• l’année dernière
Joël Guerriau, sénateur "Les Indépendants" de Loire-Atlantique, a été placé en garde à vue, soupçonné d'avoir drogué à son insu Sandrine Josso, députée MoDem du même département. Des analyses ont permis de confirmer la présence d'ecstasy dans son organisme et de la drogue a été trouvée au domicile du sénateur au cours d'une perquisition.

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Transcription
00:00 quand vous avez entendu parler de cette nouvelle affaire,
00:03 on rappelle que Joël Guéreo est à ce stade présumé innocent,
00:08 mais quand vous avez entendu parler de cette nouvelle affaire,
00:10 que vous vous êtes dit, qu'avez-vous ressenti surtout ?
00:12 Bonsoir à tous.
00:15 Alors effectivement, j'ai un sentiment de déjà vu,
00:17 d'un scénario qu'hélas, je connaissais bien
00:21 et j'ai une pensée pour la victime et une admiration pour sa réaction
00:27 parce qu'effectivement, les cas de soumission chimique,
00:30 vous en parliez, sont hélas fréquents
00:32 et c'est à la fois une trahison, une surprise
00:36 et c'est vraiment un moment douloureux,
00:41 ça refait vivre des moments difficiles,
00:43 mais ça remotive aussi à témoigner et à se dire que finalement,
00:48 le combat et ce combat des femmes, il faut qu'on le mène collectivement.
00:51 Ce dont vous avez été victime, vous, c'est récent, n'est-ce pas ?
00:57 C'est un peu plus de 18 mois maintenant,
00:59 c'était pratiquement deux ans,
01:02 donc c'était une soirée chez mon directeur à l'époque,
01:07 que je connaissais depuis que j'étais petite,
01:10 donc ça mêle les sphères professionnelles et les sphères privées,
01:14 chez qui j'étais allée, on va dire, en confiance
01:17 et effectivement, au bout d'un demi-verre à l'apéritif,
01:23 j'ai eu effectivement toutes ces sensations physiques,
01:26 de cœur qui bat très vite, sensation de bouche et de chaleur,
01:29 les murs qui se sont mis à bouger,
01:31 et une forme de surprise en se disant "mais qu'est-ce qui se passe,
01:36 qu'est-ce qui m'arrive ?"
01:38 et il a fallu de longues minutes pour que j'aie le courage de me lever
01:44 et de réussir à partir en fait,
01:45 parce qu'à la fois on est physiquement très mal
01:49 et en même temps on a l'instinct de survie qui est là,
01:53 mais notamment, surtout parce que moi j'avais eu en plus une forte dose,
01:57 mais il faut pouvoir se relever et quitter l'endroit,
02:00 et trouver ensuite des recours et des secours,
02:04 donc moi j'ai eu la chance d'être accompagnée par des amis,
02:08 par téléphone cette nuit-là,
02:10 mon premier réflexe a été de me rendre à l'hôpital pour faire un diagnostic
02:14 et pour savoir en fait, être sûre que j'étais d'abord en bonne santé,
02:20 parce que le rythme cardiaque était tel et j'étais vraiment pas bien,
02:24 donc assurer que ma santé n'était pas trop atteinte,
02:28 et puis découvrir la vérité et pouvoir faire les analyses,
02:31 mais il faut savoir qu'en cas de soumission chimique il faut réagir très vite,
02:35 parce qu'il y a des drogues qui restent très peu de temps dans le sang,
02:38 et ensuite il faut pouvoir être accueilli,
02:40 c'est-à-dire qu'à l'hôpital la première réaction,
02:42 j'ai été parfaitement accueillie et assez rapidement…
02:46 – Est-ce que vous avez eu le sentiment en arrivant à l'hôpital
02:47 qu'ils avaient saisi ce dont vous veniez potentiellement d'être victime,
02:53 à savoir la soumission chimique,
02:55 qui est quelque chose de très particulier, très précis ?
03:00 – Ils ont vite compris, ils ont fait les premiers examens,
03:03 les cardiaques, les pupilles dilatées,
03:04 ils ont pris acte d'un certain nombre de symptômes,
03:07 en revanche à l'hôpital ils ne pouvaient pas faire les analyses,
03:10 parce que pour faire les analyses il faut d'abord passer par la case du commissariat,
03:15 et porter plainte,
03:16 parce qu'il faut qu'un juge décide,
03:19 qu'il y ait une décision pour aller plus loin en termes de… pour les analyses.
03:23 Ce qui fait qu'en fait à l'hôpital, à part me dire que,
03:25 effectivement j'avais beaucoup, beaucoup de signes,
03:28 ils n'aurient rien pu me dire d'autre que d'aller dans un commissariat,
03:32 et c'est pour ça que vers 1h du matin j'ai pris un taxi,
03:36 j'ai cherché un commissariat ouvert,
03:38 et je me suis rendue dans un commissariat qui a pris ma plainte,
03:42 et qui a plutôt bien réagi,
03:45 c'est-à-dire qu'ils m'ont accompagnée directement à l'hôtel lieu
03:47 pour pouvoir faire les analyses,
03:48 les analyses ont été faites immédiatement,
03:51 de fortes doses de MDMA avaient été trouvées,
03:55 mais voilà, donc c'est vraiment le parcours hôpital, commissariat,
03:59 analyses, dépôt de plainte,
04:01 et ensuite l'enquête peut commencer,
04:05 et c'est des enquêtes compliquées.
04:07 – Votre agresseur, il a depuis été condamné à un an de prison avec sursis,
04:14 pour les faits qu'il a commis sur vous,
04:19 la justice est passée en quelque sorte,
04:22 le traumatisme j'imagine que vous avez ressenti,
04:25 et que vous ressentez encore, lui, est bien présent,
04:28 et j'imagine que pour plusieurs raisons,
04:31 ce que vous avez vécu ressurgit peut-être aujourd'hui d'une autre manière,
04:35 je ne sais pas, expliquez-nous justement
04:38 comment vous vous sentez quasiment deux ans après.
04:41 – Effectivement, je ne veux pas dire qu'on est victime au long cours,
04:45 mais c'est quelque chose qui forcément reste,
04:48 avec un combat judiciaire qui a été compliqué,
04:50 parce que les faits n'avaient pas été justement qualifiés
04:53 au début de l'enquête,
04:54 c'est-à-dire que l'intention sexuelle n'avait d'abord pas été retenue,
04:57 comme si la MDMA pouvait être administrée sans avoir d'autres intentions,
05:03 ce que je conteste, et par rapport à notre faim.
05:06 La MDMA est quand même une drogue, autant que le GHB,
05:10 qui peut être considérée aussi comme une drogue du violeur,
05:12 donc il y a eu un long combat judiciaire
05:13 pour que les faits soient reconnus et justement qualifiés,
05:16 donc ça, ça a été une première épreuve,
05:19 obtenir cette reconnaissance,
05:22 et ensuite c'est une longue reconstruction,
05:26 avec des impacts forcément familiaux, bien évidemment,
05:29 mais aussi professionnels,
05:31 c'est-à-dire qu'après avoir porté plainte contre son directeur,
05:38 bien évidemment j'ai quitté mon emploi,
05:42 et après c'est 18 mois d'inactivité,
05:44 c'est-à-dire quasiment plus de 9 mois de chômage,
05:47 des entretiens qui s'enchaînent,
05:49 et où le fait d'avoir dénoncé son directeur général à une époque
05:55 n'est pas sans poser un certain nombre de questions aux recruteurs,
05:58 c'est-à-dire qu'aujourd'hui la société…
06:00 Alors on encourage la libération de la parole des femmes,
06:03 je l'encourage moi-même,
06:04 et vraiment je suis d'une profonde admiration
06:07 pour toutes celles qui osent prendre la parole et qui osent parler,
06:11 mais dans les faits et dans la continuité,
06:13 le soutien il n'est pas forcément là,
06:15 c'est-à-dire qu'après un entretien où j'avais été classée deuxième,
06:19 ce qui arrive, c'est les difficultés de la recherche d'emploi,
06:23 dans un débrief que j'avais demandé aux recruteurs,
06:25 la personne m'a dit "oui, votre histoire peut faire peur,
06:28 il peut y avoir aussi un peu un sentiment de miroir psychanalytique",
06:32 et je me suis dit "ok, aujourd'hui",
06:35 et encore une fois, c'est difficile de porter plainte,
06:40 c'est une épreuve, mais c'est une épreuve aussi dans la durée,
06:43 parce qu'il y a des impacts et des conséquences qui durent,
06:46 donc aujourd'hui j'y retrouve un rapport,
06:48 mais c'est une chaîne de solidarité un peu longue à mettre en place,
06:53 pour y parvenir.

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