c'est très intéressant.
00:31:03 - Une simple information
00:31:05 sur votre âge, sur votre profession,
00:31:07 un seul regard suffiste à la Défense,
00:31:09 à la partie civile ou à l'Avocat général
00:31:11 pour vous récuser.
00:31:13 Un jugement peut être un peu arbitraire,
00:31:15 un peu sévère.
00:31:17 - Non, je ne suis pas sévère, je suis réaliste.
00:31:19 Si vous voulez, je pratique suffisamment la Cour d'assises, je le vois.
00:31:21 Bon, quand vous pouvez réussir à trouver
00:31:23 dans votre liste de jurés
00:31:25 un professeur, que vous pouvez trouver un instituteur,
00:31:27 que vous pouvez trouver, bon, un pharmacien,
00:31:29 que vous pouvez trouver un médecin,
00:31:31 vous êtes enchanté parce que vous avez une personne
00:31:33 qui sera susceptible de pouvoir
00:31:35 répondre au président, de pouvoir
00:31:37 s'opposer. Et ce que je veux dire,
00:31:39 c'est qu'à partir du moment où ces gens sont tirés
00:31:41 au sort depuis la loi de 1978,
00:31:43 la loi Peyrovitch, depuis qu'ils sont tirés au sort
00:31:45 sur les listes électorales, vous avez
00:31:47 une composition de jurés,
00:31:49 de juries, pardon, qui est absolument
00:31:51 lamentable. Où vous vous retrouvez,
00:31:53 je vous dis, avec des gens qui sont là,
00:31:55 en train d'essayer d'assimiler,
00:31:57 qui font preuve de bonne volonté, mais qui sont incapables,
00:31:59 incapables d'assimiler toute la vie d'une
00:32:01 personne en deux heures,
00:32:03 qui sont incapables de juger un ensemble de choses,
00:32:05 de comprendre des thèses qui, souvent,
00:32:07 en rentrent dans des thèses tout à fait abstraites,
00:32:09 et alors qui se retrouvent donc,
00:32:11 j'allais dire pieds et mains liés,
00:32:13 entre les mains du président
00:32:15 et entre les mains des magistrats.
00:32:17 Ce qui fait que le jury populaire,
00:32:19 qui est le but, ne fonctionne absolument pas.
00:32:21 - Vous semblez outré. - Ah, moi je suis outré.
00:32:25 Quand j'entends des propos comme ça,
00:32:27 on dirait qu'on n'est pas égaux sur la Terre.
00:32:29 - Mais en même temps,
00:32:31 en même temps, Nicole, là vous vous énervez,
00:32:33 mais vous avez bien dit que c'était difficile
00:32:35 de juger, quand on ne connaît rien,
00:32:37 qu'on ne sait pas, que... - Mais oui !
00:32:39 - Vous l'avez évoqué vous-même. - C'est vrai.
00:32:41 Mais puisque c'est notre devoir civique,
00:32:43 c'est notre devoir civique pour tout le monde,
00:32:45 qu'on soit ouvrier,
00:32:47 qu'on soit pharmacien, qu'on soit professeur,
00:32:49 c'est notre devoir civique.
00:32:51 Un devoir civique,
00:32:53 il touche toute la couche de population.
00:32:55 - Vous, vous estimez que n'importe qui
00:32:57 peut juger, Nicole ?
00:32:59 - Un jury populaire, le mot "populaire".
00:33:01 Le mot "populaire" ne dit pas
00:33:03 parce qu'on a son bac +2
00:33:05 ou son... Non !
00:33:07 "Populaire", c'est tout le monde.
00:33:09 Et on a besoin de tous les uns des autres.
00:33:11 - Pourquoi est-ce que
00:33:13 cela serait confisqué par des professionnels ?
00:33:15 C'est une réaction
00:33:17 sociale qui est attendue, et je ne vois pas
00:33:19 pourquoi il faudrait réserver ceci
00:33:21 ni à des professionnels
00:33:23 et encore moins, j'allais dire,
00:33:25 à des personnes qui, en vertu de leur
00:33:27 diplôme, seraient censées être
00:33:29 mieux à même de juger.
00:33:31 - Ce que je redoute chez un jury,
00:33:33 c'est précisément
00:33:35 d'avoir un avis péremptoire,
00:33:37 d'avoir une idée de la vérité
00:33:39 comme s'il avait une clé anglaise
00:33:41 et qui, précisément, n'a pas
00:33:43 de doute à un certain moment.
00:33:45 Ça, ça m'inquiète.
00:33:47 - Vous avez pu écrire
00:33:49 à perpétuité ?
00:33:51 - Nous ne l'avons pas eu.
00:33:53 - Vous n'avez pu l'écrire ?
00:33:55 - Moi, je pense que les personnes
00:33:57 croient que c'est comme un vote référendum.
00:33:59 Oui, non. On prend un bulletin,
00:34:01 on le met. La courbeille est passée.
00:34:03 Non, c'est pas ça. Comme je l'ai dit tout à l'heure
00:34:05 et je le répète, c'est ce stylo
00:34:07 où il faut écrire.
00:34:09 Et là, il faut le démarrer.
00:34:11 Soit le oui, soit le non.
00:34:13 Soit le chiffre 5
00:34:15 ou 10, il faut le démarrer
00:34:17 et l'écrire. Et une fois qu'on l'a écrit,
00:34:19 on se dit "je peux le mettre dans la courbeille".
00:34:21 Mais l'écrire,
00:34:23 l'écrire, l'écrire, eh bien c'est dur.
00:34:25 Et vous voyez votre bulletin, les écrits
00:34:27 restent. Les écrits restent,
00:34:29 ils sont là. On le met dans la courbeille, ça y est.
00:34:31 On peut partir en fumée.
00:34:33 - Est-ce que vous avez eu à prononcer,
00:34:35 autrefois, une peine de mort ?
00:34:37 - Non, je ne suis pas si ancien
00:34:39 que j'ai présidé des cours d'assises
00:34:41 avant 1980.
00:34:43 Non.
00:34:45 - Vous y avez pensé,
00:34:47 j'imagine, puisque vous étiez quand même
00:34:49 vous étiez assisseur
00:34:51 à Saint-Etienne. - Ce que je peux dire,
00:34:53 ce que je peux dire,
00:34:55 c'est que si la peine
00:34:57 de mort existait, je ne serais
00:34:59 certainement pas volontaire
00:35:01 pour présider les assises.
00:35:03 Ce que je pourrais peut-être dire,
00:35:05 pour dépasser mon cas personnel,
00:35:07 c'est
00:35:09 que lors des différents
00:35:11 délibérés, sans bien sûr trahir
00:35:13 quoi que ce soit,
00:35:15 je n'ai jamais
00:35:17 entendu
00:35:19 un juré regretter
00:35:21 que la peine de mort n'existe
00:35:23 plus. Jamais. - Alors on va aller
00:35:25 voir à l'étranger comment ça se passe,
00:35:27 en particulier en Hongrie, depuis
00:35:29 la chute du communisme,
00:35:31 la justice est à réinventer,
00:35:33 et les jurés populaires ont laissé de mauvais souvenirs.
00:35:35 - Deux ans après
00:35:39 le changement de régime en Hongrie,
00:35:41 deux ans après la fin du communisme,
00:35:43 le pays a beaucoup changé.
00:35:45 Mais il est un système qui, lui, n'a subi
00:35:47 aucune transformation, si ce n'est
00:35:49 dans sa dénomination. On ne parle
00:35:51 plus de juré populaire,
00:35:53 le mot est désormais maudit, mais de juré.
00:35:55 En Hongrie,
00:35:57 depuis 40 ans, des jurés amateurs
00:35:59 siègent dans les procès, qu'il s'agisse
00:36:01 du civil, du pénal ou des prud'hommes.
00:36:03 Du temps du communisme,
00:36:05 les jurés étaient choisis et élus dans les entreprises.
00:36:07 Ils occupaient cette fonction
00:36:09 à plein temps, quatre mois par
00:36:11 an, durant cinq ans, moyennant
00:36:13 une indemnité équivalente à leur salaire.
00:36:15 Ici, au tribunal d'instance
00:36:17 de Budapest, comme Ferenc Roca,
00:36:19 ils venaient tous les matins poser leur nom
00:36:21 sur la liste de présence des jurés.
00:36:23 Ferenc Roca et lui, jurés amateurs depuis 13 ans.
00:36:25 La municipalité avait envoyé
00:36:33 une circulaire au directeur de l'usine
00:36:35 où je travaillais, pour lui dire
00:36:37 qu'elle avait besoin d'un juré
00:36:39 provenant de son usine.
00:36:41 Le chef du personnel
00:36:43 est venu me voir pour me demander
00:36:45 si j'acceptais d'être proposé
00:36:47 comme candidat à cette fonction
00:36:49 de juré.
00:36:51 Ça ne vous dérangeait pas
00:36:53 de n'avoir aucune formation juridique ?
00:36:55 Non.
00:36:57 Je savais très bien que le rôle de juré
00:36:59 n'est pas de représenter la loi,
00:37:01 mais l'exigence de la société,
00:37:03 c'est-à-dire comment les gens
00:37:05 de la rue jugent les crimes
00:37:07 et les délits.
00:37:09 C'est très important pour nous
00:37:11 que la condamnation satisfasse
00:37:13 l'opinion publique.
00:37:15 Je suis très content d'être là.
00:37:17 Dans chaque procès,
00:37:23 l'opinion publique est représentée
00:37:25 par deux jurés amateurs
00:37:27 qui siègent aux côtés d'un magistrat professionnel.
00:37:29 Aujourd'hui,
00:37:31 crise économique aidant,
00:37:33 les entreprises ne veulent plus verser
00:37:35 d'indemnités. Résultat,
00:37:37 les seules personnes qui acceptent
00:37:39 cette fonction sont des retraités.
00:37:41 Pour eux, c'est un passe-temps,
00:37:43 un moyen d'être reconnus,
00:37:45 de satisfaire leur curiosité
00:37:47 et de rencontrer du monde.
00:37:49 Au fil du temps,
00:37:51 ils deviennent des semi-professionnels
00:37:53 de la justice.
00:37:55 Peut-être que les gens
00:37:59 de la rue jugeraient autrement que nous,
00:38:01 mais vous savez, c'est normal
00:38:03 car ils ne suivent pas tout le procès
00:38:05 et ils ne connaissent pas les détails.
00:38:07 C'est souvent parce qu'ils ne connaissent pas
00:38:09 tous les détails d'une affaire que les gens
00:38:11 s'enlèvent.
00:38:13 Vous occupez cette fonction
00:38:17 depuis 13 ans, donc avant que la peine
00:38:19 de mort ne soit abolie. N'avez-vous
00:38:21 jamais condamné quelqu'un à mort ?
00:38:23 Heureusement non,
00:38:27 mais j'ai eu peur pendant tout ce temps
00:38:29 de tomber sur un cas où il faudrait
00:38:31 prononcer une peine de mort.
00:38:33 J'ai participé à une condamnation
00:38:35 à perpétuité,
00:38:37 mais je dois dire
00:38:39 qu'il l'avait bien mérité.
00:38:41 Durant les sessions, une vingtaine
00:38:43 de jurés se rassemblent dans une salle
00:38:45 d'attente du tribunal. Certains siègent
00:38:47 dans les audiences en cours, d'autres assurent
00:38:49 une permanence à tour de rôle en cas d'urgence,
00:38:51 par exemple pour les extraditions
00:38:53 d'étrangers ou les expropriations
00:38:55 de locataires. Entre eux,
00:38:57 ils se racontent les procès, échangent
00:38:59 leurs points de vue et discutent
00:39:01 les peines infligées. Ce n'est pas pour l'argent
00:39:03 que je fais ça. Les indemnités
00:39:05 qu'on me donnait lorsque je n'étais pas encore
00:39:07 en retraite étaient insignifiantes.
00:39:09 Ce qui est très important
00:39:11 pour moi, c'est qu'ici,
00:39:13 on me demande mon opinion et souvent,
00:39:15 on m'en tient compte. J'ai donc
00:39:17 le sentiment d'être quelqu'un d'important.
00:39:19 C'est un bon sentiment
00:39:21 qui me fait plaisir.
00:39:23 Dans les délibérations, deux voix
00:39:29 contre une suffisent pour prendre une décision.
00:39:31 Les discussions se déroulent
00:39:35 à la bonne franquette.
00:39:37 Le magistrat professionnel
00:39:41 et ses deux jurés amateurs
00:39:43 se connaissent si bien qu'on peut se demander
00:39:45 qui influence qui.
00:39:47 Un juge professionnel
00:39:59 essaie toujours, même inconsciemment,
00:40:01 de nous influencer.
00:40:03 Je n'ai jamais vu
00:40:05 qu'il cherchait à le faire volontairement
00:40:07 et je trouve presque normal
00:40:09 qu'il cherche à m'influencer.
00:40:11 Seulement, il ne parvient
00:40:13 pas toujours à me convaincre.
00:40:15 Moi, je n'ai pas trop
00:40:23 de crise de conscience
00:40:25 car je ne donne mon avis dans les délibérations
00:40:27 que lorsque je suis sûr
00:40:29 que j'ai raison.
00:40:31 Ça ne veut pas dire
00:40:33 que je ne doute jamais.
00:40:35 Mes problèmes,
00:40:37 je les ramène souvent à la maison.
00:40:39 Je ne peux pas les laisser
00:40:41 au tribunal.
00:40:43 Et quand je me couche,
00:40:45 je repense à tout le fil
00:40:47 de l'histoire que j'ai jugée.
00:40:49 En réalité,
00:40:57 il faut voir la vie de l'accusé
00:40:59 depuis son enfance
00:41:01 et à partir de là,
00:41:03 se construire sa propre image de lui.
00:41:05 C'est pour cette raison
00:41:09 qu'il faut être un petit détective.
00:41:11 Lorsque vous entendez cette dame dire
00:41:17 que ça donne un certain pouvoir,
00:41:19 on se sent important,
00:41:21 jugé ?
00:41:23 Bien sûr, parce qu'on est dans le pouvoir
00:41:25 du rôle que l'on tient,
00:41:27 on est dans l'ambiance sérieuse,
00:41:29 sans se figurer.
00:41:31 C'est vrai que suivant la place que l'on a,
00:41:33 on se sent une petite supériorité,
00:41:35 mais elle ne doit pas durer.
00:41:37 Elle ne doit pas durer.
00:41:39 André, vous étiez de l'autre côté,
00:41:41 vous étiez dans le box des accusés.
00:41:43 Vous avez été
00:41:45 inculpé
00:41:47 pour...
00:41:49 J'ai été arrêté
00:41:51 en juillet 1983 à Lyon
00:41:53 pour des faits de vol qualifié
00:41:55 volontaires qui ont été commis aux Pays-Bas
00:41:57 en janvier 1983.
00:41:59 Et vous avez donc eu
00:42:01 une détention.
00:42:03 Je les ai formellement testés aussitôt
00:42:05 et j'ai connu une détention assez longue
00:42:07 de 4 ans, et qui a abouti par un acquittement
00:42:09 en février 1988.
00:42:11 Bon, de juillet
00:42:13 83 à février 88,
00:42:15 ça a été
00:42:17 entrecoupé par 9 mois de liberté,
00:42:19 mais bon, il reste quand même
00:42:21 4 ans de détention pour rien.
00:42:23 - Pour quelle opinion vous avez des jurés ?
00:42:25 Puisque ce sont eux, finalement.
00:42:27 - L'opinion sur les jurés,
00:42:29 bon, disons que ceux concernant mon procès,
00:42:31 elle est plutôt bonne, elle est même très bonne,
00:42:33 puisqu'ils ont pris la bonne décision
00:42:35 en m'acquittant, et c'est d'ailleurs la décision
00:42:37 qui s'imposait, mais enfin, disons, je les remercie
00:42:39 de ne pas s'être trompés, parce qu'ils auraient pu
00:42:41 se tromper ou ils auraient pu, disons,
00:42:43 être déviés à un moment ou à un autre.
00:42:45 Bon, ça n'a pas été le cas.
00:42:47 Donc, automatiquement, les jurés de mon procès,
00:42:49 ceux-ci, je les remercie.
00:42:51 - D'après vous, pourquoi ?
00:42:53 Pourquoi ils ont pensé
00:42:55 que vous étiez innocent et qu'ils ont pu vous acquitter ?
00:42:57 - C'est-à-dire que dans un procès, bon, il y a des temps forts.
00:42:59 Il y a des temps forts, c'est-à-dire que
00:43:01 dès le départ, voilà, l'accusation avançait
00:43:03 des points, et
00:43:05 Thomasin, mon avocat,
00:43:07 il a répondu très rapidement et à son avantage,
00:43:09 et j'ai vu que, visiblement,
00:43:11 il a impressionné les jurés
00:43:13 à plusieurs reprises, je l'ai remarqué dans leurs regards,
00:43:15 dans leurs attitudes, et d'ailleurs, dès le premier jour,
00:43:17 leur
00:43:19 attitude envers nous, enfin, les accusés,
00:43:21 puisque nous étions trois accusés,
00:43:23 était plutôt favorable, puisqu'il était
00:43:25 fréquent de voir des échanges de sourires,
00:43:27 - Entre les jurés ?
00:43:29 - Entre les jurés, et nous,
00:43:31 au premier jour d'un procès
00:43:33 qui a duré, donc, une semaine,
00:43:35 fin judiciaire, du lundi au vendredi,
00:43:37 il s'est échangé, si vous voulez, c'était un procès
00:43:39 qui s'est déroulé d'une manière plutôt sympathique.
00:43:41 - Voilà, mais je vous avoue
00:43:43 que ce n'est pas du tout ce que j'ai vécu,
00:43:45 ni lorsque j'étais jurée,
00:43:47 - Bon, certainement, une grande partie par mon allocat,
00:43:49 si vous voulez, qui, très rapidement,
00:43:51 donc, a fait en sorte
00:43:53 que les débats ont tourné en faveur de la défense,
00:43:55 mais c'est ça qui...
00:43:57 - Mais...
00:43:59 - Et heureusement pour la vérité.
00:44:01 - Mais malgré tout,
00:44:03 les jurés devaient être maîtres d'eux-mêmes
00:44:05 et ne pas laisser apparaître...
00:44:07 Bon, d'accord, ça pouvait vous donner bon moral,
00:44:09 je suis bien d'accord, mais
00:44:11 on n'a pas à laisser
00:44:13 passer d'expression...
00:44:15 - Mais, en même temps, après, je pense que les jurés ont senti
00:44:17 que ça ne collait pas, que ça n'allait pas,
00:44:19 d'ailleurs, je pense qu'il n'y a même pas que les jurés
00:44:21 qui ont senti ça, je pense que même le président,
00:44:23 à un moment, s'est posé la question
00:44:25 comment une telle affaire a pu passer le cap de la chambre d'accusation,
00:44:27 parce que vraiment,
00:44:29 tout tournait
00:44:31 à l'avantage des accusés, disons que le...
00:44:33 Bon, voilà, le procès, en fait, c'était...
00:44:35 - Pour résumer l'histoire, oui, c'était la police
00:44:37 qui avait été abusée, c'est ça ?
00:44:39 - Oui, d'une certaine façon,
00:44:41 je pense que la police a dû...
00:44:43 a dû être abusée par des indicateurs
00:44:45 qui ne sont peut-être pas pour rien dans les faits en question.
00:44:47 - OK. Quelle était votre attitude ?
00:44:49 - Ben, disons que l'attitude d'une personne,
00:44:51 disons que consciente qu'elle risquait
00:44:53 gros pour n'avoir rien fait,
00:44:55 et pour être acquitté, il faut non seulement
00:44:57 être innocent, mais déjà, il faut être aussi
00:44:59 très maître de soi, parce que, je ne vous cache pas,
00:45:01 je me suis conditionné pour calmer
00:45:03 ma révolte, et...
00:45:05 Enfin, pour calmer ma colère, en fait,
00:45:07 parce que c'est vrai que, bon, on arrive au bout
00:45:09 de quatre ans de détention pour rien,
00:45:11 et on a envie d'exploser, on a envie de faire savoir
00:45:13 que c'est trop. Mais enfin, les jours n'y sont pour rien.
00:45:15 - Comment vous avez fait pour maintenir votre colère ?
00:45:17 - Je me suis conditionné.
00:45:19 - Et vous pensez que si vous aviez explosé,
00:45:21 ça aurait joué en votre défaveur ?
00:45:23 - Certainement, oui.
00:45:25 - J'ai envie de demander à Nicole.
00:45:27 Comment vous auriez réagi ?
00:45:29 - Moi, j'étais toujours très étonnée
00:45:31 de l'attitude calme d'un accusé.
00:45:33 - Non, mais, le calme...
00:45:35 - Le calme vous semblait suspect à vous ?
00:45:37 - Pas suspect, mais je m'étonnais
00:45:39 qu'ils puissent garder autant de leur calme.
00:45:41 - Vous y croyez, à cet acquittement ?
00:45:43 Vous étiez...
00:45:45 - Disons que, réellement,
00:45:47 j'étais confiant.
00:45:49 J'étais confiant, mais vigilant.
00:45:51 - Mais André, ce qu'il faut rappeler,
00:45:53 c'est que vous, vous aviez eu, bon,
00:45:55 un passé de petite délinquance.
00:45:57 - Oui, mais disons qu'il n'y a aucune commune mesure,
00:45:59 si vous voulez, avec les faits qui m'étaient reprochés
00:46:01 et qui étaient des faits de banquisement international.
00:46:03 - Est-ce que vous n'avez pas eu peur, justement,
00:46:05 que ce soit quelque chose qui vous charme ?
00:46:07 - Je ne suis pas sûr que l'on puisse juger les gens,
00:46:09 les accuser sur leur passé, sur leurs antécédents,
00:46:11 et non sur les faits qui leur sont imputés.
00:46:13 Et c'est vrai qu'il y avait un danger aussi à ce niveau-là.
00:46:15 Il y avait plusieurs dangers, c'est vrai.
00:46:17 Cette longue détention accomplie,
00:46:19 ce petit passé, bon, enfin, qui n'avait rien à voir,
00:46:21 c'est vrai qu'il y avait plusieurs dangers.
00:46:23 - M. Fayolle, dans le cas d'André,
00:46:25 j'ai l'impression que le jury populaire
00:46:27 a été beaucoup plus clairvoyant
00:46:29 que, je dirais,
00:46:31 les juges et professionnels.
00:46:33 - Non, et...
00:46:35 Bon, je comprends bien
00:46:37 la réaction de monsieur,
00:46:39 mais rien ne lui permet de le dire,
00:46:41 à ma connaissance,
00:46:43 que la décision d'acquittement
00:46:45 dont il a donc bénéficié
00:46:47 ait été uniquement l'oeuvre des jurés.
00:46:49 Ça peut très bien,
00:46:51 mais nous n'en saurons jamais rien.
00:46:53 - Concernant mon procès, c'est vrai que je dois dire
00:46:55 que les débats ont été menés par le président d'une manière équilibrée.
00:46:57 C'est vrai qu'il a été correct,
00:46:59 et disons que sans tendance particulière.
00:47:01 Et c'est vrai que, bon, là-dessus,
00:47:03 on peut donner un peu d'hommage aux magistrats
00:47:05 qui font leur métier normalement.
00:47:07 - Où est-ce qu'il vous semble, André,
00:47:09 que les jurés, et aussi, parfois,
00:47:11 les magistrats, devraient aller dans les prisons
00:47:13 voir comment ça se passe ?
00:47:15 - Visiter une prison,
00:47:17 disons que c'est un peu...
00:47:19 Ça ressemble un peu à une visite guidée
00:47:21 d'un zoo.
00:47:23 - C'était quoi, ces quatre années ?
00:47:25 - Ces quatre années, je les ai vécues dans l'enfermement.
00:47:27 Donc, c'est pas en rentrant,
00:47:29 en voyant des gens derrière des cages
00:47:31 ou derrière des portes avec un judas
00:47:33 qu'on va se rendre compte de ce que c'est
00:47:35 ou de ce qu'est la réalité de l'enfermement.
00:47:37 La réalité de l'enfermement, c'est en soi qu'on la vit,
00:47:39 quand la porte est fermée, quand on ne peut plus sortir.
00:47:41 Et par contre, disons que ce ne serait pas une mauvaise chose
00:47:43 quand même que les jurés aient un aperçu de la prison.
00:47:45 Mais ce ne sera qu'un aperçu
00:47:47 qui peut d'ailleurs les induire en erreur
00:47:49 sur la réalité de la prison.
00:47:51 - À Bordeaux, le président de la cour d'assises
00:47:53 demande aux jurés de connaître les prisons
00:47:55 avant d'y envoyer un condamné.
00:47:57 - Les jurés promettaient
00:47:59 d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse
00:48:01 les charges qui sont emportées contre monsieur...
00:48:03 de ne trahir
00:48:05 ni les intérêts de l'accusé
00:48:07 ni ceux de la société qui l'accusent,
00:48:09 de ne communiquer avec personne
00:48:11 jusqu'après votre déclaration,
00:48:13 de n'écouter ni la haine ou la méchanceté,
00:48:15 ni la crainte ou l'affection,
00:48:17 de vous décider d'après les charges
00:48:19 et les moyens de défense,
00:48:21 suivant votre conscience et votre intime conviction,
00:48:23 avec l'impartialité
00:48:25 et la fermeté qui conviennent
00:48:27 d'être un homme propre et libre
00:48:29 et de conserver le secret des délibérations
00:48:31 même après la cessation de vos fonctions.
00:48:33 Ce matin, ils sont en prison.
00:48:41 Cet après-midi, ils iront rendre la justice.
00:48:43 Ils sont jurés, jurés d'assises.
00:48:47 Depuis plus d'une semaine, ces juges d'un jour
00:48:49 ont déjà condamné des hommes et des femmes
00:48:51 à plusieurs années d'emprisonnement.
00:48:55 Ce soir-ci, ils découvrent la maison d'arrêt
00:48:57 de Bordeaux-Gradignan.
00:48:59 Une visite qui leur permettra peut-être
00:49:01 de mieux comprendre la portée de leurs décisions,
00:49:03 de mieux comprendre dans quelles conditions
00:49:05 sont appliquées les peines qu'ils sont amenés à prononcer.
00:49:07 Est-ce qu'il y a un aspect positif
00:49:13 au passage en prison
00:49:15 pour certains détenus
00:49:17 que vous percevriez éventuellement ?
00:49:19 Il est très difficile pour nous de percevoir
00:49:23 le passage en prison,
00:49:25 parce que nous, bien souvent, on perçoit
00:49:27 l'aspect négatif des choses.
00:49:29 C'est quand le détenu revient,
00:49:31 quand la personne libérée revient encore en prison.
00:49:33 Ceux-là ont été à mon disposition.
00:49:41 Si vous voulez, je vous appelle, ça a une norme.
00:49:43 Voilà ce que j'ai. C'est le signe.
00:49:45 J'ai remarqué qu'aucun n'était armé.
00:49:47 En détention. Je parle bien en détention.
00:49:51 Maintenant, dans les miradors, dans les postes extérieurs,
00:49:53 là, le surveillant est armé dans le mirador.
00:49:55 Les retombées entre eux, ils ne se tapent pas ?
00:50:13 Ça peut arriver, mais c'est quand même,
00:50:15 je dirais, très limité.
00:50:19 Vous avez des contacts avec les surveillants ?
00:50:21 Est-ce qu'ils vous parlent ?
00:50:23 Oui, heureusement, d'ailleurs.
00:50:25 Parce que s'ils ne pouvaient pas nous parler,
00:50:27 je ne sais pas comment ils arriveraient à vivre, je crois.
00:50:29 Qu'est-ce que vous a apporté cette visite, aujourd'hui ?
00:50:33 Ça nous fait réfléchir.
00:50:37 C'est un monde qu'on ne connaissait pas, d'abord.
00:50:39 C'est vrai que c'est un monde qu'on ne connaît pas.
00:50:41 Et puis, bon, ça fait réfléchir.
00:50:43 Ça fait réfléchir parce que cette semaine,
00:50:47 j'ai trois affaires.
00:50:49 Je ne sais pas si je serai sélectionnée.
00:50:51 Mais ça va me faire réfléchir.
00:50:53 Vous pensez que ça va vous aider
00:50:55 à mieux juger, si vous rejugez, cette semaine ?
00:50:57 Franchement,
00:51:01 oui, ça m'a apporté beaucoup de choses.
00:51:03 Mais disons, la visite de la prison
00:51:07 ne m'a pas apporté grand-chose.
00:51:09 Ce que j'ai ressenti, bien sûr,
00:51:13 c'est que c'est froid.
00:51:15 C'est terrible.
00:51:17 Mais je ne pense pas que ça puisse jouer,
00:51:19 pour ma part, au niveau d'un verdict.
00:51:21 Je ne pense pas.
00:51:23 Cet après-midi, ces 30 jurés
00:51:35 se retrouvent à la cour d'assises
00:51:37 pour participer au tirage au sort.
00:51:43 Mais seuls neuf d'entre eux seront retenus
00:51:45 et contraints de juger un homme
00:51:47 accusé de meurtre.
00:51:49 Un crime qui peut être puni
00:51:51 de la réclusion criminelle à perpétuité.
00:51:53 La cour !
00:52:01 Qu'est-ce que vous a apporté cette visite, ce matin ?
00:52:11 Est-ce qu'elle vous a apporté quelque chose ?
00:52:13 C'est vraiment...
00:52:15 L'information, quoi. L'information pure.
00:52:17 Je ne pense pas que ça influence beaucoup le jugement.
00:52:19 Là, on a visité la prison,
00:52:23 mais on peut prendre les plaidoiries des avocats.
00:52:25 Au point de vue émotion, ils vous atteignent plus encore
00:52:27 qu'une visite de prison.
00:52:29 Ils vont vraiment chercher les parents,
00:52:31 les enfants, vous vous rendez compte,
00:52:33 ils verront plus sa mère, elle a 75 ans.
00:52:35 Au point de vue émotion, c'est plus lourd
00:52:37 d'aller plaidoirier que visiter la prison.
00:52:39 Et vous avez pensé aux détenus,
00:52:41 à la personne que vous avez jugée la semaine dernière ?
00:52:43 Je crois qu'en passant,
00:52:47 j'ai cru voir un nom,
00:52:49 alors est-ce que c'est son nomonyme ?
00:52:51 Je ne sais pas comment il s'écrivait.
00:52:53 Oui, j'y ai pensé, c'est sûr.
00:52:55 Mais bon, qu'est-ce qu'on peut faire ?
00:52:57 C'est fait, c'est fait.
00:52:59 Ça n'a pas changé votre vision des choses ?
00:53:01 Non, pas du tout.
00:53:03 [Le détenu est en train de se faire débarquer.]
00:53:05 Délibérer, c'est dur.
00:53:15 Délibérer, c'est long.
00:53:17 Mais après deux heures et demie de discussion,
00:53:19 ce qui reste le plus éprouvant,
00:53:21 c'est la lecture du verdict.
00:53:23 Garde, faites entrer l'accusé.
00:53:25 [Le détenu est en train de se faire débarquer.]
00:53:27 C'est difficile
00:53:37 de juger,
00:53:39 de délibérer,
00:53:41 de finalement envoyer quelqu'un en prison ?
00:53:43 Oui, c'est très, très, très difficile.
00:53:45 C'est difficile parce que
00:53:47 on engage la vie de quelqu'un
00:53:51 sur plusieurs années.
00:53:53 On a vu la prison, on a vu ce que c'était.
00:53:55 C'est difficile.
00:53:57 Je ne comprends pas vraiment
00:54:03 qu'on puisse
00:54:05 faire ça, comme ça,
00:54:07 sans se poser de questions.
00:54:09 C'est-à-dire ?
00:54:11 C'est-à-dire
00:54:13 voter des peines, comme ça,
00:54:15 qui est dix ans, quinze ans.
00:54:17 Comme si on allait une promenade.
00:54:21 Une promenade, quoi.
00:54:23 Mais pour renouveler l'expérience.
00:54:25 Eh bien, non.
00:54:27 Non.
00:54:29 La loi ne demande pas compte au juge
00:54:33 des moyens par lesquels il se sent convaincu.
00:54:35 Elle ne leur prescrit pas de règles
00:54:37 desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre
00:54:39 la plénitude
00:54:41 et la suffisance d'une preuve.
00:54:43 Elle leur prescrit de s'interroger
00:54:45 eux-mêmes, dans le silence
00:54:47 et le recueillement, et de chercher,
00:54:49 dans la sincérité de leur conscience,
00:54:51 quelle impression ont fait,
00:54:53 sur leur raison, les preuves rapportées
00:54:55 contre l'accusé et les moyens de défense.
00:54:57 La loi ne leur fait
00:54:59 que cette seule question,
00:55:01 qui renferme toute la mesure de leur devoir.
00:55:03 Avez-vous
00:55:05 une intime conviction ?
00:55:07 Nicole Besaurier, souhaitez-vous,
00:55:09 puisque vous ne connaissez pas
00:55:11 la prison, en visiter une, avant d'être jurée ?
00:55:13 Moi, je ne regrette
00:55:15 rien de ne pas avoir eu la proposition
00:55:17 de visiter une prison.
00:55:19 Je me demande si j'aurais pu
00:55:21 être aussi impartiale
00:55:23 que je l'ai été, voyez.
00:55:25 C'est vraiment...
00:55:27 Moi, je me demande si, pour le délibérer,
00:55:29 ça ne devient pas
00:55:31 encore plus difficile
00:55:33 d'être jurée
00:55:35 en ayant eu l'approche de la prison.
00:55:37 Nicole, il n'y a pas que dans les cours d'assises
00:55:39 que se posent les cas de conscience.
00:55:41 À preuve, Aline,
00:55:43 vous êtes rééducatrice.
00:55:45 Vous étiez auparavant
00:55:47 institutrice. Et vous, au cours
00:55:49 de l'exercice de votre métier,
00:55:51 vous avez été confrontée vous-même à un cas de conscience.
00:55:53 Est-ce que vous pouvez raconter
00:55:55 ce qui s'est passé ?
00:55:57 Je travaille dans la banlieue de Grenoble,
00:55:59 dans un coin où il y a beaucoup de violence.
00:56:01 Et dans les classes,
00:56:03 je fais un travail
00:56:05 de prévention auprès de jeunes enfants.
00:56:07 Et donc, mon travail,
00:56:09 c'est d'être à l'écoute
00:56:11 de toutes les difficultés qu'ils peuvent rencontrer.
00:56:13 Et un jour,
00:56:15 je me suis rendue compte qu'un enfant avait des bleus.
00:56:17 Et dans la version
00:56:21 qu'il m'a faite des faits,
00:56:23 c'était complètement incohérent
00:56:25 ce qu'il racontait.
00:56:27 Donc je me suis inquiétée
00:56:29 puisqu'on savait que c'était une famille violente.
00:56:31 Et la première chose
00:56:33 que j'ai faite, c'est d'abord de faire
00:56:35 faire un constat par un médecin.
00:56:37 Médecin scolaire.
00:56:39 - Fait d'emblée ? - Oui, tout de suite.
00:56:41 - Sans... - Mais déjà,
00:56:43 j'ai quand même eu un premier cas de conscience
00:56:45 parce que l'enfant
00:56:47 avait confiance en moi.
00:56:49 Et il avait très peur...
00:56:51 Je l'ai mis en confiance pour lui faire dire
00:56:53 la vérité parce que lui,
00:56:55 il a inventé un gros mensonge.
00:56:57 Et puis petit à petit,
00:56:59 je l'ai amené à me dire
00:57:01 la véritable version.
00:57:03 - Qui était laquelle ?
00:57:05 - Qui était donc l'ami de sa maman.
00:57:07 Lui taper dessus.
00:57:09 Taper la maman, taper toute la famille.
00:57:11 Ce dont on s'était déjà aperçu.
00:57:15 - Et lui, évidemment,
00:57:17 protéger tout le monde.
00:57:19 - Oui, parce qu'en plus, il avait peur
00:57:21 qu'il y ait encore une réprimande
00:57:23 si lui en parlait.
00:57:25 - Donc vous avez eu l'impression de le trahir
00:57:27 en allant voir le médecin ?
00:57:29 - Je lui ai expliqué d'abord.
00:57:31 Je lui ai dit "moi je suis une grande personne,
00:57:33 je suis là pour t'écouter,
00:57:35 j'ai été obligée de lui expliquer
00:57:37 que mon rôle d'adulte, c'était de protéger sa vie aussi.
00:57:39 Je ne voulais pas qu'il lui arrive du mal.
00:57:43 Et que je n'avais pas le droit
00:57:47 de ne pas en parler d'abord au médecin.
00:57:49 J'ai été constatée par le médecin scolaire
00:57:51 qui après a fait un signalement en justice.
00:57:55 Mais moi, je n'étais pas impliquée
00:57:57 dans le signalement en justice.
00:58:01 Donc suite à ça,
00:58:03 j'ai convoqué la maman.
00:58:05 Pour lui expliquer ce que je faisais.
00:58:07 Pour ne pas lui faire ça dans son dos.
00:58:09 Parce que la maman était une femme aussi
00:58:11 qui avait eu beaucoup de problèmes,
00:58:13 qui avait connu la violence,
00:58:15 qui était en plein là-dedans.
00:58:17 Et ça a été tout un travail déjà aussi
00:58:19 avec elle, pour la mettre en confiance.
00:58:21 Et je me suis retrouvée piégée
00:58:23 dans cette relation,
00:58:25 parce que je me suis dit
00:58:27 si je lui en parle,
00:58:29 peut-être que je vais pouvoir
00:58:31 les éliminer.
00:58:33 Peut-être que je vais pouvoir
00:58:35 les aider à s'en sortir.
00:58:37 - C'est-à-dire ?
00:58:39 - La maman n'avait jamais parlé
00:58:41 de ses problèmes comme ça.
00:58:43 Donc quand elle s'est confiée,
00:58:45 elle a pleuré.
00:58:47 Elle a eu confiance en moi aussi.
00:58:49 Elle était très attachée.
00:58:51 Elle avait trois enfants.
00:58:53 Elle était très attachée à ses enfants.
00:58:55 Elle avait très peur qu'on les lui enlève.
00:58:57 Donc elle disait sans arrêt,
00:58:59 si on en parle au juge, on va me les enlever.
00:59:01 Et moi j'ai tout fait pour la rassurer.
00:59:03 - Mais alors que déjà la démarche était faite,
00:59:05 n'en parler au juge...
00:59:07 - Oui, parce que je savais que ça allait être
00:59:09 un signalement,
00:59:11 mais qui pouvait
00:59:13 peut-être pas forcément aboutir à un placement,
00:59:15 mais à une étude,
00:59:17 à ce qu'on lui envoie une aide,
00:59:19 ce qu'on appelle
00:59:21 une aide en milieu ouvert.
00:59:23 On envoie des éducateurs qui peuvent venir aider.
00:59:25 Moi je pensais que ça allait avoir
00:59:27 une répercussion de ce genre-là.
00:59:29 - Un thérapeute familial.
00:59:31 - Et qu'en parlant avec elle,
00:59:33 on allait pouvoir l'aider un petit peu
00:59:35 à s'en sortir.
00:59:37 Je me suis retrouvée piégée
00:59:39 parce que justement,
00:59:41 cette femme m'avait fait confiance aussi.
00:59:43 Mais au fond de moi,
00:59:45 je me disais, est-ce que je ne vais pas l'enfoncer ?
00:59:47 C'est vrai que si les enfants sont placés,
00:59:49 est-ce que ça ne va pas effectivement la conduire au suicide ?
00:59:51 Et dans un deuxième temps,
00:59:53 après,
00:59:55 ça s'est arrêté là.
00:59:57 Le premier signalement.
00:59:59 Et après, les choses se sont aggravées,
01:00:01 ont dégénéré,
01:00:03 parce que la violence a continué.
01:00:05 Il y a eu des brûlures
01:00:07 sur les autres frères et sœurs.
01:00:09 Et des choses très violentes.
01:00:11 Il y avait un problème d'alcoolisme
01:00:13 du compagnon
01:00:15 qui était de plus en plus violent.
01:00:17 Et en fait,
01:00:19 la mère étant elle-même
01:00:21 victime de violences,
01:00:23 donc dans un climat de terreur,
01:00:25 je crois qu'elle était incapable
01:00:27 elle-même de protéger ses enfants.
01:00:29 - Tout le monde subissait.
01:00:31 - Voilà.
01:00:33 Et donc là,
01:00:35 quand on s'est rendu compte
01:00:37 avec les institutrices qu'il y avait
01:00:39 des choses très graves,
01:00:41 puisque même elle, elle a eu les cervicales cassées,
01:00:43 enfin des choses quand même qui risquaient...
01:00:45 où il y avait un risque de mort.
01:00:47 Là, on a fait un signalement.
01:00:49 Alors là, cette fois,
01:00:51 directement, on a appelé,
01:00:53 on a téléphoné à la sauvegarde de l'enfance
01:00:55 qui a dit, il faut faire
01:00:57 directement un signalement au juge.
01:00:59 Et toute l'équipe de l'école,
01:01:01 les institutrices des 3 enfants,
01:01:03 et puis moi-même,
01:01:05 le médecin scolaire,
01:01:07 on a fait un signalement
01:01:09 en équipe au juge.
01:01:11 Et donc là,
01:01:13 ça a activé un peu les choses.
01:01:15 Et puis le compagnon
01:01:17 a repris une crise.
01:01:19 Donc c'est la mère elle-même
01:01:21 qui après s'est rendue compte que le signalement
01:01:23 au juge, c'était une aide et que c'était
01:01:25 la seule façon de protéger
01:01:27 ses enfants. Donc c'est elle-même
01:01:29 qui a demandé un placement après à ce qu'on lui enlève
01:01:31 les enfants.
01:01:33 - Et ça vous a soulagée d'une certaine manière ?
01:01:35 - Oui. Oui.
01:01:37 Parce que bon, déjà,
01:01:39 j'avais pas l'impression d'y faire
01:01:41 un coup dans le dos, si vous voulez,
01:01:43 parce que là, je me suis rendue compte qu'en fait, le juge,
01:01:45 c'était pas quelqu'un qui était là pour
01:01:47 sanctionner, mais c'était quelqu'un
01:01:49 qui était là pour aider et pour
01:01:51 faire respecter la loi.
01:01:53 - Donc l'histoire vous a donné raison ?
01:01:55 - Oui. Et maintenant,
01:01:57 je crois que j'aurais moins de scrupules.
01:01:59 - En même temps, ça ne vous fait pas peur ?
01:02:01 Parce que vous pourriez vous tromper aussi.
01:02:03 - Quelle est la limite ?
01:02:07 Je crois que
01:02:11 la parole d'un enfant, c'est rarement...
01:02:13 C'est pas possible de se tromper, je crois.
01:02:17 Parce qu'un enfant
01:02:19 de 6 ans, il peut pas inventer
01:02:21 des choses pareilles. Et je crois
01:02:23 que si on fait un signalement, c'est que
01:02:25 vraiment, on est convaincu
01:02:27 qu'il a dit vrai.
01:02:29 Et c'est important pour l'enfant aussi.
01:02:31 - Aline, vous maintenant,
01:02:33 vous êtes pour immédiatement
01:02:35 prévenir la justice.
01:02:37 Avant d'essayer d'arranger
01:02:39 comme éducatrice ou
01:02:41 psychologue, les histoires de faits.
01:02:43 - Je crois que c'est préférable parce que
01:02:45 il faut d'abord penser à protéger
01:02:47 les enfants qui sont en danger.
01:02:49 Et je crois que
01:02:51 c'est le...
01:02:53 Je suis convaincue que c'est le rappel à la loi
01:02:55 et à la règle qui
01:02:57 peut... Il y a que ça qui peut
01:02:59 arrêter cette violence.
01:03:01 - Aline, demain, vous êtes tirée au sort
01:03:03 pour être jurée. Vous acceptez
01:03:05 ou vous refusez ? Ou vous payez
01:03:07 la petite amende ? C'est ça ?
01:03:09 Il y a une petite amende à payer si on refuse.
01:03:11 - Vous pouvez aussi être amenée par la force
01:03:13 publique, c'est prévu. - Aussi ?
01:03:15 Je sais pas.
01:03:17 Je crois que ça me ferait vraiment très peur
01:03:19 mais...
01:03:21 Pourquoi pas s'il...
01:03:23 S'il le faut.
01:03:25 On est obligés. Bon, bah j'irai
01:03:27 mais c'est pas quelque chose que j'aimerais faire.
01:03:29 - Notre dernier témoignage
01:03:31 se passe en prison.
01:03:33 C'est un détenu condamné
01:03:35 à 10 années de réclusion pour
01:03:37 vol à main armée et il se
01:03:39 souvient de ses jurés.

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