Philippe Couannault, professeur d'histoire-géographie au lycée Voltaire d'Orléans la Source
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00:00 Il est 7h51, Camille Huppenoir, on se pose une question dans les Témoins de l'actualité
00:06 ce matin.
00:07 Comment distinguer le vrai du faux dans l'information ? Les fake news, on le sait tous, se multiplient
00:12 sur les réseaux sociaux et les plus jeunes, notamment, ne sont pas toujours équipés
00:15 pour faire le tri.
00:16 Est-ce que vous êtes vous-même régulièrement confronté à de fausses informations ou des
00:20 infos, vous savez, qu'on regarde sur les réseaux et qui nous étonnent beaucoup ? Comment
00:24 vous pensez pouvoir éduquer vos enfants face aussi à ces fake news ? Venez nous le dire.
00:28 Nous vous attendons, 02.38.53.25.25.
00:31 On parle de cette éducation à l'information avec Philippe Coineau.
00:34 Bonjour.
00:35 Bonjour.
00:36 Vous êtes professeur d'histoire-géographie au lycée Voltaire à Orléans, quartier de
00:39 la Source.
00:40 Vos élèves sont des ados, on va dire, entre 15 et 17, 18 ans.
00:43 Ils sont dans cet âge où on passe beaucoup de temps sur Internet, sur les réseaux sociaux.
00:48 À quel point sont-ils confrontés à des fake news ?
00:51 Alors, de toute façon, c'est une évidence pour tout le monde.
00:55 En fait, les jeunes, et en particulier ceux qui sont à l'étape du collège et du lycée
00:58 dans le secondaire, sont des jeunes qui pratiquent beaucoup les réseaux sociaux.
01:01 Et donc, plus vous êtes sur les réseaux sociaux, plus il y a une exposition à l'information
01:05 et à la désinformation, ce qu'on appelle les infox aujourd'hui.
01:08 Et c'est une réalité avec laquelle il faut qu'on compose nous au niveau de l'éducation
01:12 parce que la réalité, c'est qu'en fait, on a des outils, effectivement, pour leur
01:17 permettre de lutter contre ça, de s'en prémunir, d'être un peu vigilant.
01:21 Ça, ça fait partie de ce qu'on appelle le travail et l'éducation au média, le
01:24 MMI, qui fait partie des programmes maintenant, qui est une mission qui est affectée à l'école.
01:29 Mais il y a aussi toute l'information à laquelle ils accèdent en dehors du cadre
01:33 scolaire.
01:34 Et ça, vous n'avez pas une grande visibilité dessus.
01:37 Exactement.
01:38 On a une visibilité sur ce qu'on peut leur montrer en classe, lors d'activités, dans
01:41 le cadre des programmes, dans le cadre de projets plus spécifiques, avec ou sans partenaire
01:44 extérieur d'ailleurs, parce qu'on n'est pas forcément spécialiste des médias en
01:46 tant que tel.
01:47 Mais il y a effectivement toute cette partie, cette zone d'ombre qui correspond aux informations
01:51 qu'ils accèdent par leurs propres moyens, dans un cercle familial, dans un cercle de
01:55 proches, et puis sur des médias qui ne sont pas des médias, disons, mainstream, et sur
02:00 lesquels, effectivement, on a assez peu de prise.
02:02 Vous, professeur, comment vous identifiez à quel point ils sont confrontés au fait
02:07 que c'est quotidien, des choses que vous entendez, ou c'est plus rare ? À quel point
02:12 c'est fréquent finalement ?
02:13 Alors, je ne dirais pas que c'est quotidien, pour ne pas être alarmiste non plus, mais
02:17 je ne suis pas non plus preuve d'un optimisme B.A.
02:19 Je sais bien que ce n'est pas parce qu'on passe plusieurs semaines sans être confronté
02:23 à une énormité sorti par un élève en classe à l'occasion d'un programme ou d'une
02:27 question socialement vive qu'on peut aborder en éducation morale et civique par exemple,
02:31 ou dans le programme d'histoire et géographie, puisque c'est la matière que j'enseigne
02:33 effectivement.
02:34 Pour autant, on sait qu'ils sont de toute façon tout le temps sur les réseaux sociaux.
02:38 C'est d'ailleurs leur principale source d'informations aujourd'hui.
02:41 Tous les sondages, les rapports de médiamétrie le montrent.
02:44 Pour les trois quarts d'entre eux, c'est d'abord par les réseaux sociaux qu'on s'informe.
02:47 Et après, dans un deuxième temps, ou alors parce qu'on a un environnement social, familial,
02:52 qui les a un petit peu sensibilisés à cette question-là, effectivement ils passent par
02:56 des médias plus professionnels et plus fiables.
02:58 Il y a deux problèmes dans les questions que vous suggérez.
03:01 C'est à la fois leur capacité à s'informer auprès des bons médias.
03:04 Il y a les médias qui sont professionnels, avec des gens qu'on écarte de presse, qui
03:10 sont passés par une formation professionnelle.
03:11 Et puis il y a les médias, ce qui correspond à un média, le réseau social, qui lui peut
03:16 être alimenté par n'importe qui.
03:17 Et c'est ça la réalité aujourd'hui, ça on le sait très bien, c'est que les élèves
03:21 sont à la fois émetteurs d'informations, parce qu'ils peuvent diffuser un certain
03:24 nombre de choses, poster, twitter, etc.
03:27 - Voir reposter très vite certaines choses.
03:28 - Et relayer aussi, c'est la difficulté, c'est qu'en fait c'est épidémique.
03:32 On parle bien de virus informatif, c'est-à-dire que l'information se rediffuse, donc elle
03:36 était recoupée par les élèves.
03:38 Et j'ai constaté ça encore hier en sondant un peu mes élèves en prévision de la venue
03:42 ce matin, en fait très très peu, voire quasiment aucun, n'utilise véritablement les outils
03:48 du fact-checking.
03:49 Et le fact-checking, qui à mon sens, j'ai pas fait de recherche précise là-dessus,
03:52 mais je crois me souvenir qu'après les attentats de Charlie Hebdo en 2015, il y avait une grosse
03:56 opération de communication et de sensibilisation qui a été faite par plein d'acteurs institutionnels
03:59 et autres, et en fait aucun ou quasiment très très peu d'élèves ne sont capables de me
04:04 citer des outils de fact-checking proposés par les médias professionnels notamment.
04:08 - Je vous ravis faux sur France Info pour citer Radio France.
04:12 - Par exemple, voilà, et puis ce matin encore en arrivant, j'écoutais sur France Inter,
04:16 ils mettent en ligne depuis cette nuit des podcasts sur l'histoire du conflit israélo-palestinien
04:21 et israélo-arabe.
04:22 Voilà, c'est la radio, c'est chaud d'utile, mais c'est pas un média qui est suivi par
04:27 les élèves, même en podcast j'ai raison.
04:28 - Ces fake news, ces infox, donc ces fausses infos, comment y mettre fin et comment préserver
04:34 les plus jeunes d'entre nous ? On en parle avec vous, vous êtes nos témoins de l'actu,
04:37 rejoignez-nous, 02 38 53 25 25, nous attendons vos appels tout de suite, parce que la rubrique
04:42 est bientôt terminée.
04:43 - Vous parliez il y a un instant, Philippe Coineau, de ce conflit, de cette question du
04:48 Hamas, d'Israël, de la Palestine, on imagine que certains sujets ne sont pas toujours faciles
04:53 à aborder, même quand on veut déconstruire une fake news face à des lycéens, à des
04:58 collégiens, il y a des sujets plus sensibles que d'autres.
05:01 - Oui, évidemment, il faut un certain tact, parce qu'on ne peut pas aborder de front à
05:07 un sujet comme celui-là qui fait l'actualité, il y a une actualité sur les conflits qui
05:11 sont assez chargés entre l'Ukraine et ce qui se passe aujourd'hui au niveau de la bande
05:16 de Gaza, on ne peut pas y aller trop au forcès, parce que d'abord il faut identifier quels
05:20 sont les acquis des élèves, les préacquis des élèves, à partir d'où ils ont capté
05:25 ces préacquis, et ensuite vérifier si l'information était fiable au départ, comment ils ont
05:29 accédé à l'information, pour commencer à comprendre si effectivement ils ont eu
05:33 les bonnes démarches.
05:34 Donc il y a toute une logique d'enseignement qu'on met en pratique nous, en application,
05:39 que ce soit au collège, au lycée, et ailleurs, puisque c'est un travail de longue haleine,
05:42 de très très longue haleine.
05:43 - Quels sont vos outils par exemple ? Sont-ils suffisants déjà, ceux qu'on vous donne
05:49 à l'éducation nationale, j'entends ?
05:50 - Alors oui, il y a déjà des outils, c'est sûr, à chaque fois qu'il y a évidemment
05:56 un traumatisme national, vous savez, le gouvernement, les rectorats mettent à disposition en ligne
06:00 sur les sites académiques des outils, des ressources, etc.
06:02 - À l'assassinat de Samuel Paty notamment.
06:03 - À l'assassinat de Samuel Paty notamment.
06:04 Ou les événements d'Aras récemment.
06:07 Alors, il se trouve que sur la Palestine, il y a aussi des tas de collègues formateurs
06:11 qui déposent des projets pour des mises en activité d'élèves, qui nécessitent quand
06:14 même de prendre du temps sur son temps de programme pour pouvoir travailler de manière
06:18 conséquente et approfondir cette chose-là, parce qu'on ne peut pas le travailler de
06:21 manière superficielle, sinon c'est contre-productif.
06:23 Et effectivement, ça passe par une identification des sources, c'est du temps consacré en cours,
06:27 voilà, c'est légitime, c'est tout à fait légitime, ça rentre dans nos missions.
06:31 Mais, comme j'avais déjà expliqué préalablement à l'entretien, c'est vrai qu'on a cette
06:35 pression aussi des programmes, d'une injonction de notre hiérarchie, de réaliser en fait
06:40 ces programmes-là, mais on s'en affranchit plus facilement avec l'expérience et le temps
06:43 quand on sait qu'il faut cibler, parce que c'est important à ce moment-là.
06:46 Et après, c'est aussi les élèves qui peuvent prendre l'initiative et qui prennent en charge
06:50 en quelque sorte l'agenda, parce que c'est eux qui vont spontanément exprimer des opinions
06:53 ou poser des questions parce que ça les interpelle.
06:55 Alors là, effectivement, il faut être capable de les emmener sur des bons outils, donc là
06:59 on leur donne accès à ces outils-là.
07:00 Les outils de fact-checking, je les mets à distribution des élèves sur des diapositives,
07:04 on les poste ensuite sur différents types de plateformes ou de cloud éducatifs pour
07:09 qu'ils puissent y accéder, et puis on consacre un peu de temps.
07:11 Mais on ne peut pas y consacrer 5 heures par semaine, voyez-vous.
07:13 Et donc c'est un peu le problème, on en vient toujours au même moyen, c'est la question
07:17 des moyens justement, la même raison, c'est qu'on ne peut pas consacrer tout le temps,
07:21 tout le temps du temps à faire ça, sinon on passerait en fait notre semaine à faire
07:23 ça, et ça nécessite qu'on ait des relais.
07:26 Et les relais, ce ne sont pas des partenaires professionnels comme le CLEMI par exemple,
07:29 le centre de liaison entre l'éducation, ou l'éducation médiale et l'information, et
07:33 puis aussi les familles, l'environnement social des élèves, parce qu'on ne peut pas tout
07:38 faire tout seul.
07:39 Ça c'est très clair.
07:40 Oui parce qu'on parle des moins jeunes, mais il y a aussi des plus jeunes, mais il y a
07:42 aussi les moins jeunes, bien sûr, qui peuvent se faire avoir par ces fake news.
07:45 Merci beaucoup Philippe Cohenaud d'avoir donné quelques astuces, en tout cas pour
07:48 ne pas tomber parfois dans le panouf.
07:50 Merci beaucoup à vous, bon début de journée avec France Bleu Orléans, tout de suite,
07:54 voici votre journal de 8h.