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Jérôme Bonet, préfet du Gard (30), invité de France Bleu Gard Lozère le 21 novembre 2023.

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00:00 Bonjour, merci d'être avec nous ce matin. On a évidemment beaucoup de questions à vous poser.
00:05 D'abord ce coup de filet entre un réseau de trafiquants hier à PIS20, est-ce que vous savez
00:09 qui sont ces gens interpellés ? Si ce sont les têtes de réseau, si ce sont des petits poissons ?
00:14 Ecoutez, moi je ne le sais pas parce que le dossier je n'y ai pas accès. Vous savez aussi
00:21 que j'ai une petite expérience en matière de police judiciaire et d'investigation et je vous
00:25 avoue qu'un travail qui dure depuis des mois, ce n'est pas fait pour ramener des petits poissons.
00:30 Bon, l'opération que vous avez faite hier, on sait que ça déstabilise les trafics,
00:34 mais pour combien de temps concrètement ?
00:35 Écoutez, le principe des trafics de stupéfiants, c'est une offre colossale qui rencontre une demande
00:42 colossale. C'est un marché. C'est pour ça d'ailleurs qu'il faut attaquer le trafic de
00:46 stupéfiants par les deux bouts, que ce soit l'usage ou que ce soit le trafic. Donc on sait
00:51 à chaque fois qu'on va déstabiliser ce marché et que ce marché va se reconstituer parce que
00:55 tant que l'offre et la demande sont là, cela va se reconstituer. Et c'est le but des forces de police,
01:01 c'est le but de la justice, c'est d'entraîner cette déstabilisation, que ce soit à Pisse 20,
01:06 que ce soit en France, que ce soit partout dans le monde. C'est l'idée d'insécuriser ces trafics,
01:10 de rendre le trafic de plus en plus compliqué, de saisir les avoirs criminels parce que c'est
01:14 une dimension extrêmement importante. On sait que, évidemment, ce trafic est fait pour gagner
01:18 de l'argent et que cet argent irrigue à la fois une économie grise, mais également une économie,
01:23 on va dire, un peu plus spectaculaire parfois pour les gros trafics. - Mais c'est un travail de scisif,
01:27 il faut sans cesse recommencer. - C'est le principe, vous savez, de l'engagement au service de l'État,
01:32 c'est sans arrêt. Le service public, c'est sans arrêt. Les enseignants qui sont dans les écoles,
01:37 c'est aussi le mythe de scisif que de chaque année reprendre des élèves et de les élever
01:42 d'un certain niveau. Donc moi je n'ai pas d'état d'âme vis-à-vis de ça. Je pense que prétendre
01:46 à l'éradication du trafic de stupéfiants, c'est quelque chose, c'est un peu une chimère. En
01:52 revanche, rendre la paix quelques mois, quelques semaines, peut-être quelques années aux habitants
01:57 de ces quartiers qui eux ne demandent qu'à vivre tranquillement, ça c'est un vrai objectif. - Alors
02:01 est-ce que ces interpellations ont un lien avec la mort de Fayed ? - Moi je ne peux pas établir ce
02:05 lien-là. Le seul lien que je puisse établir, c'est que manifestement la mort de Fayed s'inscrit
02:11 dans cette guerre entre trafiquants de stupéfiants et que l'opération qui a été conduite hier vise
02:16 à démanteler un trafic de stupéfiants. Donc on sait, on le voit dans d'autres villes, évidemment,
02:20 on a tous les exemples en tête. Il y a une violence exacerbée autour de ce marché,
02:25 autour de cette déstabilisation des équipes et des territoires qui donc entraîne, évidemment,
02:31 on a tous en tête que le petit Fayed est probablement, très très probablement,
02:35 une victime collatérale. - Huit suspects sont en détention provisoire, un autre sous contrôle
02:39 judiciaire, tous mis en examen depuis une série d'interpellations la semaine dernière,
02:43 principalement à Nîmes, mais vous venez d'en parler un petit peu à l'instant,
02:47 mais aussi donc ces interpellations à Marseille. Quels sont les liens aujourd'hui entre les
02:51 trafiquants de drogue à Nîmes et ceux de Marseille ? - Écoutez, moi je n'ai pas, encore une fois,
02:56 je suis désolé, mais je n'ai pas tous les éléments. Je me réfère à ce qu'a dit le procureur de la
03:01 République de Marseille, Nicolas Besson, quand il a fait sa conférence de presse, c'est que
03:05 manifestement apparaissent des liens entre des trafiquants nîmois et des trafiquants marseillais.
03:10 - C'est la DZ Mafia, comme on l'appelle ? - C'est ce qu'on appelle la DZ Mafia,
03:13 qui est un groupe criminel marseillais dont on parle beaucoup depuis le début de l'année.
03:16 Mais vous savez, aujourd'hui, le trafic de stupéfiants, c'est complètement,
03:19 si vous me permettez ce barbarisme, déterritorialisé. Parce que justement,
03:22 on cherche des marchés, un peu comme dans l'économie réelle, où finalement,
03:25 on arrive à voir des trafiquants qui peuvent traverser la France au service d'un nouveau
03:31 marché plus rentable. Et parfois aussi, vous avez des alliances, des alliances objectives
03:35 entre groupes criminels. Peut-être est-ce ce qui s'est passé pour reconquérir un territoire
03:40 ou un marché intéressant. - France Blogue à l'Auxérie,
03:43 il est presque 8h10, votre invité, Quentin, en direct, le préfet du Gard, Jérôme Monet.
03:47 - Vous dites que des trafiquants marseillais essayent de mettre la main sur des points
03:50 de deal à Animes. Le point de deal de PIS20, concrètement, il rapporte combien par jour ?
03:56 - D'après les enquêteurs, il peut rapporter, il pouvait rapporter jusqu'à 20 000 euros par jour.
04:02 C'est une estimation. J'imagine que c'est un marché qui est très inégal, d'un jour à l'autre.
04:09 - Dans un documentaire diffusé dimanche sur BFM, vous l'avez peut-être vu, un dealer témoigne
04:16 de manière anonyme. Je voudrais vous faire écouter ce qu'il dit sur le trafic de drogue à PIS20.
04:21 - C'est grâce à ça que le quartier est encore là. Sinon,
04:24 j'aurais plus de point de deal, comme vous dites, il n'y aurait plus de quartier.
04:28 - Vous entendez ce qu'il dit ? Sans trafic, plus de quartier. Il y a des dealers qui vivent
04:34 effectivement du trafic, mais il y a aussi des familles, Jérôme Bonnet. Est-ce qu'on sait
04:39 combien aujourd'hui de personnes vivent de ce trafic à PIS20 ?
04:43 - Non, c'est très difficile à dire. Permettez-moi juste de dire que ce qu'il dit est une ânerie.
04:48 Ce quartier ne vit pas grâce au trafic de stupéfiants. Ce trafic vit grâce aux 16 000
04:53 personnes qui y vivent, qui sont des honnêtes gens, qui essaient de travailler, qui essaient
04:57 d'y vivre, qui essaient d'aller à l'école, qui essayent de... C'est une absurdité totale.
05:01 Que cet argent du trafic de drogue vienne aider des familles, peut-être, c'est probable, c'est triste.
05:10 - Le quartier de PIS20 étant le cinquième quartier le plus pauvre de France.
05:13 - Exactement.
05:14 - Donc on peut le comprendre, mais ce qu'il faut peut-être savoir aussi,
05:18 c'est l'ampleur du phénomène dans ces quartiers-là.
05:21 - Oui, mais moi, hier encore, dans le quartier, j'étais interpellé par des gens qui me disaient
05:26 "Nous sommes des honnêtes gens, on essaie de bien élever nos enfants, on va travailler".
05:30 C'est ça l'objectif. Moi, l'idée que c'est une espèce de quartier qui serait totalement sous
05:38 perfusion du trafic de stupéfiants, un, je pense que c'est totalement faux, et puis surtout c'est
05:43 laisser l'illusion que tous les gens qui y vivent et qui y travaillent ne sont que des bénéficiaires
05:47 du trafic de stupéfiants. Je pense que c'est une ânerie, je suis désolé de le répéter, et surtout
05:52 c'est faire injure à tous ces gens-là. Et c'est pour ça qu'on se bat. Vous savez, hier, quand on
05:57 interpelle une vingtaine de voyous, c'est une vingtaine de voyous rapportés à 16 000 habitants.
06:02 La destination de ces voyous, c'est très probablement de répondre de leurs actes devant la
06:06 justice. - Le dealer qu'on a entendu tout à l'heure dans le documentaire, il explique qu'il est rentré
06:11 dans le trafic à l'âge de 13 ans. Est-ce qu'il n'y a pas là une responsabilité des parents ?
06:15 - Mais bien sûr. Mais c'est une responsabilité de toute façon collective, c'est une responsabilité
06:19 des parents. C'est un échec quand on a ce type d'itinéraire, c'est évidemment un échec, et qui
06:26 renvoie d'ailleurs à une approche qui n'est pas que sécuritaire, mais qui est une approche éducative,
06:29 qui est une approche sociale, qui est une approche liée à la mixité, qui est une approche liée à
06:34 l'environnement et au cadre de vie. Donc c'est pour ça qu'il faut à la fois être très humble vis-à-vis
06:39 de ces sujets. La réponse sécuritaire en est une, mais il y en a mille autres. - Vous dites donc
06:44 c'est une responsabilité collective des familles, de l'État, de l'éducation, mais aussi donc des
06:49 consommateurs. On en a parlé un tout petit peu. Est-ce que vous seriez peut-être pour légaliser
06:55 le cannabis en France pour assécher tous ces trafics ? - Ecoutez, être pour ou contre, vous
07:00 imaginez, c'est une posture qui relève d'une opinion politique que ma fonction ne me permet
07:06 pas d'exprimer. Néanmoins, mon expérience me démontre que le sujet de la légalisation, à mon
07:18 sens, ne réglera en rien le sujet du trafic. En rien ! - Donc il faut taper plus fort sur les
07:23 consommateurs ? - Moi j'en suis totalement convaincu. - Ils vont au drive tous les jours à
07:27 PIS 20 et les files de voitures sont assez longues. - Vous savez où est-ce qu'ils vont aussi à PIS 20 ?
07:33 Ils vont dans des commerces qui vendent des cigarettes, qui pour moi est un commerce quand
07:37 même légal. Donc ce que je veux dire, c'est que toute opportunité de gagner de l'argent de façon
07:42 illégale par des traficants crée ce marché et crée ce business. Donc pour moi, le sujet de la
07:48 légalisation n'a pas d'impact sur le trafic. - Ce que vous voulez dire c'est que le trafic, si
07:54 c'est pas celui du cannabis, ce serait d'autres trafics qui pourraient effectivement se déplacer.
07:59 Je voudrais qu'on parle d'un autre sujet maintenant, monsieur le préfet, des entreprises du BTP
08:03 contraintes de payer une société de gardiennage pour avoir la paix sur les chantiers. C'est le
08:09 cas en ce moment, par exemple au Claude Orville. C'est ce que raconte, écoutez bien, Pascal Lacosta,
08:14 le patron de la Fédération Française du bâtiment dans le Gard. - Les entreprises démarrent et puis
08:18 d'un seul coup vous avez des types qui débarquent et qui disent "si vous voulez continuer à travailler
08:21 dans des conditions normales, il faut casquer, il faut payer". Donc ça s'appelle effectivement du
08:25 racket. - C'est hallucinant ça. C'est qui ces gens qui se permettent de faire payer des entreprises
08:32 pour travailler ? - Ecoutez, moi je ne sais pas qui sont ces gens, comme vous dites. J'ai lu cette
08:37 information hier soir. Je pense que c'est vous qui l'avez sorti. Je me suis renseigné, je n'ai
08:43 pas connaissance de plainte. Donc ce que je veux dire par là, c'est que j'invite évidemment ces
08:48 entreprises à se précipiter dans les services de police. On va traiter le cas. Le phénomène ailleurs
08:54 sur le territoire du racket, de la pression qui est mise sur des chantiers dans certains quartiers,
09:00 c'est un phénomène qui a déjà été rencontré, c'est un phénomène qui se combat. Moi je n'ai pas
09:03 connaissance de plainte sur ce sujet. - Dans le Gard ? - Dans le Gard, là je n'en ai pas... En tout
09:08 cas, sur le cas qui a été évoqué dans votre information sur cette école, ce chantier sur
09:13 une école à Nîmes, je les invite à venir dès aujourd'hui déposer plainte, nous donner les
09:18 éléments. Je vous garantis que ce sera traité et je pense que la procureure de la République
09:21 pensera la même chose que moi. - Je crois que vous devez les rencontrer d'ailleurs demain.
09:25 - Bien sûr, oui. - Pour en parler avec eux. Une dernière question, Jérôme Bonnet. La France fait
09:29 face à une flambée d'actes antisémites depuis le 7 octobre et l'attaque terroriste du Hamas
09:34 contre Israël. Plus de 1500 depuis le 7 octobre. Vous en avez recensé combien au total dans le Gard ?
09:39 - Je n'ai pas le chiffre exact en tête. J'étais à un petit peu moins d'une dizaine sur des actes
09:46 que je qualifierais de plutôt légers, même si je ne sais pas s'il y a des actes légers en la
09:50 matière. Mais on est essentiellement sur des inscriptions que j'ai trouvées jusqu'à présent
09:55 peu nombreuses et je m'en réjouis que notre département, et je suis en relation avec les
09:59 communautés religieuses qui ont d'ailleurs une vraie action collective pour lutter contre ces
10:04 phénomènes, et je trouve que jusque là notre département a plutôt été épargné et c'est
10:08 plutôt rassurant. - Il y a eu quand même l'affaire de l'imam de Bocquer. - On a eu cette affaire de
10:13 l'imam de Bocquer et là où en revanche on a un champ de désinhibition totale vis-à-vis de toute,
10:18 d'ailleurs de toute haine et notamment de l'antisémitisme, ça reste le champ des réseaux
10:22 sociaux. Et ce qui a été l'effet qui sont reprochés à l'imam de Bocquer concerne effectivement des
10:27 propos tenus sur les réseaux sociaux. - Jérôme Bonnet, préfet du Gard, merci beaucoup d'avoir
10:31 été avec nous ce matin pour votre première dans les studios de France Bleu, Garloser, merci à vous.

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