Et Si On En Parlait du 01 Novembre 2023

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00:00:00 À la recherche parfois d'une vie meilleure, d'un lendemain meilleur, on pense à s'expatrier,
00:00:07 mais pas toujours dans des conditions les plus admirables ou les plus honorables.
00:00:12 Très souvent, il y a, surtout ici en Afrique, des personnes qui prennent la route ou même la mer.
00:00:18 Et là, on trouve que le péril est absurde parce qu'ils avaient déjà une vie avant.
00:00:23 Mais peut-être que c'est facile de juger si on ne leur a pas posé la question de savoir
00:00:27 pourquoi est-ce que vous voulez à tout prix Paris ou partir.
00:00:31 Parce que vous êtes en situation irrégulière, vous ne devez rien avoir.
00:00:36 On vous interpelle, c'est plusieurs années de prison.
00:00:39 Pourquoi tant de souffrance alors que vous étiez paisible quelque part ?
00:00:44 Vous vous les enviez ?
00:00:46 Oui, mais vu que quand ils arrivent ici, c'est qu'ils nous donnent les parfums, ils nous achètent les petites choses.
00:00:53 Les petits villageois.
00:00:54 Et quand tu arrives, tu te rends compte que ce n'est même pas ce que tu croyais.
00:00:59 Ce soir, dans votre programme "Et si on en parlait", on aura des témoignages
00:01:03 de ces personnes qui ont parcouru le désert avec les pieds.
00:01:07 Ils nous donneront le pourquoi du comment.
00:01:10 Ils sont ici avec nous. C'est tout de suite.
00:01:13 [Musique]
00:01:41 Bonsoir et bienvenue une fois de plus dans votre programme "Et si on en parlait".
00:01:45 Aujourd'hui, on parle de ces gars qu'on appelle en général les beaux soyeurs.
00:01:51 Ce soir, Robert, Luther et Yves viennent nous parler de leur parcours du combat.
00:01:57 [Musique]
00:02:07 Bonsoir Luther.
00:02:08 Bonsoir Céline.
00:02:09 Merci beaucoup d'être là. Bonsoir Yves.
00:02:11 Bonsoir Sidonie.
00:02:12 Bonsoir Robert. Merci d'être là.
00:02:13 Bonsoir.
00:02:14 Alors aujourd'hui, on parle justement de ces immigrés, mais des immigrés clandestins, on va dire.
00:02:20 Ceux qui décident de prendre tous les chemins pourvu qu'ils arrivent à Rome.
00:02:25 Paris a tout pris, l'Hexagone a tout pris.
00:02:28 Vous avez été confronté à beaucoup de choses dans votre parcours parce que vous vouliez rejoindre l'autre côté.
00:02:35 Qu'est-ce qui s'est passé au point d'être prêt à tout pour partir ?
00:02:41 Merci déjà. Il faut dire que nous sommes là sur les causes de cette émigration irrégulière, comme vous l'avez si bien noté.
00:02:54 Hier comme aujourd'hui, quand il n'y a pas d'opportunités d'emploi, d'une vie meilleure,
00:03:02 on se met en idée de partir ailleurs, qui est d'ailleurs un droit fondamental.
00:03:10 Mais la question qui se pose est comment partir, dans quelles conditions ce voyage se passe.
00:03:15 C'est ça le gros problème.
00:03:17 Pour me résumer, il se trouve qu'on fait face à des difficultés d'employabilité, de meilleures conditions de vie,
00:03:23 qui ne sont pas toujours la chose la mieux partagée justement, et on décide de partir.
00:03:29 Alors vous particulièrement Robert, parlez-nous de quand est-ce que cette idée a commencé à vous hanter au point de passer à l'acte ?
00:03:37 Vous étiez très petit, vous étiez très jeune, diplômé, et puis finalement, comment ça s'est passé ?
00:03:43 J'étais à la fin du lycée, après les études justement, il y a un grand nombre de mes amis du lycée qui vivaient à l'époque en Europe et en Afrique du Nord
00:03:52 qui m'ont justement donné cette idée de les rejoindre. Mais sauf qu'ils ne m'ont jamais dit dans quelles conditions ce voyage se passait.
00:04:01 Donc j'ai pu réunir mon agent, j'avais un million, j'avais l'itinéraire, et puis je me suis mis en route au départ de Yaoundé justement,
00:04:11 Yaoundé Douala, Douala, Kumbamangfe, Ekok, je traverse le Nigeria, la ville des Khoms,
00:04:19 et comme Joss Plateau, Joss Plateau Kano, et Kano Zendeg, on est déjà au Niger, et de Zendeg à Gadez, à Gadez, Arlit.
00:04:30 Arlit, déjà c'est à ce niveau-là qu'on prend, n'est-ce pas, des convois qui mènent au grand désert, où nous avions passé deux semaines.
00:04:39 Au cours de ce voyage, on voyait les corps en état de toute façon avancés, les ossements humains qui traînaient tout autour de nous.
00:04:46 Et il y a même l'un de nos compagnons du voyage qui meurt avec nous, donc c'était une situation très, très horrible.
00:04:54 Ça vous a traumatisé ?
00:04:55 Justement, comme nous sommes en train d'échanger, et subitement quelqu'un suffoque devant tout le monde, et c'était très compliqué pour nous.
00:05:02 Et puis, par la grâce de Dieu, deux semaines un peu plus après au désert, nous parvenons à rejoindre l'Algérie, la ville de Tamarasset,
00:05:10 la ville de Meknya, la ville de Meknya, la ville de Meknya, la ville de Meknya, la ville de Meknya, la ville de Meknya,
00:05:16 et puis on a rejoint l'Algérie, la ville de Meknya, la ville de Meknya, la ville de Meknya, la ville de Meknya,
00:05:22 et puis on a rejoint l'Algérie, la ville de Meknya, la ville de Meknya, la ville de Meknya,
00:05:27 et puis on a rejoint l'Algérie, la ville de Meknya, la ville de Meknya,
00:05:31 et puis on a rejoint l'Algérie, la ville de Meknya, la ville de Meknya,
00:05:35 et puis il y a, au-debas de Meknya, il faut pratiquement 450-500 km.
00:05:41 Il faut dire que ce n'est pas sur la route normale, parce qu'il faut prendre par exemple la route,
00:05:47 la route du transport électrique, la haute tension, on vous dit que c'est par là, dans les champs et tout ça,
00:05:53 donc c'est pour cela que le parcours devient assez long, et vous n'allez peut-être pas me croire, c'est à pied cette fois-là,
00:05:58 parce que...
00:05:59 Nous, alors, on vous croit, on sait que vous avez traversé le désert à pied.
00:06:02 Oui, mais le désert, c'était dans des voitures. Par contre, pour voyager à l'intérieur du Maroc,
00:06:07 parce que vous êtes en situation irrégulière, vous ne devez rien avoir.
00:06:12 On vous interpelle, c'est plusieurs années de prison, donc les anciens...
00:06:17 Vous le faites à pied.
00:06:18 Oui, nous ont conseillé, n'est-ce pas ? Du moins, le système mis en place était de marcher à pied.
00:06:23 Donc 400-500 km, c'est trois semaines, et sous le risque que si vos pommes de pied ne claquent pas,
00:06:31 vous pouvez...
00:06:33 Si vos pommes de pied claquent, effectivement, vous pouvez facilement passer des mois sur place, le temps que ça se cicatrise.
00:06:39 Et donc, on parvient à rejoindre Mili à Donj, dans la ville de Nador, en passant par Benissa, Benitra et d'autres villes.
00:06:47 Et puis, quand ça ne va pas, on a oublié de continuer par Ceuta, mais cette fois-là, il faut traverser tout le Maroc.
00:06:54 Tout le Maroc.
00:06:55 À pied.
00:06:56 Donc, au-delà de Oujda, pour ceux qui connaissent, Meknes, Fès, Tangier, et ainsi de suite, et vous retrouvez, justement, Ceuta, cette fois-là.
00:07:08 Et donc, en quelques minutes comme ça, quelques secondes comme ça, ce parcours, ça peut paraître très facile,
00:07:15 mais c'est pratiquement une année de ma vie que je passe comme ça.
00:07:20 Et puis, avec toutes ces conditions très difficiles de voyage, je vous le disais tantôt,
00:07:26 et on s'est ravitaillé, justement, des décharges publiques, et aussi, n'est-ce pas, de l'aumône, au passage de tout ce petit village où des bonnes volontés nous aidaient.
00:07:36 Mais il faut aussi dire qu'il arrivait quelques fois que, pendant que nous continuions, quelques personnes, tout le monde, comme partout ailleurs,
00:07:44 il n'y a pas que des bonnes personnes, il y a aussi des personnes qui ont leur comportement.
00:07:48 Donc, il arrivait comme ça qu'on appelle la police pour les prévenir que voilà, les migrants sont en train de passer,
00:07:53 et puis on nous interpelle, on nous renvoie à la case du départ.
00:07:56 Donc, je précise qu'entre Oujda et Ceuta, c'est pratiquement un mois et demi de marche à pied,
00:08:03 parce que c'est très long, plus de 1 500 kilomètres, donc tout le Maroc.
00:08:07 - Et vous dormez comment à la Belle Étoile ? Vous dormez devant les verandas des magasins ? Vous faites comment ? Vous dormez comment ?
00:08:15 Vous vous nourrissez déjà dans les décharges, c'est bon, on a compris, mais pour dormir, ça se passe comment ?
00:08:20 Vous avez des tentes que vous transportez, ça se passe comment ?
00:08:24 - Non, pas de tentes, en fait, chacun avait sa petite natte, ou le drap. La natte, ça devait être encombrant.
00:08:33 Vous avez un drap où la nuit vous trouvez, quel que soit la saison, l'automne, l'été, le printemps ou l'hiver,
00:08:41 vous campez n'importe où, vous n'avez pas un endroit où vous allez.
00:08:45 Si la nuit vous trouve dans un vieux cimetière, vous allez y séjourner et puis le lendemain, vous continuez.
00:08:52 - Alors, moi j'ai envie de vous poser une question, Robert.
00:08:56 Votre vie ne vous servait à rien ? Elle était tellement inutile, au point de traverser tout cela,
00:09:04 parce que là, pour vous, le péril, il est absurde, en fait, votre vie ne sert à rien,
00:09:10 vous préférez mourir que de rester au point de départ.
00:09:15 On a envie de poser la question de savoir pourquoi tant de souffrance, alors que vous étiez paisible quelque part,
00:09:23 peut-être que vous manquiez de l'emploi, peut-être que vous manquiez de l'argent, peut-être que vous manquiez, si,
00:09:27 mais vous avez quand même pu réunir un million, qui vous permettait de lancer un business.
00:09:32 Mais vous avez préféré traverser toutes ces étapes-là, ce désert et tout ce que cela comporte, comme risque.
00:09:42 Et vous avez perdu d'ailleurs des compagnons.
00:09:44 Pourquoi cet acharnement, vouloir partir à tout prix, même quand on a quelques ressources qui peuvent nous permettre de lancer un business ?
00:09:51 - Dites-moi, est-ce que vous avez appris qu'il y a une grande campagne de sanctification, à grande échelle,
00:09:56 qu'on a déjà avancé au Cameroun, qui touche les établissements scolaires, les communautés partout ailleurs ?
00:10:01 Vous avez souvenance ? Et il y a ce problème de manque d'informations, de criage des informations.
00:10:06 - Donc vous, vous n'avez pas bien informé sur le parcours qu'il y avait à faire.
00:10:09 - Jamais.
00:10:10 - Autrement, vous n'auriez jamais fait ça.
00:10:12 - Je crois que je n'aurais jamais fait.
00:10:13 - D'accord.
00:10:14 - Et c'est pour cette raison, justement, que quand je rentre avec d'autres compagnons, nous décidons de créer l'association de rapatrie et de libre sport de l'immigration d'Angers.
00:10:20 - Non, continuez d'abord votre voyage.
00:10:22 - Ceci donc...
00:10:23 - Votre voyage, continuons d'abord.
00:10:24 - Oui, ça, je fallais que je le mentionne quand même.
00:10:26 Donc oui, pas que ma vie n'avait pas d'intérêt, mais je précise que nous faisons face à un problème d'illusion miroité par beaucoup de nos compatriotes.
00:10:39 - C'est ça.
00:10:40 - Et vos collègues médias également qui montrent que Paris qui est très beau, où on mange tout le jour avec...
00:10:47 - On mange de l'or.
00:10:49 - On mange de l'or, du diamant, permettez-moi l'expression.
00:10:52 Et du coup, on n'a pas d'autre choix. Et même nos compatriotes qui vivent, je l'ai dit tantôt, quand elles rentraient ici, quand ils rentraient ici, et bien, ils nous font croire que là-bas...
00:11:03 - C'est le paradis.
00:11:04 - On ne travaille pas, on est couché, on mange, on boit, il y a de l'argent qu'on déjoue dans les ruelles.
00:11:09 C'est assez faux, mais sans pour autant expliquer.
00:11:12 C'est qu'eux, ils font là-bas pour avoir cet argent.
00:11:15 Et là, c'est un gros problème, je pense qu'une mission comme celle-ci, elle est beaucoup plus éducative.
00:11:20 C'est pour cela qu'il faut dire qu'il ne faut pas toujours croire à ceux qui rentrent, qui vendent du...
00:11:27 - De l'illusion.
00:11:28 - Du vent, de l'illusion, comme je disais tantôt.
00:11:30 Donc du coup, ils deviennent tout de suite des membres des syndicats de crime.
00:11:34 Parce qu'en fait, tout ce qui les importe, c'est l'argent.
00:11:37 Quel que soit ce qu'il faut faire pour gagner de l'argent, ils sont prêts à le faire.
00:11:41 Ceux qui vivent de l'autre côté, comme on dit, ne disent jamais ce qui se passe réellement.
00:11:46 Et puis, les familles, maintenant, qui y sont...
00:11:50 Aujourd'hui, c'est à la mode au Cameroun, quand vous n'avez pas un membre de famille qui vit à l'étranger, en Europe notamment, ou aux États-Unis,
00:11:58 c'est un peu comme si vous n'existiez pas.
00:12:00 Maintenant, on commence à mettre les enfants sous une énorme pression.
00:12:04 Un jeune qui est parti peut-être avec le niveau BPC, si vous avez peut-être un bac ou un master,
00:12:09 les parents vont se mettre à vous injurier, à vous traiter de tout le nom d'oiseau,
00:12:13 "Regardez celui-ci est parti, il n'a même pas votre niveau", trois mois après leur entrée avec de l'argent et tout.
00:12:18 Ils ne savent pas.
00:12:19 Moi, je suis par exemple en Afrique du Nord, où on a décapité les Camerounais qui se passaient pour des fabricants d'argent.
00:12:27 Le phénomène de la féminité à un certain moment.
00:12:29 Je n'ai pas souvent beaucoup parlé de ça.
00:12:31 Je ne suis pas allé voir leurs familles.
00:12:34 Mais il faut savoir qu'eux, ils sont morts.
00:12:36 On a en dérêt, ils ne pourront plus jamais rentrer ici.
00:12:38 Donc quand les familles prennent pour eux cette charge-là, de se mettre à mettre les enfants dans tous les états,
00:12:46 à peut-être les raconter des histoires qui n'existaient pas.
00:12:48 Il faut qu'à ce niveau-ci, qu'on mène une réelle sensibilisation pour essayer d'amener ces familles-là à comprendre que la vie humaine,
00:12:58 c'est là où je vous retrouve, elle est très chère et il faut faire avec ce qu'on a et non ce qu'on pense
00:13:05 parce que notre tête nous dit qu'on doit devenir si con que ce que nous ne sommes pas.
00:13:10 C'est ça. Alors j'aimerais savoir, vous avez continué le voyage.
00:13:15 Vous êtes arrivé jusqu'où, vous particulièrement ?
00:13:18 Oui, justement, comme je le précisais, c'est tout le jour qu'on fait ce voyage à pied.
00:13:24 Je vous ai dit un an pratiquement, je monte, je vais, on nous interpelle et tout.
00:13:29 Ceuta et Melilla sont des villes espagnoles au Maroc séparées par la barrière.
00:13:36 Et donc, quand nous parvenons à arriver justement à Nador, qui est à 2 km de Melilla, vous voyez devant vous,
00:13:46 séparée donc par cette barrière, à l'époque c'était une barrière de 4,50 m,
00:13:50 aujourd'hui c'est trois barrières parallèles de 7 m et nous confectionnons donc des échelles pour aller à l'assaut de cette barrière.
00:14:01 Vous partez 15, 20, 50, 200, vous ne pourrez pas.
00:14:06 Donc on était obligé d'organiser ce qu'on appelait à l'époque des attaques massives panafricaines.
00:14:13 Ça veut dire que toutes les nationalités que vous pouvez vous imaginer sur cette route-là, nous allons 15, 20 000 personnes.
00:14:20 Il peut arriver que quelques-uns arrivent, n'est-ce pas, à s'échapper au contrôle de la police et tout,
00:14:25 parviennent à aller à Melilla ou à Ceuta, c'est la même chose.
00:14:28 Mais il faut aussi dire qu'après chaque attaque massive, il y avait, n'est-ce pas, des gens qui avaient,
00:14:34 qui perdaient leurs jambes, vous sautez sur 4 m, vos jambes entrent dans le ventre,
00:14:40 les côtes blisées, quelques fois on utilisait des balles réelles, avant c'était d'abord des balles de baseball,
00:14:46 mais après ce n'était plus ça.
00:14:48 Donc au cours de mes différentes tentatives, justement, j'ai pu entrer à Melilla, en Espagne,
00:14:55 et voilà, c'est à Melilla, en Espagne, que j'ai buté.
00:15:00 Et pendant que j'étais effectivement en train de chercher les documents,
00:15:05 il y a une autre organisation, une autre attaque massive, comme je l'ai dit, qui a été perpétrée,
00:15:10 et il y a eu un grand nombre de migrants qui sont entrés,
00:15:14 et l'Espagne décide de ratisser toute cette petite ville qui ne vaut même pas le quartier Mbokada,
00:15:19 et faire ressortir toutes les personnes qui n'avaient pas de documents.
00:15:23 C'est dans ces conditions que les diplomates d'Afrique du Sud du Sahara, au Maroc, décident, n'est-ce pas,
00:15:29 de faire le recensement de tout ce qui était là.
00:15:32 Et l'ambassade du Cameroun également, ils sont venus, on nous a recensés,
00:15:37 et puis on nous fait rentrer par vol Casablanca-Douala.
00:15:41 Quel soulagement.
00:15:43 Ah oui, que vous ne pouvez pas imaginer. Mais bon...
00:15:46 Est-ce que vous étiez tellement fier de retrouver votre terre natale au Cameroun ?
00:15:49 Oui, oui, ça je l'aurais voulu depuis très longtemps.
00:15:53 C'est aussi une partie de la réponse à la question que vous posez, est-ce que la vie n'était pas...
00:15:57 Le problème c'est qu'au cours de ce voyage, nous nous retrouvons dans une situation où les gens avancent,
00:16:04 mais vous ne voyez presque personne qui rentre.
00:16:07 Parce que n'oubliez pas que le désert c'est deux, trois semaines.
00:16:10 Vous voyez les corps en état de préparation,
00:16:12 ou vous vous dites, est-ce qu'en reprenant ce désert, est-ce que je vais sortir de ce désert ?
00:16:18 Tout ça est un problème dont les gens préfèrent y rester, y rester.
00:16:22 Y'a même ceux qui ne cherchent plus à aller en Europe,
00:16:27 ils sont dans les villes, en tout cas ils sont en Algérie, au Maroc, en Tunisie et partout.
00:16:32 C'est des milliers d'Africains qui vivent là-bas.
00:16:34 Donc quand quelquefois j'entends les gens dire que les activités de sanctification que nous menons ne portent pas de fruit,
00:16:41 ils ne savent pas ce qu'ils disent.
00:16:42 Alors, et votre famille ici, ça se passait comment ?
00:16:46 Vous aviez des nouvelles de la famille ? La famille avait vos nouvelles ?
00:16:49 Oui, je donnais les nouvelles de la famille.
00:16:52 Je précise que quand je partais, y'a un de mes frères qui était au courant.
00:16:57 J'ai pas voulu informer ma famille parce que déjà ma mère était très sensible à ses enfants,
00:17:03 et particulièrement à ma modeste personne.
00:17:05 Je voulais pas, enfin là je pouvais pas lui dire au revoir,
00:17:08 parce que je savais que si elle était au courant que je suis parti, elle peut avoir des problèmes.
00:17:14 Mais quand elle a passé des mois sans vous voir, elle ne s'est pas posé des questions ?
00:17:18 Elle a été finalement informée que je suis parti, que je n'étais pas là,
00:17:22 mais elle n'avait pas l'information du terrain.
00:17:25 On lui disait que je n'étais pas là, et puis je me portais bien et tout, alors que je n'étais pas le cas.
00:17:29 Donc moi je donnais l'information parce que déjà je ne me reprochais de rien,
00:17:32 j'avais travaillé mon argent que j'ai investi sur mon voyage,
00:17:35 ce qui est totalement le contraire d'un pourcentage assez important de ceux de migrants
00:17:40 qui parfois volent de l'argent des autres.
00:17:42 Quelqu'un, un mototaximante ou mototaximante,
00:17:45 qui vend l'argent et puis prend l'argent et met dans la poche pour le voir,
00:17:48 ce type de personne, il est difficile qu'elle rentre au Cameroun
00:17:52 quand une telle situation se présente.
00:17:55 Donc je suis rentré et puis je suis allé au village,
00:17:59 mes parents vivaient au village, Péalera, Miltiplume.
00:18:02 Combien de temps après ?
00:18:03 Non, environ pratiquement.
00:18:05 Et quand j'arrive à Douala, après 3-4 jours,
00:18:09 on a passé 3 jours à la base navale,
00:18:12 donc le temps quand je quittais Douala, c'était directement pour aller voir mes parents
00:18:15 parce qu'ils me manquaient beaucoup.
00:18:17 Quel était votre état physique ?
00:18:19 C'est vrai que je n'ai jamais été quelqu'un de très costaud comme mon ami Yves,
00:18:25 mais j'étais quand même du milieu.
00:18:28 Vous sortiez de loin ?
00:18:30 Ah oui.
00:18:31 Les parents ont ressenti ça ?
00:18:32 C'est vraiment un gros cauchemar, c'est pour cette raison que mon père avait demandé
00:18:35 qu'on me tue un gros coq que j'avais mangé,
00:18:38 pratiquement tout seul il avait exigé.
00:18:42 La souffrance était tellement visible,
00:18:45 c'est-à-dire que l'aile de radeau, le paradis s'est transformé en enfer sous vos pieds.
00:18:50 Oui.
00:18:51 On va revenir à vous, vous avez une très belle histoire vraie à raconter
00:18:57 et ça, ça participe de la sensibilisation qu'il faut forcément faire
00:19:01 pour dire que le bonheur, on le crée chez soi,
00:19:04 le bonheur n'est pas ailleurs.
00:19:06 Et puis les vendeurs d'illusions, ils sont tellement nombreux.
00:19:09 Ceux qui sont de l'autre côté ne nous disent pas toujours la vérité,
00:19:12 ils disent trop souvent des mensonges.
00:19:15 Alors, Luther, vous aussi, vous vous êtes engagé dans ce voyage,
00:19:22 mais vous n'avez pas eu le courage de prendre la route pour marcher dans le désert comme Robert.
00:19:31 Vous avez plutôt demandé à plusieurs reprises le visa, quelque chose comme ça,
00:19:35 mais jamais votre dossier n'a eu grâce aux yeux de ceux qui donnent le visa pour partir.
00:19:41 Dites-nous, c'était quoi votre but, le fait de vouloir partir, c'était pour faire quoi?
00:19:47 Quand vous partez, vous avez un objectif?
00:19:50 Un objectif, ça ne peut pas être autre chose que chercher le bien-être,
00:19:59 aller là où on nous vend l'image, ça veut dire
00:20:03 là où on pense que ce serait mieux.
00:20:06 Mais l'autre objectif, c'était beaucoup plus.
00:20:10 Moi, je voulais aller pour les études.
00:20:13 Et après mon bac, avec des petites connaissances, des amis, on dit,
00:20:20 tu peux demander une bourse d'études et tout.
00:20:24 Mais c'est ce que j'ai fait.
00:20:28 À l'époque, j'étais mototaximante.
00:20:33 J'ai pu faire mon passeport qui coûtait 80 000 à l'époque.
00:20:40 Et j'ai après dit, il faut passer par Campus France.
00:20:47 C'est par Campus France que je pouvais facilement avoir les opportunités.
00:20:53 Sans publicité.
00:20:55 Oui, sans publicité.
00:20:58 C'est ce que j'ai fait. J'ai scanné tous mes documents, mes bulletins de notes, et tout.
00:21:05 J'ai rempli la procédure normale.
00:21:07 J'ai payé les 75 000 qu'on demandait, comme les frais d'études et dossiers.
00:21:15 Mais j'ai postulé aussi pour les universités.
00:21:19 À l'époque, on postulait dans 8 universités.
00:21:23 Il fallait attendre maintenant que les universités donnent leur accord
00:21:27 pour que Campus France achemine mon dossier pour l'obtention du visa.
00:21:33 Mais j'ai été confronté malheureusement au rejet.
00:21:37 Au rejet des universités qui étaient presque unanimes sur un seul fait.
00:21:45 C'était qu'il fallait avoir 12 de moins nos bacs.
00:21:49 Et vous en avez combien?
00:21:50 Je n'en avais pas.
00:21:53 Je me suis contenté juste d'avoir mon bac. J'avais 10 000.
00:21:57 Oh là là, l'air de pécher.
00:21:59 On a fêté au village parce que j'avais eu le bac.
00:22:03 Mais la moine ne me permettait pas de voyager.
00:22:09 Mais cette obsession... Il y a quand même des universités au Cameroun.
00:22:13 Il y a des grandes écoles. Pourquoi seulement vouloir partir?
00:22:17 Est-ce que ce n'est pas par hasard cette illusion qu'on vous vend?
00:22:21 Ce rêve qu'on vous vend?
00:22:22 Ce n'est pas ce rêve qui vous attire plus que les études?
00:22:25 Parce que si ce n'est qu'une question d'études, vous pouvez bien faire vos études.
00:22:28 Que ce soit d'ingénierie au Cameroun, de médecine.
00:22:31 Toutes sortes d'études, vous pouvez le faire au Cameroun.
00:22:33 L'éducation, c'est une réalité au Cameroun.
00:22:36 Pourquoi seulement là-bas?
00:22:38 Les études, en fait, c'est...
00:22:42 C'est un prétexte.
00:22:43 C'est un prétexte.
00:22:44 Dites-nous ça, clairement.
00:22:47 Ceux qui vont là-bas et qui reviennent, comme mon frère le disait, ne nous disent pas la vérité.
00:22:54 Bon, ils nous font voir des choses dans une autre...
00:22:57 Vous, vous les enviez?
00:22:59 Oui, mais vu que quand ils arrivent ici, c'est eux qui nous donnent les parfums, ils nous achètent les petits trucs.
00:23:06 Les privilégeois.
00:23:07 Et bon, on se contente de ça.
00:23:09 Ça nous motive.
00:23:11 C'est ça.
00:23:14 Alors que les plus belles fleurs, c'est vous qui les avez ici.
00:23:17 Bon, ils nous disent qu'ils ont quatre moments.
00:23:20 Déjà, c'est eux qui nous disent qu'il y a l'automne, l'hiver, je ne sais pas.
00:23:25 Nous ne connaissons pas ça.
00:23:26 Mais ça, c'est la nature qui a décidé comme ça.
00:23:28 Et déjà, on veut découvrir ce que c'est l'automne, c'est quoi l'hiver, c'est quoi l'été.
00:23:33 Pour en faire quoi après?
00:23:34 C'est juste pour satisfaire au moins notre...
00:23:37 La curiosité.
00:23:38 Voilà, c'est l'une des choses qui nous amène à...
00:23:42 Et maintenant, ils nous disent aussi que c'est possible là-bas de rallier à la fois les études et du boulot.
00:23:49 Est-ce que ici, ce n'est pas possible?
00:23:51 Ici, je ne peux pas dire que ce n'est pas possible, mais c'est un peu...
00:23:57 Ce n'est pas bien organisé, ça veut dire...
00:24:01 Non, vous ne pouvez pas dire que ce n'est pas bien organisé.
00:24:04 Moi, j'étais étudiante et je travaillais.
00:24:06 Ici, dans votre propre compte, vous travaillez pour votre propre compte.
00:24:09 Pas du tout, je travaillais chez une dame.
00:24:11 Bon, là, c'est une opportunité particulière.
00:24:13 Mais parce que je l'ai cherchée. Et même là-bas, ça ne vient pas vous trouver sur place.
00:24:17 Bon, là-bas, j'ai lu même quelque part qu'il y a emploi pour étudiants, c'est reconnu là-bas.
00:24:25 Oui.
00:24:26 Ça veut dire que quand on est étudiant là-bas, il y a des emplois qui sont réservés pour l'étudiant.
00:24:31 Un non-étudiant ne peut pas faire ce genre de boulot.
00:24:34 Contrairement à chez nous ici, où tu dois faire tes propres recherches.
00:24:39 Donc, vous, vous travaillez chez une dame, il faudrait que...
00:24:43 C'est un peu compliqué ici chez nous.
00:24:45 Ce n'est pas ordonné comme chez le Blanc.
00:24:47 Non, mais c'est intermittent. C'est pareil ici.
00:24:49 Vous pouvez être étudiant et aller également dans un laboratoire.
00:24:53 Ça dépend de la filière.
00:24:54 Mais vous ne pouvez pas aller, par exemple, où vous faites lettres modernes et bilingues.
00:24:58 Et vous voulez travailler...
00:25:00 Une fois, faire du travail et aller à l'école.
00:25:03 Non, par contre, si vous êtes dans un cycle d'ingénierie au Cameroun,
00:25:06 vous pouvez travailler pareillement dans un cabinet et faire vos études.
00:25:10 C'est possible.
00:25:11 Là, vous alliez, la pratique et la théorie que vous apprenez à l'école,
00:25:16 la pratique, c'est dans une entreprise.
00:25:18 Au Cameroun aussi, ça se fait.
00:25:19 C'est juste que vous ne voulez pas prendre des renseignements
00:25:23 parce que vous avez déjà un schéma.
00:25:26 Et ce n'est pas vrai. C'est justement ça.
00:25:28 Il faut aller vers l'information aussi des fois.
00:25:30 Quand on a déjà le bac, il faut savoir ce qu'on va faire.
00:25:33 Si vous, vous partez avec, comme pour prétexte, les études,
00:25:36 vous voyez que vous avez été démasqué.
00:25:38 Aujourd'hui, votre vie est devenue quoi après ça?
00:25:42 Vous avez retenté le voyage?
00:25:44 Une seconde opportunité s'est présentée.
00:25:48 Cette fois-là, c'était qu'il fallait aller dans un mariage.
00:25:53 Et on a fait quelque chose comme ça.
00:25:57 C'est une connaissance qui était là-bas qui m'a dit
00:26:02 « Je te connais de bâtons, je pense que tu peux te débrouiller ici mieux que là-bas. »
00:26:08 Elle m'a dit « Je vais simuler un mariage et je ferai de toi mon témoin. »
00:26:16 Et exactement c'est ce qu'elle a fait.
00:26:19 J'ai reçu même l'invitation.
00:26:24 Là, c'était sûr que je partais.
00:26:28 Je suis même allé au village et elle m'a dit « Non, le tout, si je suis pas là, on a presque tout vendu. »
00:26:34 On a fait des réservations, des billets d'avion, on avait tout fait.
00:26:38 Vous avez vendu quoi? Votre maison aussi?
00:26:40 Bon, pas la maison, mais tout ce qui était vendable.
00:26:45 On savait que je me suis retrouvé même où j'ai vendu mon propre lit.
00:26:50 Le lit que j'utilisais, si ça va, je vais dormir sur le matelas là quelques jours.
00:26:55 Et quand mon visa sort, hop, je suis parti.
00:26:59 Et vous avez récolté combien?
00:27:01 J'ai récolté autour de 600 000 francs.
00:27:08 Vous avez vendu toute votre vie et vous avez 600 000 seulement?
00:27:12 600 000 francs.
00:27:13 Ce n'est pas que j'ai vendu tout ce que j'avais, j'ai vendu ce qui était vendable.
00:27:19 Chez nous, on ne vend pas encore le terrain.
00:27:21 Moi, je viens de faire le fond de la forêt, là-bas, on ne vend pas encore la forêt.
00:27:25 Ce qui était vendable, là, j'ai reçu des petites aides.
00:27:29 Quelqu'un me disait « Voilà 50 000, voilà 100 000. »
00:27:32 Mais toute votre enveloppe, ça faisait combien à peu près pour le voyage?
00:27:36 Avec les assurances que j'avais payées, qui devaient être remboursées, qui n'ont pas été remboursées,
00:27:44 c'était autour de 950 000.
00:27:48 J'avais déjà eu promesse que quelqu'un me payait la moitié du billet d'avion.
00:27:54 Il attendait juste qu'on me serve le visa dans mon passeport,
00:27:59 pour qu'il donne la moitié du billet d'avion et que je complète tout le reste.
00:28:03 La promesse était sûre, dès que le visa était là, malheureusement.
00:28:09 C'était quoi la contrepartie de la personne qui vous promettait la moitié du prix du billet d'avion?
00:28:13 C'était de restituer les fonds quand je serais déjà là-bas.
00:28:17 Là-bas, je devais aller chercher du travail et rembourser l'argent que j'avais prêté.
00:28:23 Quel type de travail?
00:28:25 Même si c'est laver les cadavres.
00:28:27 Vous promettez que si vous promenez le chien de quelqu'un, là-bas, il vous donne 3000 euros?
00:28:31 On ne sait pas. C'est là-bas qu'on saura si ça vaut 1 ou 5 euros.
00:28:37 Si on prend 5 là et qu'on prend 10 là-bas, ça peut devenir quelque chose.
00:28:44 Une vie pleine d'illusions, en fait.
00:28:49 C'est ça?
00:28:50 Le rêve, c'est quelque chose de naturel.
00:28:54 Tout le monde rêve grand.
00:28:57 Personne ne pense rester scarné.
00:29:00 Quand vous rêvez grand et que dans votre rêve de grandeur, c'est d'aller promener le chien de quelqu'un, c'est quand même bien grand.
00:29:08 Si on promène le chien et qu'on trouve son compte, moi je pense que ce ne serait pas...
00:29:15 Donc le chien vaut plus que vous, en fait?
00:29:18 Ce n'est pas la valeur du travail. Nous, ce qui nous importe, c'est ce que nous avons en retour.
00:29:29 Après ces échecs-là, est-ce que l'illusion est tombée?
00:29:35 Vous avez renoncé à votre paradis?
00:29:40 L'illusion est... Je peux dire... Je peux voir les choses un peu autrement cette fois-ci.
00:29:47 Parce que, il est bien vrai que quand j'ai eu un deuxième échec, j'étais presque assommé.
00:29:53 Parce que là, c'était encore allé un peu plus bas.
00:29:58 C'est ça, puisque vous avez vendu jusqu'au lit.
00:30:01 Il n'y avait même plus où dormir.
00:30:03 Donc, j'étais vraiment assommé, mais petit à petit, j'ai commencé à comprendre certaines choses.
00:30:13 Vous avez compris quoi?
00:30:15 J'ai compris que ce n'était pas à tous les prix.
00:30:18 Oui, penser y aller, c'est bien, mais pas à tous les prix.
00:30:23 Ça veut dire qu'il fallait peut-être penser autrement.
00:30:27 Peut-être développer quelque chose ici, qui fera que nous puissions partir et revenir aisément.
00:30:34 Moi, j'aimerais quand même savoir, vous avez perdu tout ce que vous aviez, mais vous aviez quand même de l'argent.
00:30:39 Les 600 000 que vous avez recolté de la vente de tout ce que vous aviez, vous avez fait quoi de ça après?
00:30:47 La vérité, c'est que dans nos habitudes, quand quelqu'un te donne son argent dans ce genre de situation, c'est que la personne attend quelque chose en retour.
00:31:01 Et ce qui m'est revenu dans l'esprit, c'était de resituer ce que j'avais pour essayer d'être un peu calme dans ma tête.
00:31:11 J'ai resitué les petites sommes que j'avais empruntées ici et là, les gens qui me donnaient des aides.
00:31:18 Bon, ça n'a pas marché. Au lieu que je gaspille, je suis venu te remettre.
00:31:25 Non, d'autres personnes ont dit non, tu peux garder ça, j'étais offert.
00:31:29 D'autres personnes ont dit ah, bon, si tu me remets, ça va. C'est un peu ça.
00:31:33 J'ai recommencé avec, il me restait peut-être quelque chose comme 75 000.
00:31:39 Donc vous avez aussi vendu votre moto?
00:31:41 Oui, cette fois-là, j'avais vendu la moto que j'utilisais à l'époque.
00:31:46 Mais les 75 000 qui sont restés entre mes mains, j'ai acheté une moto de 50 000 francs.
00:31:54 Ah, et elle est moto de 50 000?
00:31:56 Oui, j'ai acheté. Bon, c'était une grâce pour moi.
00:31:59 Un autre collègue avait une nouvelle moto et il avait un parking pour une seule moto chez lui.
00:32:09 Donc, sa vieille moto traînait un peu là.
00:32:12 Et il m'a dit, bon, qu'est-ce que tu es devenu? J'ai vendu ma moto.
00:32:17 Ah, j'ai une moto là, si tu me donnes 100 000, je te le...
00:32:21 Bon, on a commencé à marchander et on est tombé d'accord sur 50 000 francs que j'avais à la maison.
00:32:27 Et directement, j'ai acheté cette moto qui m'a permis encore de remonter la pente.
00:32:34 Et dans toute cette situation, votre famille, c'était quoi le rôle de la famille? C'était quoi?
00:32:43 La famille vous a soutenu, vous a accompagné ou vous a dissuadé? Comment ça s'est passé?
00:32:48 Il faut le noter, c'est que je suis un fils un peu indépendant depuis très longtemps.
00:32:59 Donc, ça veut dire que j'ai appris mon indépendance, je me bats.
00:33:04 Parce qu'on connaît des situations aussi où c'est la famille même qui vous pousse.
00:33:09 Non. En vous disant, il faut partir.
00:33:11 Non, dans mon cas, ce n'est pas la famille.
00:33:14 Mais elle était fière de vous voir partir ou pas?
00:33:16 Oui, elle était.
00:33:18 C'était la fête?
00:33:19 Oui, ils ont compris, connaissant que non, c'est un gars qui bosse dur.
00:33:24 S'il va là-bas, ça sera en contraire, ce sera bien.
00:33:28 Ils attendaient, ce qui est sûr, ils avaient déjà des espoirs que bon, si je parviens à faire ce voyage,
00:33:35 ils pourront se lécher les doigts après.
00:33:39 Parce que autour de vous, vous avez quand même des gens qui sont partis et qui reviennent et qui investissent?
00:33:45 Exactement, exactement.
00:33:48 Par exemple, l'amie dont je parlais qui allait se marier, elle a des domaines ici.
00:33:55 Elle fait quoi comme travail là-bas?
00:33:57 Bon, elle est chimienne, elle est partie d'ici avec le probatoire.
00:34:01 Parce que nous avons eu le probatoire la même année.
00:34:04 Et ben, heureusement pour elle, elle s'est mariée.
00:34:08 Elle s'est mariée à un blanc et je fais même le job dans ce chantier ici.
00:34:17 Donc, avoir quelqu'un que moi j'ai tenu un peu, parce que c'était ma camarade, c'est mon ami.
00:34:24 Donc, c'est moi qui l'ai aidé souvent aussi à faire des petits travaux.
00:34:27 Bon, elle est partie, elle s'est formée là-bas avec son probatoire.
00:34:31 Je crois aide-soignant, mais elle gagne bien sa vie, elle a construit ici déjà, elle vit bien.
00:34:38 Donc, c'est un peu ça qui...
00:34:41 Mais vous ne savez pas ce qu'elle fait exactement, ça c'est ce qu'elle vous dit?
00:34:46 Non, ça c'est...
00:34:47 Hein? C'est ça non Robert?
00:34:49 Ça c'est ce qu'elle vous dit?
00:34:51 Parce qu'une personne qui gagne normalement sa vie en tant qu'aide-soignant, qui a des domaines et des immeubles, on ne sait pas.
00:35:00 On sait combien ça paye être aide-soignant, mais on ne sait pas comment on fait pour avoir des domaines et des immeubles.
00:35:07 La réalité c'est qu'elle ne peut pas si tout nous dire.
00:35:10 Elle va nous dire bon voilà, ça c'est peut-être la...
00:35:13 Il y a une autre chose, une autre face cachée.
00:35:15 Peut-être qu'elle ne préfère pas divulguer.
00:35:20 Alors Yves, aujourd'hui on a l'impression qu'on n'arrive pas à dire la vérité à nos frères, à nos soeurs, quand nous sommes partis, quand on rentre, que ce soit pour les vacances ou pour une occasion malheureuse ou joyeuse,
00:35:40 on ne dit pas la vérité à nos familles.
00:35:43 C'est-à-dire que nos frères, nos soeurs, nos amis qui sont de l'autre côté viennent nous vendre l'illusion, le rêve.
00:35:49 Ils ne nous disent jamais que voilà, je souffre énormément ou alors je fais des choses qui ne sont pas toujours très conventionnelles et tout.
00:35:57 Est-ce que ce n'est pas aussi ça le problème de savoir que ceux qui partent d'abas vivent dans un mensonge permanent?
00:36:04 Parfois la famille ne veut pas trop poser les questions parce qu'on sait quand même si on travaille normalement, on sait jusqu'à quel niveau on peut avoir la capacité d'investissement.
00:36:15 Oui, bon, il y a de ça, mais il y a des migrations qui sont réussies aussi, des gens qui s'en sortent bien et qui font bien des choses.
00:36:25 Maintenant, il y a ce parcours aussi de l'irrégularité qui se manifeste de deux façons parce qu'on voit beaucoup plus la route,
00:36:35 mais il y a aussi cet aspect dont parlait Luther du séjour irrégulier qui est moins dramatique parce que bon, on prend l'avion, on arrive normalement,
00:36:46 on a un bon visa pendant un temps, mais on sait qu'on va aller dans l'irrégularité, mais avec beaucoup d'autres choses qui vont après, avec le travail irrégulier et tout ce qu'il y a.
00:36:58 Maintenant, il y a cet aspect de la route qui est aussi meurtrier, etc., et qui cause beaucoup de dégâts pour les gens, même quand ils parviennent au but et ils arrivent.
00:37:12 Et on peut comprendre un peu finalement ce sentiment, cette volonté de s'exhiber, de montrer que tout s'est bien passé parce qu'il faut voir tout le parcours.
00:37:25 Comme Robert Allain l'a rappelé, c'est un parcours souvent long parce qu'on parlait des financements qu'il faut monter pour repartir,
00:37:35 mais très souvent, c'est des financements qui arrivent au bout dans les pays de transit lorsqu'on dépasse le Niger, qu'on arrive au Maghreb.
00:37:43 En général, ces personnes ont besoin de retravailler, de mobiliser des ressources encore pour tenter de la traverser.
00:37:52 Et des fois, ça peut prendre un an, deux ans, trois ans, voire plus dans ce parcours-là pour finalement ceux qui y arrivent.
00:38:02 Et après, pour ceux qui y sont arrivés, on peut comprendre parce que très souvent, ils vont comparer avec ceux qui sont restés au pays, avec leurs amis qui parlent.
00:38:13 Ils se plaignent, ça fait quand même cinq ans, six ans, mais quelqu'un a pu avoir un l'Open des terrains quelque part ici.
00:38:20 Alors, eux, ils sont partis. Déjà, tu as pris entre trois ans, cinq ans, six ans pour ton parcours.
00:38:26 Maintenant, quand tu arrives, tu te rends compte que ce n'est même pas ce que tu croyais parce qu'il y a le temps de régularisation,
00:38:35 il y a tout ce temps sans papier où tu ne peux pas travailler normalement, il y a encore des années qui sont perdues.
00:38:42 Et maintenant, si vous vous trouvez entre six, sept, huit, neuf ans, comme ça, que vous comparez, c'est difficile de dire à ceux qui sont restés
00:38:51 qu'en réalité, voici ce que j'ai traversé, ce que je suis devenu. Et du coup, il y a un sentiment parce que vous vous croyez peut-être supérieur parce que vous êtes là-bas.
00:39:02 Et ceux qui sont restés vous disent que malgré tous les problèmes et tout ce qu'il y a, voici quand même ce que j'ai pu faire.
00:39:09 En contrepartie, qu'est-ce que cela va faire?
00:39:12 Donc, il y a un problème, un réel problème de complexe?
00:39:14 Absolument. Et là, ce sera d'exhiber, de montrer tout cela, de dire que voilà, je me filme à tel endroit ou à tel autre avec tels habits, etc.
00:39:27 Ce sentiment justement de se valoriser par rapport à ça, ce n'est pas facile.
00:39:32 Et je vous dirais que beaucoup de gens qui sont passés par ces parcours-là sont ceux qui sont le plus dans le besoin des prises en charge psychosociales là-bas,
00:39:45 dans les cliniques, dans les autres, parce qu'il y a tout ce parcours, il y a toutes ces difficultés.
00:39:50 Et donc, finalement, ce sont des gens qui vont éprouver un certain nombre de difficultés.
00:39:56 Alors Robert, est-ce que vous êtes resté le même homme depuis que vous avez fait ce parcours?
00:40:03 Ah oui, je suis resté la même personne. Je me suis davantage cultivé. Je pense que j'ai quand même eu un plus.
00:40:14 Oui, parce que là, vous êtes devenu quand même, vous connaissez toute la géographie et tout.
00:40:19 Oui, ça...
00:40:20 On peut même vous consulter maintenant.
00:40:22 Ça c'est d'une part, mais d'autre part, en tant qu'individu, en tant qu'être humain, je pense avoir appris beaucoup de choses qui m'ont aidé,
00:40:32 qui m'aident aujourd'hui justement à voir la vie d'une autre façon.
00:40:37 La raison pour laquelle j'essaye de me mettre au service des autres, pour leur faire savoir que, écoutez, il est bon de se déplacer si on a des possibilités,
00:40:48 mais si on n'a pas les moyens qu'il faut, ça ne sert à rien de prendre cette route parce que vous aurez plus de réussite, d'échec, permettez-moi,
00:40:58 que de réussite que vous avez envisagé dans votre tête.
00:41:01 C'est vrai.
00:41:02 Donc du coup, je me sens... Yves parlait de la valorisation tantôt pour ceux qui sont là-bas à travers les images,
00:41:11 mais moi je me sens justement cette personne-là qui pense apporter quelque chose aux autres.
00:41:17 Et donc c'est quelque chose quand même à mon âme la vie.
00:41:22 Alors moi j'aimerais quand même savoir, vous êtes rentré et aujourd'hui vous avez changé votre façon de voir les choses,
00:41:31 vous êtes plus conséquent parce qu'on se rend quand même compte dans votre parcours qu'avant vous n'étiez pas conséquent.
00:41:36 C'était je pense à quelque chose et puis je fonce, je ne veux pas savoir ce qui arrive au bout.
00:41:41 Aujourd'hui vous êtes plus conséquent.
00:41:43 Est-ce que les familles ne sont pas aussi quelquefois à l'origine de la mort de leurs propres enfants,
00:41:52 parce qu'il y a des familles aussi qui parce qu'ils ont vu le voisin réussir, parce que son enfant est de l'autre côté,
00:41:58 ils sont prêts à débourser des millions pour envoyer un enfant de l'autre côté ?
00:42:03 Oui, les responsabilités sont partagées.
00:42:06 Si nous restons sous le même prisme des familles, on ne va pas aller vers la solution de ce problème.
00:42:14 Moi je le mets sur la table sur plusieurs valeurs, notamment les familles, oui justement je suis d'accord,
00:42:20 les migrants eux-mêmes, nos pays, les pays de transit, les pays d'accueil, mais aussi la communauté internationale.
00:42:28 Parce que c'est quand même une situation qui est perdue depuis des décennies, peut-être 5, 6, 8 décennies, je n'en sais pas grand chose.
00:42:36 Si le monde entier était, je ne dis pas que les gens ne sont pas conscients, qu'on ne me juge pas à ce niveau,
00:42:45 je dis simplement parce que je me questionne, je me demande pourquoi depuis tant d'années il y a des gens qui meurent tout le temps au désert,
00:42:51 on ne connaît même pas, au désert on ne connaît pas le nombre de personnes qui sont mortes.
00:42:55 Il y a des familles qui n'ont pas le nombre de leurs proches.
00:42:58 Par contre en mer, l'année dernière encore c'est autour de 4000 personnes qu'on a pu repêcher.
00:43:05 Ce qu'on a vu, on ne connaît pas, c'est que les ricanes et autres ont avalé.
00:43:11 Donc du coup, moi je pense qu'il faut faire quelque chose. Donc c'est à ce niveau justement qu'il faut...
00:43:16 Ça c'est la sensibilisation, les dangers.
00:43:19 Oui, il y a la sensibilisation, il y a aussi les efforts à fournir pour créer le paradis chez nous, en Afrique.
00:43:28 Parce que moi je n'arrive pas à comprendre...
00:43:30 Mais le paradis c'est d'abord déjà en Afrique.
00:43:33 Le paradis c'est en Afrique, c'est juste qu'on a toujours tendance à voir l'herbe verte chez le voisin.
00:43:39 Mais c'est justement ce que je suis en train de...
00:43:41 C'est un problème de complexe.
00:43:43 Non, le complexe... Parce que le paradis, il est d'abord... On le voit. Le paradis on le voit.
00:43:50 Parce que vous, vous avez été au Maroc, vous avez été partout où vous avez pu traverser.
00:43:55 Vous n'avez pas vu les gens pauvres là-bas ?
00:43:57 Il y a des gens pauvres. Il y a des gens pauvres partout. Même en Europe il y a des gens pauvres.
00:44:01 Mais comment vous pouvez donc penser que le paradis... Le paradis n'existe que...
00:44:05 Il y a quand même un seuil.
00:44:06 Quand je dis le paradis, ça voudrait dire qu'il n'y a pas de raison que dans un pays comme le Cameroun,
00:44:12 qu'on attend le riz qui vient je ne sais pas d'où pour manger, alors qu'on peut développer l'agriculture à grande échelle.
00:44:18 Et qu'est-ce qui vous empêche de développer cette agriculture ?
00:44:20 Moi je n'ai pas d'argent. Moi je n'ai pas d'argent pour le faire.
00:44:22 Mais vous avez quand même pu avoir un million pour partir. Avec un million vous aurez pu commencer à faire quelque chose.
00:44:28 Quand je dis moi, moi je fais l'agriculture.
00:44:31 Non mais vous venez de dire qu'au Cameroun il n'y a pas d'argent pour faire ci, pour faire ça.
00:44:35 Si vous avez pu réunir un million, avec un million je pense qu'on peut produire de la tomate qui va nous donner 3, 4, 5 millions.
00:44:41 Oui madame, il faut qu'on se comprenne.
00:44:44 Vous pouvez avoir de l'argent. Ce n'est pas l'argent qui est le problème. Le problème c'est l'idée du projet.
00:44:49 Mais c'est quand vous voyagez là-bas que vous aurez des idées de projet ?
00:44:52 Ecoutez-moi très bien, je suis en train de dire si c'est l'idée du projet.
00:44:55 A la C.A.R.T.V. par exemple, je pense que j'ai souvent l'habitude de voir des experts qui viennent pour donner des conseils et tout.
00:45:01 Et c'est dans ce sens qu'il faut orienter les choses. Dire aux gens que si vous aviez de l'argent, mettez-le sur un projet de développement.
00:45:09 Vous allez quitter du point zéro à tel point après un certain nombre d'années. Et cela n'est pas véritablement fait.
00:45:15 On est d'accord avec vous.
00:45:16 Et de ce point de vue donc, je pense que pour que ce paradis là puisse exister, le paradis existe, entre guillemets.
00:45:24 Parce que les gens voient que c'est bien construit, c'est beau et tout. Ce n'est pas le cas ici.
00:45:31 Il faut qu'on en arrive aussi là pour que justement notre environnement puisse être un environnement qui plaise à tout le monde.
00:45:39 Ce n'est pas toujours le cas. Et je vais parler dans des situations qui peuvent peut-être nous amener à ne pas se comprendre.
00:45:46 Mais on se comprend, nous sommes tous Cameroonais.
00:45:48 Donc du coup, je dis que ce travail doit être fait par des entités dont je viens de vous parler.
00:45:53 Donc chacun à sa place, chacun doit rester à sa place et faire ce qu'il doit faire pour que ce paradis puisse exister.
00:46:01 D'accord.
00:46:02 Moi, on va faire venir la psychologue sur ce plateau.
00:46:09 Mais je voudrais quand même vous poser une question, parce que c'est une impression que j'ai.
00:46:13 Peut-être que je me trompe, mais j'ai bien l'impression que vous pensez que le devenir de ce pays dépend d'une seule personne.
00:46:21 Est-ce que nous ne sommes pas tous responsables de l'échec, si jamais on parlerait de l'échec?
00:46:27 Est-ce qu'on n'est pas tous responsables de la réussite, si jamais on parle de réussite?
00:46:31 Est-ce que ça ne nous concerne pas tous finalement, le devenu de notre pays?
00:46:35 Est-ce qu'on ne le bâtit pas ensemble?
00:46:37 Moi, pour commencer, je n'ai pas cité une personne. Je n'ai pas accusé une personne.
00:46:41 Je le dis parce que vous dites qu'il faut créer le paradis parce qu'on attend le riz qui viendrait de quelque part.
00:46:46 Ce qui n'est pas vrai, on cultive le riz dans le nord, on cultive le riz ici à l'ouest, qui est d'ailleurs le meilleur riz.
00:46:54 Il coûte combien?
00:46:55 Mais c'est votre terre.
00:46:56 Il coûte combien? Vous n'allez pas le voir partout.
00:46:59 En fait, madame, ce que moi je voudrais qu'on se comprenne.
00:47:02 Mais voilà une opportunité d'affaire pour vous, pour vendre plus cher.
00:47:05 Madame, dans toutes les sociétés, il y a ce qu'on appelle la régularisation.
00:47:10 Et il y a un régulateur qui est là, moi je suis électro-technicien de profession aussi, quand vous avez toute ce machin-ci.
00:47:18 Si nous n'avions pas un régulateur qui filtre le courant, il y aura un problème, tout va voler en l'air.
00:47:24 Justement, on va appeler la psychologue, elle va venir, vous allez continuer à parler.
00:47:28 Lisette Emeraude Ndi, et donc notre très chère psychologue.
00:47:32 Avec elle, on va essayer de comprendre pourquoi cette envie toujours de partir et rejeter surtout la faute aux autres.
00:47:37 Si rien ne va, c'est que c'est la faute de quelqu'un d'autre, on n'est jamais responsable de rien.
00:47:41 Quand tout va bien, on reconnaît avoir participé.
00:47:45 C'est avec beaucoup de plaisir qu'on reçoit Lisette Emeraude Ndi sur ce plateau.
00:47:59 Bienvenue Lisette.
00:48:00 Merci Cédrine.
00:48:01 On reçoit des frères, des compatriotes qui partent de loin, qui ont eu plusieurs expériences.
00:48:07 Qui ont eu une expérience du Cameroun, qui ont eu l'expérience de l'Afrique du Nord.
00:48:12 Robert, il a une petite expérience, peut-être pas très joyeuse, de l'Espagne, donc de l'Hexagone.
00:48:20 Bon, vous avez suivi tout le reste.
00:48:22 On voudrait savoir, pourquoi on pense toujours que le bonheur se trouve ailleurs que chez nous ?
00:48:29 Est-ce que c'est à tort ? Est-ce que c'est à raison ?
00:48:31 Est-ce qu'on ne peut pas se créer soi-même son propre bonheur que de le voir toujours chez les autres ?
00:48:39 C'est quoi le problème ?
00:48:40 Alors je dirais d'abord ici qu'il est question d'abord de l'éducation.
00:48:44 Dans l'éducation qu'on donne, par exemple, ce mouvement qui s'est fait voir au niveau des années 90,
00:48:52 principalement au Cameroun je pense, parce que je pense qu'avant les années 90,
00:48:56 les études statistiques montrent que les gens qui migraient, c'était plus des personnes...
00:49:01 Pour les études.
00:49:02 Les études, les camps diplomatiques et autres, mais plus les jeunes, c'était dans ces années-là.
00:49:07 Mais pourquoi ? Ils sont si bien expliqués, parce que l'être humain ne réagit pas à la curiosité.
00:49:13 La curiosité qui est un appât, la curiosité qui nous amène, c'est-à-dire la modification de certains comportements.
00:49:20 Alors, il y avait la télévision qui était là déjà, et tout, il y avait la télévision et où,
00:49:26 que ce soit aux États-Unis, il y avait des mouvements où on présentait la suprématie des États-Unis
00:49:33 avec tout ce qu'il y a de beau, ainsi qu'en France et tout.
00:49:36 Alors, les jeunes dans ce mouvement de curiosité, pour ceux-là par exemple qui sont partis,
00:49:42 ils ont présenté cette figure-là comme étant par exemple le paradis, comme étant l'eldorado, s'il faut le dire ainsi.
00:49:51 C'est ainsi que beaucoup de jeunes, même étant, même pas, c'est-à-dire dans des familles défavorisées,
00:49:57 justement par cette curiosité-là, se mettaient en route, véritablement, pour aller à cette découverte de cet eldorado-là
00:50:05 et puis essayer vraiment de toucher du doigt ce que je regarde à la télé, ce dont on me parle,
00:50:10 ce qu'on présente comme étant le paradis, et c'est comme ça que beaucoup de jeunes y allaient.
00:50:16 Et il y avait aussi, par exemple, les conditions sociales, par exemple, pour ceux-là, par exemple,
00:50:21 qui étaient dans des familles vraiment défavorisées, qui, avec cette présentation où on disait que tu as fait des études,
00:50:29 que tu n'as pas fait des études, tu peux facilement trouver un emploi, et donc on se disait,
00:50:34 c'est par exemple où je me trouve, je ne peux pas trouver un emploi parce que peut-être je n'ai pas assez fait des études,
00:50:39 peut-être qu'il faudrait se porter vers l'Hexagone là-bas, c'est au niveau…
00:50:44 Avec ou sans diplôme, je peux trouver quelque chose.
00:50:47 Voilà, je peux trouver quelque chose. Donc, il y avait ce mouvement migratoire qui s'est fait dans ces années-là en Afrique
00:50:52 et ça s'est perpétré jusqu'à aujourd'hui, où il y a toujours, comment on va dire, ces envies-là en les jeunes.
00:51:00 Et je dis, le problème, il est un peu plus profond que ça, c'est pourquoi je dis que c'est un problème d'éducation.
00:51:04 Un problème d'éducation, pourquoi? Parce que je pense que si nous mettons l'accent sur ce qui est, par exemple,
00:51:11 ce qui est bien dans notre pays, essayons de montrer à nos jeunes que même étant au pays,
00:51:17 tu peux être comme celui-là qui est dans l'Hexagone, montrer que même étant au pays, tu peux faire un parcours académique
00:51:23 sans toutefois envier celui-là qui est dans l'Hexagone. Je pense qu'il faut pouvoir présenter ça.
00:51:29 Essayer même au niveau sanitaire de davantage améliorer notre plateau technique, je ne pense pas que non.
00:51:34 Et on va limiter beaucoup de choses, mais au niveau des évacuations, même au niveau, par exemple, d'ouvrir davantage des filières.
00:51:41 Mais elles ne parlent pas pour les évacuations. Ceux dont on parle ici aujourd'hui, c'est vraiment ceux qui prennent la route
00:51:47 pour aller chercher, soi-disant, un avenir meilleur dans un paradis qui existe dans leur tête. C'est ça, non?
00:51:55 C'est pour ça, dans ça, Sydonie, tout va de l'information qu'ils ont reçue. Quelle est l'information qu'ils ont reçue?
00:52:01 S'ils ont reçu une information déformée de leur pays, s'ils ont reçu une information comme quoi dans leur pays,
00:52:06 ils ne peuvent pas avoir un avenir meilleur, automatiquement, ils iront chercher l'herbe, l'herbe verte ailleurs.
00:52:11 Mais s'ils ont la bonne information selon laquelle, dans leur pays, ils peuvent avoir tout ce dont ils veulent,
00:52:16 tout ce dont ils rêvent, parce que les conditions sont les mêmes.
00:52:19 Mais ils ne refusent pas de voir. Parce qu'il y a aussi ça. Parce qu'ils refusent de voir.
00:52:25 Parce qu'ils ont déjà une image qui est fixe devant leur mémoire. Parce que des modèles en Afrique, il y en a.
00:52:35 Justement.
00:52:36 Une pléthore d'ailleurs. Les milliardaires au Cameroun ici, on les connaît, ce n'est pas des gens qui ont été forcément à l'école.
00:52:43 Donc, je pense qu'ils ont déjà des idées arrêtées. Ce n'est pas des modèles qui leur manquent.
00:52:49 Ils ont des modèles qu'ils ne veulent pas voir, qu'ils ne veulent pas suivre, parce que dans leur tête, il y a déjà un schéma.
00:52:57 Ça c'est clair. Dans cette chaîne de pensée qu'ils ont construite, puisque nous savons qu'au niveau de l'éducation,
00:53:02 et ce sont plus votre niveau de l'éducation informelle.
00:53:06 Ok, mon cousin m'a dit, là-bas mes amis m'ont dit ceci, ce qu'ils voient au niveau des revues.
00:53:13 Ok, c'est toujours beau là-bas, c'est toujours propre et tout.
00:53:16 Mais au niveau véritablement de l'éducation formelle, ils ne sont pas appelés à ça.
00:53:20 Ils n'ont pas dit que non. Le développement en lui-même.
00:53:23 Qu'est-ce qu'on nous dit? On dit la jeunesse est le fer de l'anxiété.
00:53:25 On se dit, c'est moi-même qui devrais, c'est-à-dire, pouvoir développer mon pays pour qu'il puisse être comme ceux d'ailleurs.
00:53:31 Parce que vous n'allez pas me dire des gens qui ont des états de terrain.
00:53:33 À cet au-lieu de faire de l'agriculture, vendre plutôt des états de terrain pour pouvoir envoyer quelqu'un dans les endroits.
00:53:38 Et dire, et continuer à dire qu'on importe du riz alors que...
00:53:41 Non, non, non, non.
00:53:42 Justement, alors que nous avons toutes ces choses qui peuvent permettre à ce développement.
00:53:47 Je ne pense pas que là, c'est parce qu'il y a ce complexe, il y a cette envie, il y a cette curiosité qui a régi tous ces comportements,
00:53:55 qui fait que jusqu'à aujourd'hui, des familles même n'arrivent pas à s'en défaire.
00:53:59 On se dit toujours, pour qu'on puisse être une meilleure famille, c'est de pouvoir avoir quelqu'un entre guillemets qui se retrouve en oxygène.
00:54:06 Mais est-ce que ce n'est pas aussi, moi c'est pour comprendre, hein Elisette.
00:54:10 Parce que dans les droits de l'homme, les droits de l'homme disent que tout le monde est libre d'aller partout où il veut.
00:54:17 Il est libre de se mouvoir.
00:54:18 Il est libre de se mouvoir, d'accord? De partir et de revenir. C'est un droit.
00:54:23 Mais quand on a des barrières où on ne veut pas que vous alliez dans tel pays parce que vous n'avez pas le bon passeport,
00:54:30 et que ceux-là, ils sont libres de venir chez vous parce qu'ils ont le bon passeport, est-ce que ça ne crée pas davantage la curiosité?
00:54:40 Et on se dit, pourquoi on ne veut pas que j'aille là-bas?
00:54:43 Justement, parce que l'homme est toujours à la quête de l'interdit.
00:54:46 L'homme est à la quête de l'interdit. Ce qui ne t'est pas facilement accessible d'avoir, c'est ce que tu vas rechercher.
00:54:53 C'est ça, c'est dans la nature humaine.
00:54:55 Pourquoi? Parce que autant les politiques publiques, elles n'arrivent pas à être honnêtes au niveau des mouvements frontaliers.
00:55:05 Pourquoi par exemple, le français c'est plus facile pour lui de venir au Cameroun et pour le Cameroun...
00:55:09 Ce n'est pas facile, c'est une évidence.
00:55:11 Oui, ce n'est pas aussi facile.
00:55:12 Du coup, les Africains, ils se disent, qu'est-ce qu'il y a même là-bas, il faudrait que je puisse en faire, c'est-à-dire démystifier la chose.
00:55:19 Parce que c'est comme s'ils font de ça un mystère et nous savons que le mystère, ça attise la curiosité.
00:55:25 Et qu'est-ce que l'être humain va faire lorsqu'il y a un mystère?
00:55:28 À chaque fois, il va tout mettre en œuvre, tout son mindset pour pouvoir démystifier cette chose-là qu'on a érigée comme la chose la plus absolue dans le bonheur.
00:55:39 Alors Robert, on tire déjà vers la fin.
00:55:42 Oui, oui, ce que je voulais ajouter, c'est que je suis tout à fait d'accord avec Madame.
00:55:45 Et je pense qu'elle a commencé là où j'ai terminé en parlant, n'est-ce pas, de la création d'un paradis.
00:55:50 Vous voyez un peu.
00:55:51 Et en même temps, elle expliquait aussi que justement, le régulateur que j'indiquais n'a pas véritablement fait son travail.
00:55:59 Parce que c'est de ça, c'est ça le problème.
00:56:02 Le régulateur aurait fait son travail en créant un paradis sous place.
00:56:07 Elle a évoqué le plateau technique et d'autres choses que nous connaissons.
00:56:10 Mais quand vous partiez, vous ne pensiez pas à la santé?
00:56:13 Non, Madame, écoutez, c'est juste un petit cliché.
00:56:16 Le régulateur n'a pas fait son travail informationnel pour expliquer que voilà, ne partez pas.
00:56:23 Si vous partez, vous entourez telle situation.
00:56:26 Si vous partez, et jusqu'à présent, je n'ai pas souvenance qu'il y a de telles émissions qui passent de manière hebdomadaire au moins, ou mensuelle, pour sensibiliser l'opinion à grande échelle.
00:56:39 Mais nous sommes dans une chaîne de télévision nationale et nous parlons justement de ce problème.
00:56:43 Demain, vous allez dire qu'on n'en a jamais parlé.
00:56:45 Non, non, ça je ne l'ai pas dit. J'ai intervenu plusieurs fois, mais sauf que ça se fait de manière...
00:56:50 Chaque fois quand une situation se présente.
00:56:52 Et il faut le dire tous les jours à la télé? Il faut une minute de l'immigration?
00:56:55 Non, non, c'est pas ce que je dis.
00:56:56 Il y a un problème. Si nous avons l'information, c'est l'arme, c'est l'une des armes les plus puissantes du monde.
00:57:05 Elle l'a évoquée dans tout ce qu'elle a dit.
00:57:07 Ça tourne autour de l'information qui n'est pas réelle, qui n'est pas visible et qu'on cache un certain nombre de choses.
00:57:14 Et donc l'être humain a l'obligation de chercher à démystifier ce qui est derrière.
00:57:22 C'est ce que vous devriez comprendre.
00:57:23 Donc du coup, quand cela n'est pas fait, et nous allons continuer à se retrouver dans ce genre de situation,
00:57:30 où depuis 2023, c'est 27 000 Africains du sud du Sahara qui se sont retrouvés en Italie à Lampedusa.
00:57:40 527 000 personnes.
00:57:42 Vous parlez du manque d'information. Nous sommes en 2023.
00:57:46 Les réseaux sociaux, aujourd'hui, les gens en parlent. Les chaînes de télé, comme les nôtres, les gens en parlent.
00:57:52 Est-ce que vous allez continuer à dire que les gens ne sont pas assez informés?
00:57:56 Je pense que le problème est ailleurs.
00:57:58 Il faut aller au-delà. Il faut aller au-delà.
00:58:00 Par exemple, ce que nous proposons, il faut par exemple créer les clubs d'éducation à la migration dans les lycées et collèges du Cameroun.
00:58:08 C'est pour ça que nous...
00:58:10 C'est pour ça que moi, j'ai commis cet ouvrage, "Deiaounde Amélia", "Cahiers de mon aventure", qui a été préfacé par Joseph-Andoine Bell.
00:58:19 Si vous lisez cet ouvrage, vous devenez tout de suite un migrant irrégulier, mais qui n'est jamais sorti de sa chambre.
00:58:27 Au moins, ça, ça permettra que vous sachiez que si je prends cette route, telle situation pourrait m'arriver.
00:58:33 Peut m'arriver.
00:58:34 C'est ça. Et si vous faites une enquête...
00:58:36 Donc, finalement, on va vous dire merci d'être parti, merci d'être parti et d'être revenu, parce que finalement, aujourd'hui, vous êtes la voix des sans voix.
00:58:46 Et aujourd'hui, vous donnez la bonne information à ceux qui n'ont pas la bonne information sur le péril qu'il y a à partir de façon clandestine.
00:58:56 Parce que c'est de ça qu'il est question. Il n'est pas interdit de voyager, il n'est pas interdit de se déplacer, mais ce qu'on vous dit, c'est de le faire dans...
00:59:04 Il faut s'informer. Et nous le proposons justement à tous les décideurs, aux chercheurs, aux universitaires, aux enseignants, aux élus de la nation et autres, pour qu'ils puissent vraiment entrer dans les méandres de la migration irrégulière.
00:59:19 Parce que dans les chaînes de télé, radio, les gens en parlent, mais avec simplicité, avec tellement de légèreté qui n'arrive même pas eux-mêmes.
00:59:28 Les gens confondent immigration à immigration. Il y a un gros problème.
00:59:34 Et même que, comme Elisola disait, pour pouvoir parler de la situation du prolétaire, il faut être prolétaire.
00:59:38 Merci beaucoup.
00:59:39 Pour avoir été immigré, vous avez c'est-à-dire un témoignage vivant, et je pense que c'est la meilleure chose à vous offrir.
00:59:46 Merci beaucoup d'être venu sur ce plateau. Merci à Yves d'être venu. Yves, vous êtes déjà ailleurs? Vous êtes déjà à Paris?
00:59:53 Merci beaucoup. Merci à Luther d'être venu. Merci beaucoup, Robert. Vraiment, continuez le combat.
01:00:01 C'est une très bonne chose parce que vous, vous avez appris de vos erreurs.
01:00:05 Aujourd'hui, vous êtes partis sur un meilleur départ. C'est super bien.
01:00:09 Et donc, on espère juste qu'on verra cet ouvrage un peu partout et qu'on pourra justement offrir cela à nos amis, à nos frères, à nos enfants.
01:00:19 Merci à notre très chère Lisette Emeraude d'être venue nous donner son expertise, surtout.
01:00:25 Merci à vous, très chère, très chers téléspectateurs, d'être restés nombreux à nous regarder, à nous suivre, à nous faire confiance, à rester fidèles.
01:00:32 Merci beaucoup, on ne vous le dira jamais assez. Merci à notre très cher public d'être venu.
01:00:37 On se retrouve donc le mercredi prochain à la même heure, lorsqu'il sera donc 21h30 par là.
01:00:46 Merci, surtout que Dieu bénisse notre très cher et beau pays, le Cameroun. Au revoir et à très vite.
01:00:52 Ah, super !
01:00:55 Merci, merci beaucoup. Merci, merci.
01:01:01 Il y a beaucoup d'enfants.
01:01:04 Hein ?
01:01:05 Beaucoup d'enfants.
01:01:07 [Musique]