« Ma petite soeur vit toujours chez son agresseur » | Parents Sans Filtre

  • l’année dernière
Aujourd'hui en France, 3 enfants sur 30 sont victimes d'inceste, mais la parole d'un enfant ne suffit toujours pas à condamner son agresseur. Sans appliquer un principe de précaution, la personne incestueuse qui a un droit de garde peut toujours accueillir l'enfant, le temps d'une enquête de 6 mois à 1 an et demi.

Pour rappel, 36% des plaintes pour viols incestueux sont classés sans suite, alors qu'on estime les fausses affirmations à moins de 5%.

Ce témoignage anonyme en est la preuve.
Transcription
00:00 Elle pleure, elle n'a pas envie d'y aller.
00:01 Elle exprime clairement qu'elle ne veut pas aller chez lui,
00:03 qu'elle aimerait qu'il y ait des caméras chez lui
00:05 pour que les policiers voient ce qui se passe.
00:07 C'est compliqué, quand elle part chez son père,
00:09 ma mère, elle est en apnée, en fait.
00:11 Elle attend qu'une chose, c'est que ma petite sœur revienne.
00:13 Alors, ma mère a rencontré mon ex-beau-père en 2009.
00:17 En 2012, ils se sont mariés.
00:19 Et en 2015, ils ont eu ma petite sœur.
00:21 Alors, on s'est rendu compte que ma petite sœur
00:23 pouvait être victime d'inceste suite à sa parole,
00:26 qui a été libérée à la suite du départ de mon ex-beau-père.
00:29 Donc, c'était le 23 avril 2019.
00:31 On a découvert un ancien téléphone à lui
00:34 dans le garage de notre maison,
00:36 et sur lequel on a découvert, en fait,
00:38 qu'il avait des échanges avec des hommes, avec des femmes.
00:41 Il envoyait des photos de mes culottes
00:43 qu'il allait chercher dans mon linge sale.
00:44 Et il tenait des propos sexuels sur moi,
00:46 alors que j'étais mineure, j'avais 16 ans à peu près.
00:49 Il disait "elle mouille bien, elle est chaude comme la braise,
00:52 elle cherche à se faire baiser",
00:54 voilà, des termes assez salaces et dégueulasses.
00:58 Donc, j'ai pu déposer une main courante
01:00 pour captation et diffusion d'images pédopornographiques.
01:03 Donc, ma mère lui a dit qu'elle était au courant de tout,
01:04 qu'elle avait tout vu, tout trouvé.
01:06 Sa première réaction, c'est d'avoir dit "je suis fou, je suis foutue,
01:11 je suis désolée", et il est parti.
01:14 Et suite à son départ, ma petite sœur a retrouvé un comportement normal.
01:17 À l'époque, elle avait 3 ans et demi,
01:19 qui avait très peur des adultes.
01:20 Elle était très, très timide.
01:22 Elle refusait que son père lui donne le bain,
01:24 qu'il l'accompagne aux toilettes, qu'il l'habille.
01:26 Tout ce qui se rapportait au corps, elle ne voulait pas que ce soit son père.
01:29 En fait, sa parole s'est libérée un soir,
01:31 où elle nous a dit qu'en fait, son papa,
01:32 le week-end, quand on n'était pas là, qu'on était à Paris,
01:34 il jouait avec son zizi devant elle.
01:35 Moi, ma première réaction, c'est de lui avoir demandé
01:37 "mais à quoi ça ressemble ?"
01:39 Parce que bon, quand ils sont petits,
01:40 des fois, ils n'ont pas forcément les bons termes.
01:41 Et elle m'a dit "ça ressemble à une carotte".
01:43 Et en fait, elle a clairement décrit
01:46 des attouchements sexuels qu'elle avait subis de la part de son père,
01:49 plus de l'exhibition, à savoir, elle disait que son père
01:52 faisait pipi sur son tapis blanc dans sa chambre,
01:54 qu'il jouait avec son zizi, qu'il lui faisait des guillis aux fesses,
01:56 qu'au début, ça faisait des guillis, après, ça faisait bobo.
01:58 Elle lui demandait d'arrêter, il continuait.
02:00 Elle disait aussi, et ça, du coup, ça rejoint
02:03 ce qu'on a pu découvrir dans ces échanges qu'il avait avec d'autres hommes,
02:06 que son doudou avait peur parce qu'il voyait des gens tout nus à la maison.
02:09 Ma mère a pris la décision de prendre rendez-vous
02:11 avec le pédiatre de ma petite sœur.
02:13 Donc, il a fait un signalement au parquet de notre ville où on habitait avant.
02:16 Et une enquête pénale a été ouverte.
02:18 Et en parallèle, donc c'est deux procédures bien distinctes,
02:21 ma mère a demandé le divorce.
02:22 Donc, on a eu une audience de...
02:24 Enfin, ma mère a eu une audience de non-conciliation
02:26 devant le juge des affaires familiales,
02:28 sauf que l'enquête pénale n'était pas encore aboutie.
02:31 Il n'y avait pas assez de documents,
02:32 il n'y avait pas eu encore la garde à vue de monsieur
02:34 ni la perquisition à son domicile.
02:37 Donc, la juge a statué d'un droit de visite et d'hébergement classique,
02:40 donc à savoir un week-end sur deux, la moitié des vacances.
02:42 Et donc, ma maman ne l'a pas fait,
02:44 n'a pas respecté ce premier jugement.
02:45 Pendant à peu près six à neuf mois,
02:47 elle n'a pas remis ma sœur à cet individu
02:49 et donc elle a eu un rappel à la loi.
02:51 Alors, malgré toutes les preuves qu'on peut avoir,
02:54 malgré qu'il ait été placé sous statut de témoin assisté
02:56 pour corruption et agression sur mineurs de moins de 15 ans,
03:00 monsieur a toujours eu la garde,
03:02 un week-end sur deux, la moitié des vacances.
03:04 Donc, en fait, conclusion, en France,
03:08 on peut briser le silence,
03:09 mais en fait, après, on brise un petit peu les enfants
03:11 parce qu'on ne les écoute pas, on ne les croit pas,
03:13 on remet tout le temps en question la parole d'un enfant
03:17 et on le remet à son agresseur.
03:18 Alors, aujourd'hui, ma petite sœur, elle a sept ans et demi,
03:21 elle va bientôt sur huit ans.
03:22 Elle exprime clairement qu'elle ne veut pas aller chez lui,
03:24 qu'elle aimerait qu'il y ait des caméras chez lui
03:27 pour que les policiers voient ce qui se passe.
03:29 Elle fait de l'eczéma.
03:30 Donc ça, elle en a fait depuis toute petite,
03:32 mais dès qu'elle va chez lui, elle reprend, en fait...
03:34 Elle a des traces d'eczéma partout.
03:36 Et dès qu'elle revient chez ma maman, ça se calme.
03:38 Du stress, elle pleure, elle n'a pas envie d'y aller.
03:42 C'est compliqué, quand elle part chez son père.
03:44 Ma mère, elle est en apnée, en fait.
03:45 Elle attend qu'une chose, c'est que ma petite sœur revienne.
03:47 Moi également, on est toujours inquiète
03:49 et on a peur, en fait, aussi,
03:50 que ma sœur ne nous exprime plus, en fait, ce qui se passe là-bas.
03:53 Elle se terre dans un mutisme
03:55 et c'est parce qu'eux aussi, on ne l'a pas forcément écoutée,
03:57 le juge ne l'a pas écoutée.
03:58 Mais voilà, un enfant, quand on ne le croit pas une première fois,
04:01 après, c'est fini.
04:02 L'enfant, il ne parle plus, il n'a plus confiance
04:05 parce qu'elle ne nous a pas réexprimé des choses
04:07 qui auraient pu se passer.
04:08 Pourtant, on lui a demandé,
04:09 mais elle essaie d'esquiver un petit peu le sujet,
04:14 elle ne veut pas rentrer dans les détails, elle ne veut pas en parler.
04:16 Ma petite sœur a vu une psychologue
04:18 à qui elle a confié énormément de choses.
04:20 Ça a été très compliqué de la mettre en confiance,
04:21 mais au bout d'un moment, la psychologue a réussi
04:23 et jusqu'au moment où la psychologue, en fait,
04:25 a répété ce qu'avait dit ma petite sœur à son père
04:28 et son père a dit à ma petite sœur,
04:29 "Tu te tais, tu ne racontes rien à cette dame."
04:31 Et donc, ma petite sœur ne voulait plus aller chez cette psychologue.
04:35 En fin 2022, on a eu le verdict par rapport à l'enquête pénale
04:40 qui était allant contre mon ex-beau-père
04:42 pour corruption et agression sexuelle sur mineurs de moins de 15 ans.
04:47 Il y a eu un non-lieu.
04:49 Ma maman a fait appel et il y a eu une confirmation de non-lieu
04:52 et donc, dans le petit document du juge,
04:55 il y a écrit qu'il y a des faits troublants, en effet,
04:58 mais que ça ne permet pas d'inculper mon ex-beau-père.
05:01 Le problème aussi dans la justice française,
05:03 c'est que les juridictions, elles ne communiquent pas entre elles,
05:05 à savoir que la partie civile et la partie pénale,
05:08 elles ne rentrent pas en contact.
05:09 Donc, ça veut dire, concrètement, un juge des affaires familiales
05:14 peut statuer un droit de visite et d'hébergement classique
05:16 pour un des deux parents sans consulter un dossier pénal
05:19 qui, pourtant, dans ce dossier, pourrait très bien expliquer
05:22 que le père ou la mère a eu des faits incestueux envers son enfant.
05:26 Il devrait y avoir un principe de précaution.
05:27 L'enfant ne doit plus aller chez l'individu.
05:29 S'il souhaite le voir, il le voit dans un lieu neutre,
05:32 mais il ne va plus chez l'agresseur.
05:34 Ce n'est pas possible.
05:34 Sous-titrage ST' 501
05:37 [Musique]

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