• l’année dernière
Agathe Morel est avocate au barreau de Paris, spécialisée en protection de l’enfance. Ensemble, nous avons évoqué le principe de précaution, un principe non opposé à la prescription, mais qui pourrait protéger nos enfants, le temps d’un enquête pour violences incestueuses.

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Transcription
00:00 Il arrive qu'à partir du moment où le père en question ne fait pas l'objet d'une condamnation,
00:05 il ne soit toujours pas éloigné.
00:06 Il n'y a pas d'application du principe de précaution.
00:09 On sait qu'il y a des fausses affirmations, qu'il y a des allégations non fondées,
00:14 mais elles représentent moins de 5%.
00:16 Une plainte ne suffit pas aux yeux de la justice pour considérer que le père qui est mis en
00:22 cause doit être éloigné de son enfant.
00:24 Agathe Morel, je suis avocate au Barreau de Paris.
00:28 J'exerce depuis 22 ans et je suis spécialisée en protection de l'enfance.
00:32 Donc lorsqu'une plainte est déposée par un des parents contre l'autre, le plus souvent
00:37 c'est par la mère contre le père ou le beau-père.
00:40 98% des agresseurs sont des hommes.
00:43 Dans ces cas-là, l'enquête ne suit pas toujours le même chemin.
00:47 Donc soit vous allez avoir une enquête préliminaire avec l'audition notamment de l'entourage
00:53 de la personne mise en cause et à la fin seulement son placement en garde à vue.
00:57 Peut-être après une instruction.
00:59 Ou alors ça va se faire dans le sens inverse.
01:01 C'est-à-dire qu'on va commencer par entendre la personne mise en cause et ensuite il va
01:05 y avoir une enquête qui va se prolonger.
01:08 Admettons qu'il n'y ait pas de séparation du couple, l'enfant n'est pas forcément
01:12 éloigné si c'est le papa qui est visé par l'enquête du père.
01:17 Dans le cas d'une séparation, les enquêtes démarrent une fois la séparation actée,
01:23 tout simplement parce que l'enfant commence à parler quand il est en sécurité psychique.
01:28 Et il est en sécurité psychique quand il est éloigné de l'agresseur.
01:31 Si vous avez une condamnation, dans le cadre de la condamnation, l'éloignement va aller
01:35 de soi.
01:36 Dans le cadre d'une simple enquête, on considère que n'importe qui peut déposer plainte
01:41 sur n'importe quel fondement.
01:43 Une plainte seule ne suffit pas.
01:45 Il faut qu'il y ait des éléments qui viennent corroborer la version de l'enfant relayé
01:49 par la maman pour éloigner le papa.
01:51 Ça prend du temps.
01:52 Et même une fois qu'on a cela, il arrive qu'à partir du moment où le père en question
01:57 ne fait pas l'objet d'une condamnation, il ne soit toujours pas éloigné.
02:01 C'est-à-dire qu'en fait, il n'y a pas d'application du principe de précaution.
02:05 On sait qu'il y a des fausses affirmations, des allégations non fondées, mais elles
02:10 représentent moins de 5% au quotidien.
02:13 Ce n'est pas forcément pris en considération, mais en revanche, va être interprété comme
02:18 la manipulation par la maman de la parole de cet enfant.
02:21 Alors même qu'on connaît les statistiques.
02:23 Je pense qu'il faut inverser l'approche.
02:25 Évidemment qu'il faut conserver la présomption d'innocence, mais il ne faut pas opposer
02:29 les principes.
02:30 Ce n'est pas parce qu'il y a présomption d'innocence qu'on ne doit pas être précautionneux
02:33 sur la prise en charge de cet enfant.
02:35 Et on doit se dire qu'à priori, il y a 95% de chances qu'ils nous disent la vérité
02:40 et l'aborder comme cela.
02:41 Après, c'est à l'enquête.
02:42 Il va y avoir des expertises psychologiques, il peut y avoir une confrontation, il peut
02:47 y avoir des messages qu'on va retrouver dans un téléphone, parfois des photos, des vidéos.
02:51 Donc il y a tout un travail d'enquête à mener.
02:53 Mais si déjà on écoutait l'enfant, c'est-à-dire que même quand il nous révèle des choses,
02:58 on l'interprète comme le fruit de la manipulation de la mère.
03:01 Évidemment qu'il y a un temps d'enquête.
03:04 Il va se passer un minimum de 6 mois, un an, voire peut-être plus.
03:08 Et qu'est-ce qu'on fait de l'enfant pendant ce temps-là ?
03:10 On a des solutions pragmatiques très simples de protéger l'enfant en le confiant exclusivement
03:16 à la maman, en lui confiant exclusivement l'exercice de l'autorité parentale, parce
03:20 que l'exercice conjoint de l'autorité parentale, ça peut être utilisé par un père un peu
03:25 de mauvaise foi comme un outil de contrôle.
03:27 Peut-être à des pédopsychologues de nous le dire qu'il faut complètement éloigner
03:31 le papa de son enfant le temps de l'enquête.
03:34 Ou est-ce qu'on prévoit des rencontres en lieu neutre avec des professionnels pour s'assurer
03:38 que rien ne se passe, mais pour maintenir le lien.
03:41 La situation de l'enfant ne change pas vis-à-vis de son agresseur.
03:45 Si c'est son père qui a des droits, il est avec sa maman, il doit aller voir son père
03:51 un week-end sur deux, il continue à aller voir son père.
03:53 Si la mère ne le fait pas, elle risque une plainte pendant présentation d'enfant, donc
03:58 d'être elle jugée par un tribunal correctionnel, et dans le pire des cas, lorsqu'on considère
04:03 qu'elle ne respecte pas la décision de justice, elle risque même de perdre la garde.
04:07 Donc on n'est pas du tout dans le principe de précaution qui est préconisé par la civise.
04:12 C'est-à-dire que dans le doute, on remet l'enfant à l'agresseur.
04:17 Ce principe de précaution, il est très simple, il est de renverser l'approche.
04:22 Donc on va d'abord croire l'enfant, on a un certain temps d'enquête, le temps de l'enquête,
04:28 cet enfant nous a fait des révélations graves qui mettent en cause l'autre parent, on le
04:32 maintient chez la maman, le temps de l'enquête, et selon ce que l'enquête nous dit, on voit
04:36 ce qui se passe.
04:37 Moi je conseille à tout le monde de se faire entourer de professionnels.
04:41 Parce qu'en se faisant entourer de professionnels, il y a deux avantages.
04:44 Le premier c'est de dire, vous voyez bien que ce n'est pas de la manipulation puisque
04:48 tout de suite, le parent protecteur s'est fait entourer de professionnels.
04:52 Et le deuxième avantage c'est que ces professionnels, notamment lorsqu'il s'agit de pédopsychiatres,
04:58 peuvent eux-mêmes faire des signalements.
04:59 Et ne serait-ce que parce que c'est aussi un soutien psychologique et que ça va consolider
05:04 le dossier et le rendre le plus objectif possible.
05:08 Un cheval de bataille c'est la prévention.
05:10 Si on leur explique dès le plus jeune âge que leur corps leur appartient, ils savent
05:15 eux que potentiellement ce que leur fait leur agresseur c'est interdit.
05:19 Dans le meilleur des cas, ils le disent parce qu'ils disent "t'as pas le droit de faire
05:22 ça".
05:23 Et dans "le pire des cas", ils en parlent.
05:26 Et donc ils peuvent se protéger ou dénoncer même si le mal est fait.
05:30 Et la clé pour moi, elle est là.
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