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Serge Klarsfeld, avocat, historien et cofondateur de l'association "Fils et Filles de Déportés Juifs de France", répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
Retrouvez "L'invité actu" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-interview-de-7h40
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NewsTranscription
00:00 -7h12 sur Europe 1.
00:01 Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin
00:03 l'avocat et historien Serge Klarsfeld.
00:06 -Bonjour, Serge Klarsfeld. -Oui, bonjour.
00:09 -Bienvenue sur Europe 1.
00:10 Vous êtes avocat, président de l'association
00:13 "Les fils et les filles des déportés juifs de France".
00:16 Votre vie symbolise le combat pour la mémoire
00:18 de la déportation des Juifs par les Nazis
00:21 pendant la Seconde Guerre mondiale.
00:23 Un mois après l'attaque du Hamas en Israël,
00:25 comprenez-vous ces tergiversations politiques ?
00:28 -Ca veut dire qu'il n'y a pas tellement de tergiversations.
00:31 Il y a un refus d'un parti politique
00:34 de participer à cette marche.
00:37 Et je dirais qu'en contrepoids,
00:42 il y a la venue d'un parti
00:47 qui, autrefois, était antisémite
00:52 et qui ne l'est plus depuis un certain nombre d'années,
00:57 et qui rejoint les valeurs républicaines,
01:01 et qui, heureusement, les rejoint ce dimanche.
01:05 Donc, on se passera de l'extrême-gauche
01:10 antisioniste et antisémite,
01:14 et on accueillera le Rassemblement national,
01:20 devenu un parti fréquentable.
01:23 -Alors, l'ERN n'est pas antisémite,
01:26 dites-vous, Serge Klarsfeld.
01:27 Ce n'est pas ce qu'on entend du côté du PS,
01:30 qui parle de nécessaires cordons républicains dimanche,
01:33 ou bien du Parti Renaissance, le parti présidentiel ?
01:36 -Je ne partage pas ce point de vue.
01:38 Déjà, Marine Le Pen a fait des pas en avant
01:41 qui étaient importants.
01:43 Elle a condamné la rafle du Veldiv
01:46 et ses responsables, Pétain, Laval, Bousquet.
01:50 La loi Guessot, je pense que...
01:53 Le Rassemblement national l'accepte.
01:57 C'est une protection pour les Juifs.
02:00 Le Rassemblement national l'acceptera.
02:02 -C'est la loi qui a interdit les paroles antisémites.
02:05 -Le discours de Chirac, également.
02:07 Il reste la rupture véritablement définitive et éclatante
02:12 avec Jean-Marie Le Pen, qui, lui, a été,
02:15 il y a 40 ans, 30 ans,
02:19 le porte-parole d'un négationnisme
02:24 vigoureux et néfaste.
02:28 Mais heureusement, il y a eu une rupture
02:31 entre le père et la fille,
02:34 et pas seulement entre le père et la fille,
02:37 entre le parti du père et le parti qui a construit la fille,
02:40 qui est un parti qui rassemble quand même
02:45 des millions d'électeurs,
02:47 qui viennent de tous les partis,
02:49 qui ne viennent pas de partis antisémites,
02:53 qui sont des braves gens,
02:55 et qui des citoyens comme les autres,
02:58 et donc que le Rassemblement national
03:03 soit présent montre qu'au lieu d'aller vers les extrêmes,
03:09 eh bien, il se rapproche du centre,
03:14 il se rapproche des valeurs républicaines,
03:16 on ne doit pas faire la fine bouche,
03:18 et surtout les Juifs ne doivent pas le faire
03:20 dans une période où des masses humaines
03:23 extrêmement importantes à travers le monde
03:26 sont en train de proférer leur haine anti-juive.
03:30 -Serge Klaersfeld vous salue la rupture de Marine Le Pen
03:33 par rapport à son père, Jean-Marie Le Pen,
03:35 mais vous lui demandez un pas de plus,
03:37 d'officialiser sa différence, en quelque sorte.
03:40 À quoi vous pensez ?
03:41 -Oui, "officialiser" signifie
03:44 un discours dans lequel elle reconnaîtrait
03:50 à la fois l'Ouaguesso, le discours de Jacques Chirac,
03:53 et donc, ça nous paraît extrêmement important
03:58 qu'elle ait aussi une rupture avec son père,
04:01 bien qu'il en coûte, à une fille,
04:04 de rompre avec...
04:06 d'une façon éclatante avec son père, voilà.
04:11 Mais c'est ce que nous attendons d'elle
04:15 dans un avenir proche.
04:17 -Mais vous considérez que c'est une erreur politique
04:20 de la part de Renaissance, notamment le parti d'Emmanuel Macron,
04:24 de vraiment insister pour ne pas être à proximité
04:27 de Marine Le Pen dimanche, sous prétexte
04:30 qu'aux origines du Front national,
04:33 oui, il y avait des collaborationnistes,
04:35 il y avait des antisémites notoires ?
04:38 -C'est toujours difficile de répondre à une pareille question.
04:41 Moi, j'ai tendance à faire confiance
04:44 et tendance à croire en la sincérité des gens
04:50 quand ils affirment quelque chose,
04:54 et surtout quelque chose d'important.
04:57 En tout cas, je sais que, et ça, c'est une intime conviction,
05:01 un parti d'extrême droite,
05:03 c'est un parti dont l'ADN est l'antisémitisme.
05:08 Et ce n'est pas le cas du Rassemblement national.
05:11 Oui, il y a des résidus, et on peut toujours trouver des gens...
05:15 On peut aussi trouver des gens qui sont antisémites
05:18 dans d'autres partis,
05:20 mais l'origine est douteuse.
05:24 Mais c'est un nouveau parti,
05:27 ce n'est plus le parti de Jean-Marie Le Pen.
05:29 Nous, nous avons été l'objet d'attentats
05:32 de l'extrême droite à la bombe, aux colis piégés.
05:36 Nous avons, comment dire, combattu cette extrême droite en France,
05:40 nous avons combattu en Allemagne.
05:43 Mais on essaye de voir l'intérêt général.
05:47 L'intérêt général, c'est que les extrêmes
05:49 se rapprochent des valeurs républicaines.
05:53 En ce moment, nous constatons que la France insoumise
05:57 se détache de ces valeurs,
05:59 et que le Rassemblement national évolue
06:02 en direction de ces valeurs.
06:05 Et nous nous réjouissons de cela.
06:07 Malheureusement, on voudrait aussi
06:09 que la France insoumise fasse partie du cortège,
06:13 mais ça semble impossible,
06:15 tant qu'elle aura des ambitions électoralistes
06:20 qui sont en contradiction
06:23 avec une marche en commun
06:26 avec tous les autres Français.
06:29 -On dit, Serge Klaersfeld, et vous venez de le dire,
06:33 qu'il y a en arrière-pensée, chez Jean-Luc Mélenchon,
06:36 l'intention de draguer une clientèle politique,
06:39 la clientèle musulmane,
06:41 l'électorat musulman,
06:42 qui est sensible à la cause palestinienne,
06:46 et qui, par moments, voit des saillis antisémites.
06:49 Comment vous regardez ce que certains ont appelé
06:53 depuis une vingtaine d'années le "nouvel antisémitisme",
06:56 qui n'est plus un antisémitisme d'extrême droite,
06:59 d'obédience nazie, mais plutôt emprunt de cet islamisme
07:02 que l'on voit de plus en plus se manifester en France ?
07:05 -Les Juifs sont habitués à voir des ennemis différents,
07:10 et des alliés différents.
07:13 En 1918, les Allemands libéraient les Juifs
07:20 dans l'Europe centrale des pogroms tsaristes.
07:25 Vingt ans après,
07:28 l'armée rouge devait combattre les Allemands
07:31 pour libérer Auschwitz.
07:34 On brûlait les Juifs
07:37 pour des questions religieuses,
07:41 sous l'Inquisition.
07:42 Maintenant, les plus grands alliés des Juifs,
07:48 c'est l'Église catholique.
07:50 La situation varie selon les époques,
07:54 mais presque toujours, les Juifs,
07:57 quand il y a des tensions,
08:00 se retrouvent face à des ennemis nouveaux.
08:03 L'antisémitisme se renouvelle
08:06 comme une sorte de maladie.
08:09 Et aujourd'hui, ce ne sont pas simplement
08:12 les actes antisémites en France qui sont redoutables,
08:16 c'est le fait qu'à travers le monde,
08:18 des masses humaines semblent coaliser
08:23 contre non seulement l'État juif, l'État d'Israël,
08:29 mais contre les Juifs dans leur ensemble.
08:32 Il ne faut pas oublier
08:34 qu'il y a seulement 15 millions de Juifs sur notre planète
08:39 et qu'il y a, je ne sais combien,
08:42 au moins plus d'un milliard de musulmans.
08:46 Et dans les conflits, dans les guerres,
08:50 les masses humaines prennent partie
08:53 pour le camp qui est le camp
08:58 intimement profond et commun à tous,
09:02 c'est-à-dire que les musulmans prennent position
09:06 pour le Hamas et pour la population de Gaza
09:10 et les Juifs prennent position pour l'État d'Israël.
09:14 – Merci beaucoup Serge Claspel d'avoir exprimé au micro d'Europe.
09:17 Bonne journée à vous.