Natacha Callens, ESA Academy Engagement Programme Administrator, l’Agence spatiale européenne (ESA)

  • l’année dernière
L’interview d’exception de Natacha Callens, ESA Academy Engagement Programme Administrator de l’Agence spatiale européenne (ESA).
L'index:
1) Présentation : 1) Qui êtes-vous ? Quel a été votre parcours d'étudiante ? Et le sujet de votre thèse de Doctorat ? Quel a été votre parcours professionnel ? 00:07
2) Avez-vous eu une rencontre particulière durant votre parcours d'étudiante et/ou
professionnel qui vous a influencée pour vous orienter sur votre carrière d’excellence au sein
de l’ESA ? 11:16
3) Au vu de l’excellence des formations proposées à l’ESA, quels sont les challenges du centre
de formation au regard de l’excellence de l’ingénierie spatiale, non négligeable, qui se
développe en dehors de l’Europe ? Exemple en Chine, en Inde, aux Etats-Unis, au japon...
Mais aussi, en considérant les différentes crises présentes dans de nombreux pays, qui
rendent difficile la formation et l’apparition de véritables nouvelles élites scientifiques. 16:11

4) Comme vous l’avez souligné sur votre parcours professionnel, vous vous êtes investis sur
le développement du programme REXUS/BEXUS et vous avez aussi facilité l’accès à l'avion
Air Zero G, la tour de chute libre du ZARM et la centrifugeuse de grand diamètre. Pouvez-
vous nous en dire un peu plus sur ces différents projets/programmes ? 19:52
5) Au sein des programmes de formations que vous proposez, y-a-t-il des domaines où vous
abordez « l’importance du numérique dans l’industrie spatiale » et le développement
d’ « une industrie plus verte »? Pouvez-vous nous citer quelques exemples ? 23:25
6) Pour finir, les associations scientifiques et techniques sont-elles pour vous une nécessité
au sein de notre société ? Pourquoi ? 25:26
7) Que conseillez-vous aux jeunes filles et aux jeunes, garçons intéressés par les sciences en
général ? Et le spatial et l’aéronautique en particulier ? 26:46


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Transcript
00:00 Je m'appelle Natacha Callens, je travaille pour l'Agence spatiale européenne, l'ESA,
00:14 dans le département d'éducation et je participe au programme ESA Academy
00:20 qui est dédié aux étudiants universitaires de nos pays membres et associés.
00:24 Quel a été votre parcours d'étudiante et le sujet de votre thèse de doctorat ?
00:31 Quand j'ai fini l'école secondaire, après l'équivalent de la terminale en Belgique,
00:38 je voulais faire des études scientifiques mais je ne savais pas trop vers quelle matière m'orienter.
00:44 J'ai décidé de m'éloigner de mes parents et de partir à Paris
00:48 pour réaliser ce qui s'appelait à l'époque un doc en sciences de la matière à Paris 11 à Orsay
00:54 parce que ça me permettait en fait la première année de toucher un peu toutes les sciences
00:58 et la deuxième année je me suis spécialisée en physique.
01:02 Ensuite, à l'époque il n'y avait pas encore les masters comme maintenant,
01:08 mais il y avait les précurseurs qui s'appelaient les magistères
01:11 et donc j'ai réalisé un magistère de physique fondamentale toujours à Paris 11 pour la première année.
01:18 C'était des études sur trois ans et en deuxième année je suis partie faire un Erasmus à Lisbonne.
01:24 En fait pendant mon enfance j'avais habité au Portugal et donc je parlais aussi le portugais
01:29 ce qui m'a permis donc de faire cet Erasmus parce qu'à l'époque les Erasmus n'étaient pas tous donnés en anglais.
01:35 Et puis la dernière année je suis revenue à Paris et là j'ai réalisé un DEA en mécanique des fluides à Paris 6, donc à Jussieu.
01:47 Et quand j'ai fini l'équivalent de mon master,
01:51 pour moi c'était assez logique de continuer en tant que scientifique sur une thèse de doctorat.
01:57 Et donc j'ai eu la chance de réaliser un doctorat en co-tutelle, ça s'appelle un double doctorat
02:03 entre Paris 6, au laboratoire de physique des milieux hétérogènes de l'ESPCI de la ville de Paris
02:11 et le MRC, le Microgravity Research Center à l'ULB, l'Université libre de Bruxelles.
02:17 Donc en fait j'avais un promoteur dans chaque université.
02:22 Mon doctorat était dans le domaine des sciences séparatives,
02:26 en particulier j'étudiais les mécanismes qui sont à la base de la séparation en continu sans membrane.
02:33 Donc pour simplifier, en gros j'ai travaillé sur un petit système qui n'avait pas de membrane à l'intérieur,
02:40 donc j'avais deux entrées, deux sorties et j'avais une marche à l'entrée et à la sortie.
02:45 Et en fait on injectait dans le système un liquide avec des micro-particules.
02:50 Donc pour vous donner un exemple, un cheveu c'est 100 microns et moi mes particules,
02:55 elles avaient entre 10, 50, 100, 200 microns.
02:58 Et l'idée en fait c'était d'étudier ce qui se passait à l'intérieur de ce système sur ces particules.
03:04 Donc dans le cadre de ma thèse de doctorat, je me suis un peu approchée,
03:09 on en parlera sûrement plus tard, de mes objectifs en tant qu'évolution et de carrière,
03:14 parce que j'ai eu l'occasion de réaliser pas mal de vols paraboliques,
03:18 qui sont des vols où l'avion réalise des paraboles et à chaque parabole,
03:24 on a une vingtaine de secondes de micro-pesanteur,
03:28 donc on se sent comme un astronaute.
03:30 Et donc j'ai pu réaliser mon expérience et voir ce qui se passait sur mon système
03:34 lorsqu'on annulait plus ou moins l'effet de la gravité.
03:40 À la fin de la thèse, j'ai eu la chance que le système que j'avais développé a été breveté,
03:46 parce qu'on avait pu identifier des applications,
03:49 par exemple la dépollution des rivières ou la séparation des plaquettes du reste du sang.
03:55 Parce que généralement, quand on sépare les plaquettes avec une centrifuge,
03:58 il y a une membrane et en fait on en perd beaucoup.
04:00 Et avec ce système, l'idée c'était qu'on aurait eu moins de pertes.
04:05 Alors quel a été votre parcours professionnel ?
04:14 Au niveau de ma thèse, déjà j'avais commencé à travailler avec des collègues sur un projet ESAR,
04:22 ça s'appelle un projet PRODEX, qui s'appelait BIOMIX,
04:26 ça veut dire Biomimetic and Cellular Systems.
04:29 Et quand j'ai fini ma thèse, on m'a proposé de rester et de travailler sur ce projet en tant que chercheur.
04:36 On peut considérer ça un peu comme un post-doc,
04:38 même si officiellement c'était un travail et pas un post-doc.
04:42 Et donc, mon travail consistait à participer activement au développement d'une charge utile,
04:49 d'une expérience, si vous voulez, qui serait réalisée dans une fusée sonde.
04:53 Pendant trois ans, j'ai travaillé en partenariat avec les deux universités où j'avais fait ma thèse,
04:59 donc l'Université libre de Bruxelles, l'Université Paris 6,
05:03 mais aussi avec l'Université de Grenoble, sur le développement de cette expérience scientifique,
05:09 mais aussi avec l'ESAC, qui finançait l'expérience et qui payait en partie mon salaire,
05:15 et puis une société suédoise qui s'appelle SSI, qui, elle, allait construire la charge utile.
05:22 Donc, j'aime toujours raconter qu'en fait, j'ai travaillé trois ans de ma vie pour six minutes de gravité réduite,
05:28 parce que cette fusée Mazer 11 a été lancée après trois ans de travail depuis Kiruna, en Laponie,
05:35 qui se trouve dans le nord de la Suède, et en fait, lors de son vol,
05:39 elle monte jusqu'à environ 200-300 kilomètres d'altitude,
05:44 et pendant plusieurs minutes, la charge utile est en microgravité,
05:49 et donc on obtient des résultats scientifiques.
05:53 Cette expérience a été un succès, et donc après ça, en fait, j'avais deux possibilités devant moi.
05:59 La première, c'était de participer à Biomix 2, qui serait lancé sur une future fusée Mazer,
06:05 ou de décider de faire autre chose.
06:09 Et en fait, j'ai toujours été plutôt appliquée, donc ce que j'avais aimé dans mes études
06:13 et dans ce premier travail, c'était de travailler dans le labo, de vraiment faire les expériences moi-même,
06:18 mais mon équipe me racontait toujours, me disait toujours,
06:23 tu sais, t'es bonne en recherche, mais t'es aussi très bonne en gestion d'équipe, en gestion de projet.
06:30 Et en fait, je me suis rendue compte que c'était quelque chose que j'aimais et où je voulais me développer,
06:35 et depuis toute jeune, j'avais toujours voulu travailler à l'ESA,
06:39 et par hasard, je suis tombée sur un appel à candidature pour rejoindre le département d'éducation à l'ESA
06:48 et mettre en place des programmes pour les jeunes, pour qu'ils puissent réaliser leurs expériences scientifiques
06:54 ou démonstrations technologiques sur différentes plateformes auxquelles l'ESA avait accès.
06:59 Les vols paraboliques, comme j'avais eu l'occasion de faire, les fusées sombres, comme j'avais eu l'occasion de faire,
07:05 mais aussi d'autres plateformes, et je me suis dit, mon Dieu, c'est ça, voilà, j'aimerais vraiment faire ça,
07:13 parce que moi, j'ai eu cette chance en étant jeune et je voudrais aider à ce que d'autres jeunes aient cette chance également.
07:19 Et donc, j'ai rejoint l'ESA en tant que consultante.
07:22 Au début, j'étais basée à l'ESAC, près de Madrid, en Espagne.
07:27 Donc ça, c'est le centre de l'ESA pour tout ce qui est astronomie spatiale.
07:32 En fait, c'est là-bas qu'on fait les opérations scientifiques des missions planétaires,
07:37 et c'est là qu'on collecte les données scientifiques et qu'après, elles sont mises à disposition du public et archivées.
07:45 Ensuite, après trois ans, j'ai été transférée dans notre centre aux Pays-Bas, à l'ESTEC, près de La Haye.
07:53 Là, c'est plutôt notre centre de recherche des technologies spatiales, c'est notre plus gros centre,
07:58 et c'est là que la plupart des projets de l'ESA sont nés et que les personnes travaillent sur les différentes phases du développement des missions.
08:06 Je vous raconte tout ça pour vous dire que j'ai pas mal aussi bougé pendant ma carrière et c'était très enrichissant.
08:13 Il y a tout juste huit ans, ce mois-ci, j'ai passé du statut de consultante,
08:20 donc ça veut dire que je travaillais à l'ESA mais pour une société extérieure,
08:24 et je suis à ce moment-là devenue staff ESA.
08:27 C'est un contrat de fonctionnaire européenne et j'ai été recrutée pour travailler à l'ESEC.
08:35 J'ai encore déménagé avec toute ma famille, cette fois-ci en Belgique, mon pays d'origine.
08:40 Notre centre se trouve à peu près à mi-chemin entre Bruxelles et la ville de Luxembourg, au Luxembourg.
08:46 Ce centre est le centre d'excellence pour tout ce qui est cyber security au niveau spatial,
08:52 mais aussi c'est le centre de contrôle des missions pro-bas et le centre de formation de l'éducation.
08:59 Et donc là, ma tâche a été, après m'être occupée de projets pratiques pour les étudiants,
09:05 de développer un centre de formation pour les étudiants universitaires.
09:10 L'idée, ce n'est pas du tout d'être en compétition avec les universités,
09:14 mais plutôt de complémenter ce que les jeunes apprennent à l'université dans les domaines spatiaux,
09:22 en ayant un transfert direct des connaissances des experts aux étudiants,
09:31 qu'ils puissent partager leur savoir-faire et leurs compétences.
09:36 Et donc, nous offrons des formations, généralement d'une semaine,
09:40 offertes par différents experts qui viennent de l'ESA, mais aussi du monde académique et de l'industrie.
09:46 Et les étudiants, en fait, passent une semaine sur une thématique.
09:51 À la fin, ils sont évalués par un projet de groupe ou un test en ligne,
09:58 et ils repartent avec un certificat de participation et ce qu'on appelle un course transcript,
10:04 qui est en fait un résumé des cours auxquels ils ont participé, des autres activités et leur évaluation,
10:11 de manière à ce qu'ils puissent demander un crédit pour leur participation à leur université.
10:17 Et il y a quelques jours, j'ai commencé un nouveau travail, toujours au sein de l'éducation et de l'ESA Académie.
10:25 En fait, ce travail a pour but de mettre en place des nouveaux modèles de collaboration au sein de l'ESA,
10:30 avec les autres directorats et départements, mais aussi avec le monde académique et institutionnel,
10:36 avec les entreprises du spatial.
10:39 L'idée, en fait, c'est de contribuer ensemble à la préparation des futurs talents,
10:44 en termes de connaissances et de compétences, parce que le monde spatial et le monde des technologies évoluent très rapidement,
10:52 et donc on veut travailler, et il faut qu'on travaille ensemble pour former la future génération.
10:58 Ce qu'on veut, c'est organiser des événements ou des formations ensemble,
11:03 mais aussi mettre en place des bourses d'études ou faciliter des stages en entreprise,
11:08 augmenter, par exemple, le parrainage des étudiants afin qu'ils puissent participer à des conférences internationales
11:14 et développer leur network.
11:17 Avez-vous eu une rencontre particulière durant votre parcours d'étudiante ou professionnelle
11:24 qui vous a influencé pour vous orienter sur votre carrière d'excellence au sein de l'ESA?
11:30 Je ne dirais pas que j'ai eu une rencontre particulière, mais plusieurs rencontres qui ont marqué mon parcours au cours du temps.
11:41 Je crois que c'est trop long, je les partage tous avec vous.
11:45 Je pense que le plus intéressant, c'est ce qui m'a menée à mon job aujourd'hui,
11:51 et donc les premières rencontres, qui pour moi, je pense, ont été les plus marquantes.
11:55 La première, ce n'était pas avec une personne, mais avec un magazine.
12:00 Il faut que vous reveniez en arrière, vous dites qu'au moment où je fais mes études,
12:04 c'était vraiment le début de l'utilisation par Monsieur Tout-le-Monde de l'ordinateur, le début de l'Internet.
12:11 En tant que jeune étudiante au niveau secondaire, pour trouver l'information, qu'est-ce que je faisais?
12:16 J'allais à la bibliothèque, et en allant à la bibliothèque de mon école,
12:21 je suis tombée sur un magazine qui s'appelait Space Connection.
12:25 J'ai eu l'excellente idée de l'ouvrir et de le feuilleter.
12:30 Après ça, c'est devenu mon magazine préféré.
12:34 Ça a été ma découverte avec le monde spatial,
12:38 et à partir de là, j'ai su qu'un jour, mon rêve, ce serait de faire une carrière dans le spatial.
12:44 Après ça, en Belgique, il existe un programme qui s'appelle "Un jour, un métier",
12:49 et on peut s'inscrire en disant "Voilà, j'ai 16, 17, 18 ans, j'aimerais découvrir un métier".
12:56 J'ai eu dans ce cadre-là l'occasion unique, à l'époque, de rencontrer le premier astronaute belge,
13:03 qui s'appelait Dirk Friemuth, et qui était physicien.
13:07 Cet échange avec lui a été vraiment déterminant pour moi.
13:13 Et évidemment, à partir de là, mon rêve était de devenir astronaute,
13:17 même si mes parents ont toujours été présents, m'ont fait garder les pieds sur Terre,
13:21 et m'ont dit "Écoute, c'est bien d'avoir des rêves, peut-être qu'il y arrivera, peut-être qu'il n'y arrivera pas",
13:26 parce qu'être astronaute, c'est encore plus rare que de devenir président,
13:30 si je prends la France comme exemple, mais il faut poursuivre ses rêves,
13:35 et tu verras où ça te mènera.
13:38 Après ça, c'était déjà au niveau universitaire, j'ai eu comme professeur M. Jean-Pierre Bibring,
13:46 qui était un astrophysicien et professeur de physique à Paris 11.
13:49 Il est entre autres le coordonnateur scientifique de la sonde Philae,
13:54 le célèbre petit robot transporté par Rosetta, qui s'est posé en novembre 2014 sur la comète Thurie.
14:01 C'était un professeur très inspirant, mais aussi un professeur très ouvert à ses étudiants et à l'échange avec ses étudiants.
14:10 Un jour, je parlais avec lui, je lui ai parlé de mon rêve de devenir astronaute,
14:15 et là, il m'a dit "Tu sais, moi je connais très bien Jean-Pierre et Claudie Aignoré,
14:20 donc deux astronautes français, qui travaillaient à l'époque au Centre de formation des astronautes européens,
14:25 et il m'a dit "Si tu veux, je te donne leur numéro de téléphone".
14:28 Alors moi, du haut de mes 19-20 ans, j'étais là "Ok, bon, il va me falloir beaucoup de courage pour appeler".
14:35 J'y suis arrivée, j'ai appelé, mais évidemment on tombe sur la secrétaire,
14:39 on rappelle on tombe sur la secrétaire, on rappelle on tombe sur la secrétaire,
14:42 mais je crois après que j'appelle le jeune, je ne sais plus combien de fois.
14:45 Finalement, un jour, je reçois un appel, et c'était Claudie Aignoré avec un autre collègue qui m'appelait,
14:51 qui disait "Ben voilà, il semblerait que tu aimerais beaucoup me parler, donc voilà, c'est ton occasion".
14:57 Et là, je lui ai dit que voilà, mon rêve c'était de devenir astronaute,
15:00 mais surtout de découvrir le monde spatial et l'ESA,
15:03 et elle m'a proposé de faire un stage de six semaines au Centre de formation des astronautes.
15:08 Et voilà, ça, ça a été aussi une expérience assez incroyable,
15:13 et qui m'a vraiment déterminée dans la carrière que je voulais faire.
15:19 Après, pour ne prendre qu'un exemple, parce qu'il y en a eu beaucoup au niveau de ma carrière professionnelle,
15:25 je dirais que la personne qui m'a le plus inspirée, c'était mon premier chef,
15:30 donc la personne qui m'a fait rentrer à l'ESA en tant que consultante,
15:33 donc tout au début au département de l'éducation, il s'appelle Javier Ventura.
15:37 Et qu'est-ce qu'il m'a appris en fait, c'est comment gérer une équipe.
15:42 En fait, grâce à lui, j'ai pu voir l'importance que chacun doit trouver sa place dans l'équipe,
15:47 doit avoir un rôle clair et qui lui plaît,
15:50 et que c'est important en fait de donner la confiance à son équipe,
15:55 leur laisser assez de liberté pour se développer, pour réaliser leurs tâches,
16:00 mais surtout que le point le plus important, c'est la communication
16:03 entre les différents membres de l'équipe et le management.
16:07 Alors, au vu de l'excellence des formations qui sont proposées à l'ESA,
16:18 quels sont les challenges du centre de formation au regard de l'excellence de l'ingénierie spatiale
16:23 non négligeable qui se développe en dehors de l'Europe ?
16:26 Exemple, en Chine, en Inde, aux États-Unis, au Japon,
16:31 mais aussi en considérant les différentes crises présentes dans de nombreux pays
16:36 qui rendent difficile la formation et l'apparition de véritables nouvelles élites scientifiques.
16:44 Je dirais que depuis plusieurs années, le monde de l'éducation est en pleine évolution,
16:49 que ce soit en termes de méthodologie ou de digitalisation.
16:53 En fait, l'éducation devient beaucoup plus interactive, personnalisée,
16:58 mais aussi multidisciplinaire et elle se base en fait plus sur des compétences spécifiques.
17:04 J'ai vu au cours des années l'importance qu'on donne maintenant à ce qu'on appelle les soft skills,
17:11 par exemple la créativité, l'intelligence émotionnelle, le leadership,
17:16 la capacité à prendre des décisions, l'adaptabilité, etc.
17:21 C'est un peu ce qu'on appelle les compétences du XXe siècle.
17:24 Ça, c'est très important et c'est quelque chose qu'au niveau de l'éducation,
17:29 on tient compte et qu'on évolue dans la manière et dans les méthodologies qu'on utilise
17:35 pour préparer au mieux les talents de demain.
17:38 D'autre part, pour revenir au monde du spatial, le monde du spatial est en pleine évolution
17:43 avec l'apparition des nouvelles technologies.
17:46 On peut citer l'intelligence artificielle, par exemple,
17:50 mais aussi l'importance par rapport aux autres grandes puissances que vous citiez
17:55 pour l'Europe de rester compétitive au niveau commercial.
17:59 Pour cela, au niveau de l'éducation, en fait, on a mis en place une stratégie
18:04 d'évolution de notre programme qui s'appelle Space for Education 2030.
18:08 L'idée, évidemment, de maintenir les activités qui existent,
18:12 mais de les adapter en fait et de développer en parallèle de nouvelles opportunités.
18:18 Parce que le but qu'on a, c'est d'aller vers l'avant,
18:22 donc c'est de préparer la nouvelle génération pour des métiers qui n'existent sûrement pas,
18:27 pour des technologies qui n'ont pas encore été développées
18:30 et même pour résoudre des problèmes qu'on n'a pas encore identifiés.
18:34 Pour revenir en formation, on a développé au cours des années un portfolio
18:39 très varié sur les différents domaines d'expertise de l'ESA
18:43 et ce portfolio est en évolution permanente en termes de sujets,
18:48 mais aussi de contenu.
18:50 Notre audience a été pendant les premières années,
18:53 principalement des futurs scientifiques et des futurs ingénieurs,
18:57 mais maintenant on veut ouvrir notre audience à d'autres domaines.
19:01 Ça peut être des futurs entrepreneurs, des futurs businessmen, des futurs avocats,
19:07 mais aussi n'importe qui en fait qui peut bénéficier des données spatiales,
19:13 des agriculteurs par exemple ou des architectes,
19:16 et mettre en place de nouvelles méthodologies.
19:20 Par exemple pour les formations, avant le Covid,
19:22 toutes nos formations étaient en face-à-face.
19:25 Avec le Covid, on a été obligé de passer en ligne,
19:28 donc ça a été une grosse évolution.
19:30 Et maintenant en fait on essaye de se développer au niveau de tout ce qui est e-learning
19:36 pour pouvoir donner l'accès à un maximum de gens.
19:41 Et on espère donc, pour répondre à votre question,
19:45 que tout ça contribuera évidemment au développement des talents au niveau de l'Europe.
19:51 Alors comme vous l'avez souligné, sur votre parcours professionnel,
19:57 vous vous êtes investi sur le développement de nombreux programmes,
20:01 dont le programme Rexus-Bexus, et vous avez aussi facilité l'accès à l'avion R0J,
20:09 la tour de chute libre d'Uzam et la centrifugeuse de grand diamètre.
20:15 Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces différents projets, ces différents programmes ?
20:23 Oui, donc l'idée ici c'est, quand les jeunes finissent leurs études et ils cherchent un boulot,
20:31 quand ils voient les offres de travail, en fait souvent on demande que les jeunes aient déjà de l'expérience.
20:40 Et ce n'est pas toujours facile d'acquérir de l'expérience pendant ces études.
20:44 Alors de plus en plus, c'est vrai, les études permettent la réalisation de stages.
20:51 Mais ces stages ne sont pas toujours pratiques.
20:55 Donc là l'idée c'était, d'une autre manière, au sein de l'ESA Education et du programme ESA Académie
21:01 pour les étudiants universitaires, de leur offrir en parallèle d'autres opportunités.
21:06 Donc l'idée c'est que les jeunes forment une équipe, avec leurs copains, leurs collègues,
21:13 et proposent une expérience scientifique ou une démonstration technologique
21:18 qu'ils voudraient réaliser en microgravité ou en hypergravité ou dans un ballon stratosphérique,
21:26 en plus de toutes les plateformes que vous avez déjà citées.
21:30 Et nous on fait un appel d'offres récurrents, tous les ans, tous les deux ans,
21:36 et voilà, ils appliquent pour réaliser leur expérience dans une des plateformes.
21:44 Et avec eux on va de leur idée au design de leur expérience.
21:53 Ensuite, ils la développent au sein de leur université,
21:57 donc ils doivent toujours évidemment avoir le support de leur université.
22:01 Ils la testent et puis ils viennent à une campagne,
22:05 donc une campagne de vol parabolique, de fusée sonde, de centrifuge.
22:10 Et là, avec les personnes en charge de la plateforme,
22:14 ils vont intégrer leur expérience dans la plateforme, la tester au sol,
22:19 et puis la réaliser en microgravité ou en hypergravité.
22:23 Et puis bon, ça c'est une expérience évidemment unique pour ces jeunes,
22:26 mais ce n'est pas la fin du programme.
22:28 Donc moi, en bonne scientifique, j'aime rappeler qu'il ne faut pas simplement collecter des données,
22:33 après ça il y a encore toute une partie du travail qui est très importante,
22:37 c'est-à-dire l'analyse des données pour obtenir des résultats scientifiques,
22:42 et si l'expérience a été une réussite, la publication d'articles dans des journaux
22:48 ou la participation dans des conférences.
22:52 Donc on permet vraiment aux jeunes d'aller de l'idée à la publication,
22:57 on les soutient toutes au long des différentes phases
23:00 et on essaye vraiment de les faire participer à chaque moment,
23:04 de les faire remplir la même documentation que rempliraient des équipes professionnelles
23:10 afin de mieux les préparer pour leur carrière future.
23:14 C'est aussi une bonne opportunité pour eux de pouvoir réaliser leurs thèses de bachelier
23:22 ou de master ou de doctorat sur le sujet de cette expérience.
23:26 Au sein des programmes de formation que vous proposez,
23:29 y a-t-il des domaines où vous abordez l'importance du numérique dans l'industrie spatiale
23:35 et le développement d'une industrie plus verte ?
23:40 Pouvez-vous citer quelques exemples ?
23:43 Oui, alors évidemment le numérique a énormément d'importance et son évolution,
23:49 ainsi que le développement de l'industrie verte.
23:53 Au sein de nos formations, aucun de ces deux sujets n'est une thématique en soi.
23:59 Donc on n'a pas une formation par exemple sur l'industrie plus verte,
24:04 mais elles sont omniprésentes.
24:07 Par exemple, pour tout ce qui est l'importance du numérique,
24:12 pour chacune de nos formations, on essaye que les jeunes aient accès aux outils
24:19 et aux softwares qui sont utilisés par les professionnels.
24:24 On essaye qu'ils apprennent à les utiliser, qu'ils aient accès et qu'ils puissent après,
24:28 si possible, continuer pour des futurs projets ou dans leurs études à utiliser ces outils.
24:36 Au niveau de tout ce qui est l'industrie plus verte,
24:40 on a une formation qui s'appelle Clean Space.
24:43 Là, on essaye d'expliquer aux jeunes comment mettre en place,
24:49 comment dessiner, comment concevoir une mission spatiale plus écologique,
24:55 comment moins polluer l'espace.
24:59 On a une autre formation sur les débris spatiaux,
25:02 qui couvre la problématique et quelles seraient les solutions envisagées à cette problématique.
25:08 Et puis, par exemple, dans d'autres formations, on va couvrir tout ce qui est la propulsion verte,
25:16 Green Propulsion, ou d'autres thématiques.
25:19 Donc oui, c'est là, omniprésent, mais plutôt en arrière-plan.
25:23 Les associations scientifiques et techniques sont-elles pour vous une nécessité au sein de notre société et pourquoi ?
25:35 Ah oui, pour moi c'est vraiment une nécessité.
25:39 Ces associations font un excellent travail, je dirais, au niveau de la vulgarisation,
25:45 mais aussi au niveau de l'accès à l'information.
25:50 Ça permet en fait de sensibiliser plus de monde, d'inspirer les jeunes,
25:57 d'attiser leur curiosité pour les domaines scientifiques et autres,
26:01 les domaines du spatial également.
26:04 Et puis, pas mal de ces associations proposent aussi des activités pour ces jeunes,
26:10 que ce soit au sein des écoles ou en dehors.
26:14 Ça permet de développer leur connaissance et leurs compétences,
26:20 et également de les orienter pour leurs études.
26:24 Au niveau universitaire, certaines de ces associations même proposent à leurs membres
26:30 de former des équipes pour travailler ensemble sur des projets au niveau spatial,
26:35 et par exemple de participer à des compétitions.
26:39 Donc pour moi, c'est vraiment un travail très important et une nécessité au sein de notre société.
26:45 Très bien. Alors, que conseillez-vous aux jeunes filles et aux jeunes garçons
26:52 intéressés par les sciences en général et le spatial en particulier ?
26:59 De ne pas hésiter à entreprendre des études scientifiques.
27:03 On ne va pas se mentir, ce ne sont pas des études les plus faciles,
27:07 mais ce sont des études tout à fait faisables.
27:11 Il faut beaucoup travailler, mais on y arrive.
27:14 Et surtout, c'est très varié.
27:16 Donc, parfois on a un peu peur d'une thématique ou d'un sujet qui ne va pas nous plaire
27:21 ou on ne va pas réussir, mais finalement, ça reste assez varié,
27:24 on y trouve toujours de quoi se nourrir.
27:28 Ça ouvre aussi pas mal de portes.
27:30 Alors, souvent on pense que faire des études scientifiques,
27:36 ça se limite à ouvrir des portes dans le monde académique ou de la recherche et du développement.
27:41 Mais en fait, avec un profil scientifique, on peut faire une carrière dans plein d'autres domaines.
27:48 Si les jeunes veulent s'orienter vers le spatial, je voudrais leur dire que c'est le bon moment.
27:56 Pourquoi c'est le bon moment ?
27:58 Parce que depuis quelques années, la plupart de nos collègues partent à la retraite
28:03 et on a vraiment besoin d'une nouvelle génération pour prendre la relève.
28:08 Et c'est vrai dans les domaines scientifiques et d'ingénierie,
28:12 donc les domaines STEM, les domaines techniques,
28:14 mais aussi pour tout ce qui est commercial, entrepreneurship, légal,
28:20 les relations internationales, la gestion des infrastructures, etc.
28:24 Le monde du spatial, c'est un domaine beaucoup plus vaste qu'uniquement le monde technique et scientifique.
28:32 Donc si je devais donner un conseil à ces jeunes,
28:37 je crois que les trois choses que je leur dirais, c'est premièrement qu'il faut croire en soi.
28:42 La deuxième chose, ce serait qu'ils doivent poursuivre leurs rêves,
28:47 que même s'ils n'atteignent pas tous leurs rêves,
28:51 ça va les permettre de se développer, d'acquérir des nouvelles compétences,
28:55 mais surtout de grandir en tant que personne.
28:58 Et la dernière chose que je leur dirais, c'est le conseil que j'aime donner,
29:05 c'est qu'il faut se créer ses propres opportunités.
29:08 Il ne faut pas attendre qu'elles nous tombent dessus.
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