Philippe LIER – Directeur du Centre Spatial Guyanais (CSG) – CNES

  • le mois dernier
Philippe Lier, Directeur du Centre Spatial Guyanais(CSG). Diplômé de l’École Supérieure d’Électricité (SUPELEC). Il a intégré le CNES, à Toulouse, en 1990 comme ingénieur de sûreté de fonctionnement. Il a ensuite rejoint les équipes de qualité image du CNES et a longtemps travaillé sur différents programmes. Le 1er décembre 2023, il succède à Marie-Anne Clair, 1ère femme française à avoir été Directrice du CSG, et devient Directeur du Centre Spatial Guyanais.
« Les challenges du Centre Spatial Guyanais sont très clairs. Je peux dire que la feuille de route se décompose en trois axes : le premier axe, on vient d’en parler, c’est la remontée en cadence des lanceurs institutionnels, c’est-à-dire d’Ariane 6 et de Vega. On devrait relancer un Vega C dès la fin de cette année (c’est prévu fin novembre) et, ensuite, c’est pareil, la cadence va remonter pour les Vega puisque, l’an prochain, on prévoit aussi de faire en plus d’Ariane 6, le lancement de 4 Vega C et puis 6 l’année d’après. Donc ça, c’est ce que j’appelle la remontée en cadence des lanceurs institutionnels, qui va nous amener rapidement à avoir peut-être 15 à 16 lancements de type Ariane 6 ou Vega à gérer sur le CSG. Ça, c’est la colonne vertébrale de l’activité du CSG, ces lanceurs lourds institutionnels et leur gestion pour assurer leur lancement dans les bonnes conditions. C’est le premier axe, et c’est l’axe fondamental. »

Category

📚
Learning
Transcript
00:00Alors, moi, je m'appelle Philippier, donc je suis actuellement directeur du CSG et auparavant,
00:08avant d'arriver au CSG, j'ai fait toute ma carrière au CNES à Toulouse. Voilà. Et j'ai
00:13une formation d'ingénieur. Alors, quel a été votre parcours d'étudiant ? Alors,
00:19mon parcours d'étudiant, il est assez classique, en fait. Enfin, assez classique, surtout à l'époque,
00:25c'est-à-dire que j'étais plutôt un bon élève, voilà, donc assez sérieux. Et après le bac,
00:31j'ai enchaîné avec des classes préparatoires scientifiques et je suis rentré dans une école
00:37d'ingénieurs, voilà, une école d'ingénieurs d'électronique à Paris. Et suite à ça, eh bien,
00:45je suis directement rentré au Centre national des études spatiales, puisque c'est là que
00:50j'avais envie d'aller. Alors, quel a été votre parcours professionnel ? Alors, mon parcours
00:57professionnel, il est très simple, en fait, puisque j'ai toujours eu ce souhait de travailler dans le
01:06domaine spatial. Et finalement, je suis rentré au CNES dès la fin de mes études, donc en 1990,
01:15donc ça remonte quand même à un petit moment. Et j'ai fait toute ma carrière au CNES, donc d'abord
01:20à Toulouse, j'ai occupé plein de fonctions différentes, des fonctions techniques, des
01:26fonctions de management, des fonctions de projet aussi, beaucoup de fonctions projet, avant de
01:31rejoindre le CSG, donc début 2023, et de tenter une nouvelle aventure dans le domaine, en fait,
01:38de la base spatiale et des lanceurs. Alors, avez-vous une rencontre particulière durant
01:44votre parcours d'étudiant ou professionnel qui vous a influencé pour vous orienter sur cette
01:50carrière d'excellence dans le domaine du spatial ? Alors, pas vraiment, ce n'est pas une rencontre,
01:56c'est plutôt un fil rouge qui s'est imposé à moi sans que je sache trop pourquoi, c'est-à-dire que
02:05depuis très très jeune, je voulais absolument travailler dans le domaine spatial, sans qu'il
02:12y ait de relations particulières, puisque mes parents n'étaient pas du tout de ce domaine-là,
02:17etc. Mais c'était quelque chose qui me fascinait, et qui continue d'ailleurs à me fasciner,
02:23voilà, donc pour l'aspect technologique, l'aspect aventure, l'aspect un petit peu d'aller dans
02:31l'espace, etc. Et donc, en fait, j'ai toujours fait, orienté mes choix vers ce domaine-là,
02:40sans jamais le regretter, voilà. Donc, c'est pas une rencontre particulière, c'est plutôt,
02:47comme je vous dis, un fil conducteur. Dès, je pense, dès la seconde, etc., je savais que j'avais
02:54envie d'aller dans le domaine du spatial, et donc de faire plutôt une carrière scientifique pour
03:00pouvoir accéder à des postes dans ce domaine-là. Alors, pouvez-vous nous faire part de deux à trois
03:07projets, missions phares, de votre carrière au sein du CNES ? Alors, la participation aux projets au
03:17sein du CNES, c'est vraiment une aventure exceptionnelle. J'ai eu la chance de participer
03:22à plusieurs projets différents. C'est vrai que j'aurais tendance à citer un projet particulier
03:29qui s'appelait Parasol, qui était un micro-satellite d'observation de l'atmosphère. Alors, pourquoi
03:35celui-là en particulier ? Parce que c'est un projet où, vraiment, on était une toute petite équipe et
03:39on faisait un satellite qui n'était pas du tout ambitieux, très simple, fait avec de la récupération,
03:44mais on a vraiment tout fait nous-mêmes. Vraiment, voilà. Et donc, c'est sûr que c'est une
03:49satisfaction particulière quand le satellite, il arrive en orbite et puis que vous en connaissez
03:54les moindres détails, exactement comment ça fonctionne, que tout a été conçu et intégré
04:00avec vos équipes. C'est vraiment un moment particulier, même si c'était un tout petit
04:05satellite pas du tout technologiquement ambitieux. Et puis, après les autres missions avant Ariane 6,
04:14puisqu'Ariane 6, c'est vraiment tout récent, mais c'est quelque chose d'unique à vivre. Mais les
04:18autres missions qui m'ont le plus marqué, c'est les missions martiennes avec le JPL, avec la NASA.
04:26Pourquoi ? C'est vrai que quand vous faites un instrument ou une partie d'instrument qui va sur
04:31Mars, il y a tout de suite une complexité incroyable. Beaucoup, beaucoup de... comment
04:36dire ? Ce n'est pas de stress, mais de choses que vous ne maîtrisez pas parce qu'une fois que ça
04:41arrive sur Mars, c'est tellement loin que finalement, tout doit être automatisé, réglé.
04:47Et le travail avec le JPL là-dessus est vraiment passionnant parce qu'ils ont une expérience
04:52incroyable. Et on retrouve aussi cette espèce d'excitation incroyable d'avoir quelque chose
04:58qui va marcher ou pas sur Mars à distance. Il faut voir que quand vous recevez la télémesure de Mars
05:07sur un instrument, pour savoir s'il marche ou pas, en fait, elle a été émise 40 minutes avant à
05:13cause du temps de trajet. Donc, il y a toujours quelque chose de fascinant pour moi, en tout cas,
05:18dans les missions martiennes. Récemment, on a pu vivre une très belle réussite du CNES et de l'ESA
05:26car le mars 19 juillet 2024, le lanceur Ariane 6 a effectué son premier lancement au sein du
05:33port spatial Guyane. Pouvez-vous nous rappeler les principaux objectifs de ce premier lancement
05:38et la spécificité des satellites envoyés ? Alors, ce premier lancement, on l'appelle vol
05:47inaugural. Ce n'était pas un vol de test puisque des tests, il y en avait eu énormément de réalisés
05:56avant ce lancement. C'était vraiment un vol destiné à finaliser, à montrer que tout marchait, que le
06:04système était maîtrisé et qu'on allait pouvoir passer ensuite à des lancements commerciaux. Donc,
06:09ce n'était pas un lancement commercial. Il y avait un certain nombre de satellites, mais ce sont
06:14essentiellement des petits satellites qu'on appelle des CubeSats. Sur ces CubeSats, vous savez,
06:21on parle en unités. Une unité, c'est un litre, c'est 10 cm x 10 cm x 10 cm. Puis, on peut avoir
06:27des CubeSats de une unité, deux unités, trois unités. Il y avait une dizaine de petits satellites
06:33de ce type-là sur la charge utile et avec aussi ce qu'on appelle des dispenseurs, c'est-à-dire
06:38que ce sont des espèces de tubes qui éjectent avec un ressort ces petits satellites. Et ça,
06:43c'est très important en termes de validation, parce que ces dispenseurs vont être utilisés
06:48aussi après pour déployer des constellations. Donc, le vol inaugural, l'aspect charge utile était
06:55bien sûr important, c'est-à-dire ces petits satellites. Mais ce n'était pas ça le point
06:59fondamental, c'était de montrer que toute la séquence, avec les réallumages, avec toutes
07:06les séparations, etc. était maîtrisée. Aujourd'hui, la démonstration a été faite, même si le dernier
07:13boost destiné à désorbiter le dernier étage n'a pas pu être réalisé. Mais finalement, il ne
07:18faisait pas partie de la mission nominale. Donc, tout le reste a été réalisé avec une grande
07:23maîtrise. C'est un très grand succès pour l'ESA, pour le CNES, pour l'Europe. Et puis,
07:29les laboratoires qui ont favorisé le développement de ces CubeSats, je crois qu'il y avait le
07:35laboratoire de Montpellier, ou je ne sais plus. Alors, il y avait le laboratoire de Montpellier,
07:39enfin le centre universitaire de Montpellier, qui avait trois unités, je crois, qui s'appellent
07:46Robusta, si mes souvenirs sont bons. Et je crois que leur satellite marche bien. Il y avait un
07:52satellite aussi d'étudiants de l'ESA, qui s'appelle ITSAT, etc. Donc, effectivement, ça permet aussi
08:01de faire des expériences. Il y avait des expériences embarquées sur le plateau qui
08:07porte des charges utiles d'Ariane 6. Donc, il y avait pas mal de choses. Et donc, évidemment,
08:12c'est une belle opportunité pour toutes ces petites structures d'être embarquées, de faire
08:18des tests, de voir si leur satellite marche bien, etc. Et je crois que globalement, tous les gens
08:25qui ont été embarqués, il y avait beaucoup, beaucoup de monde. Parce que quand on voyait
08:29le plateau avant d'être mis en haut de la fusée, il y avait énormément de petits satellites. Là,
08:35c'était un peu une cohabitation très, très variée et qui s'est faite dans une très bonne
08:39ambiance aussi, parce que c'était essentiellement des jeunes, des étudiants qu'on travaillait
08:44ensemble. Et je crois que tout le monde était ravi d'être embarqué et d'être largué en orbite par
08:49le premier volet inaugural. Très bien. Combien de lancements prévoyez-vous pour Ariane 6 en moyenne,
08:57plutôt sur les premières années et par la suite ? Parce que je pense que les premières années,
09:02il n'y aura pas beaucoup de lancements ? Si, ça va monter très vite. C'est ce qu'on appelle le ramp-up,
09:09c'est-à-dire la montée en cadence. Et ce qui est prévu aujourd'hui, c'est ce qui est prévu
09:16dans le manifeste, ce qu'on appelle le manifeste de tir, c'est-à-dire d'avoir 6 Ariane 6 l'an
09:23prochain, donc c'est déjà pas mal, et de passer à 10 l'année suivante, donc en 2026. Et après,
09:31le régime de croisière, entre guillemets, il se situerait autour d'une douzaine de lancements,
09:37c'est-à-dire un Ariane 6 par mois ensuite. Donc c'est quand même une cadence qui est loin d'être
09:43négligeable, parce qu'il y a toute la logistique derrière pour amener les fusées, les préparer,
09:48les lancer, etc. Donc c'est ça qui est visé. Alors, si tout marche bien, peut-être qu'on
09:54atteindra un peu plus tard une cadence à 15 lancements Ariane 6 par an. Aujourd'hui,
09:59je vous dis, ce qui est prévu, c'est une montée avec 6, 10, puis peut-être 12 dans les 3 ans qui
10:06viennent, ce qui est quand même une montée significative, parce qu'aujourd'hui, vous le
10:09savez, on n'a pas fait beaucoup de lancements ces dernières années, donc il faut qu'on se structure
10:14pour revenir à ces cadences-là. Alors, l'apparition de ce nouveau lanceur se développe dans un contexte
10:23spatial international très concurrentiel. Je fais notamment allusion au grand nom que nous connaissons
10:29tous et nous entendons souvent, c'est SpaceX, Blue Origin, mais aussi Vega. Comment se placent le CNES
10:36et l'ESA dans ce contexte assez complexe et dans un environnement spatial international en
10:44dynamique croissante ? Quand on regarde les différents pays à l'international, on voit des
10:49développements non négligeables. Alors, la question est complexe parce qu'effectivement, on bénéficie
10:56d'abord, vous l'avez signalé, en termes de contexte, d'une croissance de l'activité spatiale qui est
11:03très importante, de besoins en termes de lancements qui sont très importants, à la fois pour les
11:09satellites scientifiques, mais aussi pour tout ce qui est commercial, notamment les constellations.
11:14On voit arriver des constellations dans le domaine des télécommunications qui lancent des centaines
11:19de satellites, les besoins en termes de défense aussi, les besoins en termes de surveillance de
11:24la planète qui sont en pleine croissance. Donc, le nombre de satellites à lancer est en pleine
11:30croissance. Après, en termes de concurrence ou de compétition, il est clair que SpaceX a des
11:38cadences et des carnets de commandes qui sont sans commune mesure avec ce qu'on a sur le marché
11:43européen, puisqu'il envisage, je crois, cette année de lancer 140 fois. Donc, ce sont des cadences
11:51qui sont de toute façon dimensionnées pour un marché qui est un marché américain avec
11:58énormément de lancements institutionnels et qui ne correspond pas au marché européen. Ceci étant
12:03dit, on pourrait penser qu'Ariane 6 n'a pas sa place dans cet environnement concurrentiel. C'est
12:10pas vrai, c'est pas vrai. Et la meilleure preuve, c'est qu'aujourd'hui, Ariane 6 a déjà 30 lancements
12:17précommandés. Donc, ces 30 lancements, vous voyez, c'est quasiment trois ans d'activité, ce qui veut
12:23dire qu'Ariane 6 correspond à un besoin. Alors, c'est un besoin qui se situe à côté du marché
12:30de SpaceX, mais c'est un besoin qui peut être lié à plusieurs choses. D'abord, le marché
12:35institutionnel européen, où l'Europe souhaiterait lancer ses satellites avec des fusées européennes
12:41pour des questions de souveraineté, la France aussi, et aussi parce qu'on a certains acteurs,
12:47et ça, il faut quand même en être conscient, qui cherchent une alternative à la solution
12:51tout SpaceX. Alors, pourquoi ? Parce qu'ils peuvent être en concurrence avec certaines
12:58activités de SpaceX, ou ne pas souhaiter être complètement dépendant d'une seule solution
13:04technique. Donc, le marché pour l'alternative Ariane 6, elle existe vraiment, elle suscite
13:12beaucoup de demandes. Le lanceur, il va devoir bien sûr démontrer sa fiabilité, mais je n'ai aucun
13:18doute là-dessus. C'est un lanceur qui est extrêmement performant, et donc je crois qu'il y a
13:22vraiment une place. Alors, il ne faut pas se dire que demain, je pense que ce serait illusoire de
13:26se dire que demain, Ariane 6 va atteindre des cadences de lancement qui sont celles de SpaceX.
13:31Il n'y a ni le marché, ni la capacité pour le faire, mais par contre, il y a vraiment un
13:36positionnement à côté de SpaceX et d'autres pour, je vous dis, des lancements institutionnels
13:44européens, des lancements liés à la défense nationale ou à la défense d'autres États européens,
13:50et des alternatives pour des projets commerciaux. Voilà, pas que tout soit entre les mains SpaceX.
13:58Très bien, très bien. Alors, quels sont les prochains challenges du centre spatial
14:04guyanais ? Pouvez-vous nous en citer deux ou trois ? Alors, les challenges du centre spatial
14:10guyanais, en fait, ils sont très clairs. La feuille de route, elle est très claire,
14:13et je pourrais dire qu'elle se décompose en trois axes. Le premier axe, on vient d'en parler,
14:19c'est la remontée en cadence des lanceurs institutionnels, c'est-à-dire d'Ariane 6 et de
14:25Vega. Vous savez que Vega aussi a eu un incident en vol, le dernier Vega C. Il y a eu une reprise
14:31de design, et là, on devrait relancer un Vega C dès la fin de cette année. C'est prévu fin
14:38novembre. Et ensuite, c'est pareil, la cadence va remonter pour les Vega, puisque l'an prochain,
14:43on prévoit de faire aussi, en plus des six Ariane 6 dont je vous ai parlé tout à l'heure,
14:46de lancer quatre Vega C, et puis six l'année d'après. Donc ça, c'est ce que j'appelle la
14:52remontée en cadence des lanceurs institutionnels, qui va nous amener rapidement à avoir peut-être
14:5715 à 16 lancements de type Ariane 6 ou Vega à gérer sur le CSG. Ça, c'est la colonne vertébrale
15:04de l'activité du CSG, ces lanceurs lourds, institutionnels, de leur gestion, et puis
15:10assurer leur lancement dans de bonnes conditions. C'est le premier axe, et c'est l'axe fondamental.
15:15Le deuxième axe, c'est l'accueil de nouveaux entrants, ce qu'on appelle de nouveaux entrants,
15:19c'est-à-dire des sociétés qui sont plutôt à fond privés, qui sont financées par des investisseurs
15:28privés et qui ont un business model basé sur des lancements de petits satellites inférieurs
15:36à une Autonet 5, et donc qui prévoient des lancements assez nombreux, à coûts modérés,
15:43et avec un business plan qui est complètement privé. Le CSG est en train de se dimensionner,
15:51de réaliser des pas de tir, qui sont sans commune mesure avec un pas de tir Ariane 6,
15:57bien sûr c'est beaucoup plus simple, mais des pas de tir qui permettent d'accueillir ces
16:02micro lanceurs, ces nouveaux acteurs, dans des bonnes conditions. On leur offre l'infrastructure,
16:08comme un aéroport offre l'infrastructure à des compagnies aériennes différentes,
16:13et ça c'est ce qu'on appelle le modèle aéroport, donc Spaceport pour nous,
16:18c'est-à-dire de dire qu'il y aura des grosses compagnies aériennes qui seront accueillies
16:22sur la base, et puis d'autres, des plus petites, avec des business models différents,
16:27et ces petites payeront des taxes d'aéroport pour bénéficier de la logistique du CSG.
16:37Ça c'est le deuxième axe, et puis le troisième axe qui accompagne ça, c'est un grand plan de
16:42modernisation de la base, donc on a un certain nombre de budgets, à la fois national et européen,
16:50pour moderniser la base. Qu'est-ce que ça veut dire moderniser la base ? Ça veut dire que c'est
16:55moderniser un certain nombre d'infrastructures, vous savez une base c'est des grosses infrastructures,
17:00moderniser nos outils aussi, nos outils logiciels. Pourquoi ? Parce qu'effectivement si on doit
17:06avoir des cadences de lancement bien supérieures à ce qu'on fait aujourd'hui, il faut qu'on soit
17:11capable de se reconfigurer très facilement d'un lanceur à l'autre, avec des outils que
17:15les opérateurs sachent manipuler simplement, il ne s'agit pas d'avoir un set d'outils pour une
17:22Ariane 6 et puis vous passez sur un autre lanceur, il faut tout changer, donc qu'on puisse se
17:25reconfigurer assez facilement avec des outils performants. Et dans ce chantier de modernisation
17:31aussi on a la transition énergétique de la base, donc on a un gros programme d'accompagnement de la
17:37transition énergétique de la base, parce que la base c'est un gros consommateur d'énergie,
17:40d'électricité, et à la fois pour les installations mais aussi pour les lanceurs, parce que vous savez
17:47qu'on produit les carburants des lanceurs sur place, c'est très consommateur, et là on a
17:53plusieurs projets pour produire de l'électricité verte, donc des champs photovoltaïques, de la
17:59biomasse, réduire nos consommations énergétiques et même produire de l'hydrogène sur place par
18:07électrolyse de l'eau. Donc tous ces plans de transition énergétique vont accompagner le
18:12développement de la base pour une base plus verte et plus écologique et plus économique aussi,
18:19parce qu'effectivement si on arrive à produire un certain nombre de choses à partir
18:25d'électricité solaire par exemple, à la fin on devrait y être gagnant aussi sur un plan économique.
18:31Question toute bête, parce qu'en fait vu ces derniers challenges, la dynamique que
18:42va avoir le port spatial, vous allez créer encore plus d'emplois en interne en fait ?
18:50Alors on espère bien, parce que vous le savez dans les dernières années la base a perdu un
18:57certain nombre d'emplois, mais en fait ça s'est fait avec une réduction des effectifs sans aucun
19:02licenciement, puisqu'en fait finalement on a fait venir moins de gens de métropole, etc. Et là on
19:08espère bien qu'avec cette reprise des cadences, tous les chantiers dont je vous ai parlé, la base
19:15ré-augmente ses effectifs pour accueillir toute cette activité. Alors ça ne va pas être une
19:24augmentation complètement majeure, parce qu'aussi l'idée c'est d'avoir des outils qui nous permettent
19:32d'être plus efficients, de gérer des choses de façon plus automatisée, plus numérique, etc. Mais
19:39il est clair que sur la base on accueille 42 industriels qui sont dans une sorte de co-activité
19:52sur toute cette activité lanceur. Chez ces industriels il y aura certainement une augmentation
19:59des effectifs avec des profils qui vont être peut-être aussi différents, beaucoup de technologies
20:07dans le domaine du numérique, etc. pour gérer une base moderne.
20:12Ce qui est très positif.
20:14Tout à fait.
20:16Alors en parallèle du lanceur Ariane 6, le centre spatial guyanais s'organise à recevoir des
20:22multilanceurs que vous avez énoncés, bien entendu, principalement réalisés par des startups
20:29européennes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'organisation de ces lancements et les
20:33principales startups qui vont lancer leur fusée au CLG ?
20:38Alors les principales, aujourd'hui on a retenu, pré-retenu on va dire, parce qu'en fait il y a eu un appel à
20:47manifestation d'intérêt, c'est-à-dire que le CLG a dit que nous on est prêts à accueillir des
20:53micro lanceurs qui est intéressé. Donc on a retenu des startups de l'Europe entière
21:01puisqu'il y a Vega qui a candidaté pour un petit lanceur, Maya qui est un lanceur national,
21:09Latitude aussi qui est nationale, et puis deux lanceurs allemands RFA ISAR et un lanceur espagnol
21:16qui s'appelle PLD. Donc toutes ces sociétés sont des, comment dire, des startups effectivement
21:25qui développent toutes leurs lanceurs. Alors on dit micro lanceurs quand ça va jusqu'à la mise
21:33en orbite d'une tonne cinq, ce qui est déjà conséquent, mais évidemment c'est sans
21:38commune mesure avec une Ariane 6 qui peut mettre 20 tonnes en orbite. Et finalement si vous voulez
21:45l'accord qu'on a avec ces micro lanceurs, c'est de dire nous on va vous développer des pas de tir,
21:53des infrastructures, adapter certaines de nos infrastructures à vos besoins, de façon,
21:58sachant qu'on reste quand même dans des choses assez simples. Et puis on vous accueillera le
22:06jour où vous serez prêt à lancer sur nos installations et vous pourrez bénéficier
22:11d'un certain nombre de services moyennant finance. Et ces services finalement ils sont un peu à la
22:17carte, c'est à dire nous on va fournir toute la logistique d'une base, mais peut-être qu'il y
22:22aura des lanceurs qui voudront que certains services et pas d'autres, qui voudront gérer
22:27certaines choses eux-mêmes, etc. Mais pour nous c'est aussi un challenge ça, parce qu'il faut
22:31qu'on sache s'adapter finalement à des demandes assez variées. Il y en a peut-être qui font un
22:36lancement par an, d'autres qui disent qu'ils vont en faire 50, etc. Donc il faut qu'on voit tout ça,
22:42mais en tout cas on est en train d'y travailler, on a des contacts avec ces différentes sociétés,
22:47on essaye de standardiser aussi les choses, c'est important pour que nous ça ne soit pas,
22:54si vous voulez, un peu comme quand vous sur un aéroport, quand c'est un avion de tel type qui
22:59part ou un autre, on ne change pas tout l'aéroport. Donc il faut que ça soit un peu le même principe,
23:05et donc de travailler là-dessus avec ces sociétés. Pour l'instant ça avance bien,
23:09on espère avoir peut-être, si tout va bien, les premiers lancements fin 2025.
23:15Donc ça avance très vite en fait.
23:17Ça avance vite.
23:18Alors, quel conseil pourriez-vous donner à la nouvelle génération de leaders du spatial
23:25pour préserver le plus possible la spécificité du spatial européen, qui implique nécessairement
23:32la fameuse question de la préservation de la souveraineté avec les particularités françaises
23:38dont le général de Gaulle énonça en 1961 en disant, en énonçant la grandeur de la France
23:48exige sa présence dans l'espace. Propos qui participeront incontestablement à transmettre
23:56les grandes lignes, les directives pour le développement de la famille des lanceurs aériens.
24:01Alors je ne me permettrai pas de donner des conseils à quiconque,
24:06donc voilà, moi, si vous voulez, je pense quand même qu'effectivement cette notion de souveraineté,
24:13elle continue d'exister.
24:15Effectivement, elle a été énoncée par le général de Gaulle il y a 60 ans,
24:19puisque vous savez que la déclaration du général de Gaulle visant à créer le centre spatial
24:25guyanais date de 1964, donc pile 60 ans.
24:29Donc il y avait clairement une vision et je crois que cette vision elle se prolonge,
24:33elle n'a jamais été démentie, c'est-à-dire de dire si on veut avoir un rôle international,
24:38si on ne veut pas être totalement dépendant, la présence dans l'espace est nécessaire,
24:42ça c'est le premier volet.
24:43Vous voyez qu'aujourd'hui finalement on a énormément de choses qui dépendent d'activités spatiales,
24:49que ce soit la navigation, les galiléos, la météo, la surveillance de la planète,
24:59un certain nombre d'activités de défense, de surveillance de nos partenaires ou autres.
25:06Donc on est sans peut-être trop s'en rendre compte, extrêmement dépendant d'activités spatiales
25:12et il n'y a pas de grande aujourd'hui nation qui n'ait pas une présence forte dans l'espace.
25:19Cette présence forte dans l'espace c'est faire des satellites, mais c'est aussi savoir y accéder,
25:24parce que si vous n'avez pas d'accès à l'espace,
25:26vous êtes totalement dépendant d'autres qui peuvent effectivement dire un jour venu peut-être dire
25:33non maintenant on vous ferme l'accès à l'espace et donc vous perdez toutes vos ressources dans ce domaine-là.
25:39Ce n'est pas qu'institutionnel, c'est économique aussi,
25:43on voit aussi apparaître maintenant ces fameuses constellations pour les télécommunications etc.
25:49Et donc on peut imaginer que peut-être qu'on pourrait rentrer dans des débats avec d'autres,
25:58si on n'avait pas de capacité de lancement, perdre l'autonomie même économique pour accéder finalement à ces technologies.
26:06Donc moi, mais c'est un avis personnel, je pense que l'accès à l'espace reste complètement d'actualité
26:12en termes de souveraineté économique, technologique, nationale et européenne.
26:20Et donc aujourd'hui le retour en vol, et je pense que tous les acteurs l'ont souligné,
26:27le retour d'un lanceur lourd comme Ariane 6 dans le paysage est un élément majeur pour la souveraineté française et européenne.
26:36Alors que conseillez-vous aux jeunes filles et aux jeunes garçons intéressés par les sciences en général et le spatial en particulier ?
26:44Alors ça c'est une bonne question parce que jeunes filles et jeunes garçons effectivement,
26:51on voit qu'aujourd'hui l'engouement pour les filières techniques, il est peut-être moins fort qu'avant.
27:01Alors particulièrement chez les filles, c'est bien dommage, qui préfèrent choisir d'autres carrières.
27:08Le conseil que je donnerais, c'est qu'il ne faut pas avoir peur et il faut se lancer et que c'est tout à fait accessible.
27:16On a plein, plein, notamment dans le spatial, plein de métiers passionnants qui sont souvent des métiers aussi de coordination.
27:22Vous voyez un lanceur comme Ariane 6, ce sont des milliers de personnes qui travaillent
27:28et il y a tout un tas d'activités de coordination pour que tout s'assemble comme il faut au bon moment.
27:34Donc c'est des métiers qui sont passionnants.
27:36Alors il faut accepter effectivement un certain côté scientifique dans ces études,
27:47mais je crois que ça vaut vraiment le coup et qu'il y a peut-être de l'inhibition qui se met en place en se disant
27:54« Oh, ce n'est pas pour moi, je ne vais pas y arriver » ou etc.
27:57Il faut vraiment lever ces tabous, se dire que c'est tout à fait possible,
28:01c'est tout à fait accessible et qu'il ne faut pas hésiter et que ce n'est pas plus dur que d'autres domaines comme la médecine ou autre.
28:10Alors pour terminer, les associations scientifiques et techniques sont-elles pour vous une nécessité au sein de notre société et pourquoi en fait ?
28:19Alors je ne sais pas si c'est une nécessité, je ne dirais pas ça,
28:23mais je dirais que tout ce qui peut permettre de promouvoir un petit peu ces activités scientifiques,
28:30de les démystifier aussi, de les rendre accessibles à un public plus large,
28:35de valoriser l'intérêt que ça représente et puis qu'est-ce qu'il y a derrière,
28:41est nécessaire effectivement et bienvenu parce qu'effectivement on a besoin que…
28:47Je pense d'abord qu'il y a un attrait du public, du grand public.
28:53Je vois depuis le lancement d'Ariane 6, on a quand même énormément de gens qui sont intéressés par ces aspects-là,
29:00par le spatial mais aussi par tout ce qui est technologique en général
29:04et donc tout ce qui peut faire le lien entre la population, nos futurs ingénieurs etc.
29:13Et puis ce domaine-là est bienvenu et je crois que ça vaut vraiment le coup de vulgariser,
29:19de communiquer, de montrer qu'il y a plein de perspectives intéressantes.
29:24Du coup ce rôle-là il est très important effectivement.

Recommandée