Questions Economiques du 02 Novembre 2023

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00:00 [Musique]
00:14 Madame, Monsieur, bonsoir et bienvenue à cette édition des questions économiques.
00:19 Espace francophone, un potentiel économique important mais sous-exploité.
00:25 Telle est la photographie que de nombreux observateurs font de l'OIF en l'opposant à son pendant anglais, le Commonwealth.
00:34 En effet, l'émission de la francophonie s'articule autour de la promotion de la langue française,
00:39 de la diversité culturelle et linguistique mais aussi de la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l'homme.
00:47 Cependant, et peut-être en écho aux experts qui soutiennent qu'il y a un lien stratégique positif
00:53 entre le partage d'une langue commune et les flux d'échanges commerciaux
00:58 et au regard des défis socio-économiques des États marqués par la recherche des partenariats gagnants-gagnants,
01:04 l'OIF a dû se départir de ses vieux vêtements.
01:08 Si les prémices de cette francophonie économique datent du sommet des chefs d'État francophones de Québec en 1987,
01:15 il a fallu attendre 2014, le 15e sommet de 2014 à Dakar, pour que l'économie soit placée au centre des enjeux
01:24 via l'adoption d'une stratégie économique de la francophonie.
01:27 Et les travaux de la 44e session de la conférence ministérielle de la francophonie,
01:32 qui se tiennent les 4 et 5 novembre à Yaoundé, confirment cet ancrage économique de l'OIF à travers le thème
01:41 "Bonne gouvernance gage de stabilité politique, économique et culturelle pour les citoyens francophones, pour une prospérité partagée".
01:50 Et ce soir, nous évaluons la francophonie économique et nous pistons les voies d'une OIF portée sur la croissance et le développement des États membres.
02:03 Et pour cela, nous recevons ce soir Nikes Végan, qui est Premier secrétaire à l'ambassade du Cameroun en France.
02:10 Bonsoir et bienvenue.
02:11 Bonsoir Lucrèce, et merci pour l'invitation qui m'a été adressée à participer à cette émission.
02:17 Alors les chiffres en notre possession disent de l'espace francophone qu'il atteint 16% du PIB, 20% des échanges mondiaux, 16% du PIB mondial,
02:27 20% des échanges mondiaux et représente près de 15% des ressources énergétiques et minières du monde. Est-ce que vous confirmez ces chiffres ?
02:36 En tout cas, cher Lucrèce, ce sont les chiffres de l'Observatoire de la Francophonie économique que je ne peux que confirmer,
02:44 même si sur le pourcentage en termes de population, c'est un pourcentage qui est appelé à s'améliorer,
02:51 puisqu'on prévoit une poussée démographique du continent qui fera qu'en termes de proportion,
02:58 la population parlant français dans le monde sera beaucoup plus que ce qu'elle est actuellement.
03:03 Donc je confirme tout à fait ces chiffres.
03:05 Et l'élément démographique est très important dans les politiques de développement.
03:08 Absolument, toutes les politiques économiques reconnaissent que l'élément population est déterminant,
03:15 non seulement dans l'élaboration des politiques, mais constitue également la force économique des États.
03:21 Donc c'est un levier sur lequel la francophonie devra s'appuyer, sur lequel elle s'appuie déjà d'ailleurs pour se projeter dans les années à venir.
03:30 Alors, nous l'avons dit il y a quelques instants, de nombreux observateurs disent de l'espace francophone
03:35 qu'il dispose d'un potentiel économique important, mais qui est sous-exploité.
03:40 Pensez-vous qu'ils ont raison ou alors ils ont tout faux ?
03:45 Si l'on regarde les chiffres du commerce international liés à l'espace francophone,
03:54 même si ces chiffres ne sont pas négligeables, on peut reconnaître qu'il y a beaucoup qui reste à faire.
04:02 Et l'élément qui me permettrait peut-être de donner aussi raison à ces observateurs,
04:06 c'est que comme vous le savez, une grande majorité de pays membres de la francophonie sont également des pays africains,
04:13 et au-delà desquels on a beaucoup de PMA qui ont les difficultés économiques que vous connaissez.
04:18 Donc je ne peux que reconnaître que cette façon de penser a du sens sur le terrain.
04:24 Il y a beaucoup de choses qui restent à faire pour donner vie à cette francophonie économique
04:30 que les chefs d'État appellent de tout leur pouvoir.
04:33 Alors lorsqu'on parlait de francophonie économique, on parle de développement, on parle de financement,
04:39 mais vous dites que ce n'est pas dans l'ADN de la francophonie,
04:43 ce n'est même pas le cœur de métier de la francophonie, contrairement au Commonwealth par exemple.
04:49 Tout à fait, Lucretia, vous avez raison de le dire au fondement du projet francophone.
04:56 On a d'abord deux piliers, le pilier linguistique et culturel dans son ensemble,
05:01 et on a un second pilier qui est la défense de la démocratie et des droits de l'homme.
05:06 Ces deux notions constituent pendant longtemps le cœur de métier pour reprendre votre expression de la francophonie.
05:13 Et ce n'est que très récemment que les questions économiques ont commencé à s'inviter dans les débats
05:19 et à être résolument adressées, prises en charge par les instances de la francophonie.
05:24 Alors quand vous dites récemment, c'est quand même en 1987 que les chefs d'État commencent à évoquer ce volet économique dans l'espace francophone,
05:34 mais il a fallu attendre de nombreuses années, il a fallu attendre 2014 pour qu'une première stratégie économique soit adoptée.
05:41 Que prévoyait cette stratégie économique ?
05:44 Vous avez tout à fait raison, ça veut dire que la prise en compte ou la prise en charge des questions économiques,
05:49 même si on évoque l'idée en 1987, vous avez raison de dire que ça partit du 15e sommet à Dakar en 2014,
05:57 que résolument on décide d'adresser la question économique en adoptant une stratégie économique de la francophonie.
06:08 Alors à la base, l'idée qui était au cœur de ce projet de francophonie économique, c'était de mettre l'humain au centre des préoccupations.
06:22 Peut-être cela apparaissait comme une alternative aux tendances de mondialisation,
06:28 qui était toujours beaucoup plus de capitalisme, une mondialisation parfois écrasante pour les faibles,
06:35 et beaucoup plus favorable pour les États puissants.
06:40 Or, je l'ai dit à l'entente de l'émission, une grosse majorité de pays membres de la francophonie sont des pays ayant des économies plutôt fragiles.
06:49 Donc dans le projet des chefs de l'État à Dakar en 2015, c'était de dire que notre modèle de coopération économique mettra l'homme au centre.
07:00 Et à ce moment-là, ils ont dégagé cinq piliers, si je ne me trompe pas.
07:05 Le premier pilier étant le renforcement des échanges commerciaux et des investissements intra-espace.
07:13 Le second pilier était également le renforcement de l'entreprenariat et de l'innovation pouvant conduire à l'auto-emploi,
07:21 puisque la question de l'emploi est assez prégnante au sein de la francophonie,
07:26 étant entendu que la population francophone est essentiellement jeune.
07:32 C'est des jeunes, et la jeunesse pose très souvent le problème de l'emploi.
07:37 Donc il y avait cette question à adresser, l'entreprenariat, l'innovation en vue de l'auto-emploi.
07:44 De mémoire, le troisième axe de cette stratégie, c'était de capitaliser sur le numérique et sur l'intelligence artificielle,
07:57 puisqu'on commençait à parler vraiment d'intelligence artificielle.
08:01 La francophonie devait à ce moment-là prendre en compte les thématiques émergentes.
08:07 Le quatrième pilier, c'était le renforcement des politiques publiques,
08:11 des politiques publiques beaucoup plus fermes, beaucoup plus affirmées,
08:14 beaucoup plus fortes pour accompagner le développement économique des États.
08:18 C'était la stratégie 2015 ?
08:20 2020.
08:21 Parce que les stratégies économiques au sein de l'OIF sont des stratégies quinquennales,
08:27 sur une période de cinq ans. On l'adopte en 2015 et elle court jusqu'en 2020.
08:33 Et ça me permet justement de signaler qu'en ce moment, nous sommes sur la deuxième stratégie.
08:39 On va y arriver. Je voudrais d'abord que nous restions sur la première stratégie,
08:45 qui est quand même l'aboutissement d'une longue marche, c'est-à-dire qu'il y a eu ce vœu émis en 1987 par les chefs d'État.
08:55 Il y a eu également le vœu de Léopold Seda Senghor, qui demandait déjà que les problèmes culturels soient réglés sous l'angle économique,
09:05 soient percés sous l'angle économique dans l'espace francophone.
09:08 Il y a eu le sommet de Hanoï en 1987, Ouagadougou en 2004, Kinshasa en 2012, et puis enfin Dakar en 2014.
09:19 Et puis entre les deux, il y a eu en 2008 et en 2012 les rencontres internationales de la francophonie économique.
09:26 Alors, qu'est-ce qui a été concrètement fait ? Vous nous avez dit ce qui était prévu,
09:32 mais dans les faits, qu'est-ce qu'on peut retenir de cette première stratégie économique de la francophonie économique ?
09:41 - Alors, ce que j'entends dans ce que vous avez dit, c'est que la francophonie est une institution qui se construit et qui évolue avec son temps.
09:50 Même si j'ai, à l'entente de mon propos, expliqué ou souligné que les deux piliers traditionnels, historiques de la francophonie,
10:00 telles qu'on la connaît aujourd'hui, étaient la langue et le politique, il faut savoir que même le politique a fait l'objet d'une marche.
10:06 Parce qu'au départ, on part de la CTT, qui était vraiment intéressée aux questions culturelles, linguistiques, coopérations, mais d'une manière générale.
10:16 On a eu des parcours, des sommets, des sommets, pour avoir un projet véritablement politique, celui qu'on connaît aujourd'hui.
10:23 Alors, la question économique obéit un peu au même cheminement, c'est-à-dire qu'on part de sommet en sommet de rencontres pour fixer le contour de ce projet-là.
10:35 Et vous l'avez dit, ça fait 10 ans, qu'est-ce qui a été fait ?
10:40 Je pourrais citer qu'au niveau même de la structure de l'OIF, on a ce qui n'existait pas avant, on a une direction qui est totalement dédiée aux questions économiques,
10:53 parce qu'il fallait une structure même en interne pour assurer le suivi et la mise en œuvre de cette vision.
11:01 L'OIF a mis des moyens pour accompagner les États dans des projets, dans des processus qui permettraient aux pays en développement, par exemple, d'attaquer les marchés européens, qui sont souvent plutôt très normés.
11:17 Très récemment, on a un projet célèbre de la Secrétaire Générale qui consiste à ce qu'on appelle les missions économiques et commerciales,
11:25 qui permettent à des entreprises de l'espace francophone de se réunir dans une ou l'autre région.
11:32 La première mission économique, première déjà, on ne l'avait jamais vue en francophonie, c'était en Asie du Sud-Est, plus précisément au Vietnam et au Cambodge.
11:42 La deuxième mission économique, c'était en Afrique centrale, pas loin de nous, au Gabon et au Rwanda.
11:48 Et on revient tout juste, si c'est en octobre dernier, de la troisième mission économique en Méditerranée orientale sur deux pays comme les deux précédentes missions.
11:58 Donc c'était au Liban et en Grèce. On le voit bien, dix ans plus tard, on arrive à des projets beaucoup plus agressifs, si vous me permettez l'expression.
12:12 Si on parle de ces missions économiques, les États sortent de ces missions avec quoi ? Qu'est-ce que ça leur apporte ?
12:20 Alors il faut comprendre qu'au cœur...
12:21 Les apports d'échange, c'est quoi ? Est-ce qu'ils parviennent à nouer des partenariats ? Est-ce qu'ils parviennent à renforcer les échanges commerciaux ? Qu'est-ce que ça leur apporte ?
12:32 Il faut peut-être préciser qu'au cœur de ce projet-là, en lien notamment avec les missions économiques, ce qui est visé, ce ne sont pas les États en tant qu'institut, en tant que ministère des finances, de l'économie, de la planification.
12:45 Ce n'est pas le secteur privé que l'intégration économique se fera. Donc ces missions sont dirigées, ou du moins orientées, sont formatées pour les entreprises.
12:56 Pour permettre à ce que des entreprises camerounaises dans le secteur de l'agro-industrie, de pharmaceutique, cosmétique, puissent rencontrer peut-être des homologues ou des futurs partenaires commerciaux en Grèce, au Liban, au Gabon,
13:13 en fonction de ce que ces partenaires peuvent leur apporter en termes de ressources, de main-d'œuvre.
13:19 Donc la précision doit être vraiment faite. Ce ne sont pas des missions pour que le Cameroun aille rencontrer…
13:27 Non, vous parlez bien des entreprises. Ces missions économiques sont dédiées aux entreprises.
13:32 Absolument. Nous sommes aujourd'hui dans ce qu'on va appeler le cadre stratégique de la francophonie 2023-2030.
13:43 Vous avez évoqué la conférence ministérielle de Yaoundé, indélivrable, du moins un des documents majeurs qui sera adopté, on le souhaite, à l'issue des travaux des ministres.
13:56 C'est effectivement la nouvelle programmation 2024-2027 de la francophonie qui énonce un peu les priorités nouvelles de l'organisation.
14:06 Je voudrais qu'on s'arrête sur la deuxième stratégie économique de la francophonie qui, elle, court encore.
14:14 Elle a commencé en 2020 et va jusqu'en 2025. Il nous reste deux ans. Est-ce que vous diriez, au regard de ce que vous savez, de ce que vous voyez,
14:27 est-ce que vous diriez qu'il y a quelque chose de nouveau entre celle-là et la toute première ?
14:33 Je suis obligée de reconnaître que beaucoup de choses ont été faites. Même si nous qui siégeons au sein des instances de la francophonie,
14:40 les observateurs diront toujours qu'on peut s'améliorer, on peut faire plus. Mais reconnaissons déjà ce qui a été fait.
14:48 Je parlais tantôt des missions économiques qui n'avaient pas été mises en œuvre dans le cadre de la première stratégie alors qu'elles étaient déjà pensées.
14:57 Lorsque j'ai numéré les axes qui constituaient la vision de la première stratégie, j'ai bien mentionné le renforcement des relations économiques.
15:06 Mais des missions comme celles-là, on ne les avait pas. On les a maintenant.
15:10 Une autre innovation de cette nouvelle stratégie économique, c'est la question du numérique.
15:18 On est tous témoins de ce qui se passe, les bouleversements apportés par Internet.
15:23 Une partie de l'économie mondiale attrait aujourd'hui avec les questions de numérique.
15:29 Il fallait prendre en compte cet élément nouveau qui ne figurait pas, tout au moins aussi clairement dans la stratégie précédente.
15:36 Elle est totalement prise en compte ou en charge dans la deuxième stratégie.
15:41 Et cet élément est tellement important que je dois le signaler, elle a même fait l'objet d'une stratégie sectorielle à part.
15:49 Voilà pour nous citer ces deux exemples-là, deux innovations qui nous montrent la progression entre la stratégie première et la deuxième.
16:01 Du coup, sur la vision globale, qui est celle de la francophonie aujourd'hui,
16:07 je voudrais savoir lorsqu'on parle de francophonie économique aujourd'hui, en 2023, on parle de quoi ?
16:14 Bonne question ! Des fois les États eux-mêmes ont besoin de donner du contenu à ce concept.
16:23 On le comprend politiquement, on sait où on veut aller.
16:26 On veut aller vers un État, un espace solidaire, inclusif, intégré,
16:33 où la notion de prospérité partagée est une réalité, où la notion de mobilité est une réalité.
16:41 Ça c'est le projet qui est écrit sur le terrain.
16:44 Mais très souvent ce projet se heurte aux souverainetés nationales,
16:50 les États sont souverains, qui peuvent freiner, ralentir le processus d'intégration qui est souhaité.
16:59 Mais d'une manière générale, aujourd'hui, la francophonie économique rend vrai d'une manière générale,
17:06 parce qu'il faut dissocier l'OIF en tant qu'institut et l'OIF en tant que 88 États.
17:12 L'OIF en tant qu'institut, la francophonie économique rend vrai à toutes les actions que l'OIF mène
17:18 pour promouvoir justement cet espace de solidarité, cet espace de prospérité.
17:26 Et l'OIF en tant qu'institution va se déployer de plusieurs manières,
17:30 par un plaidoyer qu'il va porter aussi bien auprès des États membres eux-mêmes,
17:36 par exemple, ou dire aux pays les plus développés,
17:39 mais ouvrir des espaces d'échange avec les petites entreprises du Sud,
17:44 ça va être aussi du renforcement de capacités.
17:50 Parce que même lorsqu'on va ouvrir le marché canadien, pour prendre un exemple qui me vient,
17:56 il faudrait que les entreprises africaines ou camournées soient compétitives.
18:01 Parce qu'on peut ouvrir, mais elles n'ont pas la capacité d'attaquer ce marché.
18:04 Donc l'OIF va intervenir à ce moment-là dans le renforcement des capacités, dans la création de règles.
18:12 Donc voilà d'une manière générale ce à quoi peut renvoyer l'idée de francophonie économique,
18:18 du moins du point de vue de la francophonie.
18:20 Lorsque vous parlez d'ouverture des marchés, ça me rappelle cette posture de Jacques Attali
18:28 qui lui s'est fait le chanteur d'une union économique francophone.
18:33 Mais cela supposait que les pays acceptent l'unification de leurs politiques économiques
18:39 et l'ouverture justement de leurs marchés.
18:41 Or, dans le même temps, cela a peut-être constitué un frein au regard de disparaîtrés
18:49 en termes de richesses, comme l'on observe dans les différents pays de la francophonie.
18:53 Absolument, et sur ce point le cas francophone n'est pas une exception.
18:58 Parce que vous prendrez le cas également de l'union africaine.
19:01 Il y a un projet d'union véritable, libre circulation, mais qui prend son temps afin d'être mise en œuvre.
19:08 Je vais revenir à l'exemple que vous citiez pour dire que,
19:12 même si d'une manière générale les États sont d'accord pour dire que
19:16 faisons de notre francophonie un réel espace d'intégration,
19:21 il faut quand même prendre en compte que dans cette francophonie-là,
19:25 il se retrouve une diversité de profils.
19:29 On a le pays très riche, développé, comme le Canada, la France, la Suisse, la Belgique.
19:38 On a des pays à revenus supérieurs aux moyens
19:42 qu'on va qualifier de pays en développement, comme le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Sénégal.
19:47 On a les pays les moins avancés, pour ne pas dire de manière triviale les pays très pauvres,
19:53 comme la RCA.
19:56 On a également, et c'est vraiment ce qui fait la beauté de cette francophonie-là,
20:00 les petits pays insulaires, qui ont leur réalité à eux,
20:05 qui ont leurs enjeux, leurs défis,
20:07 qui ne correspondent pas forcément aux enjeux et aux défis d'un pays comme le Cameroun.
20:11 Dans un tel contexte,
20:13 difficile quand même de s'accorder en matière de politique étrangère, de politique économique,
20:18 parce que les profils sont différents.
20:20 Alors on va essayer de trouver le plus petit dénominateur commun sur lequel on va jouer.
20:25 Sauf que ce petit dénominateur commun peut être souvent insatisfaisant
20:30 pour les populations de l'espace,
20:33 mais ça nécessite un travail pour avancer vers une union qu'on appelle tous, de nos voeux.
20:39 Lorsque je vous écoute, vous avez évoqué tantôt le cas du Canada,
20:44 dont les échanges commerciaux avec les pays de l'espace francophone,
20:49 notamment les pays du sud.
20:53 Ces échanges se situent à moins de 5 %, pour ne pas dire moins de 3 %.
20:58 Du coup, ce que je voudrais savoir, c'est
21:02 est-ce que la francophonie ne peut pas prendre exemple sur le Commonwealth ?
21:08 Comment le Commonwealth fait pour être un espace de business plus dynamique
21:13 où on fait les affaires ?
21:15 J'imagine que les disparités en termes de richesses qu'on évoque pour la francophonie
21:22 sont les mêmes auxquelles les pays du Commonwealth sont confrontés.
21:27 Qu'est-ce que le Commonwealth fait et que la francophonie ne fait pas pour le moment ?
21:33 Ou ne peut pas faire ?
21:34 Cette question revient toujours, si vous me permettez, à l'ambassadeur du Cameroun en France,
21:41 son Excellence André Manussekoumou, qui m'a d'ailleurs, je crois que je le signale,
21:45 autorisé à être sur ce plateau et que je voudrais saluer au passage,
21:50 à, dans le cadre des préparatifs de la 44e Conférence ministérielle de la Francophonie que nous accueillons,
21:56 consulter la diaspora.
21:58 Parce que dans le projet du gouvernement cameronais, c'était de faire de cette CMF
22:03 une fête populaire et un événement dont on s'approprie.
22:06 On ne se l'approprie pas seulement parce qu'on va regarder à la télé, suivre les débats,
22:10 mais parce qu'on participe aux débats, on participe à la réflexion.
22:14 Et donc l'ambassadeur a reçu la communauté cameronaise, qui est d'ailleurs venue très nombreuse,
22:18 c'était le 29 septembre dernier, et dont les interventions.
22:23 Une récurrence qu'on a soulignée à cette occasion,
22:27 c'était justement le parallèle que les intervenants se sont fait entre le modèle Commonwealth et le modèle francophone.
22:38 Vous l'avez dit, le modèle Commonwealth est réputé comme étant un modèle beaucoup plus axé sur les affaires, sur le business.
22:47 D'ailleurs le Commonwealth se pense souvent comme un club d'affaires.
22:51 Certes, la charte du Commonwealth invite les États à respecter les notions de gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l'homme,
23:06 mais on sait que, d'une manière générale, ce qui lie les États entre eux, c'est la question économique.
23:13 Beaucoup de participants, que ce soit les compatriotes que nous avons reçus à l'occasion de cette rencontre,
23:18 que ce soit les analystes, posent très souvent la question à l'OIF,
23:22 pourquoi ne faudrait-il pas s'inspirer du modèle Commonwealth, qui est beaucoup plus axé sur les affaires ?
23:33 Mais lorsqu'on a dit cela, est-ce que le copier-coller suffirait ?
23:38 Est-ce qu'il ne faut pas prendre en compte les éléments historiques ?
23:43 Quand vous parlez de la francophonie, qui est davantage marquée, la promotion de la paix,
23:48 la promotion de la démocratie, des droits de l'homme, la promotion de la langue française, de la diversité culturelle,
23:55 on vous croit que c'est l'ADN de la francophonie.
23:59 Le Commonwealth a également cet aspect-là, ces différentes valeurs,
24:06 et certaines figurent également parmi ces priorités, sauf qu'elle n'en fait pas plus qu'il en faut.
24:15 Parce que finalement, ce qu'on pourrait retorquer à la francophonie, c'est qu'aujourd'hui, un homme qui a faim,
24:20 lui parler de paix, il ne comprend pas, parce que s'il ne peut pas manger,
24:24 s'il ne peut pas s'occuper de ses enfants, s'il ne peut pas s'occuper de lui-même, de sa famille,
24:30 s'il n'a pas un travail, s'il n'a pas un toit, à quoi lui sert cette paix ?
24:36 Il n'est même plus en paix du tout. Il devient même un facteur de déstabilisation d'un État.
24:42 On est souvent tenté de le reconnaître qu'au-delà du besoin de démocratie,
24:48 l'être humain a besoin de développement, de conditions pour s'épanouir.
24:53 Il a besoin de manger, il a besoin de pouvoir se former.
24:59 Et peut-être en faisant une telle lecture, on comprendrait que l'accent,
25:03 ce serait de mettre davantage le curseur sur les questions économiques,
25:08 comme on le voit avec le Commonwealth.
25:12 J'ai pensé à un moment donné, en vous écoutant, que la question réelle,
25:16 ce serait de se demander, mais du coup, pourquoi est-ce que la francophonie
25:21 ne s'inspirerait pas du modèle du Commonwealth ?
25:25 C'est une bonne lecture, et d'ailleurs, il faut s'inspirer de ce qui marche.
25:29 Mais si la francophonie devait devenir le Commonwealth, ce ne serait donc plus la francophonie.
25:35 Et ce que je dis est d'autant plus important qu'au sortir du sommet des Havans,
25:40 qui s'est tenu en 2018 et qui a vu Mme Louise Mouchikiwa-Beporté à la tête de l'organisation,
25:46 elle a reçu des chefs d'État un mandat, le mandat de réfléchir à l'identité de la francophonie,
25:53 de réfléchir à ses priorités et aux futures années.
25:56 Ce temps de réflexion a d'ailleurs fait en sorte qu'on mette un gel sur les adhésions.
26:01 On se dit que pendant 3, 4, 5 ans, pas d'adhésion, réfléchissons à ce que nous sommes.
26:06 Et lorsque les États ont mené cette réflexion très importante,
26:10 ils en sont revenus presque aux basiques.
26:13 C'est-à-dire que le cœur de la francophonie, c'est la promotion de la diversité linguistique et culturelle,
26:22 mais c'est également les questions de démocratie, du droit de l'homme.
26:27 - De développement aussi. - Lorsqu'on enlève cela, bien sûr.
26:29 - Mais surtout de développement, j'allais dire.
26:32 - On va marquer un premier arrêt dans cette édition des questions économiques.
26:35 Vous avez évoqué tantôt la coopération entre le Cameroun et la francophonie.
26:40 Cette coopération a donné naissance au campus numérique.
26:44 Et notre reporter a visité certains campus et nous en rencontre.
26:49 Il s'agit de Lawrence, au Calais.
26:51 La francophonie n'a pas sa langue dans la poche quand il s'agit du numérique au Cameroun.
27:01 L'université de Yaoundé 1 et l'université de Ngaoundéré en savent quelque chose.
27:06 À l'AUF, il y a un seul campus numérique par pays.
27:10 Mais le Cameroun a une particularité, nous on en a deux.
27:13 Des espaces ouverts qui permettent aux étudiants de se connecter à Internet,
27:17 de participer aux visées de conférences et surtout de suivre des formations entièrement à distance.
27:22 Cette salle de classe numérique ouvre des fenêtres sur le monde aux étudiants camerounais.
27:27 Une connexion au débit avec des pays francophones.
27:31 Actuellement, on a à peu près 300 étudiants pour l'année 2022-2023 qui sont en cours,
27:36 qui suivent des formations diplômantes entièrement à distance.
27:40 Ce n'est jamais des formations d'université française, d'université canadienne, d'université sénégalaise, d'université burkinabèse.
27:46 Ce sont des filets qui répondent aux besoins des pays où ils sont implantés.
27:49 Donc actuellement, au Cameroun, c'est le domaine de la santé, le domaine des nouvelles technologies, etc.
27:54 Chaque année, l'intérêt des étudiants et enseignants camerounais aux outils des TIC se multiplient.
28:00 Les campus numériques de la francophonie remplissent ainsi leur mission première,
28:05 accompagner l'enseignement supérieur vers sa digitalisation.
28:09 Vous venez donc de suivre un reportage de Laurence Ocalia sur les campus numériques.
28:19 C'est le volet formation de la francophonie.
28:22 Mais la question sur laquelle je voudrais qu'on revienne, vous avez parlé tantôt du Canada,
28:27 dont les échanges avec les pays de l'espace francophone restent assez faibles, j'ai envie de dire très négligeables.
28:37 Est-ce que cela veut dire, est-ce que ces chiffres traduisent le fait que la mayonnaise ne prend pas ?
28:42 Lorsqu'on parle des questions de développement sur la francophonie,
28:45 est-ce que les États, vous qui prenez par exemple certains travaux,
28:49 est-ce que vous avez l'impression que les États ne comprennent pas encore cette mutation ?
28:56 Qu'est-ce qui coince s'il s'agit simplement des États ? Quel est le problème ?
29:02 Dans les forages internationaux, dans les instances multilatérales comme la francophonie,
29:09 celle dont on parle aujourd'hui, des valeurs sur lesquelles on s'entend sont élaborées, sont arrêtées, sont identifiées, sont définies.
29:22 Sauf qu'entre la valeur, entre le projet que l'on veut porter et la mise en œuvre, il y a souvent un gap,
29:32 et ce gap s'appelle souveraineté. On est obligé d'y revenir et de repréciser encore que…
29:42 Qu'est-ce que vous mettez derrière souveraineté ? Est-ce que cela veut dire que les États ne veulent pas avoir l'impression d'être infantilisés ?
29:50 Leur dicte des politiques publiques et économiques, est-ce que c'est cela ?
29:55 Vous pouvez le dire comme ça, ce n'est pas une expression que j'emploierais en diplomatie.
30:01 Un État = une voix, c'est l'égalité absolue, ça c'est sur le papier encore.
30:08 Ce que j'essaie d'expliquer véritablement, je vais prendre un exemple très simple.
30:16 Nous parlons du projet de la francophonie économique, et dans ce projet nous disons que ce qu'on doit favoriser,
30:24 c'est la rencontre des entreprises, c'est la rencontre des étudiants, parce que ce sont eux les créateurs de solutions de demain.
30:34 Il faut qu'ils aillent voir ce qui se passe ailleurs, il faut qu'ils découvrent les solutions qui existent pour les adapter à leur propre contexte.
30:43 Il faut que les marchés se croisent.
30:46 Quand je dis ça, j'ai indiqué un mouvement, la mobilité.
30:50 Il faut pouvoir entrer au Canada, il faut pouvoir entrer au Gabon, en Guinée, il faut pouvoir entrer en France.
30:57 Sauf que la question de l'entrée sur un territoire n'est pas de la compétence de la francophonie,
31:03 c'est de la compétence exclusive du pays qui fixe ses comptes, qui a ses lois en la matière.
31:10 Un parlement pourrait dire, en termes d'entrée sur notre territoire, c'est un million de personnes.
31:17 Je dis n'importe quoi, justement, pour qu'on ne la rattache à aucun pays.
31:21 Lorsqu'un parlement l'a dit, lorsqu'un gouvernement l'a dit, et que l'OIF a une vision un petit peu différente,
31:31 on va bien voir qu'il y aura quelque part où ça coince.
31:35 Lorsque c'est le cas, l'OIF revient encore en plaidoyer.
31:38 C'est-à-dire que l'OIF va intervenir auprès des États pour dire, voilà, nous avons un projet,
31:44 et nous pensons que ce projet est vendeur, il est possible que le Canada s'en sorte beaucoup mieux s'il ouvre que s'il ferme.
31:53 Ce n'est qu'un plaidoyer, parce qu'un État est souverain, et même après avoir écouté un plaidoyer,
31:58 il peut dire pour les dix prochaines années, on reste sur tel ou tel cap.
32:02 Je dis ça pour m'efforcer à expliquer pourquoi on observe souvent ce gap que vous évoquiez
32:08 entre le projet qui est présenté, qui est vendu, qui est salué par les populations,
32:13 mais une réalité qui ne correspond pas toujours à ce qui est visé.
32:19 – Une autre question qu'on ne saurait éviter sur ce plateau, c'est,
32:25 lorsqu'on parle de politique de développement dans l'espace francophone,
32:31 est-ce qu'on peut faire l'économie du débat sur l'avenir du français ?
32:40 – Je ne l'avais pas venue nommer celle-là !
32:43 Dans tous les cas, au sein des instances de la francophonie,
32:50 j'ai la chance d'y siéger au nom du gouvernement qui a morné avec d'autres collègues.
32:55 Ce n'est pas une question qui est ouvertement adressée,
32:59 ce n'est pas une question dont l'OIFC saisit de manière frontale.
33:05 Et je pense qu'il y a une raison à cela.
33:08 La raison simple étant que, dans l'imaginaire collectif, chez le commun du mortel,
33:14 il y a cet amalgame qui existe toujours entre francophonie et France.
33:19 De sorte que, pour beaucoup, malgré les efforts pour se distancer de cette image,
33:25 la francophonie est toujours considérée comme une caisse de résonance de la France.
33:30 Donc il faut se départir de cette image, il faut se détacher de ces questions
33:37 en évitant justement de prendre en charge des questions aussi liées à l'histoire coloniale,
33:43 décoloniale entre certains pays d'Afrique et la francophonie.
33:48 Quand je dis ça… – Et la France.
33:50 – Et la France, merci beaucoup, chère Lutresse.
33:52 Quand je dis ça, en même temps, je pose sur la table en me disant, et pourquoi pas ?
33:58 Parce que n'oublions pas qu'une grande majorité des pays membres de la francophonie
34:05 sont des pays francophones des anciennes colonies françaises,
34:09 que ce soit les pays de l'Afrique centrale, que ce soit les pays de l'Afrique de l'Ouest,
34:16 du Nord, du Vietnam. Elles ont très majoritairement un lien historique avec la France.
34:23 Et donc on peut décider, à cause de ce dénominateur commun assez fort,
34:28 on peut décider effectivement de se saisir du cadre politique qu'offre la francophonie
34:34 pour adresser de manière frontale ces questions.
34:37 Mais ce n'est pas encore le cas.
34:40 Peut-être qu'après vous avoir écouté ou regardé cette émission,
34:44 l'idée viendrait aux États de poser cette question-là sur...
34:48 Le problème se pose avec l'acuité notamment en ce qui concerne les pays africains
34:52 qui partagent, qui ont donc cette monnaie-là en partage,
34:56 même si entre l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Ouest,
35:00 on ne peut pas toujours utiliser cette monnaie, bien qu'elle s'appelle France EFA.
35:04 Du coup, derrière, on se demande comment on peut sereinement
35:07 adresser des questions de développement pour ces États africains-là,
35:12 sans parler de la monnaie.
35:15 Pourquoi l'OIF semble, j'aime le dire, éviter le sujet,
35:21 alors même qu'elle est engagée dans un chantier de développement de ces États membres,
35:27 dont les pays africains de l'espace francophone font partie des pays
35:31 qui ont donc en partage non seulement la langue, mais également cette monnaie.
35:35 Ce n'est pas toujours à la francophonie de mettre sur la table les questions
35:39 qui doivent être débattues.
35:41 Il y a certes la francophonie en tant qu'institution,
35:44 mais n'oublions pas que cette institution est composée d'États membres.
35:47 Donc il appartient aux États membres de poser la question.
35:52 Si aucun n'a voulu le faire, je suppose, ou du moins la francophonie doit se dire,
35:58 c'est une question qu'ils préfèrent gérer dans un contexte ou autre,
36:04 d'autant plus que moi, OIF, je veux vraiment qu'on ne fasse pas la confusion
36:09 entre ce que je suis en tant qu'organisation internationale
36:12 et ce que l'on peut considérer comme un précaré français.
36:16 Mais je n'ai pas mis suffisamment de temps au sein de l'OIF,
36:19 mais depuis que le gouvernement Camonnet m'a confié la charge
36:23 de suivre nos relations avec la francophonie, ce n'est pas encore arrivé.
36:29 Alors justement, je vous ramène donc à cette position-là pour parler de la coopération
36:35 entre le Cameroun et la francophonie, notamment en termes de retombées.
36:42 Depuis que le Cameroun est membre de l'OIF, qu'est-ce qu'il a pu engranger comme retombées ?
36:48 On va en parler dans quelques instants.
36:49 Juste le temps pour nous de retrouver Laurence Ocalia,
36:52 qui nous parle du forum des jeunes organisés dans le sillage de la CMF
36:59 qui se déroule du 4 au 5 novembre à Yaoundé.
37:04 On regarde et on écoute Laurence Ocalia.
37:06 L'employabilité jeune et l'implication des femmes au sein de l'espace entrepreneurial francophone.
37:17 Voilà ce que veulent les jeunes et la société civile.
37:19 Dans cet amphithéâtre, les idées bouillonnent, mais la concrétisation reste encore tiède.
37:24 Nous attendons que cette plateforme soit un véritable tremplin d'échanges
37:29 et de partage d'opportunités et d'alternatives entre les jeunes.
37:33 Ici, nous attendons de nier des partenariats solides et construire des projets d'avenir.
37:38 Il est de bonne alore que nous, jeunes du Cameroun,
37:41 et par conséquent étudiants à l'Institut des Relations Internationales du Cameroun,
37:45 puissions briller par le bon exemple afin de renforcer le lien.
37:49 La présence des acteurs de la promotion de la femme et de la famille rassure.
37:52 La jeune femme ambitieuse et dynamique a aussi à dire.
37:55 En aidant la jeune fille, cela va éviter beaucoup de problèmes qu'on rencontre aujourd'hui
38:01 dans la société d'inégalité de sexe.
38:04 En tant que jeunes et femmes, je souhaiterais que le projet des femmes soit réellement concrétisé
38:10 et que l'apport financier de la francophonie soit effectif.
38:14 Dans l'essayon de la 43e Conférence Ministérielle de la Francophonie,
38:18 le Conseil National de la Jeunesse et l'organisation Eden Africa
38:21 veulent aussi faire entendre la voix des jeunes comme une pierre à l'édifice
38:25 pour la construction d'un environnement francophone épanouissant.
38:28 Merci Laurence Ocalia.
38:31 Alors, les téléspectateurs voudraient bien savoir, lorsqu'on parle de la francophonie,
38:37 cela renvoie à quoi concrètement au Cameroun en termes de projets réalisés,
38:44 en termes d'impact dans la vie des jeunes.
38:46 On a vu tout à l'heure un reportage de Laurence Ocalia sur les campus numériques.
38:54 Concrètement, des échanges entre le Cameroun et la francophonie à la fin de la journée,
39:01 qu'est-ce qu'on a? Qu'est-ce que le Cameroun a? Qu'est-ce qu'il gagne?
39:04 Merci pour cette question.
39:07 Tout de suite, je vais dire que la coopération du Cameroun avec la francophonie est multiforme.
39:13 Elle recouvre une variété de domaines allant de l'éducation, le numérique,
39:20 on en parle beaucoup récemment, l'agriculture, la question de la langue qui est au cœur de la francophonie,
39:27 la question de la démocratie et du développement économique.
39:31 Donc si on doit faire le calcul, je pense qu'il nous faudrait beaucoup de temps
39:35 parce que dans chaque domaine correspondrait une catégorie projet, une catégorie d'accompagnement,
39:40 une catégorie de mesures. Je vais poser le tableau très rapidement.
39:46 Je vais vous donner maintenant quelques chiffres parce que je suppose que c'est également ce qui intéresserait les téléspectateurs.
39:55 La contribution du Cameroun statutaire à la francophonie est de l'ordre de 54 000 euros environ.
40:05 Je fais des calculs rapides, je ne suis pas mathématicien, mais allons-y. Environ 35 millions de francs CFA.
40:12 Dans les domaines spécifiques de l'accompagnement aux industries culturelles et en particulier cinématographiques,
40:20 aux entreprises camerounaises entre 2022 et 2023, sachant qu'en 2023 nous ne sommes qu'à 31 octobre,
40:29 donc il y a encore deux mois avec d'autres projets qui peuvent arriver.
40:32 Il y a quelque chose comme 12 projets qui ont été financés, soutenus aux moyens de subvention par l'OUF
40:40 et par son bras séculier en matière de création cinématographique, TV5Monde.
40:47 Il y a pas moins de 12 projets qui ont été financés pour un montant global de près de 350 000 euros.
40:53 Je vous laisse faire le calcul.
40:55 Le Cameroun, pour sa contribution statutaire pour l'année 2023, a déboursé 35 millions
41:05 et reçoit en dividendes rien que pour le secteur de l'accompagnement aux industries culturelles et créatives,
41:14 aux industries cinématographiques, 350 000 euros, donc pratiquement plus de 5.
41:21 Je vais parler comme ça, plus de 5 de la mise de départ.
41:26 Et je signalais encore que ce n'est qu'un aspect au milieu de tout un gros système.
41:32 Je vais évoquer un autre sujet.
41:34 Il y a un projet phare de la francophonie en ce moment, c'est le Fonds La Francophonie avec Elles.
41:40 C'est un fonds de soutien pour l'autonomisation des femmes que la secrétaire générale,
41:45 Mme Louise Mouchikawabo, a mis en place dans le contexte de la crise Covid.
41:50 Depuis 2020 jusqu'à 2023, pas moins de 9 associations cameroonaises ont été bénéficiaires de ce fonds.
41:59 Et lorsque vous faites le ratio, vous vous rendez compte que des 27 pays bénéficiaires,
42:06 il y en a très peu qui atteignent le score du 9 dans le domaine précis des échanges commerciaux.
42:16 L'OIF, certes, en synergie ou en partenariat avec l'Union européenne,
42:22 a mené pendant longtemps un programme ou du moins un projet emblématique au Cameroun
42:28 qui s'appelait Hobbs & Spott, si je ne me trompe pas,
42:33 et qui consistait justement à mettre à niveau les entreprises cameroonaises pour attaquer les marchés ACP.
42:43 Et cette mise à niveau était à grand renfort de sous qui se comptait en des centaines de millions d'euros.
42:52 Et lorsque j'ai dit ça, il faut quand même se souvenir, chère Lucrèce et les téléspectateurs qui nous écoutent,
42:59 que traditionnellement, et ce n'est même pas traditionnellement, même encore aujourd'hui,
43:03 l'OIF n'est pas un bailleur de fonds, l'OIF n'est pas un guichet.
43:07 Quand vous prenez même le budget de l'OIF, il est ridicule.
43:10 Comparé au budget du Commonwealth, des Nations Unies, de l'OCDE, c'est une toute petite goutte dans un océan.
43:19 Par contre, l'impact avec si peu est de nature à ce qu'on soit obligé quand même de signaler
43:26 qu'il y a des retombées indéniables.
43:29 Je voudrais m'arrêter sur cette retombée-là.
43:34 Lorsqu'on parlait par exemple de l'industrie de la cinématographie qui est financée,
43:41 lorsqu'on parlait du bureau de mise à niveau des entreprises,
43:47 il y a certainement des financements qui ont été donnés, mais on a beau écarquiller les yeux,
43:52 parfois on ne voit pas les traces de cet accompagnement-là dans ces secteurs.
43:59 Parce qu'on sait au Cameroun par exemple que le secteur du cinéma est pratiquement mouru.
44:05 On certes, il y a par exemple dans le sud-ouest, des acteurs qui font des choses merveilleuses avec très peu de moyens.
44:15 On a les écrans noirs qui...
44:18 Écrans noirs qui sont tenus par la francophonie aussi.
44:20 À hauteur de combien ? Parce que nous avons encore rencontré Bassek Bakoub qui s'en occupe,
44:27 qui n'est pas particulièrement heureux de ce qu'il reçoit.
44:31 On a le bureau de mise à niveau des entreprises dans un contexte de mise en œuvre des APE.
44:38 On voit bien comment les entreprises camerounaises peinent à rivaliser avec les entreprises européennes.
44:48 Du coup, on se demande qu'est-ce qui fait problème avec ces financements ?
44:54 Est-ce leur destination ? Est-ce le montant ? Est-ce l'usage qui en est fait ?
45:00 Deux commentaires à ce niveau.
45:02 Le premier, pour dire ce que je disais précédemment, l'OIF n'est pas un bailleur de fonds.
45:09 L'OIF n'est pas un guichet.
45:11 Lorsque l'OIF veut financer une activité, l'OIF peut s'adresser justement à des bailleurs de fonds.
45:17 Le projet La Francophonie avec lequel j'évoquais a commencé sur des fonds de La Francophonie.
45:23 Mais en ce moment, l'OIF essaie de diversifier ses sources et de retrouver l'argent où l'on peut le trouver.
45:29 L'intervention de l'OIF sera à la hauteur de son budget,
45:33 qui est presque ridicule lorsqu'on le compare au budget d'autres organisations.
45:40 Donc on ne s'attendrait pas à avoir un impact excellent avec si peu de ressources.
45:47 Le deuxième commentaire, c'est que l'OIF elle-même a pris conscience du peu de lisibilité de ses actions,
45:54 de la disparité, de la dispersion du peu de financement qu'on a sur un peu là, un peu là,
46:01 2000 euros là, 20 000 euros là.
46:03 Du coup, la lisibilité n'est pas optimale.
46:07 On se demande, parce qu'il n'y a pas un effet d'impact,
46:10 on en arrive à poser la question que vous posez très légitimement.
46:14 En ce moment, l'OIF est dans une réflexion pour recentrer ses interventions sur des projets phares.
46:21 J'évoquais encore à l'instant le projet La Francophonie avec lequel on aura d'autres projets
46:26 beaucoup plus acceptés, peut-être sur l'état civil, les initiatives environnementales dans le bassin du Congo,
46:33 où on va injecter de plus grosses sommes d'argent qui vont décliper l'impact sur le terrain.
46:41 Autre chose, c'est que cela appartient aussi maintenant aux acteurs de communiquer sur ce qu'ils ont fait.
46:49 Je voudrais qu'on s'arrête un moment sur le budget de l'OIF dont vous avez parlé tout à l'heure,
46:54 qui de votre point de vue est ridicule par rapport aux besoins ou à la tâche.
47:00 Cela incombe à qui ? Est-ce que cela incombe aux États aujourd'hui au regard de leurs ambitions,
47:06 au regard des ambitions de développement que ces États ont aujourd'hui dans l'espace francophone d'avoir un budget conséquent ?
47:13 Si l'institut général de la francophonie vous regarde, si elle regarde cette émission,
47:19 elle serait très heureuse que vous abordiez ce sujet.
47:23 Parce que c'est un sujet qu'elle porte à cœur, sur lequel elle mène un plaidoyer vraiment assistant auprès des États.
47:33 Parce que la francophonie a des ambitions grandes, et de grandes ambitions nécessitent de grands moyens.
47:42 En ce moment, il y a une réforme qui est négociée et qui devrait possiblement, c'est le souhait en tout cas de l'OIF,
47:52 je peux le dire parce que les États, notre pays a communiqué assez ouvertement là-dessus,
47:57 c'est une réforme que nous allons soutenir, laquelle vise justement à la révision,
48:02 à la hausse des contributions statutaires pour les faire passer ou doubler d'ici 4, 5, 7 ans.
48:11 On est tous conscients, et le Cameroun l'a dit, insisté au cours des négociations,
48:17 on connaît le contexte économique qui est le nôtre, la crise Covid qui a vraiment fragilisé nos économies,
48:26 qui était déjà vulnérable.
48:28 À cela s'est ajoutée la guerre en Ukraine, qui a des conséquences, même sur l'approvisionnement.
48:34 Aujourd'hui, la flambée des prix, l'inflation galopante, c'est aussi son origine de ce conflit.
48:43 On ne sait pas encore ce que la guerre en ce moment entre Israël et le Hamas aura comme conséquence,
48:51 si en aura certainement.
48:53 Donc on est dans un contexte vraiment de rareté des ressources.
48:57 Et ce n'est pas que l'apanage du Cameroun, c'est tous les États, même les plus grands.
49:01 Mais lorsqu'on considère quand même les retombées de la coopération avec l'OIF,
49:08 on peut penser à une augmentation des ressources comme un investissement.
49:13 Une organisation comme toutes les organisations, les États, ses ressources premières,
49:17 c'est les contributions des États.
49:20 Sachant qu'il y a deux ou trois types de contributions,
49:23 les contributions statutaires à l'année, les contributions volontaires.
49:27 Et là, le Cameroun l'a beaucoup fait, c'est pour ça que notre pays est un pays important
49:32 et respecté au sein de la francophonie, parce que nous avons l'habitude, très souvent,
49:37 en tant que chef de l'État, il faut le reconnaître,
49:40 à très souvent autoriser le déblocage de fonds pour soutenir la stratégie jeunesse,
49:45 pour soutenir la stratégie économique dont on parlait récemment,
49:50 pour soutenir des pays en difficulté comme Haïti.
49:53 C'est dans l'ADN de notre pays de participer également aux contributions volontaires,
50:00 notamment dans le cadre de l'Association internationale des mains francophones,
50:05 qui, comme vous le disiez, est très active au Cameroun,
50:08 dans les villes comme Yaoundé, Douala, Bagante, dans les petits villages,
50:12 les retombées, c'est important.
50:14 Donc il appartient aux États de donner à la francophonie les moyens de sa politique,
50:20 mais il appartient également à l'OIF de chercher des sources innovantes,
50:25 ça peut être par, je ne sais pas, le mécénat, les dons,
50:32 se rapprocher des partenaires qui ne sont pas très traditionnels,
50:36 les pays arabes par exemple, où il y a de l'argent qui coule à cause du pétrole.
50:42 Ce sont des idées, ce sont des pistes dont l'OIF est saisie pour justement augmenter l'assiette budgétaire.
50:49 Alors on va repartir de cette émission sans arrêter quand même une minute
50:53 sur l'élément qui nous sert de prétexte pour cette émission, à savoir la CMF.
51:01 Je voudrais que vous nous parliez de l'importance de cette CMF,
51:09 notamment pour un pays comme le nôtre.
51:15 Alors, je le disais encore, le Cameroun est un pays très important au sein de la francophonie,
51:23 influent, respecté.
51:25 Nous sommes membres de plein droit depuis le sommet de 91,
51:30 mais on observe que depuis 91, donc une vingtaine d'années,
51:35 le Cameroun n'avait pas encore accueilli une instance majeure de la francophonie.
51:40 Il y a deux instances majeures, le sommet qui est réservé aux chefs d'État
51:44 et la ministérielle qui est du niveau des ministres des Affaires étrangères.
51:48 20 ans plus tard, le moment était quand même venu,
51:52 vu l'importance de notre pays dans tout ce système-là,
51:57 de rappeler sa présence, de rappeler son importance.
52:03 Ça me donne d'ailleurs l'occasion de dire que c'est à l'unanimité,
52:06 en décembre, en novembre 2022, que les États ont choisi Yaoundé
52:13 comme étant le siège de leur future instance,
52:17 pour dire l'empressement même que les États avaient allé à Yaoundé
52:22 compte tenu de la position que nous avions.
52:27 C'est des enjeux de visibilité, c'est des enjeux diplomatiques de représentativité.
52:34 C'est l'occasion de dire que oui, on subit les affres de la crise économique
52:39 due à la crise Covid.
52:42 Notre pays a commis des moments difficiles avec ce qu'on sait au nord-ouest et au sud-ouest.
52:48 En dépit de tout ça, les attaques au nord du pays à cause de la secte Boko Haram,
52:56 en dépit de tout ça, le message que nous voulons transmettre,
53:00 le message que le chef de l'État tient à apporter,
53:04 c'est que nous sommes un pays fier, nous sommes un pays debout,
53:07 nous sommes un pays résilient et nous donnerons une terre d'économie.
53:10 Parce qu'il faut bien comprendre que lorsqu'on les fait venir,
53:14 le message qu'on communique derrière c'est "Venez faire les affaires au Cameroun".
53:19 Le Cameroun est une terre d'opportunités.
53:22 Il y a beaucoup à faire.
53:24 Il y a des ressources humaines qualifiées de qualité sur place.
53:29 Il y a des ressources naturelles.
53:31 Vous évoquez encore que l'espace francophone compte pour 20% des ressources minières.
53:37 Le Cameroun contribue à ce pourcentage non négligeable.
53:42 C'est ce message-là.
53:44 - C'est une économie diversifiée, comme dans d'autres États de la sous-région.
53:48 - Absolument.
53:49 Je terminerai avec un autre aspect qui n'est pas des moindres,
53:52 le choix de la thématique.
53:54 Je me souviens à Paris, il y a des personnes qui ont dit à l'ambassadeur
53:58 "Mais le Cameroun, vous êtes courageux de consacrer votre CNF
54:04 sur une thématique aussi politique, surtout dans le contexte qu'on connaît.
54:10 Quel est le contexte ? C'est cette recrudescence,
54:13 cette récurrence des coûts d'État militaire qu'on attribue à la mauvaise gouvernance.
54:17 Le Cameroun dit de sa position influente
54:20 "Nous allons inviter la francophonie à se saisir véritablement de cette question
54:26 et à trouver des réponses au bénéfice de la population."
54:30 Plus tard, dans 2 ans, 10 ans, 14 ans,
54:33 lorsque les États auront consenti à renforcer la bonne gouvernance,
54:38 peut-être qu'on se souviendra que le mouvement d'impulsion est parti de Yaoundé.
54:44 Voilà ce que je pourrais dire de l'importance des enjeux de cette CNF pour notre pays.
54:50 Merci, merci Madame Némikez-Végan.
54:53 Je vous rappelle à l'endroit de notre spectateur que vous êtes premier secrétaire
54:57 à l'ambassade du Cameroun en France.
54:59 Vous êtes donc venue parler avec nous de cette nouvelle francophonie,
55:03 de cette francophonie qui se veut davantage économique pour le bien de ses États membres.
55:11 Et nous allons échanger dans le sillage de la CNF qui se tient au Cameroun, à Yaoundé,
55:17 du 4 au 5 novembre 2023.
55:20 Merci d'être venue.
55:23 Ce fut un plaisir, un réel plaisir. Merci pour l'invitation.
55:26 Merci à vous d'être venue.
55:28 Madame, Monsieur, c'est la fin de cette édition des questions économiques.
55:31 À très bientôt sur ces mêmes antennes.
55:34 [Musique]