Le père de Mohammed Mogouchkov, auteur de l’attentat jihadiste dans un lycée d’Arras, au cours duquel Dominique Bernard, professeur de français, a été tué, a accordé une interview à BFMTV. L’homme, expulsé de France en 2018, est soupçonné d’avoir entretenu à distance un climat religieux rigoriste au sein de sa famille.
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00:00 C'est important de rappeler le cadre et le contexte de cet entretien
00:03 et dans quel contexte justement on a pu parler avec cet homme qui est aujourd'hui en Arménie.
00:08 Vous l'avez dit, il y a 15 jours tout pile, son fils Mohamed a pénétré dans le lycée Gambetta Arras,
00:13 armé de deux couteaux, et il a poignardier des enseignants en criant "Allahou Akbar".
00:19 Dominique Bernard, le professeur de français, est décédé dans cet attentat
00:23 et depuis l'ombre du père plane sur l'acte du fils.
00:28 Yacoub, c'est le nom du père, qui a donc été expulsé de France en 2018
00:32 est soupçonné d'avoir entretenu à distance un climat religieux ultra radical, très rigoriste,
00:37 un climat qui aurait même pu conduire son fils à passer à l'acte ce vendredi 13 octobre.
00:42 C'est donc dans ce cadre qu'on a cherché à le contacter,
00:45 déjà pour recueillir son sentiment, pour recueillir son témoignage sur ce qui s'est passé,
00:49 ce qui le permet d'expliquer les faits.
00:52 Et du reste, la première question qu'on lui a posée, c'est comment il avait réagi
00:55 quand il a appris cet attentat ? Écoutez sa réponse.
00:58 Comment vous réagissez à l'attentat qui a été perpétré par Mohamed ?
01:02 Est-ce que vous le condamnez cet attentat ?
01:05 Bien sûr, je le condamne. J'ai été choqué.
01:09 C'était très très difficile de me comprendre.
01:13 Moi aussi je ne comprends pas, parce que comme je le disais avant, j'ai été choqué.
01:18 J'ai été choqué. La première chose qui est venue à mes esprits, c'est que je pensais qu'il allait prendre quelques papiers dans ses anciens bâtiments.
01:26 Mais après, quand on voit autre chose, je ne peux pas comprendre ça aussi.
01:33 Aujourd'hui, oui, ce qu'il a fait, c'est inacceptable.
01:37 Ce qu'il a fait, il ne m'a pas résolu aucun problème.
01:41 Il m'a fait plus de problèmes, apporté plus de problèmes.
01:45 Moi, je suis le premier choqué, et vous n'arrivez pas à comprendre.
01:50 Interessant, il parle là d'un papa expulsé en 2018 et fiché S.
02:00 Oui, exactement, c'est intéressant. Il condamne l'attentat perpétré par son fils.
02:05 C'est une première information. Il dit d'ailleurs qu'il n'y a pas cru au départ quand l'information lui est parvenue.
02:09 Parce que cet homme qui est aujourd'hui en Arménie, on l'a dit, continue de consulter les médias français, continue de se tenir informé.
02:15 Quand il a eu les premières informations, il a d'abord pensé que son fils était allé au lycée pour récupérer des papiers,
02:21 ou qu'il y avait eu une bagarre avec son autre fils Suleyman avant de découvrir la vérité.
02:25 Il dit qu'il ne comprend pas qu'il condamne cet acte, mais en même temps, cet homme qui se dit musulman, pratiquant sans être radical,
02:32 pointe aussi la politique française comme l'une des raisons, l'une des trois causes possibles de cet attentat.
02:39 Il dénonce tout ça dans des mots très durs et je vous propose d'écouter ce qu'il nous dit à ce propos.
02:45 Je voudrais vous poser une question. Vous me disiez que c'est aussi la responsabilité de la France.
02:50 La France, elle n'accepte pas forcément qu'on soit musulman, qu'on puisse avoir notre religion.
02:55 Est-ce que d'après vous, c'est aussi à cause de ça que Mohamed a perpétré cet attentat ?
03:01 Je pense qu'il y a trois causes essentielles. Première, son état mental n'est pas anormal totalement.
03:09 Je peux vous dire, mon fils a prévu en me disant un mois et deux mois avant qu'il ne faut pas laisser ce garçon avec sa mère dans cet appartement.
03:20 Il ne faut pas le laisser. Toujours se discuter avec sa mère, c'est trop difficile. Vous voyez ? C'est la première chose.
03:27 La deuxième chose, comme j'ai dit, les mots provoquant sa mère. Troisième, la politique française. Je dis clairement, je n'ai pas peur de personne.
03:38 La politique française contre l'islam, il faut le reconnaître. Tout le monde sait qu'aujourd'hui, la politique menée par la France,
03:47 elle est clairement contre l'islam. Toujours en perdure au nom de la liberté, en perdure, en perdure, c'est sûr.
03:54 Et tous mes problèmes avec ma famille, c'est qu'on a essayé et je suis pratiquant. Je ne suis pas extrémiste, radical. Je suis pratiquant.
04:04 J'ai été déjà plusieurs fois convoqué à l'école à cause de… Monsa, le aîné, dit quelque chose avec son professeur.
04:13 Il toujours disait « ce sont des garçons, il ne faut pas les provoquer ».
04:17 À l'école française, on demande aux musulmans de ne pas afficher leur religion, on prône des valeurs laïques.
04:25 Et pour vous, c'est ça qui pose un problème, pour vous, les musulmans pratiquants ?
04:29 Oui, c'est un grand problème.
04:32 Donc lui, ce qu'il dit, Vincent, c'est que l'une des trois causes, c'est la politique française et la laïcité à la française.
04:42 La laïcité à la française et même la laïcité à l'école, puisqu'il explique qu'il a été convoqué plusieurs fois pour les problèmes rencontrés par Mofzar, son aîné au lycée Gambetta,
04:51 et aussi par Mohamed Lassaillant, pour des choses qu'il aurait pu dire lors de cours, lors d'échanges avec les professeurs.
04:58 Et il nous dit dans cet échange « ce sont des garçons, il ne faut pas les provoquer ».
05:03 Voilà ce qu'il dit exactement sur les valeurs laïques à la française.
05:06 On voit qu'il y a quand même un gros problème de compréhension sur notre modèle.
05:09 Et puis il met également en cause son ex-femme dont il est divorcé aujourd'hui, son ex-femme qui a été placée en garde à vue après l'attentat d'Arras.
05:16 Qui est donc la mère de l'attentat du terroriste présumé.
05:20 Oui, et qui en est ressortie libre sans poursuite à ce stade.
05:23 Il explique qu'en fait, après le divorce prononcé avec son ex-femme, celle-ci s'est éloignée de la religion.
05:29 Elle ne faisait plus la prière, elle ne pratiquait plus le ramadan, elle a enlevé son voile.
05:33 Et d'après Yacoub, avec qui j'ai longuement échangé aujourd'hui, c'est aussi cette raison qui a poussé Mohamed à devenir, je cite, « complètement fou ».
05:41 C'est la deuxième raison qu'il donne à l'acte perpétré par son fils.
05:44 Donc il n'aurait pas supporté que sa mère, après le divorce, prenne la liberté d'enlever son voile ?
05:49 Exactement, il l'a dit à plusieurs reprises lors des différents échanges qu'on a pu avoir aujourd'hui.
05:53 C'est l'une des raisons clairement invoquées.
05:55 On voit très clairement la direction que prend la pratique de la religion chez cet homme, on l'a dit, qui a été expulsé en fait en Géorgie par la France.
06:07 Et depuis l'attentat perpétré à Arras, la Géorgie l'a expulsé.
06:10 Il se trouve actuellement en Arménie.
06:12 Et malgré tout, il sait que la justice française va venir le chercher à un moment donné, va vouloir l'interroger.
06:17 En tout cas, il s'y prépare.
06:19 Écoutez ce qu'il nous dit à ce propos.
06:21 Aujourd'hui je suis prêt, mais pourquoi je compte, je peur, après vous me renvoyer à la Russie encore une fois.
06:28 Donc vous êtes d'accord pour répondre à la justice française, mais vous ne voulez pas repartir en Russie, c'est ça ?
06:33 Je ne cache rien. Aujourd'hui c'est impossible de cacher quelque chose.
06:38 Parce que vous voyez, je ne suis pas un homme public et je ne veux pas en être.
06:42 Mais aujourd'hui, j'ai obligé de m'expliquer.
06:46 J'attends tout le temps, j'attends qu'il viendra un jour, il viendra me chercher.
06:51 Un jour, ils viendront me chercher, voilà ce qu'il dit.
06:54 Et effectivement, ce n'est pas impossible parce qu'on le sait, l'attentat a été perpétré il n'y a qu'un jour.
06:58 Aujourd'hui, cet homme, il y a ses trois fils qui sont en détention pour des faits liés au terrorisme.
07:03 Et l'enquête sur l'attentat d'Arras, l'information judiciaire, les investigations ne font que commencer.
07:09 On se doute que les enquêteurs, à un moment donné, vont vouloir l'interroger.
07:12 On l'a dit, il se trouve en Arménie et les choses ne sont pas simples.
07:16 Mais il n'est pas exclu qu'un jour, les magistrats français veuillent l'entendre.