Il a commencé comme youtubeur politique. C'est d'ailleurs sa connaissance du web et des réseaux sociaux qui l'a rapproché de Jean-Luc Mélenchon. D'abord conseiller de l'ombre, il s'est ensuite lancé en politique sous les couleurs de La France insoumise.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Il a commencé comme youtubeur.
00:02 Il a d'ailleurs fait profiter Jean-Luc Mélenchon
00:04 de ses talents sur le web
00:06 avant de se lancer en politique
00:08 et d'être élu député sous les couleurs de la France insoumise.
00:11 Musique intrigante
00:14 ...
00:25 Bonjour, Antoine Léaument. -Bonjour.
00:27 -En quelques années, Jean-Luc Mélenchon est devenu
00:30 la personnalité politique la plus suivie sur YouTube.
00:33 Il a 2 600 000 abonnés sur Twitter,
00:36 2 100 000 sur TikTok.
00:37 Est-ce qu'on peut dire que c'est au moins en partie grâce à vous ?
00:41 -Oui, en partie, parce que... -C'était votre rôle.
00:44 -C'était mon rôle, c'est vrai, de construire une équipe
00:47 depuis maintenant de nombreuses années.
00:49 Je pense que ce que j'ai su faire, c'est trouver les gens
00:53 qui savaient faire, parce que je maîtrisais une partie des choses.
00:56 Et surtout, Jean-Luc Mélenchon a de la pétance pour ça.
01:00 Il aime beaucoup trouver des manières
01:02 de faire passer son discours politique.
01:04 Je pense que la force de ses réseaux sociaux,
01:07 c'est qu'il essaie de faire passer un message politique,
01:10 un message programmatique, et il n'essaie pas de faire de la com.
01:14 Il y a un peu de la com, des fois.
01:16 Il essaie de faire passer un message politique.
01:18 Ca dit aussi des raisons pour lesquelles l'attachement
01:22 à Jean-Luc Mélenchon en tant que personne
01:24 n'a pas des idées à un programme,
01:26 parce que c'est par les réseaux sociaux qu'il a fait ça.
01:29 -On va parler de votre rôle aux côtés de Jean-Luc Mélenchon,
01:32 mais d'abord, j'aimerais qu'on écoute la façon
01:35 dont il parle lui-même de TikTok,
01:37 et vous allez me dire ce que vous en pensez.
01:40 -Je me téléporte.
01:41 Le 10 avril, on vote.
01:45 C'est l'élection présidentielle. On vote.
01:48 TikTok, c'est un mode d'expression.
01:50 Il faut le prendre pour ce que c'est.
01:52 Si c'était de la peinture, c'est de la peinture.
01:55 Si c'est de la musique, c'est TikTok.
01:57 Vous n'allez pas faire du YouTube à TikTok.
02:00 Voilà. C'est un art. Il faut apprendre.
02:03 -Est-ce qu'il a bien compris ce que c'est que le TikTok ?
02:06 -Il a totalement compris.
02:08 Il y a une grammaire sur les réseaux sociaux.
02:10 Chaque réseau social a sa grammaire.
02:12 Moi, par exemple, je suis très bon pour faire une recette de risotto.
02:16 Je peux vous l'expliquer en français.
02:18 Si vous me demandez de l'expliquer en russe ou en chinois,
02:22 il faut que j'apprenne la langue,
02:23 et ensuite, je pourrais vous parler de ma recette.
02:26 Il faut d'abord apprendre les codes, la langue de ces réseaux sociaux,
02:30 et ensuite, c'est réussir à faire rentrer le discours politique
02:33 à l'intérieur de cette langue-là.
02:35 Je pense que Jean-Luc Mélenchon a réussi à s'imprégner
02:38 de comment fonctionnent les réseaux sociaux.
02:41 -C'est le premier homme politique que j'ai vu sur YouTube
02:44 inviter ses abonnés à appuyer sur le pouce levé
02:47 ou faire ce genre de choses.
02:49 C'est ça, les codes des réseaux sociaux ?
02:51 -Oui. -Venant de lui,
02:53 connu pour être plutôt un tribun érudit,
02:56 diplômé de philosophie et de lettres modernes,
02:58 ça peut surprendre.
02:59 Ca a été compliqué de le convaincre ?
03:02 -Pas du tout. Jean-Luc a toujours cherché
03:04 à être indépendant de ses modes d'expression.
03:07 Il a fait un blog en 2008, quand c'était l'époque des blogs.
03:10 Il existe toujours, son blog.
03:12 Ensuite, étape après étape, il avait fait le Minitel,
03:15 quand c'était l'époque du Minitel.
03:17 Il aime bien dire que quand il a commencé à militer,
03:20 il a fait des codes,
03:21 et maintenant, il peut faire des tracts à 2 millions de vues.
03:24 -Il va jusqu'à parodier Weshden, par exemple.
03:27 "Tue Macron, hors de ma vue."
03:29 -Oui, ça, ça fait partie de ces codes-là,
03:31 réussir à capter des choses qui se passent
03:34 sur les réseaux sociaux.
03:35 -Sur cette vidéo, elle a fait beaucoup de vues.
03:38 -C'était la première, le lancement du compte TikTok.
03:41 On avait réussi à capter quelque chose.
03:43 Il y avait une blague sur "Il était à République",
03:46 "C'est moi", un peu d'autodérision sur le moment des perquisitions.
03:50 On a fait bien fonctionner,
03:51 et on a réussi à faire fonctionner très fort ces réseaux sociaux.
03:55 Dans une large mesure, le score qu'on réalise chez les jeunes,
03:58 notamment avec les réseaux sociaux, il vient de là.
04:01 Mais il vient aussi du fait que Jean-Luc Mélenchon l'intéresse.
04:05 Il aime ça.
04:07 -Derrière ces vidéos, parfois rigolotes,
04:09 il y a aussi une vraie stratégie.
04:11 On disait qu'on ne fait pas de la com sur les réseaux sociaux.
04:14 En 2017, vous expliquiez.
04:16 On fait un pied-de-nez gigantesque au système médiatique.
04:19 Plus on vous parle de la chaîne, plus on s'autonomise de vous.
04:23 Le "vous", j'imagine que ce sont les journalistes.
04:26 C'est en kikinant, les journalistes.
04:28 Ca vient poser des questions,
04:29 ça empêche les hommes politiques de dérouler leur discours
04:33 sous forme de propagande.
04:34 Sur YouTube, on fait ce qu'on veut. -On peut raconter ce qu'on veut.
04:38 -Donc c'est de la com. -Justement.
04:40 Le système médiatique, il a des défauts,
04:42 qui sont notamment le fait qu'on impose des thèmes
04:45 et qu'on impose un temps.
04:47 Les réseaux sociaux permettent de s'extraire de ça.
04:50 Si vous faites une vidéo de YouTube,
04:51 dans une matinale France Inter de 8 minutes,
04:54 où il y a une question sur l'immigration,
04:56 l'insécurité, c'est compliqué.
04:58 Mais si vous faites une vidéo de YouTube,
05:01 vous pouvez faire 30 minutes sur la VIe République.
05:04 Ca permet d'expliquer.
05:05 -On va parler de votre parcours politique.
05:08 Avant d'être mélenchoniste, vous avez été baïrouiste
05:11 sur la campagne présidentielle de 2007.
05:13 Qu'est-ce qui vous a attiré chez François Baïrou ?
05:16 -Il proposait plusieurs choses.
05:18 Il proposait la droite, la gauche,
05:20 tout ça, c'est un peu vieux, ça sert à rien, etc.
05:23 Je veux faire travailler ensemble les gens
05:25 qui ont envie de faire des bonnes choses.
05:28 Il parlait d'une VIe République.
05:30 C'était une VIe République présidentielle.
05:32 Je me suis mis à distance de ça.
05:34 Il y avait une intervention de François Baïrou
05:37 assez marquante, dans laquelle il avait dit à Claire Chazal
05:40 que son média, c'était Bouygues et qu'il était l'ami de Sarkozy.
05:44 -Vous avez vu en Baïrou le candidat antisystème ?
05:47 -De fait, c'était un peu le candidat
05:49 qui sortait des cadres traditionnels.
05:51 -Avec une sensibilité en même temps, droite et gauche ?
05:54 -Moi, ma mère était de droite,
05:56 parce que maintenant, elle vote pour Jean-Luc Mélenchon,
05:59 mais elle était de droite, gaulliste,
06:01 et mon père, plutôt de gauche.
06:03 La moyenne, en 2007, c'était François Baïrou.
06:06 -Qu'est-ce qui s'est passé pour basculer ?
06:08 -Il s'est passé plusieurs choses.
06:10 Le modem n'a pas fait grand-chose après 2007,
06:13 ça a été un peu mou.
06:14 La réforme des retraites de Nicolas Sarkozy en 2010,
06:17 ça m'a convaincu qu'il y avait un problème.
06:20 La crise des subprimes,
06:21 les banques ont fait n'importe quoi,
06:23 elles se mettent à spéculer contre la dette des Etats.
06:26 La conséquence, c'est qu'on fait la réforme des retraites
06:29 pour sauver la dette.
06:31 J'ai découvert le livre de Jean-Luc Mélenchon
06:33 "Kids, on aille tous", et je me suis dit que c'était incroyable.
06:37 Je suis en accord avec 95 % de ce qu'il raconte.
06:39 Je me suis rendu compte que sur les 5 % où j'étais pas d'accord,
06:43 il avait raison. -Vous vous êtes engagé pour lui ?
06:46 -Je me suis engagé. -Mais sous pseudo, au début.
06:48 Vous avez pas voulu assumer publiquement cet engagement.
06:52 C'est vrai qu'au début, c'est pas évident d'assumer
06:55 un positionnement politique.
06:56 Vous vous dites que ça va constituer un frein
06:59 pour l'avenir professionnel. Vous étiez pas un insoumis.
07:02 -C'est pas ça. Là, on est en 2017, au moment où on fait ça,
07:06 et moi, j'ai jamais voulu faire de la politique un métier.
07:09 Je suis sociologue de formation, je voulais être chercheur
07:12 en sociologie, c'était ça, mon dada.
07:14 D'une certaine manière, quand vous sortez du champ de la recherche,
07:18 pour pouvoir y revenir, il faut pas nécessairement
07:21 faire montrer un engagement politique.
07:23 -Vous aviez peur d'être marqué au fer rouge.
07:25 -C'est ça. Après, au bout d'un moment, c'est difficile.
07:28 Il faut porter la parole de ce qu'on fait sur les réseaux sociaux.
07:32 Les médias sont demandeurs de personnages comme ça.
07:35 J'incarnais la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon.
07:38 Au bout d'un moment, voilà.
07:40 -C'est un Antoine Léaument très différent de celui sous pseudo
07:43 qu'on a découvert à l'Assemblée en 2022.
07:46 Pour sa toute première prise de parole,
07:48 on va en revoir un extrait. -J'étais tremblotant.
07:51 -Pour ma première intervention, qu'il me soit permis,
07:54 avant de dire un mot, je siège tout en haut de l'hémicycle
07:57 et je veux rendre hommage à ceux qui nous ont précédés
08:00 dans ce qui s'appelait la montagne et qui portaient depuis ses hauteurs
08:04 l'idéal républicain que nous défendons.
08:06 Suivant les mots de Jean Ferrat, je veux dire qu'il y a ici avec nous
08:10 des gens qui répondent toujours du nom de Robespierre.
08:13 -Cet hommage à Robespierre, au début,
08:15 certains ont cru que c'était une blague ou une provocation,
08:18 mais non, c'est très sérieux. -C'est très sérieux
08:21 parce que Robespierre, c'est un des personnages centraux
08:24 de la Révolution française, qui porte dès le début
08:27 l'idée d'une République profondément démocratique
08:30 et sociale. Robespierre dit "nul ne peut entasser
08:33 "des morceaux de blé à côté de son semblable qui meurt de faim".
08:37 -C'est votre modèle politique. -C'est pas nécessairement...
08:40 -Je choisis Robespierre parce qu'il est très caricaturé.
08:43 C'est un personnage qui est présenté comme l'instigateur
08:46 de la terreur, un dictateur, etc., et en réalité...
08:49 -Ce qui correspond à une réalité. -Non, parce que toute cette histoire-là
08:53 est créée par les ennemis de Robespierre,
08:56 qui l'envoient à l'échafaud. C'est une histoire
08:58 qui a créé la terreur. -Le consensus des historiens.
09:01 -Il y a pas de consensus. -Il y a quelques historiens
09:04 qui portent une voix différente. -Un des ouvrages
09:07 qui m'a le plus marqué, c'est celui de Jean-Clément Martin.
09:10 Il explique bien comment la terreur, le Robespierre dictateur,
09:14 c'est quelque chose qui est créé après sa mort.
09:17 -La loi des suspects. -Je suis pas d'accord avec ça.
09:20 Je dis pas que Robespierre, c'est parfait,
09:22 sur le droit de vote des femmes, il s'est jamais exprimé sur le sujet,
09:26 mais Robespierre défend le début, l'abolition de l'esclavage,
09:29 le droit de vote des Juifs, il vient porter des questions
09:33 à l'intérieur de la Révolution qui sont d'une modernité absolue.
09:37 -Oui, complètement. -Complètement.
09:39 -Une révolution citoyenne, par les urnes,
09:41 mais un changement de constitution, c'est une révolution.
09:44 -Il y a une phrase que vous avez lancée dans l'hémicycle
09:47 qui m'a marqué. "Abbas Macron et la mauvaise République.
09:51 "Vous vouliez en avoir fini le 14 juillet,
09:53 "vous aurez une prise de la Bastille."
09:55 Un petit côté "Les aristocrates à la lanterne".
09:58 Ca m'a fait penser à cette photo de Thomas Porte,
10:00 le pied sur un ballon de foot avec le visage d'Olivier Dussopt dessus.
10:04 J'ai envie de vous poser la question.
10:06 Vous êtes prêts à aller jusqu'aux urnes ?
10:09 -Mais pas au-delà.
10:10 -Non, mais la référence que je fais,
10:12 je fais une référence à un discours de Jean-Luc Mélenchon
10:15 sur lequel il était critiqué.
10:17 Il a dit "Abbas la mauvaise République".
10:20 Tout le monde lui tombe dessus.
10:21 Et moi, quand il y a des polémiques comme ça,
10:24 j'aime bien rentrer dedans.
10:26 Pour moi, c'est un plaisir, la bataille politique,
10:28 convaincre les gens sur des idées.
10:31 -Les mots peuvent être perçus par les gens différemment.
10:34 Par exemple, "soulevement par les armes".
10:36 -C'est qu'on m'aura mal compris,
10:38 car jamais j'appelle à la violence.
10:40 Quand je dis "vous aurez votre prise de la Bastille",
10:43 je parle de faire une manifestation en place de la Bastille.
10:46 Et je trouve que... Mais non, parce que c'est quand même...
10:50 J'aime bien les mots.
10:51 J'ai une formation de littéraire en plus de sociologue.
10:54 J'aime bien choisir les mots et venir sur cette idée de "tiens,
10:58 "la Bastille, faire une manifestation", le 14 juillet.
11:01 Pour moi, c'est une date centrale dans notre histoire.
11:04 Je célèbre tous les 14 juillets,
11:06 je fais des fêtes de la Révolution.
11:08 Au début, on pensait que j'étais complètement barré
11:11 avec mes histoires.
11:12 Je viens raconter une histoire nationale,
11:14 révolutionnaire, car c'est ça, l'histoire de notre pays.
11:17 La cocarde, c'est le symbole de notre drapeau.
11:20 Il vient de la Révolution.
11:21 Notre drapeau est un drapeau révolutionnaire.
11:24 La Marseillaise est un champ révolutionnaire.
11:27 La devise "liberté, égalité, fraternité",
11:29 c'est Robespierre qui l'a inventée.
11:31 Il vient de la Révolution et j'essaie de porter ce message.
11:34 -On va terminer l'émission par notre quiz,
11:37 qui est désormais traditionnel.
11:39 Je vous explique le principe.
11:40 Vous devez compléter les phrases que je vais vous proposer.
11:44 Avec mon physique d'enfant de coeur, les gens pensent que...
11:47 -Que je suis de droite. -Ca vous arrive ?
11:49 -Oui, ça m'arrive. -La maîtrise...
11:51 -Il y avait beaucoup de gens qui pensaient ça au début,
11:54 "quand même, il vient de Beyrou", etc., il est un peu chelou.
11:58 Mais en réalité, non, mon engagement est profondément à gauche
12:01 et on ne peut pas être révolutionnaire de droite
12:04 ou c'est une révolution nationale qui n'est pas ma tasse de thé.
12:07 -Jean-Luc Emoy, c'est... -C'est une histoire, d'abord,
12:11 de camaraderie et désormais, je pense,
12:13 une amitié solide et sincère.
12:15 Et pour moi, ça reste l'homme politique marquant
12:20 du début de ce 21e siècle,
12:22 sans doute celui qui a permis que la gauche en France
12:25 ne soit pas réduite en poussière, comme elle l'a été dans d'autres pays.
12:30 -Louis Boyard fait plus de vues que moi sur TikTok.
12:32 -Je le félicite, je l'adore. -Il n'y a pas de jalousie ?
12:35 -Ah non, jamais. Vous voyez, vous avez trouvé la photo.
12:38 Louis, c'est un ami, pareil, je ne le connaissais pas,
12:41 avant de devenir député, et désormais,
12:44 on s'entend comme l'arbre en foire avec lui,
12:47 donc vraiment, c'est un excellent ami
12:49 et quelqu'un qui, je trouve, fait un travail magnifique
12:52 sur les réseaux sociaux pour convaincre la jeunesse.
12:55 Louis, si tu nous écoutes, félicitations.
12:57 -Merci, Antoine Léaumont, d'être venu dans "La Politique et moi".
13:01 -Merci à vous.
13:02 ...