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L'écrivain Maxime Chattam, invité du Monde d'Élodie, le 2 novembre 2023. Il nous parle de "Lux, son dernier roman, publié aux Editions Albin Michel.

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Transcription
00:00 Bonjour Maxime Chattam.
00:00 - Bonjour.
00:01 - Vous êtes ce romancier qui aime nous faire peur.
00:03 Ex-étudiant en criminologie, vos romans se sont tout de suite
00:06 inscrits dans le registre policier.
00:08 Un bon compromis finalement et un beau mélange de vos deux passions,
00:11 l'écriture et le crime.
00:12 Au départ, il y a eu des nouvelles, puis des trilogies comme la
00:15 trilogie du mal dans laquelle il était question de maléfice et de
00:18 ténèbres.
00:19 Et il y a eu le cycle de l'homme et de la vérité avec des prédateurs
00:23 redoutables.
00:24 Il y a eu aussi des romans plus indépendants comme Le cinquième
00:27 ligne, Le coma des mortels, Le signal, Une secte et le petit dernier
00:32 vient de paraître, il s'intitule Luxe.
00:33 Il est sorti chez Albert Michel.
00:35 Le suspense est parfois insoutenable.
00:37 C'est ce qui était inscrit sur le petit papier qui accompagnait
00:40 cet ouvrage et c'est une réalité.
00:42 Vous nous secouez, vous nous obligez à nous questionner.
00:44 Je crois que c'était le but d'ailleurs de peut-être réussir à nous
00:48 obliger à nous poser des questions.
00:49 - Complètement oui.
00:50 En fait, la littérature de divertissement, elle doit divertir.
00:55 Si elle va pas un peu plus loin que ça, on n'en retire pas grand chose.
00:58 Il faut que ça interroge.
00:59 Il faut que moi, un livre comme ça, il y a l'envie de prendre le lecteur
01:03 par la main, mais pas seulement dans mon histoire, dans sa propre
01:06 histoire, pour qu'on se pose des questions.
01:08 C'est un livre qui parle des peurs collectives.
01:10 Quel est le monde dans lequel je vis ?
01:12 Quel est le monde que je lègue à mes enfants ?
01:13 Le réchauffement climatique, la peur de l'autre, etc.
01:17 Mais tout ça, en fait, ça renvoie à nos peurs personnelles,
01:20 individuelles et comment est-ce qu'on se construit chacun à travers
01:23 nos peurs et comment est-ce que nos peurs personnelles façonnent
01:25 parfois une société, pas toujours dans la bonne direction, d'ailleurs.
01:28 - Est-ce que vous prêtez de plus en plus de plaisir à nous faire peur
01:31 et à augmenter le niveau de terreur que vous ensufflez dans vos romans ?
01:36 - Non, parce que je crois qu'étrangement, celui-ci est un roman qui
01:39 vraiment fait pas peur.
01:40 Parce qu'en fait, il fait peur dans ce que ça implique et dans le renvoi
01:44 à nos interrogations sur le monde.
01:47 - On se rend compte quand même qu'on est très fragile, qu'on est impuissant
01:51 face à certains phénomènes, parce que pour le coup, il s'agit d'un phénomène.
01:54 Le point de départ, c'est un phénomène.
01:55 - C'est vrai, mais là où d'habitude, mes romans sont des histoires très noires
01:58 avec des crimes, des tueurs en série, des enquêtes, etc.
02:01 et des scènes assez dures à lire et à écrire, d'ailleurs.
02:06 Là, pour le coup, c'est un livre qui est très solaire.
02:07 C'est des personnages qui sont plutôt solaires, positifs.
02:09 Il n'y a pas de crime.
02:11 C'est vraiment un livre qui pose des questions.
02:13 Au début, il y a sept grandes questions.
02:15 Il y a un phénomène qui se produit quelque part au-dessus de l'océan.
02:17 Tout le monde veut comprendre ce que c'est.
02:19 Chacun y va de sa petite explication, que ce soit religieuse, scientifique,
02:23 spirituelle ou autrement que travers la religion.
02:26 Et c'est une question que le lecteur va se poser à travers le récit,
02:29 si j'ai réussi à faire le boulot correctement.
02:31 Mais ça nous renvoie finalement à ce que nous sommes nous.
02:33 Et c'est à travers mes personnages que j'essaie de comprendre
02:37 les mécaniques de nos peurs collectives.
02:38 C'est là que, oui, en effet, je vis parfois dans ce domaine.
02:41 - Je ne peux pas résumer ce livre.
02:42 C'est impossible.
02:43 Non, mais c'est vrai, Maxime, c'est impossible.
02:44 Sinon, je suis obligée de vous spolier, je suis obligée de donner des éléments, etc.
02:48 Donc, c'est vraiment pas simple.
02:49 - Moi, je peux vous dire que c'est un roman d'aventure,
02:51 que c'est un roman d'amour aussi, que c'est un roman de mystère,
02:54 que c'est un thriller dans la façon dont c'est écrit,
02:57 mais que contrairement à ce que je fais d'habitude,
03:00 c'est pas un roman très dur, je trouve.
03:03 Moi, je crois que c'est un roman,
03:05 j'essaie de rattacher à des univers qui, moi, m'ont construit.
03:08 Et typiquement, celui-ci, ce serait un peu un clin d'œil à Barjavel, par exemple.
03:11 - Alors, parlons-en justement de Barjavel, parce que vous le citez dès le départ.
03:15 En fait, quand on ouvre, il y a un extrait de "La nuit des temps",
03:18 Barjavel, il était à la fois écrivain, journaliste,
03:20 il faisait un énorme travail de recherche,
03:22 il adorait les romans d'anticipation, il y avait de la science-fiction,
03:25 il y avait du fantastique.
03:27 Qu'est-ce qui vous a plu chez lui ?
03:29 Qu'est-ce que vous vouliez mettre en avant par rapport à tout ça ?
03:32 - C'est sa capacité à raconter des histoires qui sont inventives,
03:37 créatives et presque des utopies,
03:41 tout en nous parlant de nous et de notre monde.
03:44 C'est-à-dire que quand on lit "La nuit des temps" ou "Le grand secret",
03:48 ou même "Ravage", c'est des romans qui parlent de choses
03:51 qu'on espère ne jamais vivre.
03:52 Mais dans "Le grand secret", il se passe un truc incroyable,
03:55 tout le monde se demande ce que c'est, des gens du monde entier
03:57 se rassemblent sur une île et il y a un grand secret
04:00 qu'il faut protéger à tout prix.
04:01 Et en réalité, à travers ce truc un peu dingue,
04:03 qui est presque un cinéma américain,
04:05 il va nous parler de nous, de la société.
04:08 "La nuit des temps", c'est pareil.
04:10 On parle d'amour, mais un amour impossible,
04:12 qui a des milliers d'années en arrière dans le temps.
04:16 Et en même temps, il nous parle de notre société actuelle
04:19 avec des gens qui regardent la télé, leurs réactions,
04:21 ce que ça raconte de ce que nous sommes.
04:23 Et c'est ça que j'aime chez Barjavel,
04:24 c'est qu'il nous prend par la main pour nous divertir
04:27 avec un grand D, c'est vraiment du grand spectacle,
04:31 de l'aventure, du mystère.
04:34 Et en même temps, régulièrement, on s'arrête.
04:37 On se dit "Waouh, là, cette question-là, je peux me la poser.
04:40 Mais quelle est ma réponse ?"
04:42 Et c'est ce genre de moment-là que j'ai essayé d'atteindre
04:45 dans "Lux".
04:46 - C'est vrai que le point de départ, c'est Zoé.
04:49 C'est un personnage dont on ne comprend pas trop, d'ailleurs.
04:51 Elle-même ne comprend pas trop comment elle va pouvoir être la clé
04:54 de ce qui se trouve à l'intérieur de cet ouvrage.
04:56 Je vais juste, sans se polier, raconter le point de départ
04:59 et le point d'arrivée.
05:01 Il y a, à un moment donné, une contemplation sur un lac,
05:04 la vue sur un lac.
05:05 Et cette vue-là, elle va changer, tout simplement.
05:07 Et je crois que tout est dit à travers cette métaphore,
05:09 de se demander comment on change
05:11 et qu'est-ce qui a le plus changé, finalement.
05:13 Ce n'est pas tant le regard qu'on porte sur le monde,
05:15 c'est nous-mêmes qui changeons.
05:17 - Bien sûr.
05:18 Mais le monde, globalement, il est beaucoup plus minéral
05:20 et beaucoup plus posé que nous le sommes, nous.
05:23 Et il n'a pas la même évolution, la même échelle.
05:26 Donc, en fait, ce qui est intéressant, c'est comment est-ce que nous,
05:28 un individu qui va juste tellement vite dans ce que nous sommes,
05:32 on est tellement immédiat, tellement presque pas grand-chose,
05:36 qu'entre deux grandes émotions,
05:39 notre regard sur la même chose n'est déjà plus le même.
05:43 Et c'est le cas de Zoé, c'est ce même paysage,
05:45 à un an d'intervalle,
05:47 elle voit complètement autre chose entre le début et plus tard dans le roman.
05:51 C'est moi, c'est ça qui m'intéresse,
05:52 c'est comment est-ce qu'on prend un personnage,
05:55 on le décrypte au début, on sait qui il est, ses mécaniques,
05:57 il nous ressemble, c'est monsieur, madame, un peu tout le monde.
06:00 Je pense qu'on se reconnaît beaucoup à travers ce personnage principal de Zoé.
06:03 Et en même temps, elle est plongée
06:05 dans des circonstances un peu exceptionnelles.
06:07 Et qu'est-ce que ça va avoir comme impact sur elle ?
06:11 Et qu'est-ce que moi, en tant que lecteur, par exemple,
06:14 je vivrais, comment je ressentirais si j'étais plongé à sa place ?
06:17 Et quelles sont les questions que ça me pose sur ma propre identité,
06:21 sur mon rapport à la vie, à la mort et au monde dans lequel on vit,
06:24 et à celui qu'on lègue à nos enfants ?
06:25 C'est toutes les questions que j'avais en tête et qui m'obsédaient
06:27 quand j'ai commencé à l'écrire.
06:28 - On va la réunir en une seule question,
06:30 c'est que finalement, on est toutes et tous des survivants.
06:33 Mais quels survivants sommes-nous ?
06:34 - Oui, c'est vrai.
06:36 C'est un très bon résumé.
06:37 Vous venez de résumer le livre, bravo !
06:40 C'est un focus aussi sur cette notion de vérité
06:42 qui nous accompagne tous les jours.
06:43 Où se trouve la vérité ?
06:45 Il y a beaucoup de philosophie à l'intérieur de tout ça,
06:47 parce qu'on sait très bien qu'en philosophie,
06:50 si on possède la vérité absolue, ça ne peut être qu'un être exceptionnel.
06:53 Et inévitablement, est-il vraiment raisonnable,
06:56 ou évident, ou obligatoire de connaître la vérité ?
07:00 - Je pense que si on possède la vérité absolue, je pense qu'on est fou.
07:04 Je ne suis pas sûr qu'un être humain puisse survivre à la vérité absolue.
07:08 Avoir déjà des fragments de nos vérités, c'est déjà bien.
07:11 Et Barjavel, d'ailleurs, je cite, j'adore cette citation de Barjavel dans le bouquin,
07:16 disait "la vérité, c'est ce qu'on croit".
07:17 Et ça m'a animé pendant toute l'écriture,
07:19 parce que je trouvais ça intéressant de raconter une histoire,
07:23 mais que cette histoire-là puisse avoir différentes vérités,
07:26 celles des différents personnages,
07:27 mais aussi celles des différents lectrices et lecteurs du roman.
07:31 Et j'espère que chacun va se l'approprier
07:32 et en tirer quelque chose de personnel qui va au-delà même du récit.
07:37 - Ce récit, il est particulier pour vous, Maxime,
07:40 parce que votre papa a disparu juste avant qu'il ne sorte
07:43 et vous lui rendez hommage à travers cet ouvrage,
07:45 comme vous rendez hommage à Nona, donc à votre mère.
07:48 - Ma grand-mère. - Votre grand-mère, pardon.
07:50 Ils vous ont apporté quoi, vos parents, finalement,
07:52 depuis que vous êtes tout petit ? Qu'est-ce que vous gardez d'eux, déjà ?
07:55 - Déjà, tout ce que je suis aujourd'hui, dans l'équilibre que j'ai trouvé en tant que romancier.
08:00 Moi, je me suis mis à écrire parce que le monde dans lequel je vivais
08:03 ne correspondait pas à ce monde dans lequel j'aurais voulu vivre.
08:06 J'étais malheureux, je trouvais que le monde était très décevant.
08:08 Quand on lisait Mark Twain, Tom Sawyer,
08:11 ou Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, et qu'on voyait le monde derrière,
08:14 il y avait de quoi être vraiment déçu.
08:15 Au-delà de ça, c'est juste que c'est des mondes avec des valeurs,
08:20 c'est des mondes riches de possibilités, optimistes.
08:24 Celui dans lequel on vit est plutôt un peu l'inverse, par moment.
08:27 Et j'ai eu besoin d'écrire pour, moi, pour être bien.
08:31 Et dans mon équilibre d'homme, réussir à écrire, mais à rester un être humain,
08:35 pas juste un auteur qui se réfugie dans l'écriture.
08:37 D'ailleurs, c'est un peu ce dont je parle avec Zoé, qui est romancière dans le roman.
08:42 On a vite fait, quand on est heureux dans son écriture,
08:44 de ne faire que ça et de ne vivre qu'à travers l'écriture.
08:45 Parce que tout ce qu'on n'a pas dans la réalité,
08:48 on peut se l'inventer quand on écrit, quand on a le pouvoir de maîtriser ses mots.
08:51 C'est tentant de rester dans son monde six jours sur sept,
08:56 sept jours sur sept, 20 heures par jour, à écrire ses histoires et à fuir la réalité.
09:00 Mes parents m'ont, je pense, donné les outils pour comprendre le monde
09:04 et ma perception et pour arriver à trouver mon point d'équilibre,
09:08 justement, à être un être humain, un romancier,
09:11 et à essayer de faire en sorte que les deux aient un moyen de cohabiter et d'exister.
09:15 - Quand on perd l'un de ses parents,
09:18 là en l'occurrence, vous avez perdu votre père avant cet ouvrage,
09:20 on devient chef de famille. C'est dur à endosser ça, Maxime ?
09:24 - Je l'étais devenu, je pense, en étant papa, déjà.
09:26 C'est la première étape.
09:27 Après, je pense qu'on sait quel homme ou quelle femme on est pleinement
09:30 quand on a perdu ses parents.
09:31 Je pense que c'est une étape fondamentale de la vie.
09:34 Il n'y a qu'une personne qui perd un père ou une mère qui sait ce que c'est,
09:37 ce que ça fait.
09:38 Et même quand on s'entend mal ou quand on s'entend bien,
09:41 je pense que c'est des choses différentes.
09:42 Mais l'absence de façon définitive, irrémédiable,
09:47 de là d'où je viens, fait que je ne suis plus que ce que je suis,
09:50 comment je me fabrique.
09:52 C'est un pont qui se ronde définitivement vers le passé.
09:55 Il n'y a plus moyen, à un moment, de se dire
09:56 "non, mais toutes ces questions que je n'ai pas posées,
09:57 j'aurais l'occasion un jour d'aller les lui dire, de les poser, c'est fini".
10:01 Et puis, forcément, moi, je suis un homme,
10:03 je perds mon père, c'est une figure importante dans la vie d'un homme.
10:06 Oui, ça a été...
10:09 Surtout sur ce roman-là, qui est un roman qui parle de la filiation,
10:12 de la transmission entre un père,
10:15 en l'occurrence, entre une mère et sa fille.
10:17 Ce livre-là, c'est l'ironie de l'histoire,
10:21 de finir mon livre et d'apprendre le décès de mon père quasiment dans la foulée.
10:26 C'est particulier.
10:28 - Il y a beaucoup de vous dans cet ouvrage.
10:29 - Oui, je pense, plus que dans beaucoup d'autres.
10:31 - Zoé, beaucoup de points communs avec vous, on va dire.
10:35 Pour ne pas tout dire.
10:36 - C'est la femme que je suis, je pense, qui est sortie dans le livre.
10:39 - On est vraiment d'accord.
10:41 Il y a effectivement tout ce regard sur la construction que vous avez vécu
10:47 depuis que vous êtes enfant, depuis vos 11 ans.
10:50 On dit souvent que les voyages forment la jeunesse.
10:52 C'est une réalité.
10:53 Vous êtes parti d'abord en Oregon, à Portland, pour découvrir un peu
10:57 un monde qui était complètement différent.
10:58 Vous l'avez expliqué.
10:59 Puis il y a eu la Thaïlande aussi.
11:01 Et c'est là où Nona entre en ligne de compte.
11:02 C'est elle qui vous tend ce cahier vide, blanc, en vous disant
11:08 "Tiens, tiens, tiens toi un cahier écrit".
11:11 C'est le point de départ, Maxime ?
11:13 - C'est le point de départ de l'écriture et du coup, de la vie que j'ai aujourd'hui.
11:17 C'est sûr, j'ai 12 ans.
11:20 Ma grand-mère, qui est une grande fan de voyages et de voyages par elle-même,
11:24 qui est un personnage un peu... un personnage de roman.
11:26 Il faudrait que j'écrive un livre sur elle un jour.
11:27 Il y aurait de quoi faire.
11:29 Elle m'embarque avec elle en Thaïlande en me disant, à l'époque où la Thaïlande
11:32 n'était pas encore sur tout le nord, cette usine à touristes que c'est devenu.
11:36 Et donc, on se retrouve les deux seuls européens dans le train, dans cette région.
11:42 Et j'ai fêté Noël avec ma grand-mère au fin fond de la jungle thaïlandaise,
11:47 dans le triangle d'or entre Laos et Birmanie, auprès d'une tribu qui,
11:51 pour qui forcément Noël n'avait aucun sens.
11:54 Et ça, à 12 ans, ça vous ouvre tellement
11:57 sur ce qu'est le monde, sur les différences.
11:58 Pour moi, c'était le moment un peu attendu d'un gamin au Noël,
12:01 les cadeaux, le Père Noël, même si je n'y croyais plus.
12:04 Et puis, d'un coup, je me trouve face à ces gens pour qui ça ne veut rien dire,
12:08 à des enfants avec qui je jouais avec une pièce de 5 francs à l'époque.
12:11 Je jouais et ils trouvaient ça fascinant.
12:13 Je lui ai donné et plus tard, le père est revenu.
12:15 Il avait fabriqué avec des lianes tressées,
12:18 de quoi faire tourner la pièce pour jouer avec le soleil.
12:20 Le gamin trouvait ça dingue.
12:21 C'était un jouet incroyable pour lui.
12:23 Je lui ai dit, waouh, c'était une pièce de 5 francs.
12:25 C'était toute ma fortune, mais c'était qu'une pièce de 5 francs.
12:28 Et lui, ça devenait un jouet qui le fascinait.
12:30 J'avais 12 ans, donc oui, là, je pense que ça m'a beaucoup éveillé.
12:33 Et ma grand-mère m'avait imposé de tenir un journal de tout ce que je vivais
12:36 chaque jour et ça a été mon premier rapport à l'écriture.
12:39 Et ça donne, quelques décennies plus tard, des gros pavés de 500 pages.
12:43 - Qu'est-ce qui a le plus changé, alors,
12:44 si on devait vous mettre définitivement dans le personnage de Zoé,
12:49 que vous regardiez ce lac aujourd'hui, en tout cas,
12:51 finalement, qu'on vous offrait une vue, un panorama sur votre vie ?
12:55 Qu'est-ce qui a le plus changé entre hier et aujourd'hui ?
12:59 - Ce qui arrive, je pense, à peu près à tous les gens qui deviennent parents
13:02 et qui font d'une famille, c'est qu'à un moment, je cesse de
13:05 de m'ancrer moi avec mes préoccupations, mes émotions uniquement dans ce monde.
13:09 Et je m'intègre comme
13:11 presque un outil pour prolonger, pour donner à mes enfants
13:16 les meilleures armes possibles pour vivre dans ce monde,
13:17 pour le comprendre, pour partager, pour s'ouvrir.
13:20 Et toutes ces valeurs que j'ai cherchées, moi, dans la réalité,
13:23 parce que je les ai trouvées dans les romans,
13:24 aujourd'hui, je me rends compte qu'en fait, elles existent.
13:26 À partir du moment où je les ai, je les transmets à mes enfants.
13:28 Donc, oui, le paysage a changé pour moi,
13:30 mais parce que je ne suis plus tout seul à le regarder et que j'ai envie de partager
13:33 ma façon de le voir avec mes enfants pour qu'eux, à un moment, puissent me dire
13:36 "Papa, nous, on va te montrer comment nous, on le voit".
13:38 C'est ce qui se passe tous les jours quand on a des enfants, d'ailleurs.
13:40 - Vous déconstruisez aussi l'exigence nécessaire pour écrire un livre,
13:46 jusqu'à la conclusion, d'ailleurs, Maxime.
13:49 Et lors de la conclusion, c'est difficile pour un écrivain,
13:53 finalement, de quitter ses personnages.
13:56 Est-ce que vous les faites vivre tout simplement ou est-ce que,
13:59 comme Zoé dans le livre, vous les avez incarnés et vous avez été l'un d'entre eux à chaque fois ?
14:04 - Je suis...
14:05 Quand Zoé parle de ses personnages, c'est moi qui parle.
14:10 Je suis... Ce livre-là, à la fin, c'est un déchirement total.
14:13 C'est le baby blues du romancier. - De quitter les personnages, oui.
14:16 - Oui, mais vraiment, le baby blues du romancier à la fin de son livre,
14:19 moi, j'y crois et je le vis, en tout cas.
14:21 Quand j'ai aimé fondamentalement, profondément mes personnages,
14:24 parce que j'ai été eux, mais y compris des personnages un peu déglingués,
14:26 parfois des personnages qui sont bourrés de...
14:29 Des personnages qu'on n'a pas envie de caractériser comme des héros,
14:32 moi, je les aime parce que je comprends ce qu'ils sont, leurs failles.
14:35 J'ai tout vécu.
14:36 Dans le livre, je mets qu'un fragment de ce que j'ai à dire sur eux,
14:39 mais pour raconter ce que j'ai à dire dans mon roman,
14:41 je suis obligé de créer des personnages intégralement,
14:43 avec toutes leurs histoires, leurs vécus, leurs failles,
14:46 leurs effondrements, leurs grands moments.
14:49 Et tout ça, c'est des choses que je fais grandir en moi.
14:52 Et à un moment, j'écris.
14:53 Sauf que quand je dis adieu à ces personnages,
14:55 et surtout quand je sais que je reviendrai jamais
14:57 avec ces personnages à une histoire,
14:58 je sais que c'est un adieu total, définitif.
15:01 C'est hyper difficile parce que c'est vraiment dire adieu à des enfants
15:03 qu'on a aimés pendant quelques mois ou années et les confier au monde.
15:07 Et à partir de là, c'est aux lectrices et aux lecteurs de se les approprier.
15:10 - Et de les adopter, d'ailleurs, ce qui risque d'arriver.
15:13 Je suis désolée. - J'espère.
15:14 - Ils vont avoir plusieurs papas, plusieurs mamans.
15:17 Je vais juste terminer sur cette phrase que peut dire Zoé dans le livre,
15:21 c'est qu'on peut des fois se décomposer vivant.
15:23 Je vous laisse avec ça.
15:25 Merci beaucoup, en tout cas, Maxime Chatem,
15:27 d'être passé dans le monde des Lodi sur France Info.
15:29 Ça s'appelle Lux, L-U-X.
15:31 Et si vous voulez en savoir plus, vous savez de quoi il retourne.
15:35 C'est sorti aux éditions Albain Michel.

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