Futur traité international contre la pollution plastique : reprise des négociations à Nairobi (Kenya), au siège du Programme des Nations unies pour l'Environnement : Sabine Roux de Bézieux présidente de la Fondation de la Mer est l'invitée de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-13-novembre-2023-2016259
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00:00 21h des déchets plastiques, on en trouve partout au fond des océans, au sommet des montagnes.
00:04 Le plastique est aussi en partie responsable du réchauffement climatique parce que le plastique,
00:09 c'est du pétrole, d'où la nécessité de réduire notre dépendance à cette matière.
00:13 C'est pour cela que 175 pays se retrouvent cette semaine au Kenya.
00:17 Il y a aussi des industriels de la pétrochimie.
00:19 Le but est d'élaborer un traité international pour mettre fin aux déchets plastiques.
00:23 Bonjour Sabine Roux de Bézieux.
00:24 Bonjour Mathilde Muñoz.
00:25 Vous êtes présidente de la Fondation de la Mer et à ce titre, vous êtes observatrice
00:29 avertie de ces négociations.
00:31 Là, on est à Mi Parcours, c'est la troisième séance de discussion.
00:34 Il y en a encore deux autres prévues l'an prochain.
00:36 Jusqu'à présent, il a beaucoup été question d'organisation, par exemple qui se charge
00:41 d'écrire le texte, etc.
00:42 Là, on va entrer dans le vif du sujet, dans les objectifs précis.
00:46 Il était temps, au mois de juin à Paris, lors de la deuxième session, nous avons passé
00:50 trois jours sur la semaine entière à parler de ce qui était autour du traité.
00:56 Cette semaine, à Nairobi au Kenya, nous allons rentrer dans le cœur du sujet, c'est-à-dire
01:02 le plastique dans tout son cycle de vie, de sa production jusqu'à la gestion de sa
01:06 fin de vie pour lutter contre la pollution plastique.
01:09 C'est quoi d'ailleurs l'objectif de ce traité ? Est-ce qu'il a été fixé au moins ?
01:12 Il est fixé de façon très claire par la résolution de l'ONU de mars 2022 qui est
01:17 de lutter contre la pollution de plastique, notamment dans les milieux marins.
01:20 Mais on ne dit pas s'il s'agit d'améliorer le recyclage des déchets ou de produire moins ?
01:25 On ne donne pas d'objectif de ce type-là.
01:28 En revanche, il est bien précisé que le traité doit s'attaquer à l'ensemble du cycle de vie.
01:33 Et on voit bien aujourd'hui cet nombre de pays qui s'intéressent, qui parlent de pollution
01:38 en disant finalement que c'est les pays en développement qui polluent.
01:40 Et donc la question n'est pas en amont, c'est-à-dire au niveau de la production.
01:44 Mais nous, à la Fondation de la Mer, comme beaucoup d'acteurs, sommes convaincus que
01:47 la solution se trouve en amont du cycle de vie du plastique, c'est-à-dire dans la production et la consommation.
01:54 Donc ce traité, il faut qu'il écrive noir sur blanc qu'il faut réduire la production,
01:59 sinon ce sera un échec pour vous ?
02:00 Vous savez, depuis les années 60, la population mondiale a été multipliée par deux,
02:05 la consommation de plastique par 40.
02:08 Donc si on n'arrête pas cette courbe insensée, les prévisions de l'OCDE nous disent qu'en 2050,
02:16 nous fabriquerons 1,2 milliard de tonnes de plastique par an.
02:21 Du plastique que nous savons à peu près recycler en Europe, même si on a des déchets partout dans la nature.
02:28 Tous ceux qui se promènent dans la nature le voient bien.
02:30 On en recycle moins de 10% je crois.
02:32 Au niveau mondial, on recycle 9% de la production de plastique.
02:36 Il y en a 22% qui finissent dans la nature.
02:38 Donc si on augmente les courbes, les quantités qui vont terminer dans la nature,
02:42 pas uniquement en Europe mais surtout mondialement, sont délirantes.
02:45 Et il y a du plastique qui n'est pas recyclable en plus.
02:47 Il y a ça aussi. Il y a 45 000 types de plastique qui existent.
02:51 Donc on sait recycler le PET, nos bouteilles en plastique, mais pas le reste.
02:54 Et aujourd'hui, qui freine dans ces négociations pour les traités ?
02:58 Est-ce qu'il y a des pays qui aimeraient le service minimum dans le contenu de l'accord ?
03:04 Il y a deux types de pays qui ont beaucoup à perdre.
03:06 Les pays producteurs de plastique, je pense en particulier à l'Arabie Saoudite
03:10 qui avait largement participé au blocage et à la discussion au mois de juin.
03:15 Et puis des pays qui ont fondé leur mode de vie sur le plastique, et là je pense aux Etats-Unis.
03:20 Les Américains consomment par habitant et par an quatre fois plus de plastique
03:24 que l'habitant moyen de la planète.
03:25 C'est-à-dire que dans le monde, on consomme 60 kg par an et par habitant.
03:30 Nous en Europe, 120 kg et les Américains, 240 kg.
03:33 Donc sans les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite, cet accord n'aura pas de sens ?
03:37 Alors c'est justement les négociations qui ont lieu cette semaine.
03:40 Ils cherchent tous à mettre l'accent sur l'aval, la pollution plastique,
03:45 et surtout pour les Américains, à avoir un traité avec des objectifs nationaux,
03:50 mais pas un traité avec des obligations fortes pour l'ensemble des pays de la planète.
03:54 Et quelle est la position de la France ?
03:56 La France, c'est partie des pays qui ont rejoint une coalition à haute ambition,
04:02 lancée d'ailleurs par le Rwanda, qui était un des premiers pays au monde à interdire les sacs plastiques.
04:06 Le Kenya aussi, il y a quelques années, d'ailleurs cette semaine,
04:11 qui a une énorme pollution plastique et qui a pris l'interdiction des sacs en plastique il y a déjà 5 ans.
04:15 Et donc la France a une position assez ambitieuse.
04:19 Il y a d'abord eu en 2017 la loi AGEC pour lutter pour l'économie circulaire,
04:23 qui a été suivie d'une directive européenne.
04:26 Donc la France a influencé l'Europe.
04:28 Et aujourd'hui, l'ambition est très élevée.
04:30 Les négociateurs français, on a été réunis tous la semaine dernière par Christophe Béchut,
04:35 le ministre de la Transition écologique,
04:37 qui lui est favorable à une baisse carrément de la production.
04:39 Bien sûr, il a écouté les observateurs, dont vous, la Fondation de la Mer,
04:45 pour connaître notre position.
04:47 Et il prend sur lui nos recommandations, à commencer par la baisse de production et de consommation.
04:54 Est-ce qu'on sait si ce traité sera contraignant ?
04:57 Une fois qu'évidemment l'objectif aura été défini, le contenu, les mesures, est-ce qu'il sera contraignant ?
05:01 Le terme même de la résolution de l'ONU est justement que ce traité soit contraignant, juridiquement contraignant.
05:08 Et toute la société civile, et toutes les ONG et les fondations, nous nous battons pour cela.
05:12 D'ailleurs, ce traité n'existe que parce que la société civile s'est mobilisée,
05:16 et a obtenu du programme des Nations Unies pour l'environnement que ce traité ait lieu.
05:21 Donc oui, il doit être contraignant.
05:23 S'il ne l'est pas, on continuera à avoir de la pollution partout dans nos océans.
05:26 Et au final, est-ce que vous êtes optimiste ?
05:27 Est-ce que vous pensez que ça va aboutir au vu des précédentes négociations ?
05:31 En juin, on était tous très inquiets, parce que les négociations ont patiné pendant des jours et des jours.
05:38 Quand on a vu la version zéro du projet de traité, on a été très rassurés.
05:44 C'était il y a un mois et demi à peu près.
05:46 Et évidemment, il y a beaucoup d'options ouvertes.
05:48 Un traité, c'est disons 30 pages, avec pour chaque point, deux ou trois options,
05:52 dont certaines sont tout à fait insuffisantes et d'autres sont ambitieuses.
05:56 Donc oui, nous sommes ambitieux.
05:59 On pourra en reparler dans quelques jours pour voir comment les négociations se déroulent.
06:01 On va suivre effectivement ces négociations.
06:03 Merci beaucoup Sabine Roud, bézieux président de la Fondation de la Mer.