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Conférence INTERSCULPT 2023 / Fête de la Science / Bar-le-Duc
11 octobre 2023
Dr. Bruno ROSSION
Chercheur en Neurosciences Cognitives, Directeur de Recherche au CNRS, Labo CRAN, Université de Lorraine .
Transcription
00:00:00 Je tiens à remercier tout particulièrement le Dr Bruno Rosseau parce qu'en fait il
00:00:14 arrive de Suisse, il a fait le voyage spécialement, il est rentré plutôt prévu en Suisse, c'est
00:00:22 un pays très occupé et il nous fait l'honneur d'être présent parmi nous pour interceder
00:00:30 le débat.
00:00:32 Merci beaucoup.
00:00:34 Bonsoir.
00:00:36 Je suis en train de faire un petit peu de souci.
00:00:40 Parce que j'enregistre.
00:00:42 Ah d'accord.
00:00:44 Vous enregistrez tout ?
00:00:46 Oui.
00:00:48 Bonsoir, merci pour l'invitation.
00:00:50 Oui c'est vrai que pour les dates c'était un peu compliqué.
00:00:52 J'ai pas vraiment des excuses parce que j'ai pas pu assister à passer la journée.
00:00:58 J'ai fait un conflit d'argentage je dois dire, de Suisse et de Maroc, c'était compliqué.
00:01:04 Donc j'ai changé un petit peu le titre de la présentation, il y a sur la liste de contenu
00:01:10 que j'avais avancé.
00:01:12 Moi je travaille essentiellement sur la question de la connaissance faciale, donc la question
00:01:20 de savoir comment le cerveau reconnaît les visages.
00:01:24 Et j'ai essayé d'illustrer un petit peu cette problématique à travers des illusions visuelles.
00:01:30 C'est très bien d'ailleurs, je suis tout le temps intéressé à cette présentation
00:01:34 avec l'illusion du visage, que je vais présenter aussi d'ailleurs pas exactement la même,
00:01:38 mais on aura l'occasion de voir cette relation.
00:01:42 Donc j'ai divisé ma présentation en un certain nombre de points, on verra si j'ai le temps
00:01:46 de faire tout le tour.
00:01:48 Donc effectivement ce qui m'intéresse c'est un peu mieux de comprendre comment le cerveau
00:01:54 reconnaît les visages.
00:01:56 Généralement on pose la question de cette manière ici, vous avez le cerveau de l'autre
00:02:00 côté, et puis c'est les visages, c'est les tétés, comment ça se fait que vous pouvez
00:02:04 les reconnaître ? Si c'est fait rapidement, comment vous pouvez les faire les coller avec
00:02:08 des amis ? Le monde peut le faire de deux, mais c'est difficile à faire de deux.
00:02:12 Donc ça c'est la question de recherche qui m'intéresse.
00:02:14 C'est une question complexe parce que le cerveau c'est un organe biologique extrêmement complexe
00:02:20 et juste pour donner un autre idée de la complexité, on sait à l'heure actuelle que le cerveau
00:02:28 constituait d'à peu près 86 lumières minorales.
00:02:31 Alors c'est un nombre magique, mais certainement pas exact, parce que quand on regarde la théâtre
00:02:35 scientifique, il est basé sur 5, on est mis en comptage sur 5 cerveaux seulement, des
00:02:41 hommes de 50 à 60 ans, des casuliens, donc on pourrait valoriser ça, mais on va dire
00:02:50 une centaine de lumières minorales.
00:02:54 Ok, donc je disais, ce qui m'intéresse comme thème de recherche, c'est la question de
00:03:08 savoir comment le cerveau connaît les visages.
00:03:11 Je suppose que vous ne me connaissiez pas avant, je pense que vous ne me connaissez pas, peut-être
00:03:16 que vous me reverrez dans quelques années, on se retrouvera, qu'est-ce qui fait que
00:03:20 vous allez pouvoir me connaître ? Comment le cerveau va pouvoir reconnaître une trace
00:03:24 de mon visage en l'air ?
00:03:27 Donc je disais, le cerveau, on considère que c'est l'organe biologique le plus complexe
00:03:31 de l'univers, pour cellules, et puis c'est pas seulement un nombre de cellules, mais
00:03:36 on peut donner un ordre d'idée de la complexité du cerveau, on peut aussi se répérer au
00:03:40 nombre de connexions dans le cerveau, qui serait plus grand que le nombre de particules
00:03:44 dans l'univers.
00:03:45 Donc c'est un organe biologique extrêmement complexe, c'est un organe biologique extrêmement
00:03:49 complexe à plusieurs niveaux, donc j'ai juste mis quelques exemples ici qui illustrent
00:03:54 la complexité.
00:03:56 Les cellules nerveuses, en fait, les neurones sont des formes très variables, donc dans
00:04:00 beaucoup d'organes du corps, c'est le même type de cellule, en quelques types cellulaires,
00:04:05 il y a des types cellulaires très variés dans le cerveau, chaque cellule nerveuse, chaque
00:04:10 neurone, chaque cellule dans le cerveau, c'est un système complexe en soi.
00:04:14 Et il y a des scientifiques qui s'intéressent à comprendre uniquement le fonctionnement
00:04:18 de la cellule dans le cerveau.
00:04:20 Moi je m'intéresse à l'ensemble du cerveau, à un niveau plus macroscopique, et donc effectivement
00:04:25 il y a des chercheurs en neurosciences qui vont s'intéresser à différents niveaux
00:04:29 d'organisation du système nerveux central, et donc c'est une communauté très large,
00:04:34 je pense que c'est peut-être la communauté scientifique la plus large au monde.
00:04:38 La conférence américaine de la société des neurosciences, elle réunit chaque année
00:04:42 30 000 personnes, c'est la manifestation scientifique la plus grande, toute discipline
00:04:46 qu'on peut y mettre.
00:04:48 Quand on étudie le cerveau, on a aussi de nombreuses techniques, ici ça montre ce
00:04:52 qu'on avait comme technique en bas à droite, vous avez vu en 1988, et en 2014 c'est
00:04:57 du violon, et certainement davantage 10 ans plus tard.
00:05:01 Et on parle même en technique, les scientifiques se spécialisent dans certaines techniques,
00:05:05 ce qui fait que c'est difficile parfois de parler un langage commun, je vais essayer
00:05:08 d'illustrer quelques-unes de ces techniques dans ma présentation.
00:05:12 Donc pourquoi je parle du cerveau ? Parce que c'est ce qu'on considère, c'est l'organe
00:05:16 qui est le siège de ce qu'on appelle les fonctions sensorielles, motrices et surtout
00:05:20 cognitives, donc la cognition, qu'est-ce que c'est la cognition ?
00:05:23 Et c'est toutes ces fonctions qu'on appelle la perception, la capacité d'apprendre,
00:05:27 d'humoriser le langage, les émotions, la planification, l'attention, le raisonnement,
00:05:32 la conscience, et la reconnaissance des formes, qui est ce qui nous intéresse ici dans cette
00:05:36 présentation.
00:05:38 Donc moi ce qui m'intéresse particulièrement c'est la reconnaissance des visages, comme
00:05:42 forme.
00:05:43 Alors qu'est-ce qu'un visage ? Evidemment c'est pas le propre de l'homme d'avoir
00:05:47 un visage, le visage il apparaît il y a longtemps dans les émotions, on retrouve la plupart
00:05:52 des animaux qui ont un visage, et donc on peut définir le visage comme un ensemble
00:05:58 de récepteurs sensoriels, notamment le nez, la bouche, les yeux, les oreilles, qui sont
00:06:04 placés à l'avant du corps de l'animal et à proximité du cerveau.
00:06:08 Donc il n'y a rien de spécifique à l'être humain, mais il y a quand même une forme
00:06:12 particulière de visage que nous avons.
00:06:14 Si l'on compare par exemple un être humain à notre cousin le plus proche, le chimpanzé,
00:06:19 donc l'être humain et le chimpanzé sont séparés par 6 ou 7 millions d'années dans
00:06:24 l'évolution, donc 6 et 7 millions d'années on avait un visage commun, vous voyez qu'il
00:06:28 y a quand même des différences importantes, le visage humain il est beaucoup plus plat,
00:06:32 le nez est proéminent, il y a un menton, il y a des sourcils, il y a un peu moins de
00:06:36 pilosité, etc.
00:06:38 Tout ça fait que chez l'homme, le visage est porteur d'informations sociales extrêmement
00:06:45 rares, donc c'est pas seulement pour explorer l'environnement, mais c'est également pour
00:06:49 interagir, vous ne vous en rendez sans doute pas compte, on ne s'en rend pas compte, mais
00:06:52 tous les jours vous utilisez le visage non seulement pour reconnaître les personnes
00:06:56 qui sont proches, vos collègues, etc.
00:06:58 Mais pour décoder aussi les expressions faciales, pour estimer l'âge des personnes que vous
00:07:03 rencontrez, s'ils sont des hommes, des femmes, si vous les trouvez attractifs ou pas, s'ils
00:07:07 font attention à ce que vous dites ou pas, quelle est leur origine ethnique par exemple,
00:07:10 si c'est des africains, des européens, des asiatiques, etc.
00:07:13 Donc votre cerveau va extraire énormément d'indices de manière inconsciente, du visage,
00:07:19 pour pouvoir interagir socialement.
00:07:22 La fonction peut-être la plus basique, c'est celle que votre cerveau est capable de faire,
00:07:26 c'est capable de dire combien il y a de visages dans cette scène, très rapidement, et de
00:07:32 remarquer qu'il y en a quatre, mais en fait ils sont tous très différents.
00:07:35 Donc de pouvoir discriminer les visages dans le visage, et de pouvoir généraliser la
00:07:40 réponse du cerveau à travers différents exemplaires de ces visages.
00:07:44 Donc moi je m'intéresse en particulier à cette question-là, je vais m'intéresser
00:07:48 à deux questions dans la recherche.
00:07:50 Une des questions qui m'intéresse c'est celle de savoir comment le cerveau est capable
00:07:53 de déterminer dans une scène visuelle qu'il y a un visage, donc c'est la reconnaissance
00:07:58 d'un visage en tant que visage, ce que j'appelle la reconnaissance générique d'un visage.
00:08:02 Et puis l'autre question qui m'intéresse, c'est comment le cerveau est capable de
00:08:06 reconnaître l'identité des personnes par le visage.
00:08:09 C'est vraiment deux extrêmes.
00:08:11 La reconnaissance d'un visage comme un visage, on aurait tendance à dire que c'est la plus
00:08:15 simple, alors qu'en fait c'est déjà complexe, et puis reconnaître une personne célèbre
00:08:19 comme George Clooney, l'acteur américain George Clooney ici, qui apparaît sept fois
00:08:24 dans le panel, c'est quelque chose qui est extrêmement complexe pour le cerveau.
00:08:29 Ça demande aussi de discriminer, vous devez discriminer le visage de George Clooney
00:08:33 d'autres visages, et de généraliser la réponse du cerveau à travers des images
00:08:38 qui sont très différentes, des choses très différentes de ce que c'est.
00:08:42 Donc ça c'est ce qu'on appelle la reconnaissance de l'identité faciale, et une des raisons
00:08:47 pour lesquelles, ou peut-être la raison pour lesquelles je m'intéresse à ça dans
00:08:51 mon recherche, c'est que je considère que c'est la forme de reconnaissance ultime du
00:08:58 cerveau, dans le sens où c'est la plus complexe.
00:09:01 C'est la plus complexe pour le cerveau humain de reconnaître l'identité des gens par
00:09:05 le visage.
00:09:07 Et donc l'idée c'est que le jour où scientifiquement nous aurons compris comment le cerveau reconnaît
00:09:13 les identités des personnes par le visage, nous aurons fait un grand pas vers la compréhension
00:09:18 de la manière dont notre cerveau fonctionne.
00:09:21 Alors pourquoi je pense que c'est la forme de reconnaissance la plus complexe ?
00:09:25 Pour une série de raisons, je vais vous en donner trois.
00:09:28 D'abord parce que les visages sont tous très similaires, il y a une similarité en
00:09:32 termes de visages, ils partagent des traits communs, et d'ailleurs on se rend compte de
00:09:37 ça si par exemple demain vous allez en Chine, vous aurez l'impression que les Chinois
00:09:41 s'ensemblent.
00:09:42 C'est évidemment qu'une impression perceptible, c'est parce qu'on n'est pas habitué à
00:09:46 ces morphologies.
00:09:47 Donc on doit développer toute une expérience pour pouvoir distinguer les personnes.
00:09:51 La figure que vous voyez ici à droite, elle montre que c'est des auteurs qui ont montré
00:09:57 que chaque visage est porteur d'une multitude d'informations pour les individualiser, et
00:10:04 notamment si vous prenez la largeur du nez ici, et la hauteur du nez, dans 200 visages,
00:10:11 donc il y a 200 points ici, dans une population qui est génétiquement homogène, c'est des
00:10:16 soldats en Finlande, tous les hommes, et vous voyez qu'il n'y a aucune relation entre
00:10:22 la largeur du nez et la hauteur du nez.
00:10:24 Mais il y a une grande variabilité.
00:10:26 Qu'est-ce que ça veut dire ?
00:10:27 Ça veut dire que le cerveau peut utiliser cette information pour individualiser les personnes
00:10:32 à la fois la largeur et la hauteur.
00:10:34 Alors que sur la main, par exemple, on peut réduire les deux dimensions en une seule
00:10:39 dimension parce qu'elles sont parfaitement corrélées.
00:10:41 Ce que ces auteurs ont montré, c'est que non seulement sur le plan morphologique, mais
00:10:45 également sur le plan génétique, il y a un maximum de variabilité au niveau du visage
00:10:51 par rapport au reste du corps.
00:10:53 Ça veut dire que le reste du corps n'est pas très diagnostique pour identifier les
00:10:56 personnes, alors que le visage porte énormément d'informations.
00:11:00 La deuxième raison pour laquelle je pense que c'est la fonction la plus complexe au
00:11:05 niveau de la reconnaissance des formes, c'est parce que les gens changent beaucoup.
00:11:09 Vous voyez George Clooney ici, les deux photographies sont très différentes.
00:11:14 J'ai mis au milieu le président ukrainien, avant qu'il soit célèbre, après qu'il
00:11:18 soit célèbre.
00:11:19 Vous voyez, c'est très difficile de dire ce que vous ne connaissez pas, de dire que
00:11:22 c'est la même personne.
00:11:23 Alors à droite c'est un peu une plaisanterie avec Donald Trump, mais ça montre aussi que
00:11:31 on va au delà de, et c'est là que je vais revenir aussi, on va au delà de simplement
00:11:36 reconnaître des caractéristiques physiques, mais on fait une référence conceptuelle,
00:11:40 on fait des associations dans le cerveau qui nous permettent de reconnaître les personnes.
00:11:45 Les visages changent effectivement constamment.
00:11:47 Non seulement le visage va changer parce que je change de position, l'éclairage va changer,
00:11:53 vous allez changer au cours, parce que si vous, tout d'un coup vous changez d'expression
00:11:58 faciale, vous allez changer au cours de la vie, avec l'âge, les visages se transforment,
00:12:03 et malgré tout, vous devez reconnaître les mêmes personnes à travers tous ces changements,
00:12:07 c'est extrêmement compliqué pour votre cerveau.
00:12:10 Ensuite, la troisième raison pour laquelle c'est difficile, c'est très difficile pour
00:12:14 le cerveau, c'est que le nombre de visages est astronomique en fait.
00:12:19 On est 8 milliards sur Terre, vous savez, depuis un an on a atteint ce chiffre de 8 milliards,
00:12:23 ça veut dire qu'il y a 8 milliards de visages.
00:12:25 Chaque visage est unique, même les chumeaux ils ont des visages uniques, et en plus, tous
00:12:31 les visages de l'histoire, toutes les personnes qui sont décédées, maintenant on crée
00:12:35 même des faux visages, vous savez, vous vous mettez sur l'ordinateur, chacun de ces visages
00:12:39 est unique.
00:12:40 Donc ça veut dire qu'il y a maintenant une infinité de visages, évidemment dans votre
00:12:44 vie vous n'allez pas reconnaître 8 milliards de visages, heureusement, mais vous devez
00:12:47 quand même en reconnaître pas mal.
00:12:49 Il y a une étude qui a montré, il y a quelques années, que des étudiants qui avaient une
00:12:53 vingtaine d'années, c'est une étude en Angleterre, connaissaient en moyenne 5000 visages,
00:12:57 ils étaient capables de reconnaître 5000 personnes par visage.
00:13:00 C'est une moyenne, il y en avait 3000, il y en avait 7000, mais c'est assez impressionnant.
00:13:05 Donc posez-vous la question de savoir par exemple combien de personnes vous seriez capables
00:13:09 de reconnaître dans le visage.
00:13:10 Quand je demande à mes étudiants, il y en a un qui me dit peut-être 1000, 1500, d'autres
00:13:15 qui me disent 150, et puis je leur dis, moi en fait 5000, c'est assez impressionnant.
00:13:21 Donc c'est une tente de reconnaissance extrêmement importante.
00:13:24 Alors, mon point numéro 2, c'est vous parler d'un peu la conception classique de la reconnaissance
00:13:31 faciale, donc comment les scientifiques pensent que ça fonctionne dans le cerveau.
00:13:35 Moi je m'intéresse à la reconnaissance faciale, mais on peut extrapoler ça à la reconnaissance
00:13:39 visuelle et à la reconnaissance des flors.
00:13:41 En général, il y a deux caractéristiques.
00:13:43 Deux caractéristiques de la théorie classique de reconnaissance, c'est que les scientifiques
00:13:48 ont tendance à faire la différence entre perception et mémoire.
00:13:51 Et on pense que reconnaître, c'est réaliser toute une série d'opérations perceptives
00:13:58 sur les entrées sensorielles à travers la rétine, donc au niveau du cerveau, et lorsqu'on
00:14:06 a réalisé ces opérations perceptives, les associer à des traces en mémoire que l'homme
00:14:11 a conservées, donc par exemple ici, des visages pour la bite à la tête.
00:14:15 Donc ce qu'on appelle la perception, ce serait, si vous voulez, comment le cerveau va reconstruire
00:14:21 l'image du monde qu'il voit.
00:14:24 Et la reconnaissance, ce serait donner du sens à l'image.
00:14:27 Et donc une des caractéristiques de la théorie classique de reconnaissance des visages,
00:14:31 de la reconnaissance visuelle en général, c'est l'idée qu'il y a une distinction
00:14:35 entre perception et mémoire.
00:14:38 Et que donc le problème central, ce serait surtout un problème de perception, il s'agirait
00:14:44 de construire une image de la réalité, de la scène visuelle, du visage, avant de pouvoir
00:14:52 la reconnaître.
00:14:53 Donc on sait que quand vous voyez un visage, vous avez une projection de photons sur la
00:15:00 rétine, je ne rentre pas dans les détails au niveau anatomique, mais ça va se projeter
00:15:04 tout à l'arrière du cerveau.
00:15:05 C'est l'arrière du cerveau qui est responsable de la vision.
00:15:08 Et puis ça va revenir vers l'avant, donc ça se projette comme ça au niveau de la rétine,
00:15:14 et puis il y a un relais dans un noyau au centre du cerveau, un petit noyau qu'on appelle
00:15:18 le thalamus, enfin c'est un sous-noyau du thalamus, et puis ça se projette tout à l'arrière.
00:15:22 Et ensuite on reviendrait vers l'avant, vers des régions ici qu'on appelle du lobe temporal,
00:15:29 et les chercheurs pensent que cette perception visuelle procède de manière hiérarchique,
00:15:34 vous avez toute une série d'étapes, d'étapes de traitement, qui vont consister à reconstituer
00:15:40 l'image que vous voyez, donc moi je prends l'exemple du visage, mais à reconstituer
00:15:45 une image de visage pour pouvoir, une fois que vous l'avez reconstituée contrairement,
00:15:50 reconnaître la personne. Donc le but serait, on a affaire à un monde physique, un monde
00:15:57 objectif, et le but serait de se rapprocher le plus possible de ce monde physique objectif.
00:16:03 C'est un peu le modèle du cerveau ordinateur, avec une série d'étapes de traitement hiérarchique
00:16:08 qui se basent les unes sur les autres pour reconstituer une image qui va nous permettre
00:16:13 ensuite de la reconnaître. Dans la deuxième caractéristique, donc cette notion de hiérarchie,
00:16:19 de traitement successif, il y a aussi cette idée que, ça va vous paraître étrange,
00:16:24 mais pourtant la plupart des scientifiques pensent comme ça, lorsqu'on reconnaît un visage,
00:16:28 on va d'abord reconnaître des parties de ce visage, moi j'ai un peu spécialisé dans
00:16:33 la reconnaissance des visages, mais pour n'importe quelle reconnaissance de forme, en fait,
00:16:38 les scientifiques pensent que l'on reconnaît un morceau, un autre morceau, un autre morceau,
00:16:42 et puis qu'on les assemble. Donc on va des parties vers le tout, si vous voulez.
00:16:46 C'est un peu comme un puzzle, vous devez reconstituer, évidemment vous n'en êtes pas conscient,
00:16:50 vous ne seriez pas conscient de ça, mais ce serait la manière dont votre cerveau procéderait.
00:16:54 Pourquoi les scientifiques pensent que ça fonctionne comme ça ? Parce qu'il y a des scientifiques
00:16:58 très connus qui avaient, qui ont d'ailleurs été pris Nobel de médecine dès les années 80,
00:17:04 des américains, on voit les viselles, qui avaient observé que si vous prenez un cerveau,
00:17:10 c'est pas un cerveau humain ici, c'est un cerveau de singe, ce qui est un modèle qui est très
00:17:14 utilisé en recherche en neurosciences, ils avaient développé l'idée que cette hiérarchie de traitement
00:17:22 va des parties, des stimuli qui sont très simples et très petits, vers des stimuli plus gros,
00:17:27 plus complexes, parce qu'ils avaient observé qu'en enregistrant l'activité des cellules du cerveau
00:17:32 à différents états, il y avait progressivement une augmentation de la complexité,
00:17:37 du type de stimuli auxquels les cellules répondent, une augmentation aussi du champ visuel,
00:17:42 c'est-à-dire que les cellules de la rétine répondent à une toute petite partie du champ visuel,
00:17:47 et puis progressivement vous allez augmenter au fur et à mesure la taille du champ visuel
00:17:51 auxquels les cellules vont répondre, et une augmentation de la latence.
00:17:54 Donc l'idée est cette idée de construction progressive.
00:17:57 Également, à partir des cerveaux du singe, l'idée des neurosciences, la conception des neuroscientifiques,
00:18:06 ici, donc ce que vous voyez là c'est une figure qui apparaît un peu complexe en fait, c'est celle-ci,
00:18:10 c'est un cerveau de singe qui a été aplati, c'est un cerveau aplati, et tout ce qui est en couleur,
00:18:16 c'est tout ce qu'on considère comme étant les régions du cerveau qui s'occupent de la vision.
00:18:20 Donc il y a pratiquement la moitié du cerveau qui s'occupe de la vision en fait,
00:18:24 on estime que c'est 40% dans un cerveau de singe qui s'occupe de la vision.
00:18:28 Donc ce que vous avez ici c'est l'œil, et puis le rôle éthanamique, et puis ce qu'on appelle le cortex visuel primaire,
00:18:36 l'air visuel numéro 1, et puis on a donné des numéros à ces airs visuels, V3, V2, V4, etc.
00:18:43 et puis des dénominations comme ça.
00:18:46 Donc il y a cette idée que lorsqu'on voit un visage, on le décompose en petits éléments,
00:18:53 et puis on va ressembler ces petits éléments, pour reconstituer progressivement, voyez,
00:18:58 une image globale du stimulus qui a été fait sur lui.
00:19:05 Donc de manière classique, je vous montre ça, je vous montre des exemples en fait de modèles classiques.
00:19:10 Il y a des modèles comme ça qui ont aussi dissocié la perception et la connaissance,
00:19:14 ce qu'on appelle des modèles cognitifs, de la connaissance du visage,
00:19:17 où on pense qu'il y a d'abord cet état de perception,
00:19:20 et puis ensuite une association à notre façon de voir.
00:19:23 On a projeté ces modèles sur l'organisation cérébrale,
00:19:27 désolé ceci étant en anglais, mais j'avais pas de version en français,
00:19:33 donc avec l'idée que tout à l'arrière du cerveau, vous avez l'encodage perceptif du visage,
00:19:38 et puis vous avez les traces en mémoire, et une fois que vous avez les traces en mémoire,
00:19:41 vous allez associer à des informations sur la personne.
00:19:45 Alors est-ce que c'est correct cette vision-là ?
00:19:47 Vous avez certainement compris le ton que j'utilise dans ma voix,
00:19:50 c'est que je présente la vision classique, et puis moi je considère que cette vision elle est fausse.
00:19:54 Donc c'est pas comme ça que ça fonctionne dans le cerveau, et qu'il faut changer notre conception,
00:19:59 parce que si on change pas notre conception, on va jamais comprendre comment ça fonctionne.
00:20:04 Et donc moi j'utilise en particulier les illusions visuelles dans ma recherche,
00:20:08 pour essayer de démontrer que ceci est incorrect.
00:20:10 Alors je suis pas le seul à penser ça, bien sûr, vous savez en science on n'est pas spécialement original,
00:20:15 on va chercher les idées chez les autres, on les associe, etc.
00:20:18 Donc je vais vous montrer les choses que d'autres personnes ont développées, d'autres collègues,
00:20:23 et puis comment je les mélange un petit peu dans ma recherche.
00:20:26 Par exemple si je vous présente des images comme celle-là, si vous ne les avez jamais vues,
00:20:31 c'est très difficile de reconnaître ça comme étant un visage.
00:20:34 On reconnaît ces différentes images comme étant des visages.
00:20:36 Pour la plupart d'entre elles, vous allez voir que c'est des tâches blanches et noires.
00:20:41 Il y a la même information dans ces images-là, quand je les mets à l'envers, ou quand je les mets à l'endroit.
00:20:45 Quand je les mets soudain à l'endroit, vous voyez que c'est des visages, sans problème.
00:20:48 Alors que physiquement, c'est la même chose. Physiquement c'est exactement la même chose, c'est juste.
00:20:54 Ces images en fait, ce sont des photographies normales, pour lesquelles la moitié des pixels ont été mis en noir,
00:21:01 et la moitié ont été mis en blanc.
00:21:04 Donc c'est des images qu'on appelle binarisées.
00:21:06 Parfois on appelle ça des images de Mooney, parce que ça a été développé par un psychologue canadien qui s'appelait Mooney.
00:21:12 C'est un peu le même principe, si vous voulez, que les tableaux du peintre Archimboldo, de Mecklener,
00:21:18 le peintre de la Renaissance Archimboldo, qui jouait là-dessus en fait,
00:21:21 il faisait des visages à partir de livres, bibliothèques, des fruits et des légumes, des branches d'arbre, etc.
00:21:29 Quand ils sont à l'envers, bien sûr si on les connaît, on voit les visages à l'intérieur,
00:21:33 mais si on ne les connaît pas, c'est très difficile, et c'est à l'endroit, ça se puzzle.
00:21:36 Or, si vous voulez, c'est difficile d'expliquer ça dans une vision classique,
00:21:40 parce que les éléments ne sont pas des éléments faciaux.
00:21:44 Donc comment est-ce qu'on pourrait avoir une vision classique,
00:21:47 où l'on reconstitue le visage comme un puzzle à partir d'éléments,
00:21:51 puisque chacun des éléments ne constitue pas un œil, une bouche, un nez,
00:21:56 mais plutôt, par exemple, un fruit, un autre fruit, vous voyez les crânes de raisin, etc.
00:22:01 Et donc, c'est difficile de concevoir dans un modèle hiérarchique
00:22:04 comment on pourrait percevoir un visage dans ces éléments-là.
00:22:08 Donc ça illustre, si vous voulez, que contrairement à la vision classique,
00:22:12 il semble qu'on ait besoin de la mémoire de ce qu'est un visage
00:22:16 pour percevoir un stimulus sensoriel comme un visage.
00:22:19 En d'autres termes, le modèle classique dit qu'on perçoit,
00:22:23 et puis après on associe en mémoire,
00:22:25 et ce type de division, de stimuli développés parfois dans le monde artistique,
00:22:31 semble montrer que si vous n'avez pas une mémoire,
00:22:33 si vous n'utilisez pas votre mémoire, vous ne pouvez même pas les percevoir.
00:22:37 Et donc la vision alternative, c'est de dire que
00:22:40 c'est en associant des entrées sensorielles qui sont non-signifiantes,
00:22:45 qui ne sont pas spécifiques de visages ou d'autres objets,
00:22:48 avec la mémoire de visages, que l'on perçoit les visages.
00:22:50 Autrement dit, on a d'abord l'association en mémoire,
00:22:54 et c'est l'association en mémoire qui mène à la perception, et pas l'inverse.
00:22:57 Alors, je vais vous montrer plusieurs exemples qui t'en amènent.
00:23:00 Et ça, évidemment, pas seulement un.
00:23:02 Si je reprends mes tâches noires et blanches,
00:23:05 normalement vous ne voyez rien du tout dans ces images.
00:23:08 C'est juste des tâches noires et blanches.
00:23:10 Quand vous les assemblez, vous voyez un visage.
00:23:12 Comment expliquer dans un modèle hiérarchique qu'on puisse percevoir un visage
00:23:16 si on décompose les éléments, comment est-ce qu'on peut savoir que
00:23:19 ça, ça va être le nez, par exemple, et ça, ça va être la bouche ?
00:23:23 C'est impossible pour le système de déterminer ça.
00:23:25 Et en fait, les systèmes classiques, hiérarchiques,
00:23:28 comme ça, sont incapables d'expliquer comment on reconnaît un visage dans de telles images.
00:23:34 Ce que ça montre aussi, c'est que selon la vision alternative, en fait,
00:23:39 notre mémoire des visages serait ce qu'on appelle holistique,
00:23:43 c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas dans votre cerveau une mémoire spécifique
00:23:47 pour un œil, un autre œil, une bouche, un nez, etc.
00:23:51 Mais votre mémoire des visages, c'est toujours de l'entièreté du visage.
00:23:55 Le visage est toujours représenté comme un tout, un tout unifié, indécomposable.
00:24:01 Alors, ça, je vais passer, c'est pas tellement important.
00:24:05 C'est ce qui fait que si vous utilisez votre mémoire pour percevoir,
00:24:09 en fait, vous voyez parfois des visages sur la Lune, par exemple,
00:24:13 dans les nuages, et puis d'autres ne vont pas les voir.
00:24:16 Vous allez les voir ou pas les voir.
00:24:18 Et il n'y a pas nécessairement une réponse objective qui est correcte.
00:24:22 Si je vous montre ceci, par exemple, tout d'un coup, vous voyez un visage.
00:24:25 C'est en train de cuisiner, vous allez voir un visage.
00:24:27 Et puis, peut-être que la personne qui cuisine avec vous va dire
00:24:29 "Bah non, moi je ne vois pas."
00:24:31 Qui est raison ?
00:24:33 Donc un des deux, ça veut dire que la reconnaissance du visage,
00:24:36 c'est une part, c'est le monde subjectif, en fait.
00:24:39 Donc le but n'est pas de décoder objectivement le monde,
00:24:42 mais il y a une part de subjectivité qui est importante.
00:24:45 On ne voit pas le monde de la même manière.
00:24:47 C'est pour ça que c'est intéressant, mais c'est aussi pour ça qu'il y a des biais, là, malheureusement.
00:24:51 Mais donc, parce qu'on projette notre mémoire, bref, le monde physique,
00:24:55 on ne décode pas simplement l'information objective du monde physique.
00:25:00 Alors, ces mémoires qu'on appelle holistiques, ou intégrées,
00:25:06 qui sont très fortes, nous permettent en fait de reconnaître le visage de manière très efficace.
00:25:12 Alors je sais que c'est déjà d'il y a dix ans, ou bientôt dix ans,
00:25:16 donc on peut contester, mais on entend toujours dans la société
00:25:19 que les machines battent, elles battent surtout en reconnaissance faciale,
00:25:23 elles sont meilleures que nous, etc.
00:25:25 Moi, je ne suis pas d'accord du tout.
00:25:27 Je ne travaille pas sur les machines, je travaille sur la manière dont le cerveau reconnaît les visages.
00:25:32 Mais ça, ça m'avait bien plu, parce que c'était un article,
00:25:34 on dit ça depuis 25 ans, que les machines nous battent.
00:25:37 C'était un article il y a dix ans qui montrait qu'effectivement,
00:25:40 les algorithmes de reconnaissance faciale arrivaient à des scores de 100%,
00:25:44 pour reconnaître le visage parmi les images,
00:25:47 mais dès que vous commencez à masquer l'image, il y a une chute de performance.
00:25:52 Vous voyez, avec 40% de visibilité de l'image, ces algorithmes ne parviennent plus à reconnaître.
00:25:58 Et l'être humain, il arrive encore à le faire avec 20%.
00:26:00 Il est encore à 100% d'efficacité avec 20% de visibilité.
00:26:03 Donc, on se rassure, les machines sont encore là, elles nous battent.
00:26:08 Elles nous battent apparemment dans certains domaines, très spécialisés,
00:26:11 mais on peut toujours trouver des petits trucs pour les mettre en info relativement facilement.
00:26:15 Alors je vous montre un autre exemple qui illustre assez bien le fait que
00:26:19 la reconnaissance des visages n'est pas quelque chose d'objectif,
00:26:22 mais que c'est vous qui projetez votre mémoire sur le monde.
00:26:26 J'espère que mes vidéos vont fonctionner.
00:26:29 C'est ce qu'on appelle l'illusion du masque creux, que vous avez peut-être vu avant.
00:26:35 On fait tourner un visage comme ça.
00:26:37 C'est un masque, et normalement, vous devriez le voir de façon creuse,
00:26:40 et vous êtes incapables de voir la partie intérieure du masque.
00:26:44 Vous voyez toujours en trois dimensions.
00:26:47 Pourquoi ? Parce que votre expérience des visages, c'est qu'ils sont en trois dimensions.
00:26:51 Et donc, vous projetez votre expérience sur le visage.
00:26:53 Alors, il y a aussi un changement de direction.
00:26:55 Le changement de direction, ce n'est pas important.
00:26:57 C'est parce qu'au moment où vous le voyez comme projeté en trois dimensions,
00:27:01 ça commence de l'autre côté, et donc vous avez cette impression aussi qui va tourner de l'autre côté.
00:27:06 Mais ce n'est pas l'importance de l'illusion.
00:27:08 L'importance de l'illusion, c'est que vous êtes incapables de le voir de l'autre côté.
00:27:12 Et donc, si j'avance par exemple, si j'avance comme ça,
00:27:15 parce qu'il y a quelqu'un qui m'a dit, j'ai donné cours hier après-midi en Suisse,
00:27:19 il y a quelqu'un qui m'a dit "Oui, ça ne marche que quand on bouge."
00:27:21 J'ai dit "Non, non, non, non, regardez même en statique.
00:27:24 Si je le mets au niveau statique ici, vous le voyez toujours en 3D.
00:27:27 Ce n'est pas possible de voir la partie creuse."
00:27:30 Ça, c'était ce que j'avais sur la première dia, c'est la même chose.
00:27:33 En fait, c'est Charlie Chaplin, et c'est vous qui projetez votre mémoire sur le stimulus sensoriel.
00:27:43 Donc, ça veut dire que ça, c'est incorrect, cette vision-là.
00:27:47 En tout cas, moi, je pense qu'elle est incorrecte.
00:27:49 C'est donc qu'on ne fonctionne pas de cette manière-là,
00:27:51 et qu'il nous faut une conception alternative pour comprendre comment le cerveau connaît les visages.
00:27:55 La conception alternative, ce serait celle qui dirait, vous avez vos entrées sensorielles,
00:28:00 donc vous voyez le monde, effectivement, vous avez les traitements qui se passent au niveau de votre rétine,
00:28:06 au niveau d'un certain nombre d'étapes, mais c'est des étapes très basiques,
00:28:09 et à ce niveau-là, vous ne reconnaissez rien.
00:28:11 C'est comme si vous étiez aveugle.
00:28:13 Si on vous enlève vos mémoires, c'est comme si vous étiez aveugle,
00:28:15 et vous devez associer ces entrées sensorielles aux mémoires faciales pour reconnaître.
00:28:20 Et ce qu'on appelle la perception, c'est simplement l'expérience subjective que vous avez
00:28:27 de la reconnaissance, qui émerge de la reconnaissance, si vous voulez.
00:28:31 Donc, il n'y a pas de perception sans mémoire, c'est impossible.
00:28:34 Vous avez besoin de votre mémoire pour percevoir.
00:28:38 Ça veut dire que la perception est toujours consciente.
00:28:41 Alors, s'il y a des psychanalystes ici, parmi vous, des gens qui s'intéressent à l'psychalysme,
00:28:44 on me dit "non, non, non, non, il y a plein de processus inconscients, etc."
00:28:48 Oui, bien sûr, d'accord, il y a plein de processus inconscients,
00:28:51 mais ce sont des motivations, des désirs, des processus sensoriels inconscients.
00:28:59 Et quand on parle de perception, moi je pense, je considère, je ne suis simplement pas le seul,
00:29:05 qu'on est toujours dans le monde de la conscience.
00:29:07 Alors, cette idée n'est pas de moi, évidemment.
00:29:09 Moi, j'ai simplement appliqué le testement à la connaissance faciale,
00:29:13 mais elle vient d'un certain nombre d'auteurs, en particulier le scientifique Helmholtz,
00:29:18 au 19e siècle, qui avait écrit le premier traité de la vision, un traité monumental,
00:29:24 où il se concentrait sur l'œil, parce qu'à l'époque on ne connaissait pas grand-chose sur le cerveau,
00:29:28 et qui faisait la différence entre ce qu'il appelait la sensation et la perception,
00:29:32 avec cette idée que la perception est nécessairement basée sur la connaissance, donc sur la mémoire,
00:29:38 qui était dérivée de l'expérience, Helmholtz était un empiriste,
00:29:41 et donc cette conception a été appelée perception indirecte.
00:29:44 Elle a été remise au bout du jour par un auteur qui m'a influencé dès le tout début de ma carrière,
00:29:49 c'est-à-dire qui était un psychologue, Richard Gregory.
00:29:51 C'est grâce à ça que je me suis rentré un peu dans ce monde de la connaissance visuelle,
00:29:56 et j'ai simplement indiqué d'autres auteurs, donc des gens, très peu de scientifiques en fait,
00:30:01 qui connaissent un peu moins de manière alternative par rapport à la conception classique.
00:30:05 Si ça vous intéresse, ici, Richard Gregory, son livre a été traduit, il s'appelle "L'œil et le cerveau",
00:30:10 c'est un livre remarquable, avec beaucoup d'illusions visuelles,
00:30:14 et des explications scientifiques de cette conception, perception indirecte.
00:30:18 Alors il ne faut pas que ça, il ne faut pas que cette conception-là pour comprendre comment ça fonctionne,
00:30:24 l'autre conception qu'il faut changer c'est la conception de la mémoire,
00:30:29 c'est-à-dire qu'il y a un grand nombre de scientifiques qui considèrent qu'on a certaines régions du cerveau
00:30:35 où se situe la mémoire, et puis il y a d'autres scientifiques qui disent "non, non, la mémoire elle est partout".
00:30:40 En fait, on n'a pas des systèmes de mémoire dans le cerveau, mais on a plutôt une mémoire de système,
00:30:47 c'est-à-dire que la mémoire c'est des renforcements de connexions entre les neurones
00:30:52 qui peuvent se produire à tous les endroits du cerveau,
00:30:55 et donc avec cette conception-là on peut beaucoup mieux expliquer la perception indirecte que je vous ai présentée,
00:31:04 puisqu'on ne doit pas avoir toute une série de traitements pour après rencontrer la mémoire.
00:31:08 La mémoire est à chaque étape du système, si on veut.
00:31:11 J'ai indiqué aussi ça, ce n'est pas l'idée de Joachim Foster,
00:31:15 mais c'est probablement pour moi le plus beau livre sur la mémoire qui explique cette conception.
00:31:20 Alors vous allez me dire "ok, votre conception elle est peut-être intéressante,
00:31:23 mais il est possible qu'en fait on ait toujours la perception et puis la mémoire intervient plus tard,
00:31:30 et on ne s'en rend pas compte, et donc ça ne va pas très bien".
00:31:33 C'est peut-être une inférence qu'on fait beaucoup plus tard.
00:31:36 Alors je peux vous démontrer l'inverse, on a fait des expériences avec ce qu'on appelle un électroencephalogramme,
00:31:42 que vous devez connaître, c'est simplement l'enregistrement de l'activité du cerveau.
00:31:46 C'est une technique centenaire, presque centenaire, ça a été découvert en 1929
00:31:51 par un médecin allemand, Hans Belger.
00:31:54 Donc on enregistre simplement sur la peau, sur le scat, on met deux électrodes,
00:31:58 on enregistre une différence de potentiel, et on ne fait pas que ça,
00:32:01 on présente des images, dans les expériences de recherche que nous faisons,
00:32:04 on présente des images de visages, et puis on en présente une fois, dix fois, cent fois,
00:32:09 et quand on peut présenter un moment comme ça,
00:32:12 on peut faire la moyenne des réponses électriques que vous observez sur le cerveau,
00:32:17 et on peut observer ce qu'on appelle des potentiels évoqués,
00:32:19 c'est-à-dire des dérivations comme ça, positives ou négatives.
00:32:22 Le fait que ce soit positif ou négatif, c'est juste l'orientation des courants électriques dans le cerveau,
00:32:26 ça n'a aucune importance pour nous.
00:32:29 Et ce qu'on a pu voir, c'est qu'on a une onde qu'on appelle la N170,
00:32:33 qui est, pourquoi ? Parce que le pic est à peu près à 170 ms,
00:32:38 donc avant 200 ms par rapport à la présentation du visage.
00:32:42 Et elle est généralement localisée à l'arrière de la tête, ici, sur les côtés, avec une réponse plus forte à droite.
00:32:48 Pourquoi c'est intéressant ? Parce que quand vous présentez les stimuli d'Archimboldo,
00:32:53 ça c'est une expérience qui a été réalisée par ma collègue Stéphanie Calavec,
00:32:56 qui est professeure à l'université de Lorraine,
00:32:58 vous avez une réponse plus forte pour l'Archimboldo que vous percevez comme un visage
00:33:03 par rapport à celui que vous ne voyez pas, alors que physiquement c'est la même chose.
00:33:06 Et en fait ce qui se passe, c'est que pendant tout un moment, jusqu'à 100 ms,
00:33:11 la réponse du cerveau suit les propriétés physiques de l'image.
00:33:16 Et ensuite, entre 100 et 200 ms, le cerveau se détache des propriétés physiques
00:33:22 et la réponse électrique, elle dépend de votre mémoire,
00:33:25 elle dépend de votre interprétation du réel.
00:33:28 Je vais vous en montrer un autre qui est plus spectaculaire encore,
00:33:30 celui-là est très joli. Vous avez deux images qui sont exactement les mêmes,
00:33:35 mais il y en a une culturellement, nous avons appris depuis 15-20 ans à l'interpréter comme un visage.
00:33:41 Et bien, vous avez une réponse électrique automatique plus forte
00:33:45 pour celui que vous avez appris à interpréter comme un visage.
00:33:47 Si on avait fait ça dans nos cultures, si on avait fait ça autrement,
00:33:51 c'est celui-là qui donnerait une réponse plus forte que l'autre.
00:33:53 Donc ça veut dire que notre culture, notre expérience, est imprégnée
00:33:58 et contraint la manière dont on perçoit la vie.
00:34:01 Entre 100 et 200 millisecondes. Enfin bon, ça, c'est pas clair.
00:34:05 Je vais passer sur celui-ci parce que c'est un peu trop complexe,
00:34:09 puis j'ai encore des choses que je veux vous montrer.
00:34:11 Donc ça veut dire que je vous ai défini le visage au départ,
00:34:14 en fait on peut changer la définition.
00:34:16 Moi ce que j'aime bien, c'est quand mes étudiants disent "oui mais finalement c'est quoi un visage ?"
00:34:20 que je leur dis "ben, il n'y a pas de définition objective,
00:34:22 un visage c'est ce que votre cerveau interprète comme un visage."
00:34:26 Parfois vous voyez deux points et "oui, tiens, ça ressemble à un visage",
00:34:30 et peut-être que quelqu'un ne le voit pas, il n'y a pas une définition objective correcte de ça.
00:34:36 Alors, une question qui survient généralement quand on a cette conception-là,
00:34:40 c'est qu'on va dire "oui d'accord, vous dites qu'on projette la mémoire sur le monde
00:34:44 et que c'est grâce à ça qu'on va voir certains visages,
00:34:49 mais le bébé, alors comment il fait le nouveau-né ?
00:34:52 Le nouveau-né, il n'a pas de mémoire, il n'a pas encore plus de visage,
00:34:56 donc comment est-ce qu'il peut percevoir le monde ?
00:34:59 Et pour le nouveau-né, ce qu'il faut savoir, c'est qu'il voit très mal.
00:35:02 La vision du bébé à la naissance, c'est complètement fou,
00:35:06 donc la vision est très mauvaise.
00:35:09 Et il y a des expériences que vous connaissez peut-être, très célèbres,
00:35:12 qui ont montré qu'effectivement, des nouveaux-nés de deux à trois jours,
00:35:15 ils préfèrent regarder des visages que des stimuli comme ça qui sont appareillés en complexité.
00:35:21 Donc ça, ça a été pris par les scientifiques comme l'idée que le bébé vient à la naissance
00:35:26 avec déjà une mémoire des visages et que ça l'aiderait à construire le monde.
00:35:32 Ça a été remis en question parce qu'il y a des expériences très intelligentes
00:35:36 qui ont montré qu'en fait, le bébé n'est pas particulièrement attiré par les visages,
00:35:40 il est attiré par des stimuli qui ont beaucoup plus de complexité dans la partie haute que dans la partie basse.
00:35:47 Donc si vous présentez ces deux-là au bébé, il va préférer regarder celui-là.
00:35:51 Donc ce qui est entouré en rouge, c'est la préférence des nouveaux-nés.
00:35:55 Le nouveau-né va préférer regarder celui-là alors que vous ne le voyez pas comme un visage,
00:35:58 mais il a deux carrés noirs et l'autre un carré noir en haut.
00:36:01 Et puis vous présentez ça, il n'y a pas de différence entre les deux.
00:36:05 Le bébé ne préfère pas regarder celui de droite.
00:36:07 Il va regarder les deux de manière équivalente parce qu'il y a deux carrés noirs dans la partie supérieure.
00:36:11 Et plus fort encore, vous présentez ces deux-là, vous allez regarder plutôt celui de droite,
00:36:16 le bébé va regarder celui de gauche parce qu'il y a davantage d'éléments dans la partie supérieure.
00:36:20 Ça veut dire qu'à la naissance, le bébé n'a pas de mémoire des visages.
00:36:23 C'est taboué d'un hasard.
00:36:25 Et il va devoir construire ça.
00:36:27 Mais ça vient très vite.
00:36:28 Ça vient très vite.
00:36:29 Il y a des chercheurs qui ont montré que...
00:36:31 Ils ont mis des caméras sur leurs enfants quand ils étaient nés.
00:36:35 Et ils ont montré que...
00:36:37 Bon, le bébé évidemment il dort beaucoup,
00:36:39 mais que dans les périodes d'éveil, il y avait une très grande partie, une majorité de la période d'éveil,
00:36:44 le bébé en fait, voit les visages.
00:36:46 Parce que les visages de la mère, bien sûr, le père, les infirmières, la maternité, etc.
00:36:51 Donc ils montrent que c'est énorme en fait.
00:36:54 Dans les premiers jours et les premières semaines,
00:36:56 la stimulation faciale du système visuel est énorme et prend une part considérable.
00:37:01 Alors on avait dit que c'était des expériences là-dessus, pas sur des nouveaux-nés.
00:37:05 C'est un peu compliqué à faire sur des nouveaux-nés,
00:37:07 mais on a enregistré l'électroencéphalogramme chez des bébés de 4 à 6 mois.
00:37:10 Donc vous voyez ma présentation ici.
00:37:13 On leur a présenté des images.
00:37:15 Alors c'est une expérience qui peut paraître un peu complexe.
00:37:17 C'est un peu différent de ce que j'ai montré avant.
00:37:19 C'est-à-dire qu'on présente des images d'objets et puis une fois sur 5, un visage.
00:37:23 Donc il y a 6 images par seconde.
00:37:25 Vous allez voir que ça va assez vite.
00:37:27 6 images par seconde et une image sur 5 est un visage.
00:37:30 Et le bébé, on ne lui demande rien évidemment.
00:37:32 Il est à 4 ou 6 mois, on le met devant l'écran.
00:37:34 Et s'il ne regarde pas, on ne le prend pas comme expérience.
00:37:38 Et puis s'il regarde, on le prend comme expérience.
00:37:40 Mais vous allez voir que ça marche pas mal.
00:37:42 Donc ça c'est un bébé... c'était pas un bébé de l'expérience vraiment.
00:37:44 On l'a fait pour la télévision.
00:37:46 Donc vous voyez, là on met un casque pour enregistrer l'activité électrique du cerveau.
00:37:50 Le bébé est sur les genoux de sa maman.
00:37:52 Et puis vous allez voir sa réaction par rapport à l'écran.
00:37:56 Donc là on est derrière.
00:37:58 Donc ça c'est ma collègue Adélaïde Delavigne qui est expérimentatrice.
00:38:02 Et puis on présente cette stimulation-là.
00:38:05 Les images sont en couleur.
00:38:06 Et vous voyez que le bébé est assez fasciné par ce qu'on présente.
00:38:09 Voilà exactement ce qu'on présente.
00:38:11 Toutes les 5 images, il y a un visage en fait.
00:38:14 Vous n'avez certainement pas été capable de dire que ça fait 1 fois sur 5.
00:38:17 Donc maintenant qu'on le dit aux gens que c'est 1 fois sur 5, ça va trop vite pour eux.
00:38:21 Et qu'est-ce que ça donne en fait ?
00:38:23 C'est une très vieille technique qu'on a remise au bout du jour en électrophysiologie.
00:38:27 Si vous présentez au cerveau 6 images par seconde,
00:38:30 le cerveau va caler son activité électrique exactement sur la fréquence.
00:38:35 Ça veut dire que si vous en présentez 8, 8 par seconde, 10 par seconde,
00:38:38 ou 5,2 par seconde,
00:38:40 vous allez avoir une réponse électrique exactement à 10, ou à 8, ou à 6, ou à 5,2.
00:38:45 Et donc regardez l'activité électrique.
00:38:47 Alors ça, c'est pas normal.
00:38:49 C'est ce qu'on appelle un spectre de fréquence.
00:38:51 Après une transformée de Fourier,
00:38:53 une opération mathématique qui permet d'obtenir ces spectres de fréquence
00:38:56 à partir de l'électron, c'est pas le même.
00:38:58 Vous voyez la réponse exactement à 6 par seconde.
00:39:01 Donc c'est 6 Hertz.
00:39:02 C'est la réponse électrophysiologique que l'on enregistre tout à l'arrière de la tête,
00:39:06 puisque je vous explique la vision, c'est à l'arrière de la tête, sur le bébé.
00:39:10 Mais c'est pas ça qui nous intéressait dans l'expérience.
00:39:12 Ce qui nous intéressait, c'était si le cerveau du bébé donne une réponse différente
00:39:18 chaque fois qu'il voit un visage,
00:39:20 comme il y a un visage une fois sur 5,
00:39:22 on va observer une réponse électrique pas seulement à 6, mais à 6 divisé par 5,
00:39:26 puisque c'est 5 fois plus long.
00:39:28 Donc on devrait avoir une réponse à 1,2.
00:39:30 Et effectivement, on observe une réponse exactement à 1,2.
00:39:33 Vous voyez comme c'est beau, c'est très clair.
00:39:35 Là il n'y a pas d'ambiguïté quand vous avez ces résultats-là,
00:39:38 que vous essayez de les publier dans la littérature scientifique,
00:39:41 là il n'y a pas trop de discussion, c'est clair, ça m'aide.
00:39:43 Et en plus, c'est au niveau de l'hémisphère droit, c'est pas en amont droit,
00:39:46 c'est pas à l'arrière, c'est au niveau de l'hémisphère droit.
00:39:49 Donc déjà, 4-6 mois, le bébé possède déjà une mémoire du visage
00:39:56 qui permet de reconnaître des entrées sensorielles comme des visages.
00:40:00 Et ce qu'on a fait, c'est quand on a publié cet article, on a dit
00:40:04 "Ah mais il peut le faire en un seul coup de oeil, parce qu'en fait les images vont tellement vite
00:40:08 que vous n'avez pas le temps de bouger les yeux."
00:40:10 Donc c'est une reconnaissance assez impressionnante que le bébé est capable de faire déjà à 4-6 mois.
00:40:15 Alors, question suivante, vous allez dire "Quelle est l'origine de cette mémoire ?
00:40:18 Comment ça se fait que le bébé à 4-6 mois, il est déjà capable de faire ça ?"
00:40:22 Et là, moi je travaille avec des collègues à l'université de Bourgogne, à Dijon,
00:40:26 en particulier Arnaud Leledi-Andrécoff qui travaille au centre du monde à Dijon,
00:40:31 que vous connaissez peut-être. Dijon c'est des gourmets, on le sait bien.
00:40:35 Et là eux, ils travaillent sur le rôle de l'olfaction,
00:40:40 quelle est le rôle de l'olfaction, des odeurs, dans la reconnaissance visuelle en particulier.
00:40:46 Donc ce qu'ils ont fait comme expérience, ils ont fait la même expérience que ce qu'on avait fait,
00:40:50 mais ils ont juste mis le visage une fois sur 6 au lieu d'une fois sur 5.
00:40:54 Je ne sais pas pourquoi ils ont fait ça, peut-être pour s'amuser, mais ça n'a pas l'air de tout ça.
00:40:58 Et puis ils ont mis deux conditions, ils ont mis les bébés dans deux conditions.
00:41:01 Il y avait une condition où le bébé avait chaque fois un t-shirt avec lui,
00:41:05 soit que le t-shirt avait été porté par sa maman pendant 3 jours,
00:41:08 donc était imprégné de l'odeur de la maman, ou c'était un t-shirt avec une odeur neutre.
00:41:14 Donc il y avait ces deux conditions-là, et ce qu'ils ont montré c'est que la réponse,
00:41:19 c'était des bébés plus jeunes que ce qu'on avait testé, c'est que la réponse en fait de reconnaissance au visage
00:41:25 ne se produisait que quand le bébé avait le t-shirt de la maman.
00:41:29 S'il n'y avait pas l'odeur maternelle, il n'y avait pas de reconnaissance du visage.
00:41:33 Et ça c'est incroyable, vous allez dire "comment c'est possible ça ?"
00:41:36 En fait, il y a différentes interprétations, il y en a certains qui disent "ah mais c'est parce que le bébé était plus excité
00:41:42 quand il avait l'odeur de sa maman, etc."
00:41:44 On a fait des expériences contrôle, je ne vais pas rentrer dans les détails qui montrent que ce n'est pas du tout ça,
00:41:48 notamment la réponse que vous avez à Sierre, c'est que la réponse générale,
00:41:51 elle ne change pas du tout en fonction de l'odeur. C'est vraiment la réponse de reconnaissance du visage.
00:41:55 Et comment on explique ça ? Ma manière d'expliquer c'est de dire "ce qui se passe c'est que, en fait,
00:42:01 le bébé in utero, avant la naissance, on sait que l'olfaction se développe beaucoup plus rapidement que la vision,
00:42:07 le bébé il entend aussi les voix, on aurait pu faire ça avec la voix de la mère par exemple,
00:42:12 et donc ce qui se passe c'est qu'il y a des populations de neurones, il y a des groupes de cellules nerveuses dans le cerveau
00:42:17 qui sont sélectionnées, qui commencent à créer une mémoire olfactive abstraite de ce que c'est une personne,
00:42:24 et que quand les visages se produisent dans l'environnement du bébé, ils sont concomitants avec cette odeur,
00:42:30 et donc ces populations vont être activées et vont aider par sélection et par renforcement des connexions synaptiques,
00:42:38 vont aider progressivement à créer une mémoire qui va progressivement pouvoir se baser seulement sur la vision.
00:42:44 Et donc on part d'une mémoire qui est multimodale et abstraite, et on arrive progressivement à une mémoire qui va être spécifique de chaque modalité.
00:42:52 C'est l'inverse de ce que pensent généralement les scientifiques, mais moi je pense que c'est ce qui se produit en science,
00:42:58 on pense en général, plutôt qu'on va des parties vers le tout et qu'on essaie de comprendre chacun son petit domaine scientifique,
00:43:03 et puis après on essaie de tout remettre ensemble. Alors que je crois qu'on devrait en fait travailler plus sur la multimodalité,
00:43:08 et puis pour la décomposer par le multimodalité. Alors maintenant je vais vous montrer quelques illusions au niveau de l'identité faciale.
00:43:18 Jusqu'à présent je vous ai montré ça surtout au niveau de la capacité du cerveau à reconnaître un visage, un stimulus comme étant un visage.
00:43:25 Il y a une série d'illusions qui montrent que les traits faciaux ne sont pas perçus indépendamment d'un cercle du visage.
00:43:31 Si je vous montre ceci par exemple, vous aurez l'impression que les yeux sont différents, les yeux de cet autre visage sont différents,
00:43:37 alors qu'en fait ils sont strictement identiques physiquement. C'est parce que la perception de chaque trait est influencée par l'ensemble du visage.
00:43:44 Un autre exemple que je vais vous montrer c'est celui-ci, c'est un peu ancien, pour vous ça ne devrait pas poser trop de problèmes.
00:43:50 Quand je l'ai montré hier à mes étudiants à Fribourg, la plupart ne savaient pas qu'il était George Bush, donc j'étais un peu embêté.
00:43:57 Mais bon, vous pouvez certainement reconnaître qui est George Bush, mais c'est beaucoup plus facile quand vous avez l'ensemble.
00:44:04 Alors qu'en fait, la seule différence physique ici, c'est les yeux. Donc la différence physique qui est là, elle est exactement la même que celle-là.
00:44:12 Mais quand vous mettez les traits faciaux en contexte, c'est beaucoup plus facile de reconnaître en fait, et de faire la différence.
00:44:20 Alors ça c'est une illusion aussi que j'aime assez bien, sauf que je vois qu'elle a été retournée ici. Est-ce que vous reconnaissez ces personnages ?
00:44:28 Voilà, deux, ça suffit.
00:44:34 Alors malheureusement ça n'a pas marché, c'est bizarre. C'est la même illusion que vous aviez montrée avant, mais je vais vous la remontrer.
00:44:44 Parce que là, il faut les remettre à l'endroit en fait. Et donc vous voyez, quand vous les mettez à l'endroit, là ils sont tous bizarres.
00:44:53 Voilà, là ça ne marche pas. Il fallait tourner en rotation en fait. Là ça fonctionne.
00:44:59 Si ça marche, vous les voyez quand même bizarres. Alors Le Pen il n'est pas tellement bizarre à l'envers ou à l'endroit, c'est un peu mâle.
00:45:06 Il ne change pas du vrai. Il n'a pas l'air content, mais vous voyez quand même, à l'envers on n'a pas la perception de grotesque qu'on a en droit.
00:45:15 Donc c'est exactement ce que vous aviez expliqué avec la bouche qui... En fait c'est parce qu'à l'envers les éléments sont perçus de manière indépendante de l'ensemble du visage,
00:45:27 puisqu'on n'a pas la mémoire du visage à l'envers et notre mémoire est holistique. Donc à l'envers on n'utilise pas une mémoire holistique et on voit chaque élément,
00:45:34 et chaque élément, plutôt que de voir le problème des relations entre ces éléments qui sautent aux yeux quand ils sont ensemble à l'endroit,
00:45:43 parce que là on voit que ça ne colle pas du tout, qu'il y a une différence d'orientation.
00:45:47 Je vous en montre maintenant mon illusion favorite. Ça je l'ai faite il y a quelques années. Est-ce que vous reconnaissez cette personne ?
00:45:54 Ah vous êtes fort, vous reconnaissez Merkel ici ?
00:45:58 Oui.
00:45:59 Alors c'est pas Merkel, c'est un peu mieux que Merkel, sérieusement.
00:46:04 Alors, qui reconnaît Merkel ici ?
00:46:08 Deux, trois...
00:46:10 Alors, en fait cette personne n'existe pas. C'est une création. Mais vous êtes très fort parce que c'est effectivement, c'est un mélange de Merkel et de Theresa May,
00:46:21 les premières premières ministres britanniques, vous le savez il y a quelques années.
00:46:25 Donc j'ai pris la partie supérieure de May et la partie inférieure de Merkel.
00:46:32 Et j'avais présenté, parce que j'avais présenté ça en Angleterre, c'était à l'époque, le Brexit avait été voté mais il n'avait pas encore été appliqué.
00:46:39 Et je leur avais dit "vous voyez que vous seriez beaucoup mieux sans le Brexit, parce que quand vous mettez les deux ensemble, c'est quand même beaucoup mieux que chacune séparément".
00:46:47 Et donc...
00:46:49 Vous avez ça pour moi, non ?
00:46:51 Alors, quand vous les décalez, là vous avez beaucoup plus facile à reconnaître chacun des visages en fait.
00:46:58 C'est difficile quand c'est ensemble, parce que quand c'est ensemble on recrée un nouveau visage.
00:47:03 Parce que notre perception éthoristique, on recrée une nouvelle personne.
00:47:06 Donc là, effectivement, vous m'avez surpris, vous avez réussi à reconnaître Merkel.
00:47:11 En général les gens ils reconnaissent beaucoup plus facilement Merkel et Theresa May quand on se sépare comme ça.
00:47:15 Donc j'avais dit "il vaut mieux l'union que le Brexit, parce que bon voilà, ça donne quand même beaucoup mieux".
00:47:21 Maintenant c'est vrai et pas vrai, parce qu'en fait j'ai pris la partie supérieure de Theresa May et la partie inférieure de Merkel.
00:47:28 Et si vous faites l'inverse, si vous prenez la partie supérieure de Merkel et la partie inférieure de Theresa May, ça donne pas aussi bien.
00:47:35 Est-ce qu'on découvre dans l'autre sens ?
00:47:38 Alors j'ai pas fait, j'ai pas fait.
00:47:41 Alors je vous montre maintenant, en traite de plaisanterie, je vous montre cette illusion des visages que normalement vous ne connaissez pas.
00:47:47 Donc on appelle ça l'illusion des visages composites.
00:47:50 Vous devrez avoir l'impression normalement que les deux parties supérieures à la ligne blanche sont légèrement différentes.
00:47:56 Et vous voyez elles s'ensemblent forcément, en fait elles sont strictement identiques.
00:48:01 C'est une illusion assez forte, donc quand je reviens sur l'illusion, vous avez l'impression normalement,
00:48:06 il y a une transformation de la perception de ces parties-là en fonction de la bouche qui est présentée.
00:48:11 Si vous n'avez pas eu l'illusion, je vous en montre une autre version, ça c'est ma version préférée,
00:48:16 où ici toutes les parties supérieures sont strictement identiques.
00:48:19 Donc tout ce qui est au-dessus de la ligne blanche c'est identique.
00:48:22 Quand on les décale, là on le voit.
00:48:24 Là c'est clair.
00:48:26 Mais en fait votre cerveau ne peut pas s'empêcher d'intégrer la partie inférieure et la partie supérieure.
00:48:31 Je la remets.
00:48:33 Vous avez par exemple, normalement vous aurez l'impression que celui-ci, il y a un sourire dans les yeux,
00:48:39 comme s'il était un peu narquois comme ça.
00:48:41 Mais en fait c'est complètement une illusion.
00:48:44 Étant donné que votre mémoire des visages c'est les visages à l'endroit,
00:48:48 si je vous présente à l'envers, l'illusion disparaît.
00:48:50 C'est toujours l'inversion. L'inversion tue quelque part la perception holistique.
00:48:55 Et donc on utilise ça beaucoup. Moi j'ai utilisé l'inversion des visages toute ma carrière.
00:48:59 Dans toute ma recherche c'est une très très belle manipulation, très simple,
00:49:03 parce que physiquement c'est la même chose en fait.
00:49:06 En termes du cerveau c'est très différent.
00:49:09 Donc ça veut dire que je pense que c'est des modèles hiérarchiques qui ne sont pas corrects,
00:49:13 et qu'il nous faut d'autres modèles.
00:49:15 Alors le modèle que moi j'aime beaucoup c'est l'idée que le cerveau,
00:49:19 c'est pas qu'il y ait une reconnaissance instantanée,
00:49:22 c'est qu'il y aurait une reconnaissance de ce qu'on appelle en anglais "Constant Find".
00:49:25 Donc on va de ce qui est le plus flou vers le plus fin,
00:49:28 tout en restant toujours global et toujours holistique.
00:49:31 Donc autrement dit c'est comme si votre cerveau...
00:49:33 Comme quand vous voyez quelqu'un de loin.
00:49:35 Vous voyez quelqu'un à 200-300 mètres, vous allez d'abord voir ça.
00:49:38 Vous allez le voir dire "ouais il y a un visage là". Vous ne savez pas qui c'est.
00:49:41 Et puis vous allez vous approcher où la personne va s'approcher,
00:49:44 et progressivement vous allez pouvoir reconnaître.
00:49:46 Mais l'idée c'est qu'il n'y aurait jamais de décomposition par le cerveau en petits éléments.
00:49:50 C'est qu'on reste toujours holistique, on reste toujours global,
00:49:53 mais on va du plus flou vers le plus fin.
00:49:56 Et ça colle avec ce qu'on connaît de l'organisation du système visuel,
00:50:01 parce qu'on sait qu'il y a ce qu'on appelle les fréquences spatiales basses et hautes
00:50:04 qui sont traitées par différents systèmes dans le cerveau,
00:50:08 et qu'elles doivent s'intégrer à un moment donné.
00:50:10 Ça veut dire que dans une image, si vous prenez une image comme ça,
00:50:13 vous avez des différents degrés de résolution quelque part dans cette image,
00:50:19 et là j'ai un peu reprojeté cette idée que le cerveau procéderait de cette manière là,
00:50:25 c'est-à-dire qu'il n'y aurait jamais de décomposition en partie,
00:50:27 mais il verrait progressivement, il verrait des choses, des éléments à plus basse résolution
00:50:34 vers les éléments à plus haute résolution progressivement.
00:50:37 Alors les scientifiques et les artistes ont joué avec ça.
00:50:41 Vous pouvez créer des stimuli comme ça.
00:50:44 Ici ça va peut-être, je pense que ça va normalement, vous devez voir l'inverse
00:50:48 pour celui du haut et celui du bas.
00:50:50 C'est-à-dire que le monsieur qui est fâché apparaît à gauche,
00:50:53 et en bas il doit apparaître à droite.
00:50:56 Mais en fait c'est exactement la même image.
00:50:59 Donc si vous ne le voyez pas, le monsieur fâché il est à gauche,
00:51:03 et si je prends ici, je prends cette image, vous voyez là le monsieur fâché il est à droite,
00:51:09 et quand je le montre comme ça, le monsieur fâché il est à gauche.
00:51:12 C'est exactement la même image.
00:51:14 Et ce qu'on a fait c'est qu'on a superposé les fréquences spatiales basse et haute.
00:51:18 Donc le monsieur fâché ici va être en fréquence spatiale basse,
00:51:24 et la dame avec l'expression neutre en fréquence spatiale haute.
00:51:28 Donc on crée des composites où on a un mismatch entre les fréquences spatiales,
00:51:32 à différents degrés de résolution.
00:51:34 Donc si vous les voyez loin ou près, ça va changer votre perception.
00:51:38 C'est très connu chez les artistes, Dali avait joué là-dessus.
00:51:41 Vous savez le fameux Lincoln qui s'accompagne Gala,
00:51:45 et donc à une certaine distance vous voyez Lincoln,
00:51:48 quand c'est proche vous voyez Gala.
00:51:50 Si vous pissez les yeux, vous voyez Lincoln.
00:51:53 Donc ça c'est simplement parce que quand vous pissez les yeux,
00:51:56 vous éliminez les fréquences spatiales hautes,
00:51:59 et donc vous allez voir plutôt l'image de Lincoln.
00:52:03 Donc ça c'était à Figueres, c'est une musculature à Figueres,
00:52:06 dans un musée où il a vécu.
00:52:09 Si ça vous intéresse aussi, à Dijon, au centre de Dijon,
00:52:12 il y a quelqu'un qui s'appelle Véronique Barillot,
00:52:16 qui fait des peintures comme ça, qui s'appellent Double Vision,
00:52:20 où elle joue sur ces fréquences spatiales-là,
00:52:22 et vous voyez différents éléments en fonction de la distance
00:52:27 à laquelle vous voyez ces peintures.
00:52:29 Ce qui est assez extraordinaire, c'est qu'elle parvient à les faire
00:52:32 sans changer sa distance à elle.
00:52:34 Je ne sais pas comment elle fait, j'ai discuté un peu avec elle,
00:52:37 c'est assez intéressant.
00:52:39 Elle a son magasin au centre de Dijon,
00:52:41 elle l'expose au centre historique de Dijon.
00:52:45 Moi j'aime beaucoup ce qu'elle fait,
00:52:47 je veux vraiment se faire ces aspects-là.
00:52:50 Ça je vais passer, c'est pas très important.
00:52:53 Et puis, si je peux encore vous prendre un petit peu de temps, ça va ?
00:52:58 Oui, on va prendre un petit peu.
00:53:00 Un petit peu, oui, j'y suis presque.
00:53:04 Alors, je vais passer ceci, parce qu'on en a déjà fait pas mal.
00:53:08 Bon, j'avais un petit peu, je voulais parler un petit peu de ceci aussi,
00:53:11 le fait que l'expérience modifie la perception,
00:53:13 il y a pas mal de chercheurs qui ont travaillé dessus,
00:53:15 et je vais vous le montrer avec le visage.
00:53:17 Si vous prenez du temps, vous fixez le point bleu, ici.
00:53:21 Donc passez un peu de temps à fixer le point bleu.
00:53:27 Ne bougez pas les yeux, vraiment fixez ce point bleu.
00:53:34 Voilà, c'est pour ça qu'on voit parfois Jésus,
00:53:37 Jésus qui apparaît.
00:53:40 Donc ça montre que, en fait, votre expérience peut aussi,
00:53:42 de manière très, très directe,
00:53:45 influencer la manière dont vous voyez le monde.
00:53:48 Donc on peut jouer aussi là-dessus,
00:53:50 pas seulement sur l'expérience à long terme.
00:53:52 Il y a d'autres illusions de ce type-là qui sont intéressantes.
00:53:54 Vous voyez là, je vous montre ici, quand on demande aux gens
00:53:56 laquelle est la correcte, vous pensez que c'est gauche ou droite.
00:54:00 Vous voyez la différence, vous diriez gauche.
00:54:02 Et en fait, c'est pas effectivement, donc vous diriez gauche.
00:54:05 Et ce qu'on fait, c'est qu'on montre aux gens quelque chose comme ça.
00:54:07 On va vous montrer ça pendant 30 secondes.
00:54:10 On a remonté les yeux, et ensuite, quand on demande,
00:54:13 alors ça ne marchera peut-être pas ici,
00:54:15 malheureusement, je ne vous ai donné la bonne réponse,
00:54:18 mais quand on montre ça et qu'après on dit c'est laquelle la normale,
00:54:20 les gens disent à droite.
00:54:22 Parce qu'ils se sont adaptés à quelque chose qui était déformé,
00:54:25 et puis après, ils retrouvent que ça c'est normal.
00:54:27 Donc on recalibre notre système visuel en fonction de notre expérience précoce.
00:54:31 Ça veut dire que si vous voyez des gens qui sont tous déformés,
00:54:34 vous aurez l'impression que quelqu'un qui est un petit peu déformé
00:54:36 a l'air très normal.
00:54:38 Donc voilà, pour avoir l'air très beau,
00:54:40 il faut que vous soyez parmi des gens qui ont des visages très beaux.
00:54:44 Alors celui-ci, je crois que je vais le passer parce que j'ai déjà fait beaucoup,
00:54:48 je vais vous montrer ça, il est très joli celui-ci.
00:54:51 Fixez ici, si vous fixez ici, fixez la droite,
00:54:55 vous aurez normalement l'impression que les visages à gauche et à droite,
00:54:58 ils sont complètement déformés.
00:55:01 Arrêtez de fixer et allez voir à gauche et à droite,
00:55:04 ils ne sont pas déformés du tout.
00:55:06 C'est une très très belle illusion.
00:55:08 Donc on les présente aussi 6 fois par seconde,
00:55:11 ils sentent que c'est une fréquence un peu magique.
00:55:14 Alors ça marche très bien dans la périphérie,
00:55:18 ça ne marche pas si on ralentit.
00:55:21 Si on ralentit, ça ne marche pas.
00:55:23 Donc il faut les présenter à cette fréquence-là,
00:55:25 je vous en montrerai dans un paquet.
00:55:27 Et ce qui se passe en fait à cette fréquence-là,
00:55:29 c'est que vous percevez le visage avec l'impression,
00:55:32 avec la morphologie précédente qui vient se coller
00:55:36 et la morphologie qui ne colle pas du tout.
00:55:39 Et donc vous avez cette fusion qui fait que
00:55:42 les visages apparaissent comme déformés.
00:55:45 C'est joli, hein ?
00:55:48 Ok, alors je termine.
00:55:50 Il y a encore quelques minutes.
00:55:52 Ça c'était mon dernier point,
00:55:54 je vais vous montrer un petit peu les recherches qu'on fait aussi.
00:55:57 Alors j'espère que j'aurai du son.
00:55:59 Je vais mettre le son de mon ordinateur au maximum.
00:56:02 Ici ça devrait aller.
00:56:04 Donc ce que nous on fait dans nos recherches,
00:56:06 moi j'ai travaillé avec ces illusions, etc.
00:56:09 Je continue pas mal de recherches là-dessus.
00:56:11 Mais ici à Nancy, c'est la raison pour laquelle je suis venu travailler à Nancy,
00:56:14 on travaille avec des patients épileptiques,
00:56:16 des patients qui ont une crise d'épilepsie,
00:56:18 qui ne peuvent pas être guéris par les médicaments
00:56:20 et qui ont des électrodes, pendant une semaine,
00:56:22 qui ont des électrodes insérées dans le cerveau,
00:56:25 donc implantées dans le cerveau,
00:56:27 pour mesurer les crises d'épilepsie,
00:56:29 l'endroit où ses crises d'épilepsie
00:56:31 et l'endroit où elles se propagent,
00:56:33 parce que c'est des personnes qui peuvent retrouver éventuellement une vie normale
00:56:37 si on fait une chirurgie,
00:56:38 donc on enlève une partie du cerveau pour éliminer les crises d'épilepsie.
00:56:41 Donc il ne faut évidemment pas enlever une partie du cerveau
00:56:43 qui est critique pour parler, pour mémoriser,
00:56:45 et il faut savoir que le cercle il faut enlever.
00:56:47 Alors nous, moi je suis plutôt en recherche,
00:56:49 donc je ne travaille pas sur les épilepsies,
00:56:51 mais je travaille avec des collègues, avec ses collègues,
00:56:53 et on a la chance pendant quelques jours,
00:56:57 on demande évidemment au patient s'il est d'accord,
00:56:59 tant qu'il a les électrodes au cerveau,
00:57:01 on peut faire des expériences en enregistrant l'activité de ce cerveau.
00:57:04 Donc pourquoi Nancy ?
00:57:06 Parce qu'en fait, Nancy est un des centres,
00:57:08 d'abord cette technique d'implantation d'électrodes,
00:57:12 elle est française au départ,
00:57:13 elle est née à Paris dans les années 50-60,
00:57:16 et il y a beaucoup de centres en France,
00:57:18 et Nancy est un des centres les plus actifs en fait.
00:57:22 Parmi les centres en France, on est le deuxième centre
00:57:25 en termes de nombre de patients implantés par an.
00:57:28 Donc c'est à Chine aussi, un service d'épilepsie qui est vraiment de très haut niveau,
00:57:33 donc ça permet de pouvoir faire pas mal d'expérimentations de ce type là.
00:57:37 Alors qu'est-ce qu'on fait chez les patients ?
00:57:39 Par exemple, on leur présente exactement ce qu'on a présenté au bébé,
00:57:42 la même chose que je vous ai montré,
00:57:44 mais cette fois on enregistre l'activité électrique,
00:57:46 non plus sur l'escale, mais à l'intérieur du cerveau.
00:57:49 Et ça nous permet, donc par exemple ici c'était une étude qui a été faite sur 120 patients,
00:57:54 on leur a présenté ça juste pendant deux minutes,
00:57:57 donc ça ne prenait pas beaucoup de temps,
00:57:59 et on a enregistré à l'intérieur du cerveau, sur chacun de ces petits contacts,
00:58:02 l'activité électrique, et ensuite on crée des images comme ça,
00:58:05 ça c'est des patients différents, vous avez quatre hémisphères ici,
00:58:08 on peut colorer en fonction de l'amplitude de la réponse que l'on observe,
00:58:13 et puis quand on met tous les cerveaux ensemble,
00:58:16 on peut obtenir des cartes comme ceci,
00:58:18 où vous voyez les endroits du cerveau, alors c'est sur la surface inférieure,
00:58:21 les endroits du cerveau où il y a le plus d'activité.
00:58:24 Et ça, ça nous permet de déterminer où sont les mémoires de visages dans le cerveau.
00:58:28 Donc là par exemple, vous voyez, comme le cerveau est retourné,
00:58:31 ce qui est à gauche est en fait l'hémisphère droit,
00:58:34 ici c'est l'hémisphère droit, et vous voyez une tâche sombre ici,
00:58:37 c'est une région qui est dominante dans la reconnaissance faciale,
00:58:42 qu'on appelle l'air fusiforme du visage.
00:58:44 Pourquoi fusiforme ? Parce que toute cette partie ici dans le cerveau,
00:58:48 on l'appelle le gyrus fusiforme, vous avez peut-être déjà entendu en parler,
00:58:51 c'est devenu un peu célèbre, donc c'est ce qu'on appelle l'air fusiforme du visage en anglais,
00:58:55 le fusiforme fessaria, qui est une des régions du cerveau les plus célèbres.
00:58:59 C'est là où on observe la réponse la plus forte pour les visages.
00:59:03 Alors tout le monde sait partout dans le monde ce que ça signifie,
00:59:06 FFA, fusiforme fessaria, mais en France on ne sait pas toujours
00:59:09 que c'est du vin ou de la saucisson, mais on est les seuls.
00:59:12 Alors ce qu'on peut faire avec ça, et je ne vais pas vous le montrer trop,
00:59:16 parce que je veux revenir un peu sur les illusions,
00:59:19 ce qu'on peut faire c'est qu'on peut enregistrer l'activité électrique
00:59:22 dans différentes régions, donc pas seulement dans cet effet phalle,
00:59:25 il est phalle à peu près ici, on peut enregistrer l'activité électrique,
00:59:28 on peut essayer de comprendre ce qui se passe, donc ça donne beaucoup d'informations,
00:59:32 notamment sur le fait que, en fait, dans toutes ces régions,
00:59:35 l'activité elle est largement parallèle, donc on n'est pas du tout dans un système
00:59:38 où on construit progressivement au cours du temps une image perceptive,
00:59:42 où ce qu'on montre dans nos recherches c'est que c'est une sorte d'embrasement des mémoires
00:59:46 pratiquement simultanés dans ces différentes régions.
00:59:49 Et la dernière chose que je veux vous montrer, c'est ça,
00:59:52 c'est que, étant donné qu'on a des électrodes à l'intérieur du cerveau,
00:59:55 on ne fait pas seulement qu'enregistrer, on fait aussi des stimulations électriques.
00:59:58 Alors pourquoi on fait des stimulations électriques ?
01:00:00 Parce que si vous stimulez à l'intérieur du cerveau et que tout d'un coup le patient ne sait plus parler,
01:00:04 vous savez que cette région-là, il ne peut pas l'enlever,
01:00:07 parce que si vous l'enlevez et que vous l'enregistrez, la personne ne va plus être capable de parler.
01:00:11 Donc en fait, les clinicians font des stimulations électriques,
01:00:14 et de temps en temps, ils trouvent des phénomènes intéressants.
01:00:17 Et ils en ont trouvé, en quelques années, alors je vais vous en montrer seulement deux,
01:00:21 en stimulant dans cette région qu'on appelle fusiforme, donc FFA,
01:00:26 on enregistre l'activité électrique, je ne rentre pas dans les détails ici,
01:00:29 mais sur ces deux contacts, on avait la chance, par chance,
01:00:33 d'avoir une électrode qui tombait exactement dans cette région-là, au cœur de cette région.
01:00:38 Et donc qu'est-ce qui s'est passé quand on a stimulé électriquement au cœur de cette région-là ?
01:00:42 Vous allez voir, j'ai une patiente ici, et je vais vous présenter, si la vidéo passe.
01:00:47 J'espère que vous allez entendre.
01:00:52 Alors je vais revenir au début. Est-ce que vous entendez ?
01:01:06 C'est difficile. Peut-être que vous avez un micro que je pourrais mettre ici ?
01:01:10 Vous pouvez signer ?
01:01:12 Vous êtes tout au long de cette vidéo.
01:01:15 En fait, ce qui se passe, c'est que la patiente, elle est dans le côté.
01:01:18 On présente, elle discute ici avec le clinicien, vous verrez après qu'on fait des présentations d'images.
01:01:25 Et puis quand l'écran devient rouge, c'est qu'on stimule dans son cerveau, à l'endroit où je vous ai montré.
01:01:30 Mais elle n'est pas consciente de ça. Elle ne sait pas.
01:01:32 Parce qu'on ne sent pas quand on stimule dans le cerveau.
01:01:34 C'est pas comme si on stimulait sur la nez, on ne sait pas quand on va stimuler.
01:01:37 Elle sait, elle sait, encore que là je ne suis pas sûr qu'elle le savait.
01:01:42 Dans les autres essais, oui, vous allez voir.
01:01:44 Quand ça devient rouge, c'est qu'on stimule. Vous allez voir sa réaction.
01:01:49 Je vous jure que...
01:01:51 Je vous jure que la même chose va arriver à la prochaine fois.
01:01:56 J'espère que mes...
01:01:59 La colline des yeux, les doigts des gouttes, les oreilles par les gouttes,
01:02:12 c'est un peu comme des dessins en rapport avec...
01:02:17 Ça, ça n'est pas normal.
01:02:20 Ça, c'est le moment où ça devient rouge.
01:02:23 Euh... Non.
01:02:25 C'est pas grave.
01:02:27 Oui, non, non.
01:02:29 Ça devient rouge les yeux, c'est pas les yeux qui sont...
01:02:31 Voilà.
01:02:32 C'est pas les yeux qui sont...
01:02:34 C'est pas les yeux qui sont...
01:02:36 Oui, je ne sais pas, c'est pas mon jeu de mettre les yeux...
01:02:40 De quelles... C'est les yeux de quelqu'un que j'ai déjà aperçus, oui.
01:02:44 Donc, sous les yeux, dans les images, comme...
01:02:47 Les images sont...
01:02:49 Comme ça.
01:02:50 Euh... Les oreilles, pareil.
01:02:52 Et pas les gouttes, en fait. C'est la colline des yeux du personnage.
01:02:56 Et là, on voit qu'on fait des dessins comme une spirale.
01:03:01 Donc, en fait, ce qu'on a observé chez cette patiente,
01:03:03 c'est qu'elle projetait sa mémoire d'une autre personne
01:03:06 sur le visage qu'elle voyait, le visage du clinicien.
01:03:09 J'ai d'autres exemples, d'autres vidéos,
01:03:11 mais je ne vais pas vous les montrer ici,
01:03:12 parce que je ne vais pas vous prendre trop de temps.
01:03:14 Ce que je vais vous montrer, c'est juste...
01:03:16 Donc, en terminant, une autre patiente,
01:03:18 on n'en a eu que deux en 12 ans.
01:03:20 On a eu la chance d'avoir une électrode exactement dans cette région-là.
01:03:23 Ça devait être toujours dans l'hémisphère droit.
01:03:25 Ça ne marche jamais dans l'hémisphère gauche.
01:03:27 Et là, je vais vous montrer une autre,
01:03:28 on a fait une expérience récemment, c'est la toute dernière d'hier,
01:03:33 où on joue un peu sur le...
01:03:35 Là, on présente des images, en fait.
01:03:36 On est dans la même région du cerveau, chez une autre personne.
01:03:39 Donc, je suis désolé si vous n'entendez pas tellement,
01:03:42 il y a toute la traduction en anglais, en fait.
01:03:44 Donc là, on lui montre des images,
01:03:46 elle doit retrouver lequel des deux est le même que celui d'en haut.
01:03:50 On stimule électriquement, elle ne sait plus le faire.
01:03:52 Elle est incapable de le faire.
01:03:54 Elle répond plus tard.
01:03:56 Là, on arrête, elle ne peut encore le faire.
01:03:58 Vous voyez, il y a une interruption de la capacité
01:04:00 de reconnaître l'identité des visages,
01:04:02 et de représenter.
01:04:04 Vous voyez, il y a une interruption.
01:04:06 Pardon ?
01:04:08 Je vais vous montrer un petit exemple.
01:04:10 Vous vous souvenez des visages, pour lesquels on a parlé.
01:04:17 C'est un genre de...
01:04:19 ...
01:04:21 Oui, exactement.
01:04:23 C'est...
01:04:25 ...
01:04:27 ...
01:04:29 ...
01:04:31 ...
01:04:33 ...
01:04:35 ...
01:04:37 ...
01:04:39 Là, on ne stimule pas.
01:04:41 Simplement, on lui refait avec ce qu'elle a raté.
01:04:43 Et là, elle le fait sans problème.
01:04:45 ...
01:04:47 ...
01:04:49 ...
01:04:51 ...
01:04:53 ...
01:04:55 ...
01:04:57 ...
01:04:59 ...
01:05:01 Et ils sont ainsi débordés de dominants...
01:05:04 C'était indexant, c'était indexant...
01:05:07 Il y avait des leaders ingrates.
01:05:10 Il y avait intelligent, il y avait aussi pourquoi c'était...
01:05:14 Il y avait comme une monialeté et...
01:05:17 Qu'était passé de l'KK?
01:05:20 Puis, selon moi, je conversations avec...
01:05:23 - Je Dingue toi!
01:05:25 Ah ah ah...
01:05:28 - Et ce mélange là, il y a un autre mélange là...
01:05:32 - Et ça, c'est un mélange de...
01:05:34 - Ah non, ce mélange là, c'est en sorte de...
01:05:38 - Ah oui!
01:05:40 - Donc, en fait, ce qui se passe là, là c'était un peu la même qu'à la précédente,
01:05:45 sauf qu'on a présenté deux images et là, la patiente mixe les deux images,
01:05:49 et elle les voit, les mains, quand elle projette des tresses, par exemple.
01:05:52 Ça ne marche jamais avec les objets, c'est complètement spécifique des visages.
01:05:56 On a tout, on fait tout de suite cette réelle expérience comme ça,
01:05:59 c'est très très spectaculaire.
01:06:01 Et donc ça montre que quand on interfère avec vos mémoires,
01:06:04 on interfère électriquement avec les mémoires,
01:06:06 on change la perception des visages.
01:06:10 Voilà, je termine là,
01:06:12 juste en présentant un peu les personnes qui travaillaient avec moi,
01:06:16 si ça se trouve, sur cette recherche, en les remerciant évidemment,
01:06:20 et puis en remerciant pour votre attention,
01:06:22 et puis désolé pour le...
01:06:24 - Merci. - ...mal de technique.
01:06:26 - Merci. - Désolé.
01:06:28 (Applaudissements)
01:06:31 Si vous avez des questions...

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