Le "8h30 franceinfo" de Jean-Yves Le Drian de mercredi 22 novembre 2023

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L'ancien ministre des Affaires étrangères et représentant officiel du président de la République au Liban était l'invité du "8h30 franceinfo", mercredi 22 novembre 2023.

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00:00 Bonjour Jean-Yves Le Drian. Bonjour. Ça y est, le Hamas et Israël ont annoncé cette nuit avoir trouvé un accord sur une trêve humanitaire à Gaza,
00:07 en échange de la libération de 50 otages. C'est un premier soulagement ?
00:12 C'est une bonne nouvelle. La décision finale du gouvernement israélien est une bonne chose. Il y a de l'espoir, c'est la première bonne nouvelle depuis le 7 octobre.
00:24 Mais je reste prudent, parce que tant que les choses ne sont pas faites, elles ne sont pas faites. Et donc j'attends avec impatience de voir les images des otages libérés.
00:35 Mais en tout cas, il faut toujours être prudent dans ces affaires d'otages.
00:39 Tant qu'on ne les voit pas, ça peut...
00:41 Il faut toujours être prudent. Mais c'est quand même un espoir, une espérance qui, je l'espère, va se concrétiser.
00:47 Et de toute façon, ça montre deux choses. D'abord que le mot "trêve" n'est plus tabou.
00:55 Alors, je sais bien que le gouvernement israélien a utilisé "accalmi" pour ne pas utiliser la trêve.
01:01 Et il dit que la guerre continue.
01:02 Oui, mais le mot "trêve" n'est plus tabou. Et depuis le 7 octobre, le mot "trêve" n'était pas envisageable pour les autorités israéliennes.
01:09 Là, le mot "trêve" n'est plus tabou. Et donc c'est quand même un point important. 4 jours, c'est pas rien. J'espère que ça va se mettre en oeuvre.
01:16 Ça, c'est la première bonne nouvelle. Au-delà des otages, la deuxième bonne nouvelle.
01:20 Et puis, deuxièmement ou troisièmement, il y a cette réalité, c'est qu'il y a des canaux qui fonctionnent.
01:26 Donc, on peut indirectement se parler.
01:29 - Via des intermédiaires ? - Oui, via des intermédiaires.
01:31 Mais les canaux fonctionnent pour aboutir à un dispositif qui est techniquement sans doute assez difficile à mettre en oeuvre.
01:37 Pour aboutir à ce qui est des échanges, des noms qu'on ne connaît pas encore.
01:41 Il faut des échanges, il faut des canaux de discussion. Et à cet égard, et le Qatar, et les États-Unis ont joué un rôle très important.
01:49 Mais ça fonctionne. Alors, de là à ce que la trêve puisse aboutir, c'est ce que souhaite le président de la République,
01:56 à ce qu'elle se transforme progressivement en cessez-le-feu, il n'y a qu'un pas, mais j'espère qu'il sera franchi.
02:02 - Il y a huit otages français, franco-israéliens à Gaza.
02:08 Est-ce que vous avez des nouvelles ? Est-ce que vous savez si leur libération peut être envisagée ?
02:12 - Je ne suis pas dans ces discussions-là. C'est le rôle du président de la République, de la ministre des Affaires étrangères et du ministre des Armées.
02:20 Ils ont joué leur rôle, ils ont fait des pressions nécessaires, ils ont maintenu l'attention et la grande vigilance du président de la République à l'égard des otages français.
02:30 Sébastien Lecornu s'est rendu dans la région il y a quelques jours.
02:36 Bref, les intérêts de la France, je crois, sont bien défendus.
02:40 - Ça a été votre cas aussi, Jean-Yves Le Drian.
02:42 - Le rôle des otages, la place des otages français dans les libérations à venir, c'est tout à fait le fait d'une grande vigilance de notre part.
02:48 - Vous avez multiplié aussi les déplacements au Proche-Orient ces derniers jours pour représenter la France dans cette affaire des otages.
02:54 Quelle est la marge de manœuvre de la France ? On l'a dit, il y a des intermédiaires, les États-Unis, le Qatar. La France, dans tout ça, qu'est-ce qu'elle fait ?
03:00 - La France défend ses otages d'une certaine manière. Tous les présidents de la République, que ce soit le président Hollande ou le président Macron, n'ont jamais laissé tomber des otages.
03:09 C'est une priorité pour notre pays et c'est une vigilance, une pression qu'il faut maintenir en permanence, y compris dans les négociations qui ont eu lieu entre les différents acteurs dans la crise du Proche-Orient.
03:21 - Une représentante de l'ONU le rappelait encore ce matin sur France Info. Plus de 1,5 million d'habitants déplacés dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre.
03:32 Et à ce sujet, vous vous dites que si on continue comme on le fait, on ne va pas fabriquer que des morts, on va fabriquer aussi les tueurs de demain.
03:41 C'est une mise en garde à l'égard de la politique d'Israël qui continue de mener cette guerre ?
03:45 - Deux ou trois choses sur ce sujet. D'abord, il ne faut jamais oublier ce qui s'est passé le 7 octobre. Le massacre de la part de Hamas contre une population civile israélienne est insupportable.
03:59 Et je comprends le fait qu'Israël estime devoir riposter parce qu'il est en légitime défense. Ça c'est clair. Mais d'un autre côté, il ne faudrait pas que la volonté d'éradiquer le Hamas, qui est affiché, ne joue l'effet boomerang.
04:18 C'est-à-dire, fasse en sorte qu'un peuple palestinien, sans avenir, sans horizon, sans perspective, sans destin, puisse se réfugier dans la violence.
04:26 - Mais ce n'est pas déjà le cas ?
04:29 - D'autant plus que la situation et les actions menées par Israël sont extrêmement violentes et qu'aujourd'hui, je ne vois pas, je vous le dis très franchement, l'effet final recherché.
04:40 - C'est-à-dire ? On n'est plus dans la légitime défense ?
04:42 - Non, je ne parle pas de légitime défense. Je ne vois pas. Quel est l'objectif ? Éradiquer le Hamas ? Oui. Mais le Hamas, ce n'est pas uniquement qu'une organisation.
04:51 Et on ne va pas sortir les 2 millions de Palestiniens qui habitent dans la zone de Gaza à l'extérieur. Ils vont rester là.
04:59 Donc il faudra bien traiter cette question. À quel moment on s'arrête et à quel moment on dit que le Hamas est éradiqué ? Je ne sais pas.
05:05 - Le Hamas, c'est une idéologie. C'est pour ça que c'est compliqué ?
05:07 - Oui. Et donc je pense que la période de trêve, là, peut-être, si elle a lieu correctement dans les 4 jours, être le point de départ d'une réflexion sur le jour d'après. Il faudra bien se poser la question du jour d'après.
05:20 - Mais quand vous parlez à des interlocuteurs israéliens et que vous leur dites "nous, on ne comprend pas votre stratégie", qu'est-ce qu'ils vous répondent ?
05:25 - Je ne sais pas qui a parlé de cela pour l'instant. Moi, j'attends des déclarations israéliennes sur l'état final recherché. Je ne sais pas. Éradiquer le Hamas ? Oui, bien sûr.
05:34 Et alors comment est-ce qu'on dit qu'on a éradiqué le Hamas ? Je ne sais pas. Et donc c'est là l'interrogation. Et c'est pourquoi, il me semble, qu'il faut passer aussi à une solution politique.
05:44 - Donc on vous entend bien, c'est un but de guerre irréaliste, l'éradication du Hamas ?
05:47 - Non, je n'ai pas dit ça. J'ai dit simplement à quel moment les Israéliens vont dire "l'état final recherché par notre opération de légitime défense est atteint, le Hamas est éradiqué". Ça, je ne sais pas.
06:00 - Sauf que ce que vous dites aujourd'hui, Jean-Yves Le Drian, Emmanuel Macron lui-même l'a dit. Il a exhorté Israël d'arrêter les bombardements qui, je cite, "tuent des femmes et des enfants".
06:09 Le président français qui a aussi appelé à un "cessez le feu", comme vous ce matin, Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a répondu "pas de leçons à avoir de la France". Il parle même de "faute morale". Qu'est-ce qu'on dit à cela ?
06:21 - Je disais tout à l'heure, en commençant votre émission, que le terme "trêve", le terme "pause", qui était tabou jusqu'à présent, on ne l'est plus. C'est une bonne avancée.
06:31 Et je pense qu'il faut maintenant qu'on commence à réfléchir, que les Israéliens, avec des partenaires, que les différentes puissances concernées, commencent à réfléchir sur la sortie de crise.
06:41 Parce qu'il faudra bien qu'il y ait un jour d'après. Et si on ne prépare pas le jour d'après, on se prépare alors à des drames nouveaux, à de nouveaux massacres, à de nouveaux affrontements qui ne sont pas envisageables.
06:52 Et il ne faudrait pas que dans cette crise, les populations civiles palestiniennes soient les victimes indirectes des crimes commis par le Hamas.
07:00 - Jean-Hude Le Drian, ancien ministre des Affaires étrangères, représentant officiel du président de la République au Liban. Vous êtes l'invité du 8.30 France Info jusqu'à 9h.
07:07 On vous retrouve dans une minute, juste après le Fil Info. Maureen Suignard.
07:11 - Une accalmie dans les combats pendant 4 jours qui doit débuter dans les 24h, contre la libération d'au moins 50 otages.
07:19 Voici une partie de l'accord validé par le gouvernement israélien pendant la nuit.
07:23 Le Hamas se félicite d'obtenir la libération de 150 détenus palestiniens et une trêve humanitaire.
07:30 Cet accord ne fait pas l'unanimité. Une association de victimes du terrorisme israélienne annonce vouloir saisir la Cour suprême pour le contester.
07:38 En France, on salue cette annonce. La ministre des Affaires étrangères dit espérer la libération de Français.
07:43 8 sont portés disparus. Berlin, de son côté, veut mettre à profit ce moment pour apporter de l'aide dans le territoire palestinien.
07:51 Il signe son retour sur la scène internationale. Vladimir Poutine participe au G20, sommet des grandes puissances économiques.
07:58 Le président russe, visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, participe en visio.
08:03 Pas de 8ème victoire pour les bleus. Match nul. Hier, en Grèce, debuts partout.
08:08 Hier, c'était le dernier match de l'équipe de France de foot dans la course à la qualification pour l'Euro 2024.
08:14 Des bleus qui avaient déjà décroché leur ticket pour la suite de la compétition.
08:20 France Info.
08:22 Le 8.30, France Info. Jérôme Chapuis, Salia Braklia.
08:26 Jean-Yves Le Drian, il y a Gaza, mais il y a aussi la Cisjordanie, où près de 3 millions de Palestiniens résident.
08:31 Des Palestiniens qui, pour certains, se font déloger par des colons qui profitent de la guerre à Gaza pour s'installer.
08:36 Ce ne sont pas des colonies, nous vivons sur notre terre biblique. C'est ce que dit Yair Lapid, figure d'opposition en Israël, à propos des colonies illégales.
08:43 Quelle est votre réaction ?
08:45 C'est le même territoire pour deux peuples. C'est une histoire qui date de plusieurs dizaines d'années, voire de même plusieurs centaines d'années parfois.
08:53 Les Palestiniens sont aussi là, en Cisjordanie.
08:57 Et il y a eu un accord qui confie la responsabilité de la Cisjordanie à l'autorité palestinienne.
09:03 Il faut que cet accord soit respecté. Sinon, il y aura un nouvel Hamas en Cisjordanie.
09:08 Il faut se protéger de cela.
09:10 Et la raison pour laquelle je suis très favorable pour ma part à l'existence de deux États, même si ce sera un chemin long,
09:16 c'est parce que la sécurité d'Israël ne sera vraiment assurée que lorsqu'il y aura un État palestinien sûr dans ses frontières.
09:22 Sinon, ça n'ira pas.
09:24 Donc, il faut démanteler les colonies israéliennes en Cisjordanie ?
09:26 Tout le monde le dit, tout le monde le souhaite.
09:29 Le président de la République l'a rappelé avec force, le président américain aussi.
09:33 La responsabilité incombe aux autorités israéliennes de faire en sorte que la Cisjordanie ne devienne pas un nouveau brasier.
09:39 Hier matin, nos confrères de France Inter, Elie Barnavi, l'ancien ambassadeur en France, l'ancien ambassadeur israélien,
09:44 disait que selon lui, un État palestinien pourrait être une réalité d'ici cinq ans et qu'il serait imposé par la communauté internationale.
09:53 Vous êtes d'accord avec lui ?
09:54 Je suis d'accord avec Barnavi parce que ses orientations ont toujours été très lucides.
09:59 Je dis simplement qu'aujourd'hui, si on n'utilise pas la trêve pour essayer de réfléchir à l'État d'après,
10:07 au jour d'après, on risque d'avoir des embrasements.
10:10 Vous avez parlé de la Cisjordanie, moi je veux aussi évoquer les risques qu'il y a au Liban Sud,
10:16 les risques qu'il y a en Irak, les risques qu'il y a, on l'a constaté, de l'action des outils sur la mer Rouge.
10:23 Bref, il peut y avoir un embrasement régional, donc il faut se prémunir.
10:27 Et là on a, si la trêve fonctionne et qui permettra par ailleurs l'acheminement de l'aide humanitaire,
10:33 on a un espace utile qui peut permettre peut-être des initiatives.
10:37 Cet embrasement régional, on est presque surpris qu'un mois et demi après, il n'ait pas encore eu lieu.
10:43 Le grand vainqueur pour l'instant, je dis bien pour l'instant, parce qu'on ne sait pas ce que sera fait demain,
10:49 le grand vainqueur pour l'instant pour moi c'est l'Iran.
10:51 Pourquoi vous dites ça ?
10:52 Parce que l'opération, le massacre initié par le Hamas a d'abord permis d'éviter la normalisation entre l'Arabie Saoudite et Israël.
11:02 C'est sans doute le premier but de rechercher.
11:03 Et donc ça sert l'Iran puisque sa hantise c'est la force que peut représenter l'Arabie Saoudite,
11:09 d'autant plus que s'il y a une réorganisation régionale, ça se ferait à ce moment-là à son détriment.
11:13 Un.
11:14 Deux, l'Iran part vainqueur de la situation parce que la question palestinienne est revenue au centre.
11:23 Et ils sont faits le porte-parole, ils sont faits le leader, ils sont faits le défenseur.
11:26 Lui, il montre qu'il n'y a pas d'invulnérabilité d'Israël aujourd'hui puisqu'il y a eu ce massacre et ces attaques du Hamas.
11:35 Et donc l'Iran devient d'une certaine manière le porte-parole de la cause palestinienne.
11:40 Et puis enfin, dernier point, il montre aussi que l'invulnérabilité d'Israël se traduit par le fait que l'action violente paye.
11:51 Donc l'Iran se retrouve à la tête de tout ce qu'aujourd'hui veulent soutenir les Palestiniens.
11:59 Injustement, ils le font, mais pourquoi est-ce qu'ils iraient aujourd'hui prendre des initiatives qui ne serviraient pas à leur avantage très concret ?
12:10 Ils ont même aujourd'hui, hier, protesté sur le fait qu'ils ne voulaient absolument pas une régionalisation du conflit,
12:16 que c'était les États-Unis qui menaçaient la destruction de l'environnement.
12:21 Ce qui est un peu surprenant.
12:22 En tout cas, pendant ce temps-là, ils poursuivent leurs efforts de renforcement de leurs possibilités nucléaires.
12:31 Ils poursuivent leurs efforts en matière de technologie des missiles.
12:34 Ils poursuivent leurs efforts dans le spatial.
12:36 Bref, pendant ce temps-là, l'Iran continue à asseoir son autorité, mais il est devenu leader.
12:42 D'autant plus que maintenant, il y a un petit lien avec la crise ukrainienne, c'est l'Iran qui fournit aux Russes les drones.
12:49 Bref, il y a une affirmation.
12:51 Alors les risques, ce sont le fait que l'Iran joue par proxy interposé.
12:57 C'est-à-dire des intermédiaires, on l'a vu avec les outils.
12:59 Vous évoquiez ça, c'est très important, ces images spectaculaires du détournement d'un cargo japonais qui est propriété d'un Israélien par des milices outils,
13:05 c'est-à-dire des yemenites pro-iraniens.
13:07 Ça a beaucoup marqué les esprits. C'était quoi l'objectif de ce piratage ?
13:10 L'objectif c'est de montrer qu'il y a des groupes, qui pour certains sont des groupes terroristes, qui continueront à agir,
13:18 même si l'Iran n'intervient pas dans la réorganisation de l'ensemble de la zone.
13:24 Je ne vois pas l'intérêt, ni la volonté de l'Iran aujourd'hui d'aller plus loin, sauf à jouer par les proxys.
13:29 C'est vrai pour les yemenites, c'est vrai pour le Hezbollah, au Liban.
13:32 Et c'est vrai pour le Liban, où on voit les tensions s'accroître au sud Liban, avec des échanges de tirs, avec des dizaines de morts quand même,
13:41 dont on parle peu, y compris deux de vos collègues qui ont été tués hier au sud Liban.
13:46 Les déclarations du leader Nasrallah du Hezbollah montrent qu'il n'a pas sans doute envie d'aller trop loin,
13:54 mais il faudrait que personne n'aille trop loin, et les risques si la tension se poursuit,
13:58 c'est qu'il y ait des incidents et qu'ils ne puissent plus après être maîtrisés,
14:02 et à ce moment-là une déflagration qui touchera le Liban lui-même.
14:05 Il suffit d'une étincelle ?
14:06 Oui, je pense qu'il peut y avoir des étincelles qui provoquent des embrassements plus grands.
14:10 Vous y faisiez référence tout à l'heure, les accords d'Abraham entre l'Arabie Saoudite et Israël,
14:16 réduits à néant avec l'attaque du Hamas, ces accords d'Abraham qui avaient permis de normaliser les relations entre Israël et plusieurs pays arabes,
14:24 comme le Maroc, Bahreïn, là c'est des néant définitivement morts.
14:27 Les acteurs ont pensé de bonne foi en signant ces accords de normalisation que la question palestinienne était seconde,
14:34 et elle est redevenue au centre, et donc on ne pourra pas continuer les choses très clairement
14:40 sans qu'il y ait une réflexion sur l'avenir des Palestiniens, leur donner une perspective,
14:45 même si ça sera long, et je ne vois pas d'autre perspective que le respect de deux États vivant en sécurité l'un de l'autre.
14:51 Ça sera long, mais il n'y a pas le choix.
14:53 Le ministre des Armées Sébastien Lecornu dit qu'il a la conviction que nos intérêts convergent avec les pays arabes sur la lutte contre l'islamisme.
15:00 Vous partagez cette conviction ? Nos intérêts convergent ?
15:02 Oui, tout à fait. Nos intérêts intérieurs, nos intérêts de sécurité,
15:06 la relation que nous avons avec les pays arabes aujourd'hui est positive à cet égard, il faut poursuivre dans cette direction.
15:13 Je voulais revenir aussi un peu sur le Liban parce que c'est une question importante, un pays arabe,
15:19 dans la réorganisation de la zone, je suis très préoccupé de la situation libanaise.
15:25 La situation est compliquée sur place ?
15:26 Écoutez, la guerre est aux portes du Liban, il n'y a pas de président de la République,
15:32 il n'y a pas de Premier ministre puisqu'il ne fait que gérer les affaires courantes,
15:36 le gouvernement ne se réunit pas, l'Assemblée ne se réunit pas,
15:40 et ce pays est au bord de la guerre, à la frontière de la guerre.
15:43 Et donc il faut que les responsables libanais, vraiment aujourd'hui, dépassent leur rivalité
15:49 et se disent "on se met d'accord pour faire en sorte qu'il y ait un système institutionnel qui fonctionne".
15:54 Aujourd'hui si on s'adresse au Liban, on ne sait pas auprès de qui s'adresser, qui commente le Liban ? Personne.
15:59 Donc il est urgent que les Libanais prennent conscience qu'il en va de la vitalité de leur propre État.
16:06 Mais vous les voyez les acteurs susceptibles, les femmes, les hommes susceptibles de...
16:10 Aujourd'hui je ne comprends pas cette passivité et je pense que le sens des responsabilités doit revenir auprès des principaux responsables du Liban.
16:18 J'irai très prochainement au Liban à l'amendement du président de la République pour faire passer ce message.
16:22 Vous parliez des pays arabes, vous aviez parlé aussi du Liban, il faut parler juste d'un autre pays, la Turquie.
16:27 Est-ce que vous diriez que la Turquie, là aussi nos intérêts convergent ?
16:31 La Turquie a pris position pour le Hamas, donc aujourd'hui ils ne sont pas dans cette logique-là.
16:36 Parce que quand on entend Recep Tayyip Erdogan, le président turc, il y a quelques semaines, se lancer dans une diatribe contre les Occidentaux.
16:46 Est-ce que vous voulez relancer une nouvelle croisade du croissant contre la croix ? À quoi il joue ?
16:51 Il faut lui demander. C'est-à-dire que le président Erdogan a l'habitude des vols de face et des déclarations tonitruantes en fonction des événements.
17:01 C'est d'abord de la politique intérieure ?
17:02 C'est souvent de la politique intérieure ou souvent des relations de politique extérieure qu'il veut développer.
17:09 Mais il est toujours membre de l'OTAN, à ma connaissance. Donc il est pour le Hamas, mais membre de l'OTAN.
17:13 C'est un allié fiable ?
17:15 C'est un allié fiable ?
17:17 Dans les déclarations, non.
17:18 Jean-Yves de Drian, vous êtes avec nous jusqu'à 9h sur France Info. On vous retrouve juste après le Fil Info 8h50. Maureen Swignard.
17:25 Les premières libérations pourraient intervenir dans les 24 prochaines heures. Israël valide un accord avec le Hamas pour obtenir la libération d'au moins 50 otages.
17:35 L'État hébreu accepte une accalmie dans les combats pendant 4 jours. Le Hamas parle de trêve humanitaire.
17:40 Sur France Info, l'ancien ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian estime qu'il s'agit d'une bonne nouvelle, mais d'y rester prudent tant que les libérations n'auront pas été réalisées.
17:49 Cet accord ne met pas fin à la guerre. Le Hamas dit garder la main sur la gâchette quand le Premier ministre israélien assure que son pays poursuivra ensuite sa guerre.
17:58 Ils sont un millier à être invités à l'Elysée ce soir. Des maires reçus par Emmanuel Macron.
18:03 Invitation alors que le président ne se rend pas au salon de l'Association des maires de France.
18:07 Le vice-président de l'AMF n'ira pas à l'Elysée. Il dénonce l'étouffement financier des communes.
18:13 Encore un retournement de situation. OpenAI annonce le retour de Sam Altman, son co-fondateur et ancien PDG qui a été remercié le week-end dernier.
18:22 Sam Altman, à l'origine du robot chat GPT, a pourtant annoncé son arrivée à Microsoft lundi.
18:37 Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des Affaires étrangères et représentant officiel du président de la République au Liban.
18:43 Avec ce qui se passe au Proche-Orient, le conflit ukrainien est complètement occulté. Il semblerait que la contre-offensive ukrainienne soit un échec.
18:51 Est-ce que vous dites ça y est, il est temps de négocier avec Vladimir Poutine ?
18:54 D'abord c'est une bonne aubaine pour Poutine. On ne parle plus de l'Ukraine, vous l'avez dit vous-même.
19:00 C'est une bonne aubaine au niveau médiatique, au niveau de la mobilisation internationale pour l'Ukraine, y compris au niveau de la mobilisation des Européens.
19:08 Et puis c'est aussi pour lui une bonne nouvelle dans la mesure où le soutien militaire qu'apportent les Américains en particulier,
19:17 mais les Européens aussi, et à Israël et à l'Ukraine, risque d'être un peu compliqué parce que les capacités militaires et les capacités disponibles sont quand même relativement limitées.
19:27 Ceci étant, le combat continue en Ukraine.
19:31 Mais les Européens et les Occidentaux ont les moyens de soutenir une guerre longue ?
19:35 Ça fait déjà deux ans, ça va faire deux ans. On va passer là maintenant à un nouvel hiver,
19:40 qui va à mon avis commencer assez rapidement puisque nous sommes dans une phase déjà de pré-glaciation.
19:49 Je ne suis pas aussi carré que vous sur le fait que la contre-offensive a échoué.
19:55 Là j'observe qu'il y a depuis quelques jours des actions militaires menées par les Ukrainiens sur le Niépre,
20:01 et qui leur a permis d'avancer de l'autre côté de la rivière.
20:04 Mais vous disiez pour conclure prochainement, il faut penser à la sortie de guerre. Est-ce qu'il n'est pas le temps ?
20:08 Oui, mais là il y a un problème de fatigue.
20:12 Et je pense que Poutine ne réfléchit qu'en fonction de l'échellence américaine.
20:17 Il faut se dire que l'année 2024 sera une année majeure en termes électoraux.
20:23 On va voter aux Etats-Unis, élection principale, on va aussi voter en Europe pour les élections européennes.
20:29 On va peut-être voter en Ukraine.
20:31 Ça veut dire quoi ?
20:32 Ça veut dire que la Russie considère que l'arrivée de Trump est possible,
20:38 et que si l'arrivée de Trump est au rendez-vous,
20:42 alors ils pourront discuter plus facilement avec les Américains,
20:46 pour obtenir davantage de ce qu'ils souhaitent en matière de négociations sur la crise ukrainienne.
20:51 Ça changerait complètement la donne ?
20:53 Aujourd'hui, la différence avec la situation antérieure, c'est que le temps joue pour la Russie.
20:59 D'autant plus que la Russie a beaucoup plus de profondeur stratégique,
21:03 il y a beaucoup plus de réserve démographique,
21:05 il y a beaucoup plus de réserve en termes de capacité d'une économie de guerre.
21:08 La Russie est aujourd'hui une économie de guerre.
21:10 Ils ont augmenté leurs dépenses militaires de 70%.
21:13 Donc c'est un pays qui ne fonctionne aujourd'hui que pour la guerre,
21:16 avec la force que ça représentait, avec les soutiens qu'ils peuvent avoir,
21:20 à la fois du côté de la Corée du Nord,
21:22 puisqu'on n'hésite pas à parler avec la Corée du Nord pour avoir des munitions,
21:26 à la fois de l'Iran que j'évoquais tout à l'heure.
21:28 C'est là que les deux crises se renouent et se conjuguent.
21:31 Et donc l'offensive ukrainienne a sans doute eu des limites.
21:37 J'observe cependant que concernant la mer Noire,
21:40 la force ukrainienne, grâce en particulier aux missiles qui ont été fournis
21:45 et par la France et par le Royaume-Uni,
21:48 leur permet de tenir la mer Noire
21:50 et donc d'avoir les corridors d'exportation de céréales qu'ils ont pu mettre en œuvre.
21:56 Ça c'est plutôt une bonne nouvelle.
21:58 La responsabilité des Européens sera majeure.
22:01 Est-ce qu'on va se laisser gagner par la fatigue ?
22:04 Est-ce que même on va se laisser gagner par un échec de Biden aux élections présidentielles américaines ?
22:10 Ou est-ce qu'on va considérer que l'Ukraine fait partie de nos enjeux prioritaires ?
22:16 Parce que c'est la démocratie, parce que c'est la proximité
22:20 et parce que l'Union européenne a validé le fait que l'Ukraine était candidate à l'Union européenne.
22:26 Donc il y a un grand enjeu pour la démocratie, très important.
22:29 C'est pour ça qu'il ne faut pas que l'Ukraine passe sous les radars.
22:32 L'une des images du jour, ce sera Vladimir Poutine qui fait son retour au G20 ce mercredi.
22:36 Alors c'est un retour à distance, il est toujours sous le coup d'un mandat d'arrêt de la CPI pour la déportation d'enfants ukrainiens en Russie.
22:41 Mais de retour quand même à distance pour ce sommet, c'est une victoire là aussi pour lui.
22:46 Il commence à sortir.
22:48 Mais vous le regrettez qu'il soit présent au G20 ?
22:50 Il est en visio, donc c'est pas la même chose.
22:55 Il est quand même en pénitence d'une certaine manière, puisqu'il ne peut pas venir physiquement.
23:00 Mais d'une autre manière, par rapport à ce que je vous ai dit tout à l'heure,
23:04 la Russie apparaît avec beaucoup plus d'arrogance maintenant que dans la situation que l'on connaissait au mois de juin au moment de l'affaire Prigogine.
23:11 Parce que le front est gelé.
23:14 Parce qu'on est dans une espèce de guerre de tranchées.
23:19 Et parce qu'il joue sur l'éphatique des opinions publiques.
23:23 Il n'a peut-être pas tort quand on voit aux Etats-Unis, là, en ce moment,
23:28 la difficulté qu'a l'administration Biden à faire passer au Congrès
23:32 les financements pour des capacités militaires apportées aux Ukrainiens.
23:36 Pour l'instant, c'est pas voté.
23:38 On voit bien qu'il y a là de la fatigue, et il ne faut pas se laisser aller à la fatigue sur cet enjeu.
23:42 - J'arrive le driller en Argentine à un nouveau président.
23:44 Il s'appelle Javier Milei, et son profil peut être décrit en quelques mots.
23:47 Complotiste, climato-sceptique, anti-avortement, pro-armes, fan de Donald Trump et de Jair Bolsonaro.
23:55 - Je ne sais pas si on peut aller jusqu'à là, parce que c'est vrai que c'est une grosse rupture.
23:59 Le personnage est quand même très tonitruant.
24:02 - C'est un compliment ou une critique dans votre gauche ?
24:05 - C'est une vraie critique, parce qu'on entend des propos sur le pape qui sont ahurissants.
24:11 On entend un langage très grossier de la part d'un chef d'Etat.
24:17 Et ceci dit, l'intéressé n'a pas de majorité.
24:20 On est plutôt dans un saut vers l'inconnu que vers l'émergence d'un petit Trump.
24:27 - C'est le signe de la fragilité des démocraties ?
24:30 - Pas uniquement.
24:32 On oublie qu'à côté, Lula a gagné.
24:35 On oublie en Europe que Tusk a gagné en Pologne.
24:38 Donc il ne faut pas être aussi dramatique que cela.
24:40 Il y a des ressorts, il y a des forces de la démocratie qui se manifestent,
24:43 comme ça s'est passé au Brésil et comme ça s'est passé en Pologne.
24:46 - On a juste une dernière question qui vous concerne, plus personnelle, votre rôle dans tout ça.
24:50 On vous écoute depuis tout à l'heure.
24:51 Vous êtes un simple émissaire, un super conseiller du président,
24:54 vous êtes un ministre des Affaires étrangères bis.
24:56 - Non, je suis envoyé par le président de la République comme son représentant au Liban.
25:02 J'assume cette tâche.
25:04 Par ailleurs, j'ai été ministre de la Défense et des Affaires étrangères pendant une durée longue.
25:09 Et donc au moment où le monde traverse les crises que l'on connaît,
25:13 que je parle de temps en temps, je pense que c'est utile.
25:16 - Merci beaucoup Jean-Yves Le Drian d'avoir été l'invité de France Info ce matin.

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