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Comment diriger autrement dans la culture ? Regardez le replay de notre conférence

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00:00:00 Ma première question s'adresse à vous Jean-Philippe Thielet.
00:00:03 Je vous donne la parole en premier parce que vous plaidez depuis longtemps,
00:00:06 depuis de nombreuses années, pour ce que vous appelez la normalisation du management.
00:00:10 Alors là, il y a deux mots, presque gros mots, normalisation et management,
00:00:14 mais qu'est-ce que vous entendez par normalisation du management ?
00:00:17 Bonjour à tous et merci pour l'invitation parce que je trouve que c'est passionnant
00:00:21 et heureusement on a 10-12 heures devant nous pour traiter le sujet.
00:00:25 Je plaide pour introduire de la normalité, de la normalité managériale,
00:00:31 dans l'environnement très anormal, qui est le spectacle que je connais mieux,
00:00:37 c'est-à-dire le spectacle musical et en particulier mon expérience à l'Opéra de Paris
00:00:41 parce que le CNM est un peu différent.
00:00:43 Donc mon équipe va trouver que je parle trop de l'Opéra de Paris,
00:00:45 mais c'est la faute de l'Obs et de l'Afda, c'est pas grave, je vous promets.
00:00:48 Nous dit-on, on va dire c'est nous.
00:00:50 Le monde du spectacle vivant est un monde anormal.
00:00:55 C'est entendu parce que les artistes, c'est pas des gens tout à fait comme nous,
00:00:59 parce qu'ils travaillent dans des conditions pas tout à fait comme celles du droit du travail,
00:01:05 ils travaillent le soir, ils répètent, ils voyagent,
00:01:08 ils travaillent sur des plateaux qui sont des endroits dangereux,
00:01:10 avec des choses très lourdes au-dessus,
00:01:12 et souvent des trous avec des trappes et des dessous qui font un palais garni à 15 mètres.
00:01:16 Donc c'est anormal.
00:01:18 Il y a des passions, il y a des rationalités, mais comment ?
00:01:20 Tu veux que je me mette à un jardin alors que moi je suis toujours rentré à la cour ?
00:01:23 Bon, c'est anormal, ok.
00:01:26 Et mon expérience c'est que ce monde-là a longtemps vécu aussi avec l'artisanat,
00:01:33 qui a une qualité très exceptionnelle,
00:01:36 qui permet de faire des miracles.
00:01:38 Le metteur en scène arrive au dernier moment, il faut tout changer, on y arrive.
00:01:41 Mais parce qu'on y arrive, parce qu'il y a une certaine tradition dans une maison
00:01:45 qui a 350 ans d'âge, mais c'est la même chose dans plein d'endroits,
00:01:49 les méthodes managériales, ça va, les KPA, les tableaux Excel et les PDF, ok.
00:01:56 Et donc moi je suis, parce que je suis un passionné de tout ça,
00:01:59 je suis pour tenir compte de la normalité, à privatisme.
00:02:04 Mais en revanche, qu'est-ce qui interdit de fixer un cap ?
00:02:07 Le patron arrive, il a un projet.
00:02:09 Qu'est-ce qui interdit d'associer les salariés et de l'expliquer ?
00:02:12 Qu'est-ce qui interdit de faire des entretiens annuels individuels ?
00:02:16 Waouh !
00:02:17 Y compris avec des artistes des coeurs ?
00:02:19 Waouh, waouh !
00:02:21 Qu'est-ce qui interdit de faire des séminaires de direction
00:02:25 où on essaye d'associer les gens ?
00:02:28 Tout concept révolutionnaire !
00:02:30 Dans le monde de la culture, il y a ce petit retard.
00:02:33 Or, en tout cas dans la culture classique très subventionnée,
00:02:37 on pouvait peut-être, il y a quelques temps, dire
00:02:39 « Au fond, la subvention va arriver, que je vende des billets ou que je n'en vende pas,
00:02:42 ce n'est pas très grave, que ça soit bien ou que ça soit mauvais,
00:02:44 ce n'est pas très grave, que l'équipe soit contente ou pas contente,
00:02:47 ce n'est pas très grave non plus.
00:02:49 Allons-y ! »
00:02:50 Et puis de toute façon, comme le directeur change au bout de six ans,
00:02:52 voilà, aujourd'hui ce n'est plus pareil, l'environnement est concurrentiel,
00:02:55 je ramasse pour pouvoir passer le ballon aux voisines,
00:02:58 l'environnement est concurrentiel, les billets, il faut les vendre,
00:03:01 le marché du travail est tendu, c'est difficile de faire venir les talents.
00:03:05 Toutes choses qui justifient que les managers, qui ne sont pas des artistes en principe,
00:03:10 et quand les artistes managent, des fois c'est un peu...
00:03:12 bon, enfin c'est autre chose,
00:03:14 il y a une obligation d'essayer de manager ça normalement.
00:03:17 Ça ne veut pas dire qu'il faut arriver à des solutions toutes faites qui viennent de tel ou tel endroit.
00:03:21 Ce qui est intéressant, et je viens de le préciser,
00:03:23 c'est que vous n'avez pas un discours qui est un discours idéologique,
00:03:25 qui vient là du ciel.
00:03:26 En fait, ce pour quoi vous plaidez, c'est simplement de s'adapter
00:03:30 à la nouvelle donne que connaît le secteur.
00:03:32 C'est l'idée de le rendre résilient, pour prendre un mot.
00:03:35 C'est de le rendre compétitif, employons le gros mot aussi.
00:03:39 C'est aussi le bien-être au travail.
00:03:41 Je suis persuadé que les salariés, même s'ils sont là depuis beaucoup plus longtemps que vous,
00:03:45 et qu'ils seront là après vous,
00:03:46 ils ont aussi le droit à être associés au projet, à y participer.
00:03:50 On a bâti le projet qui s'appelait Fortement originalement.
00:03:53 Expliquez-nous concrètement, parce que là on a compris un petit peu le cadre,
00:03:58 vous, à l'Opéra Paris, qu'est-ce que vous avez fait concrètement
00:04:02 pour placer un certain nombre de crans, pour cranter des choses nouvelles ?
00:04:07 Alors, on a aussi fait beaucoup d'erreurs, mais ce soir on ne va pas parler des erreurs,
00:04:11 mais il faut aussi être humble, il n'y a pas de vérité.
00:04:13 Dans la salle, quelqu'un va pouvoir en témoigner dans les temps.
00:04:15 C'est sûr.
00:04:17 Bon, quand on est arrivé, on s'est présenté.
00:04:20 On a réuni, il y a 1800 salariés,
00:04:23 donc il y avait disons 1300 personnes,
00:04:25 on les a mis sur le plateau de Bastille, puis il y a garni Bastille-Ecole dedans,
00:04:28 pour se présenter, dire bonjour, dire ce qu'on va faire.
00:04:30 Ça n'avait jamais été fait.
00:04:32 On a mis en place des entretiens annuels individuels, y compris pour les artistes.
00:04:36 On a fait, pour la première fois dans l'histoire de l'Opéra, un séminaire de direction.
00:04:39 On était allé dans un château-forme.
00:04:41 Évidemment, on a pris un tract, la direction vit la vie de château.
00:04:44 Ce n'est pas grave.
00:04:46 Et voilà, je peux multiplier les exemples.
00:04:48 Et Opéra 2021, dernier mot, on avait 7 ans, ce qui était long,
00:04:52 et donc on s'est dit, on va bâtir un projet stratégique,
00:04:55 basé sur l'artistique, parce que l'Opéra, c'est d'abord le lever de rideau.
00:04:59 Mais on a mis en place, en recrutant des salariés en interne,
00:05:03 on a mis en place un processus participatif,
00:05:06 ça a duré 9 mois, pour nourrir des idées pour le projet stratégique,
00:05:10 qui était artistique, donc ça, on n'a pas demandé s'il fallait faire une Traviata ou un Rigoletto,
00:05:14 ça, c'était le directeur,
00:05:16 mais des groupes de travail avec des ambassadeurs internes.
00:05:19 Et on avait le sentiment que de la personne à l'accueil jusqu'au comptable,
00:05:22 en passant évidemment par les techniciens, ça créait...
00:05:26 ça essayait de mobiliser.
00:05:28 Après, à nouveau, il y a des tas de choses qu'on a ratées, pas bien faites, on s'est trompés,
00:05:32 mais il y avait cette volonté de...
00:05:34 - D'essayer des choses bien faites, de ne pas les rater.
00:05:37 Justement, pas pour parler de ratage, mais Laurent Sersberg,
00:05:40 vous avez vous aussi connu des institutions très différentes.
00:05:44 Bonjour Pascal, installez-vous.
00:05:46 - Je suis arrivé discrètement, mais ça ne marche pas.
00:05:49 - Vous avez été excusé, on a dit que c'était la faute de transport en commun.
00:05:52 - Donc, juste, Pascal Levers, je vais vous présenter.
00:05:54 Vous êtes professeur associé de sciences de gestion à l'université de Lyon 3,
00:05:57 et directeur général d'un nouvel institut.
00:05:59 Voilà, avec vous, on va poser un regard un peu surplombant sur toutes ces questions-là.
00:06:04 Donc, Laurent Sersberg, je reviens vers vous.
00:06:06 Vous travaillez donc avec des gens qui sont jeunes, qui sont très jeunes.
00:06:10 Est-ce que le monde un peu artisanal et avec, comme ça, une tradition un peu ancienne,
00:06:18 de "on ne va pas se présenter, il y a un projet qui est dans la tête du directeur et pas ailleurs", etc.
00:06:24 Est-ce que ça, c'est quelque chose qui aujourd'hui, c'est une autre planète pour les gens avec lesquels vous travaillez ?
00:06:29 - Alors d'abord, moi je l'ai connu à l'Opéra de Paris.
00:06:33 Parce que avant Jean-Philippe, j'étais à l'Opéra de Paris.
00:06:35 On ne se présentait pas.
00:06:37 Le projet ne durait pas très longtemps, donc les dirigeants iraient à peu près six mois.
00:06:41 Il y avait beaucoup de chapelles.
00:06:43 Et Jean-Philippe, est-ce que vous n'avez pas monté ce projet aussi ?
00:06:45 Parce qu'il y avait tellement de grèves à l'Opéra qu'à un moment, il fallait quand même fédérer les gens autour d'un projet.
00:06:50 Ce qui est une idée aussi intéressante, c'est que les gens font grève aussi,
00:06:53 parce que quand il n'y a pas de projet, du coup, on fait ressortir toutes les questions qui ne vont pas,
00:06:58 toutes les revendications individuelles, alors que si vous avez un projet, une vision,
00:07:03 c'est plus facile d'avoir ce dialogue.
00:07:06 Qu'est-ce que ça veut dire ?
00:07:08 Je ne comprends pas ce que ça veut dire un projet, une vision.
00:07:11 On allait en donner la vision à travers les séries du monde entier.
00:07:16 Parce que les séries, effectivement, racontent le monde.
00:07:19 Plus que le cinéma dont je venais, plus que le théâtre.
00:07:23 Je viens aussi du théâtre, j'étais administrateur du théâtre de la Colline.
00:07:26 Donc là, déjà, vous avez quelque chose qui dépasse simplement le fait de faire une édition du festival par an.
00:07:33 En plus, il y a des évolutions.
00:07:35 Comment vous racontez ? Cette année, ce que je vois dans les séries, c'est qu'on parle des femmes.
00:07:40 C'est un sujet.
00:07:42 Cette année, ce que je vois dans les séries, c'est que c'est la géopolitique.
00:07:45 Et comment on peut influencer ?
00:07:47 Donc vous racontez déjà une idée maîtresse.
00:07:49 Et j'imagine que dans le projet Opéra 2021, il y avait quelque chose aussi.
00:07:54 C'est que vous vous adressez à une compréhension qui dépasse simplement le travail du quotidien.
00:08:02 Vous associez les gens.
00:08:05 Vous avez un cap.
00:08:06 C'est pas que les informer un peu.
00:08:08 Vous avez un cap.
00:08:10 Mais quand vous avez un cap, du coup, ils vont nourrir ce cap.
00:08:14 Parce que vous ne savez pas, vous, dans la communication, la production, les professionnels, etc.
00:08:19 Comment chacun va s'adapter à ce cap.
00:08:21 En revanche, il faut que vous portiez la vision.
00:08:23 Ça, c'est très clair.
00:08:24 Vous portez la vision.
00:08:25 Et comme le dit Jean-Philippe, on ne va pas discuter entre Traviata et Rigoletto.
00:08:29 Ça va être Traviata et Rigoletto, parce que ça fait venir le public.
00:08:32 Et donc, ça fait des tickets.
00:08:34 Mais à un moment, vous n'allez pas refaire discuter du cap.
00:08:37 Mais en revanche, vous allez vous faire ajuster.
00:08:40 D'autant plus que les jeunes renvoient une vision dynamique du secteur.
00:08:45 Et par exemple, et ça c'est quelque chose qui est assez intéressant.
00:08:49 Moi, j'ai beaucoup parlé de géopolitique.
00:08:51 Les séries parlaient à un moment énormément de géopolitique.
00:08:54 Et puis petit à petit, les séries, comme un peu portées par les jeunes,
00:08:59 d'ailleurs qui dépassaient ma communauté de travail, parlaient du genre.
00:09:03 Et là, quand vous parlez du genre à des jeunes,
00:09:06 moi je suis plutôt en fin de carrière, on n'est pas dans la même chose.
00:09:10 Vous n'avez pas la même vision.
00:09:12 Vous n'avez pas du tout les mêmes réactions.
00:09:14 Et moi qui continuais à parler géopolitique, fractures sociales, etc.,
00:09:18 on me répondait, mais Laurence, ce qui est important, c'est le genre et le climat.
00:09:22 Et ça, ça nourrit un projet.
00:09:24 Donc ça, ça fait une adaptation d'un cap.
00:09:26 Et vous embarquez plus facilement avec les jeunes.
00:09:29 J'aimerais vous entendre, Malika Seguino,
00:09:32 je rappelle que vous êtes directrice générale du Prodis,
00:09:35 le Prodis c'est le syndicat des entreprises privées du spectacle.
00:09:38 Est-ce que dans le privé, vous connaissez des problématiques
00:09:43 qui sont très proches de celles dont on est en train de parler,
00:09:46 ou c'est un monde qui est déjà passé à autre chose ?
00:09:48 Est-ce qu'il a un peu d'avance, on pourrait dire ?
00:09:50 C'est un monde qui est parfait.
00:09:52 Il n'y a absolument qu'un problème de management.
00:09:54 Il n'y a aucun ? Merci, au revoir.
00:09:56 Je ne serais pas là.
00:09:58 Non, non, en fait, là pour le coup, je pense qu'on est loin des distinctions
00:10:02 secteur subventionné, secteur privé.
00:10:04 On a tous aujourd'hui des questions en matière de management.
00:10:08 Peut-être que la différence, c'est que ce secteur est un peu plus avancé
00:10:11 dans le sens où management, être manager, c'est pas un gros mot.
00:10:15 C'est juste que nos entreprises sont majoritairement des petites entreprises
00:10:18 et qu'il y a assez peu de managers.
00:10:20 Ces entreprises ont été fondées par des personnalités fortes
00:10:25 qui sont des mentors, qui ont un lien très fort avec les artistes,
00:10:28 qui ont su embarquer des équipes sur des projets,
00:10:31 mais qui ont peut-être effectivement un peu été éloignées
00:10:33 des questions de ressources humaines, de management, d'entretien annuel,
00:10:38 de valorisation des compétences, de formation, de développer
00:10:42 et d'accompagner l'employabilité de ces salariés tout au long de la vie,
00:10:45 à l'exception de quelques dirigeants qui ont ces sujets-là chevillés au corps.
00:10:50 Je pense que ça tient vraiment beaucoup à la personnalité du dirigeant.
00:10:53 Soit vous êtes sur ces sujets-là, soit effectivement c'est très éloigné de vous
00:10:56 et vous avez mené votre entreprise différemment.
00:10:58 La vraie difficulté, c'est que... Non, c'est pas une difficulté.
00:11:02 Le vrai changement, c'est que pendant des années, ça a bien fonctionné
00:11:05 parce qu'on se posait pas bien de questions.
00:11:07 Alors il y avait beaucoup de turnover quand même dans le secteur.
00:11:10 Moi je dirige le Prodis depuis plus de 10 ans.
00:11:12 On a fait des études dans les années 2016-2017 où on commençait à nous dire
00:11:17 quand même sur certains postes, ça tourne beaucoup.
00:11:19 Et pour moi c'est une alerte.
00:11:21 Si ça tourne beaucoup, c'est qu'il y a peut-être des questions.
00:11:23 Donc on a commencé à voir effectivement que remontaient des absences de formation,
00:11:27 des absences d'entretien annuel, des absences d'échange avec la direction,
00:11:31 de partage sur des projets et des visions, et que finalement les salariés partaient.
00:11:35 Alors c'est un petit secteur, donc les salariés partaient pas très loin.
00:11:38 Mais simplement ça créait de la crispation parce qu'on investit sur un salarié
00:11:42 qui est bien formé et qui part à la concurrence.
00:11:45 Et c'est passé la crise Covid.
00:11:48 A part faire l'histoire, crise violente qui a arrêté le secteur,
00:11:51 qui a fait s'interroger beaucoup de monde.
00:11:53 Des salariés chez nous qui sont quand même plutôt jeunes,
00:11:55 qui se sont dit sans perspective de reprise,
00:11:57 peut-être que je vais aller voir ailleurs, ou peut-être que je cherche d'autres choses.
00:12:01 Des intermittents également.
00:12:03 Parce que d'un seul coup, toutes ces pratiques qui étaient assez acceptées,
00:12:06 en fait on a eu le temps de les remettre en question.
00:12:08 On était chez soi et on s'est dit "Mais est-ce que j'ai envie de retourner travailler tous les soirs ?"
00:12:11 C'est ça. En tout cas, la reprise a été là,
00:12:13 et la reprise a été assez violente pour nos entreprises parce qu'il a fallu reprendre vite.
00:12:17 Et là on s'est rendu compte que certains membres de nos équipes avaient déménagé,
00:12:20 avaient quitté Paris sans l'indiquer à la direction.
00:12:23 Et que finalement, à partir de maintenant, ils ne voulaient plus travailler le soir.
00:12:26 Alors bon, on peut changer beaucoup de choses,
00:12:28 mais nos concerts sont plutôt en soirée.
00:12:31 Sinon on va avoir un petit problème avec le public.
00:12:33 Et puis surtout, on s'est rendu compte qu'on avait plus de difficultés à recruter.
00:12:38 Voir aucun candidat.
00:12:40 Voir des candidats qu'on avait sollicités pour un entretien et qui ne venaient pas au rendez-vous.
00:12:46 Et puis ensuite, avec les salariés qui étaient demeurés en poste,
00:12:50 des demandes totalement nouvelles de télétravail.
00:12:53 Alors là, quelque chose qui était très absent du secteur,
00:12:56 à quelques exceptions près, puisqu'on a des groupes...
00:12:59 - Qui étaient absents d'à peu près partout.
00:13:01 - Oui, parce que nous on a 400 entreprises, on a quelques groupes qui ont des DRH.
00:13:04 Je pense qu'on a 5 DRH dans le secteur que je représente.
00:13:08 Et pour le reste, il n'y a pas de DRH.
00:13:10 Il y a des administrateurs qui font un peu de social au passage.
00:13:12 Enfin, c'est pas du tout péjoratif.
00:13:14 C'est qu'effectivement, il faut faire tourner la maison.
00:13:16 Donc il y a des sujets très essentiels qui sont de la pérennité des entreprises.
00:13:19 Donc ils se sont trouvés vraiment confrontés à des questions très nouvelles.
00:13:23 Et surtout, ils étaient un peu sans réponse et décontenancés
00:13:26 devant ces demandes nouvelles de générations,
00:13:28 alors plus ou moins jeunes, mais effectivement, les candidats et aussi les salariés en poste.
00:13:32 Et nous, on a vu que ça avait changé, parce que tous les ans, en septembre,
00:13:36 on fait une grande assemblée générale qui réunit les dirigeants qui sont membres du PRODIS.
00:13:40 Et en septembre 2022, donc l'année de la reprise,
00:13:43 on a fait une table ronde sur le sujet de l'emploi et comment ça se passait.
00:13:47 Et finalement, ils ont tous dit "non, non, ça va bien, il n'y a pas de problème".
00:13:50 On a refait la même chose en septembre, il y a quelque temps là.
00:13:54 C'était pas du tout pareil.
00:13:55 Là, j'ai senti effectivement qu'il s'était passé quelque chose,
00:13:58 que les dirigeants étaient là et que surtout, ils avaient besoin de partager sur leurs difficultés
00:14:01 et d'échanger sur les pratiques.
00:14:03 Vous avez parlé de séminaire d'équipe.
00:14:05 Eh bien oui, il y a des jeunes entreprises avec des entrepreneurs qui sont très impliqués sur ces questions-là
00:14:09 qui organisent des séminaires.
00:14:11 Et là, il y avait d'autres dirigeants qui disent "mais comment ça marche ?
00:14:14 C'est pas possible, ça sert à quoi ?
00:14:16 Emmener tout le monde sur un bateau, c'est absurde."
00:14:18 Ben non, parce qu'il y a vraiment un travail en équipe, de partager des choses.
00:14:22 Et effectivement, derrière, ça renforce la cohésion.
00:14:25 Et écouter ces demandes nouvelles, je dis pas qu'il faut valider toutes les demandes formulées,
00:14:32 mais en tout cas, être intéressé sur ces questions,
00:14:35 essayer de poser une petite politique ressources humaines dans votre entreprise,
00:14:39 c'est aussi un facteur de performance.
00:14:41 Quand vos salariés vont bien, l'entreprise va bien.
00:14:44 Donc effectivement, je pense qu'on est gagnant.
00:14:46 Mais là, on est vraiment dans une phase intermédiaire où il y a une prise de conscience.
00:14:49 Il faut les accompagner.
00:14:50 Nous, au Prodis, on pense que c'est un vrai enjeu de transformation de nos entreprises,
00:14:54 qui doivent effectivement modifier leur modèle,
00:14:56 pour aussi, peut-être être plus fort sur des enjeux de transformation importants de nos rassemblements,
00:15:03 avec la question de la transition écologique.
00:15:05 Et tout est un peu lié, c'est du RSE/RSO.
00:15:07 RSE/RSO, responsabilité socio-environnementale, responsabilité socio-organisationnelle.
00:15:13 Vous vouliez dire un mot, Laurence ?
00:15:14 Oui, moi je voudrais intervenir sur la notion de DRH dans la culture.
00:15:17 Parce que pendant très longtemps, d'abord, nos structures étaient petites, dans les théâtres,
00:15:21 alors mise à part quand même l'opéra, et on n'avait pas de DRH.
00:15:24 En fait, c'était souvent la direction financière ou le secrétariat général qui s'occupait des salariés.
00:15:31 Et ça, ça ne marche plus.
00:15:32 C'est un signe, ça.
00:15:33 En fait, c'est un signe.
00:15:34 Il faut vraiment un DRH qui soit formé à ça, qui puisse répondre à des questions de formation.
00:15:39 En fait, et souvent d'ailleurs dans notre secteur, la formation,
00:15:42 comme on a souvent des contrats de durée déterminée ou des intermittents,
00:15:47 elle n'est pas abordée, c'est un problème.
00:15:49 On n'y a pas une écoute assez attentive aux cas individuels.
00:15:54 Et vous ne pouvez pas dire aux salariés que leur interlocuteur,
00:15:56 c'est en même temps celui qui gère les cordons de la bourse.
00:15:59 Il faut quelque chose de particulier.
00:16:01 Je pense qu'on viendra à un moment à la question de la rémunération.
00:16:03 Mais la rémunération dans notre secteur, elle est aussi importante.
00:16:06 Et l'autre domaine sur lequel je voulais rebondir, c'est l'histoire de séminaires.
00:16:11 Nous, on fait un séminaire de direction,
00:16:13 mais après, ce qui est important, c'est que chaque secteur fait son propre séminaire.
00:16:18 C'est-à-dire qu'en fonction de ce qui est sorti au séminaire de direction,
00:16:22 qui sont quand même des grands axes, moi je travaille avec les directeurs,
00:16:25 chacun, la com, la programmation, la production, va s'en emparer et en faire quelque chose.
00:16:33 Et ça, c'est pareil, on soude et à un moment, il y a une restitution à l'ensemble.
00:16:38 L'équipe permanente, elle est petite, donc on le fait avant que tout le monde se reparte.
00:16:45 Mais quand vous avez fait un séminaire avec des gens et que vous leur dites "on vous reprend l'an prochain",
00:16:51 du coup, il est resté quelque chose de la cohésion d'un projet.
00:16:54 Ils n'ont pas l'impression qu'ils sont simplement des saisonniers.
00:16:58 Disons un mot, parce que c'est important, je pense que dans le public, c'est une question qui pourrait arriver,
00:17:04 la question de la rémunération.
00:17:05 Pendant très longtemps, c'est pas un scoop, c'est un secteur où on considérait que les rémunérations n'étaient pas très grasses,
00:17:10 il y en a beaucoup d'autres qui sont plus rémunérateurs.
00:17:13 Comment on fait ? Parce que là, les cordons de la bourse, comme vous le dites, ne sont pas extensibles,
00:17:16 on sait que ce n'est pas un secteur qui roule sur l'heure, les subventions c'est compliqué,
00:17:19 ce que disait Jean-Philippe en l'air de la concurrence.
00:17:22 On a quand même un problème. Je ne parle pas de grandes organisations, Jean-Philippe pourra revenir,
00:17:26 où il y a un poids des syndicats, des organisations qui sont très fortes,
00:17:31 mais dans nos organisations du spectacle, on a souvent le réflexe de dire,
00:17:36 l'essentiel de nos ressources, souvent publiques, sur lesquelles on trouve aussi du mécénat, des recettes commerciales,
00:17:42 doivent aller sur le projet. Et très clairement, on ne paye pas bien.
00:17:47 Je ne vais pas dire, ça reste, on ne paye pas bien.
00:17:50 Et donc, du coup, tout le travail de RH, il est très complexe.
00:17:55 Parce que vous avez envie de fidéliser, vous avez envie que les gens adhèrent,
00:17:58 et en plus, vous ne payez pas bien.
00:18:00 S'il n'y a pas d'argent, c'est plus compliqué.
00:18:02 S'il n'y a pas d'argent. Alors, la vraie question qui se pose,
00:18:04 et je ne sais pas comment y répondre à celle-là,
00:18:06 est-ce qu'on accepterait qu'il y ait plus d'argent donné à la masse salariale,
00:18:11 c'est-à-dire aux gens qui travaillent, et moins d'argent donné aux projets artistiques ?
00:18:15 Ce qu'il faut défendre aussi devant sa tutelle.
00:18:17 Or, quand vous défendez au ministère de la Culture, ou quel que soit votre tutelle,
00:18:22 ou votre conseil d'administration, votre budget,
00:18:25 les deux postes qui sont toujours très regardés, c'est la masse salariale et les dépenses de com'
00:18:29 ou quelque soit toute façon la structure, on trouve que c'est toujours trop élevé.
00:18:32 Ben non, ce n'est pas trop élevé d'augmenter, là, alors qu'il y a de l'inflation,
00:18:36 l'ensemble de vos salariés de 5%.
00:18:38 Mais, on est mal payé.
00:18:41 Vous voulez en dire un mot Jean-Philippe ?
00:18:43 Alors, pour le secteur public, qui est très différent du reste,
00:18:47 ça pose la question du donneur d'ordre, qui n'est pas représenté dans cette table ronde,
00:18:51 qui est l'Etat.
00:18:53 Alors, je vais faire un peu attention à ce que je raconte quand même,
00:18:57 surtout si c'est filmé, mais, non, ça pose la question à l'Etat,
00:19:02 qu'est-ce que vous voulez pour vos opérateurs ?
00:19:05 Et pour tout le monde, dès lors que les subventions ont plutôt tendance à stagner,
00:19:10 et qu'on encourage à développer des ressources propres, à faire plein de choses,
00:19:14 ça pose plein de questions très compliquées, mais c'est vrai, la masse salariale est toujours scrutée,
00:19:20 et pour pousser le trait, ce qui m'arrive parfois, mais pour faire comprendre,
00:19:24 après la réalité est plus subtile, c'est que souvent on fixe des objectifs d'entreprise
00:19:28 avec des moyens de sous-préfecture de zone rurale, c'est-à-dire,
00:19:33 mais très concrètement, toujours pendant cette période, je voulais développer la marque à l'international,
00:19:38 notamment en Asie, et mon plafond d'emploi était saturé, je ne pouvais pas recruter une personne de plus.
00:19:44 Et je disais, mais cet emploi, il est financé par les recettes que ça va augmenter,
00:19:49 mais comme il y avait le plafond d'emploi, je n'avais pas le droit, résultat, je ne l'ai pas fait.
00:19:52 Et donc, ça pose la question de ce que veut l'Etat pour ses opérateurs,
00:19:56 mais aussi de la confiance que l'Etat a dans les dirigeants.
00:19:59 Comme la confiance, parfois, a été trahie par des dirigeants qui n'étaient pas bien,
00:20:03 et bien on met ceinture, bretelle, et puis une deuxième ceinture, une deuxième bretelle,
00:20:06 c'est-à-dire qu'on contrôle le plafond d'emploi, on ne peut pas recruter comme on veut,
00:20:10 on n'augmente pas les gens comme on veut, donc tout ça, ça va si ça roule comme une administration,
00:20:16 mais quand on fixe des objectifs qui relèvent plus d'objectifs entrepreneuriaux,
00:20:22 moi j'ai tendance à dire, vous votez le budget, bien sûr, mais après faites confiance,
00:20:27 et si ça ne va pas, vous le virez le dirigeant, comme dans une entreprise ou un board,
00:20:32 plein d'anglicismes cet après-midi, dit "ça ne va pas, on change de dirigeant",
00:20:37 mais ça, ça n'existe pas dans le secteur public, et s'il n'y a pas de confiance,
00:20:41 on met des verrous qui ont plutôt tendance à contraindre l'action.
00:20:45 Malika, vous ?
00:20:46 Ça n'a rien à voir, forcément, nous on n'a pas du tout les mêmes contraintes,
00:20:50 on ne vit pas de subventions, donc ce sont des entreprises privées,
00:20:53 donc qui dit entreprises privées, dit qu'ils vivent majoritairement des recettes de billetterie.
00:20:57 Mais qui doivent être lucratives, voilà, partage de leurs valeurs de décompte.
00:21:00 Bien évidemment, de toute façon, il faut que vos entreprises ne soient pas déficitaires tous les ans,
00:21:04 sinon ça ne va pas durer très longtemps, on va vite être en état de cessation des paiements.
00:21:07 La problématique effectivement de la rémunération, on l'a bien en tête,
00:21:10 en plus on a des typologies d'entreprises très très diverses,
00:21:13 une très grande majorité de très petites entreprises,
00:21:16 des catégories plus intermédiaires, qui sont donc plus à l'aise au regard de leur catalogue,
00:21:20 et qui peuvent effectivement avoir la capacité d'attirer certains talents,
00:21:23 et on a encore la catégorie au-dessus qui sont les groupes,
00:21:26 qui ont donc là une capacité financière très supérieure.
00:21:28 Donc nous, je dirais qu'il y a une vraie concurrence.
00:21:30 Et vous indiquez qu'il fallait des DRH, alors la grande difficulté c'est qu'il faut pouvoir s'offrir un DRH,
00:21:35 et qu'un DRH dans une petite entreprise, croyez bien que là, on n'y est pas du tout.
00:21:39 Nous les DRH, ils sont au niveau des groupes, ils ne sont même pas au niveau des indépendants,
00:21:43 à quelques exceptions près.
00:21:45 Donc les indépendants qui sont quand même des structures assez solides, avec 30, 40 salariés.
00:21:49 Donc véritablement, on part de très très loin en termes de structuration sur ces questions RH.
00:21:54 La question du salaire est une vraie problématique, mais je pense que pour attirer les talents,
00:21:58 et si on écoute un peu la génération d'aujourd'hui,
00:22:01 enfin je pense que les personnes dans la salle répondront bien mieux à cette question que moi,
00:22:06 il n'y a pas que ça qui compte, il y a tout l'environnement,
00:22:09 il y a tout ce que vous proposez en condition de travail, en organisation du travail,
00:22:13 et la rémunération ça ne se résume pas à la ligne salaire nette à payer.
00:22:18 Il y a aussi tout ce que vous pouvez mettre en place en tant que dirigeant,
00:22:20 il faut juste être un peu malin, s'intéresser à ces questions là,
00:22:23 peut-être se faire conseiller toute l'épargne salariale,
00:22:26 très souvent c'est extrêmement intéressant pour le salarié,
00:22:28 et ça coûte moins cher qu'une augmentation pour l'employeur,
00:22:31 je le dis clairement, puisque dans une entreprise il faut que ça équilibre,
00:22:34 il y a énormément de solutions possibles à proposer pour offrir un cadre social attractif,
00:22:40 parce que là on est vraiment dans une question d'attractivité, des profils et des talents.
00:22:43 Quand vous êtes une petite entreprise, que vous n'avez pas la capacité de doubler le salaire
00:22:47 quand la concurrence fait une offre importante,
00:22:49 il faut être assez malin pour pouvoir retenir le candidat,
00:22:52 et ça je peux assurer qu'en ce moment c'est très très tendu.
00:22:55 Je vais laisser maintenant la parole à Pascal, Pascal Levey, merci d'être avec nous,
00:22:59 je rappelle que vous êtes notamment délégué général du nouvel institut,
00:23:03 on aimerait en savoir un peu plus sur ce qui donne son titre à cette table ronde,
00:23:06 c'est-à-dire l'éthique de la coopération, on a vu déjà ce qu'il en était,
00:23:10 mais qu'est-ce qu'on peut entendre par coopérer sur de nouvelles bases,
00:23:13 on pourrait dire dans le monde de la culture, dans le monde du spectacle,
00:23:16 qu'est-ce que vous, vous entendez ?
00:23:18 Alors bonsoir, excusez-moi encore pour mon retard, merci Arnaud, merci à tous.
00:23:23 Avant de répondre à Arnaud, qui renvoie à des questions qu'on a un peu travaillées dans les coulisses,
00:23:28 avant de lever le rideau,
00:23:30 je voudrais revenir sur ce que vous disiez à l'instant,
00:23:33 je pense qu'on assiste aujourd'hui effectivement à quelque chose qu'on appelle la sociétalisation des entreprises.
00:23:40 Le contraste qu'on veut donner avec ce mot sociétalisation des entreprises,
00:23:45 c'est de dire que pendant longtemps, et le débat a été féroce, y compris le débat juridique,
00:23:51 c'est qu'une entreprise privée, elle était légitime si elle rapportait de l'argent à son actionnaire.
00:23:56 Et qu'aujourd'hui, on dit en fait que cette période là, quand bien même elle n'est pas totalement disparue,
00:24:01 mais cette période là est supplantée par une nouvelle période qui intervient,
00:24:05 dans laquelle l'entreprise ou l'organisation, parce que toutes les entreprises privées déteignent aussi sur les grandes organisations auxquelles vous faisiez référence,
00:24:13 elle est légitime et elle est désirable pour les collaborateurs, les dirigeants, les projets, les financeurs, etc.
00:24:21 si elle apporte quelque chose à la société.
00:24:25 Ce qui renvoie bien sûr au débat que vous évoquiez tout à l'heure, sur quel est son rôle social,
00:24:30 quel est son rôle dans la transition écologique, quel est son rôle dans etc.
00:24:33 Donc il y a une réinterrogation extrêmement profonde aujourd'hui de finalement ce qui fait que,
00:24:39 dans cette période dans laquelle tout le monde, avoue, est démuni, sur finalement comment on explique les difficultés qu'on a,
00:24:45 de quoi ces difficultés à recruter sont-elles le symptôme.
00:24:48 Les jeunes, c'est trop facile, il se passe bien d'autres choses.
00:24:52 Donc il me semble que c'est important qu'on se redise ça.
00:24:55 Cette perspective de la sociétalisation des entreprises et des organisations.
00:24:59 Donc cette idée qu'une entreprise porte une mission qui...
00:25:01 Elles doivent être en société, il faut les réencastrer dans la société.
00:25:04 Elles ne sont pas uniquement bonnes parce qu'elles ne vendent pas trop cher des tickets,
00:25:08 et qu'elles ont un taux de remplissage élevé, et qu'elles ont bien croqué leurs subventions comme on avait dit qu'il fallait faire.
00:25:13 Mais pour ça, vous êtes d'accord pour dire qu'il faut partager le sens,
00:25:17 il y a un sens, il faut déjà fixer un sens, ce que disait Laurent, ce n'était pas forcément le cas au départ,
00:25:22 enfin dans tous les secteurs, et puis par ailleurs, partager, associer les salariés...
00:25:27 Alors ce qu'on évoque aujourd'hui, et qui peut paraître extrêmement...
00:25:31 Quand les contraintes du quotidien sont si raides et si rugueuses dans pas mal d'organisations,
00:25:36 ça peut paraître tout à fait délirant, mais ce qu'on évoque aujourd'hui, c'est de dire qu'en fait il faut reconstituer un nouvel imaginaire.
00:25:42 Un nouvel imaginaire de c'est quoi une entreprise ou une organisation contributrice à une société un peu chaotique,
00:25:50 qui marche souvent sur un pied, avec des choses qui sont compliquées.
00:25:54 Donc à quels nouveaux frais, à quelles nouvelles conditions,
00:25:58 à quels nouveaux types d'imaginaire on engage pour pouvoir refabriquer un projet collectif ?
00:26:04 Parce qu'une entreprise ou une organisation, comme l'Opéra par exemple,
00:26:09 c'est d'abord et avant tout un espace dans lequel on organise de l'action collective.
00:26:15 C'est pas autre chose, le lever de rideau, c'est de l'action collective.
00:26:19 Et là-dessus, effectivement, la question qu'on s'est posée en préparant,
00:26:23 et donc j'arrive à la question d'Arnaud, après ce petit détour,
00:26:27 c'est de se dire finalement, où est-ce qu'il y a des pistes qui nous semblent fécondes
00:26:31 pour pouvoir se reposer la question de c'est quoi demain une entreprise
00:26:35 qui contribue à la prospérité, si je puis dire, du monde dans lequel elle est insérée,
00:26:41 la prospérité n'étant évidemment pas qu'économique.
00:26:44 Et là-dessus, un ouvrage nous inspire particulièrement,
00:26:47 il est celui d'un musicien à ses oeuvres, mais aussi d'un sociologue très connu
00:26:52 qui a enseigné aux Etats-Unis, à la Non School of Economics, qui est Richard Sennett.
00:26:58 Il était violoncelliste et chef d'orchestre.
00:27:00 Et Richard Sennett a publié un bouquin, il y a une toute petite dizaine d'années,
00:27:04 qui s'appelle "Ensemble pour une éthique de la coopération".
00:27:07 Et sans faire un cours là-dessus, je n'ai pas ma casquette de prof ici,
00:27:11 mais il nous a semblé que ça pouvait être très évocateur pour nous à plus d'un titre.
00:27:16 C'est-à-dire qu'en fait, il part de l'hypothèse que les formes productives,
00:27:20 les organisations productives, qu'elles soient des sociétés privées, petites, grandes,
00:27:24 ou des organisations publiques, aujourd'hui, avec les systèmes de management,
00:27:28 les systèmes de gestion, les systèmes de contraintes dans lesquels on est,
00:27:31 ces formes productives n'honorent pas, à la hauteur de nos capacités,
00:27:37 notre désir de coopération.
00:27:39 Le fait que coopérer les uns avec les autres nous accomplit, nous remplit,
00:27:43 nous permet de nous développer, nous permet d'avoir le sentiment
00:27:46 que le monde tient mieux debout, quand bien même on ne fait que distribuer des billets, des tickets.
00:27:52 Et donc, Sennett part de là-dessus, on a tous un besoin, en fait, de coopérer.
00:27:59 Et quand on est dans des formes productives sous hyper-contraintes,
00:28:02 comme on l'est dans un tas d'organisations aujourd'hui, en fait, le travail s'est appauvri,
00:28:08 alors même que de plus en plus on nous demande de coopérer,
00:28:11 et c'est ça qui est très paradoxal, de moins en moins, les possibilités concrètes
00:28:16 de coopérer, de faire bien, de faire du bon travail, du beau travail,
00:28:19 du travail qui a de l'allure dans le résultat, une espèce d'éthique,
00:28:23 vous voyez, une forme de sobriété, de réalisation, est possible.
00:28:26 Et donc, en fait, Sennett nous dit qu'il nous faut absolument nous réintéresser
00:28:32 aux formes de coopération exigeantes, rugueuses, rudes, et à ce qu'elles appellent.
00:28:39 Et c'est là-dessus qu'il nous dit que c'est une certaine éthique, une certaine disposition éthique,
00:28:45 et ce que ça appelle, et j'atterrirai là-dessus, ça appelle des compétences dialogiques.
00:28:52 Dialogiques, donc, de dialogue, la capacité à dialoguer.
00:28:56 Et en quoi il distingue le dialogue des autres formes,
00:28:59 et c'est là que ces compétences de musicien rentrent en ligne de compte,
00:29:02 il explique que quand on fait des répétitions, notamment en musique de chambre,
00:29:06 évidemment on n'a pas beaucoup de temps de répétition, vu le format de l'enveloppe du concert,
00:29:11 et que donc très souvent on se concentre, on agit comme un légiste,
00:29:15 on va sur des choses très très précises, on ne se redit pas toute l'histoire
00:29:18 qu'on pense de cette octuore de Schubert, de Beethoven en l'occurrence.
00:29:22 Bref, on va très vite, et en fait on s'écoute beaucoup, on parle très peu, on s'écoute beaucoup.
00:29:29 Et la compétence dialogique c'est une compétence subjective,
00:29:32 une compétence subjective, suggestive, pardon, suggestive,
00:29:37 et où en fait c'est parce qu'on fait, d'une certaine manière, résonner son archet,
00:29:42 que l'autre entend tout de suite ce qu'on veut faire, comprend ce qu'on veut faire.
00:29:45 C'est pas un endroit où on parle beaucoup pour redire et redire dix fois ce qu'il faudrait faire,
00:29:51 chose prescriptive, mais c'est un endroit où on parle pour être écouté,
00:29:55 pour que l'autre rebondisse sur ce qu'on dit.
00:29:58 On lui demande pas d'être d'accord, ça n'est pas le sujet.
00:30:01 On n'est pas dans quelque chose où on n'est pas dans une discussion, on est dans une dialogue.
00:30:07 Et donc on progresse par une compétence dialogique qui nous permet de mieux comprendre l'autre,
00:30:16 le métier de l'autre, le métier du DRH, le métier du contrôleur de gestion,
00:30:20 le métier du directeur artistique, etc.
00:30:23 Et que c'est cette progression collective dans laquelle on a de la confiance,
00:30:27 on évoquait le mot à l'instant, dans laquelle on a de la confiance,
00:30:30 parce qu'on entend le registre de l'autre, le registre de ses contraintes,
00:30:35 le registre de ce que lui a comme exigence, rêve, etc.
00:30:40 Et voilà, aujourd'hui, c'est net, nous dit, qu'en fait,
00:30:45 qui n'observe pas ne saurait converser, et que bien écouter, bien observer,
00:30:51 ce sont aujourd'hui les compétences absolument clés pour pouvoir faire fonctionner des organisations
00:30:56 dans lesquelles, encore une fois, les conditions de la coopération sont de moins en moins réunies.
00:31:03 Et donc il y a un moment où, à force de communiquer plus, de faire plus de la même chose,
00:31:08 on éloigne encore plus ces possibilités de coopérer,
00:31:12 et cette éthique partagée de la coopération.
00:31:16 Pourquoi plus on communique, moins on peut coopérer ?
00:31:22 Plus on communique, plus on parle tout seul.
00:31:24 La communication étant le contraire du dialogue, d'une certaine manière.
00:31:29 C'est de la communication au sens, vous voyez, de quelque chose de, pour le coup, très surplombant, très prescriptif, très descendant.
00:31:34 On informe les salariés de ce qu'il faut faire, quoi, c'est un peu ça.
00:31:37 Voilà, alors, évidemment, ce sont des modèles théoriques, et ça se discute,
00:31:42 mais vous voyez, l'esprit de cette contribution, quand on en a parlé,
00:31:46 c'était d'essayer d'avoir cette perspective qui nous donne à se décaler un peu.
00:31:52 Je ne trouve pas du tout que ce soit théorique, et ça a réveillé plein d'éléments en moi, en deux mots.
00:31:57 Moi, je pense que ce qu'on défend tous ici, c'est effectivement une éthique du management,
00:32:02 et qui me fait penser, on l'avait nous aussi évoqué en coulisses il y a quelques jours,
00:32:07 à la magnifique expression de Jean Birnbaum, il a parlé du courage de la nuance.
00:32:12 Ça ne veut pas dire de l'eau tiède, ça veut dire une éthique assez équilibrée,
00:32:16 je mets beaucoup de guillemets, mais "social-démocrate", c'est-à-dire qui prend en compte les corps intermédiaires,
00:32:21 et donc qui va un peu à rebours d'une version très verticale du pouvoir.
00:32:25 Or, les maisons de culture sont souvent des lieux très verticaux,
00:32:29 le patron y sait, ou la patronne, pas tant que ça, mais enfin, le patron ou la patronne, il ou elle sait
00:32:34 ce qui est bon pour la maison, parce qu'il connaît le metteur en scène, etc.
00:32:39 Mais, et donc, il y a du côté des dirigeants la nécessité de pousser dans le sens de la coopération,
00:32:44 et il y a aussi du côté des équipes une pédagogie à faire, une pédagogie du partage.
00:32:50 Et je me rappelle lors de ce fameux séminaire dont je vous ai parlé, un des dirigeants, un membre de l'équipe,
00:32:56 à qui on allait faire le fameux blason, parce que les techniques managériales c'est pas mal, et c'est bien que les écoles s'intéressent.
00:33:01 Le blason, il fallait mettre les valeurs, machin, et en bas il s'était "je voudrais que notre équipe" et chacun compléter.
00:33:07 Alors les bien-pensants comme moi disaient "je voudrais que notre équipe soit vraiment une équipe quand ça ira mal".
00:33:12 Et un des directeurs, je ne vais pas le citer, il a dit "je voudrais que notre équipe me laisse faire mon travail,
00:33:19 je vous promets que c'est vrai". Et c'était un directeur, il n'y avait pas plus central que lui.
00:33:24 J'avais regardé et je me suis dit "ah ouais". Et l'image de l'orchestre est très bonne.
00:33:29 Est-ce qu'on imagine un violon, un violoncelliste ou un flûtiste dire "moi je voudrais que l'orchestre me laisse jouer ma partition".
00:33:36 Non, ça ne marche pas. Il y en a qui jouent comme ça. Mais ça ne marche pas.
00:33:40 Donc que les dirigeants fassent leur examen pour être moins verticaux, et que, c'est un peu ce que disait Thierry tout à l'heure,
00:33:48 que les managers réfléchissent aussi à l'intérêt qu'ils peuvent tirer d'une participation et d'une coopération.
00:33:55 Eh bien nous allons être dialogiques à présent et nous allons essayer de dialoguer avec la salle.
00:34:00 Je n'ai pas tant une question, c'est plus en fait un témoignage qui va confirmer qu'il y a bien des changements déjà à l'œuvre.
00:34:06 Je partage le constat qui a été fait sur les difficultés de recrutement depuis le Covid notamment,
00:34:11 et sur la nécessité aussi de faire évoluer les pratiques managériales dans les entreprises de la culture, du spectacle,
00:34:18 et de professionnaliser du coup les fonctions de direction dans ce domaine.
00:34:21 Et pour le coup c'est un chantier qu'on a pris à bras le corps au SMA.
00:34:25 Pour vous donner un exemple, en ce début d'année on a lancé un parcours d'accompagnement à la fonction de direction des lieux de musique actuel,
00:34:32 avec le soutien du CNM et je vous en remercie, mais aussi l'aide de l'AFDAS.
00:34:37 J'ai vu Yves quelque part, donc merci Yves.
00:34:41 Et assez vite on a eu l'intuition que ça ne suffirait pas.
00:34:45 Et pour le coup on s'est dit que l'amélioration des conditions et de la qualité de vie au travail
00:34:52 serait sans doute un levier tout aussi puissant à actionner pour justement renforcer l'attractivité de nos métiers et fidéliser les salariés.
00:35:02 Et on a la chance, on va pouvoir lancer une expérimentation assez ambitieuse pour les deux prochaines années
00:35:09 qui vont justement porter sur l'amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail
00:35:15 avec l'aide du Fonds pour l'amélioration des conditions de travail,
00:35:18 mais aussi avec l'aide de l'AFDAS, du CNM, d'Audiance et de Thalys Santé.
00:35:24 Pourquoi cette innovation ? Je n'ai pas bien compris.
00:35:26 Qu'est-ce que vous allez faire dans les deux années qui viennent concrètement ?
00:35:28 En fait c'est une expérimentation sur l'amélioration des conditions de travail
00:35:32 où on va pouvoir accompagner plusieurs entreprises à travailler sur ces questions-là
00:35:38 et à trouver, puisque c'est ce qu'on dit depuis le début en matière de management et d'organisation du travail,
00:35:44 il n'y a pas de "one best way" et qu'à un moment donné il vaut mieux partir du terrain avec les parties prenantes pour trouver ces solutions.
00:35:51 On se réjouit de pouvoir en effet lancer ces travaux dont les résultats seront diffusés largement et pourront profiter, nourrir.
00:36:02 Je suppose que c'est un certain nombre de structures qui sont assez petites ?
00:36:05 On aura plusieurs profils pour le coup, mais ce qui est important de retenir c'est qu'en effet,
00:36:10 au-delà des structures qui seront accompagnées pendant ces deux ans, avec les appuis conseil RH aussi de l'AFDAS,
00:36:17 les résultats seront vraiment diffusés très largement et pourront bénéficier, nourrir la réflexion et les pratiques des professionnels de la culture.
00:36:25 Donc oui, il y a bien effectivement des changements déjà à l'œuvre et pour le coup on se réjouit de pouvoir apporter notre pierre à l'édifice,
00:36:31 sur le terrain et avec les acteurs au plus près de leurs besoins.
00:36:35 Merci pour ce témoignage.
00:36:36 Bonjour, j'ai une question qui vient notamment d'une observation aérée sur Profil Culture dans les moments de recherche d'emploi.
00:36:46 On voit certaines entreprises comme Cérimania, mais ça peut aussi être par exemple le 104 Paris ou La Villette,
00:36:52 qui postent régulièrement, alors souvent en fin de saison, en fin d'édition ou en début de saison,
00:36:58 beaucoup d'offres d'emploi soudainement, beaucoup de CDD essentiellement et beaucoup de stages.
00:37:05 Et quand on est du côté des personnes en recherche d'emploi, ça crée une méfiance, en tout cas de mon côté,
00:37:12 une méfiance de se dire pourquoi chaque année il y a ce retour de cette dizaine d'offres de stages,
00:37:18 de cette dizaine d'offres de CDD, pourquoi dans cette entreprise aucune pérennisation n'est faite ?
00:37:23 Et ça crée une méfiance de se dire, est-ce qu'il n'y a pas de montée en compétences ?
00:37:26 Est-ce que ces jeunes ne veulent pas rester ? Parce que c'est aussi des jeunes.
00:37:31 Et du coup, ma première question c'est pourquoi ?
00:37:34 Et ensuite, comment on manage une équipe dont on sait qu'elle est vouée à partir et qui en plus de ça,
00:37:39 donc qui ne peut pas se projeter et qui en plus n'est pas véritablement formée,
00:37:43 parce qu'on sait que tous ces stagiaires et ces CDD sont là pour faire des postes qui ne sont ni des stages ni des CDD,
00:37:49 mais qui pourraient être des vrais postes pérennes.
00:37:53 C'est une bonne question. Sur l'usage des CDD dans la culture.
00:37:59 Question que moi je connais depuis tellement longtemps.
00:38:03 Cérimania, disons qu'un mois avant le festival on est 180.
00:38:08 L'équipe permanente de Cérimania, on est 15.
00:38:12 Donc vous voyez le gap.
00:38:14 Et on revient sur la notion des ressources financières.
00:38:20 Mais pas que des ressources financières.
00:38:22 Je ne peux pas non plus employer 180 personnes, c'est faux, à l'année, quand le festival dure 8 jours.
00:38:29 Sur les stages, c'était pas le cas quand j'ai commencé ma carrière.
00:38:35 Mais maintenant, très clairement, les stages c'est le meilleur moyen,
00:38:38 c'est peut-être triste, mais c'est le meilleur moyen de rentrer dans le secteur culturel.
00:38:42 Et d'apprendre. Et de rester.
00:38:45 Donc nous, vous n'êtes pas satisfaites de ça, j'entends, je comprends très bien.
00:38:52 En même temps, on forme des gens, on prend des gens qui n'ont pas encore complètement fini leurs études,
00:38:57 on les forme. Et c'est pas des stages, plus personne ne propose des stages, des stages géniaux qu'à faire.
00:39:04 Une photocopieuse, ça c'est terminé. Personne ne fait ça.
00:39:07 C'est intéressant ni pour l'entreprise, ni pour la personne qui le fait.
00:39:11 Et on forme des gens. Et généralement après, ils ont un premier CDD, un deuxième CDD, puis ils sont aussi en CD.
00:39:16 Mais dans nos métiers culturels, tout le monde n'a pas, on ne peut pas offrir des CD.
00:39:22 Et ça va même plus loin que ça. Avant je dirigeais le Forum des images à Paris.
00:39:25 On était 65. 65 sur des métiers extrêmement divers.
00:39:29 Qui étaient des métiers de technique, de plateau, de projection,
00:39:33 qui étaient des métiers de communication, qui étaient des métiers de programmation, qui étaient des métiers etc.
00:39:38 Et à un moment, il y avait des demandes légitimes de revalorisation de salaire, de carrière, etc.
00:39:44 Et à un moment, j'ai dû dire très clairement au comité d'entreprise, le dialogue était bon, c'est pas le problème,
00:39:50 de dire, mais la structure, le Forum des images, ne peut pas prévoir, ne peut pas faire un plan de carrière
00:39:57 pour les 65 personnes et assurer leur carrière sur 30 ans.
00:40:02 Ça serait faux de le dire. C'est pas possible.
00:40:05 -Vous n'avez pas les moyens concrètement de le faire. -Mais non.
00:40:08 On ne peut pas faire cette évolution. Et on ne peut pas, voilà.
00:40:11 Donc on est, et j'entends votre déception, j'entends ce que vous dites.
00:40:15 Et en même temps, il y a une réalité de l'entreprise culturelle qu'on appelle "Boubanaje",
00:40:20 c'est effectivement, ce sont souvent des structures petites, quand les gens, parce qu'ils y sentent bien,
00:40:24 sont en vue de rester, n'ont pas forcément l'évolution qu'ils voudraient, ni salariale, ni de carrière.
00:40:29 Et l'autre chose, il y a beaucoup d'emplois précaires. C'est vrai.
00:40:33 Les 180 personnes n'auront jamais que 180 CDI à Sérénania.
00:40:38 Malika, vous voulez y ajouter un mot ?
00:40:39 Oui, alors, d'un autre point de vue privé, c'est un peu pareil, parce qu'on fonctionne au projet.
00:40:43 Forcément, les entreprises, elles sont de dimension plutôt petite, voire très petite,
00:40:48 et elles gonflent artificiellement en fonction des projets.
00:40:50 Donc ce sont des contrats sur des temps courts, et il y a effectivement un certain volume de stages,
00:40:56 notamment au moment des festivals, avec un afflux de demandes important.
00:41:01 Après, je pense qu'il faut arrêter de se poser la question CDI/CDD, parce qu'on va aussi se dire quelque chose,
00:41:06 c'est que dans le secteur, parfois on propose des CDI et ils sont refusés.
00:41:10 Donc je pense aussi qu'il faut savoir s'interroger sur faire évoluer peut-être les relations avec les salariés
00:41:19 ou avec des gens en nouveau.
00:41:20 Moi, je ne sais pas, je pense que Thierry en parlerait mieux que moi,
00:41:23 puisqu'on a parlé l'autre fois d'une discussion très intéressante sur la génération qui arrive sur le marché du travail,
00:41:28 qui travaille pendant 5-6 mois, qui a un travail intéressant, un CDD peut-être,
00:41:34 voir autre chose, et qui soudainement décide de prendre une pause pour faire autre chose.
00:41:38 Donc il faut aussi interroger de nouveaux schémas, et pour le coup, ce système de salariés qui veulent faire une pause pour faire autre chose,
00:41:45 peut-être adapté au rythme de notre secteur, qui fonctionne au gré des projets.
00:41:48 Et là, je suis désolée, je rejoins complètement ce qu'a dit Laurence,
00:41:51 on ne pourra pas proposer des CDI à toutes les personnes qui entrent dans nos entreprises.
00:41:57 Ce n'est pas du tout conforme à notre modèle, ce sont des modèles au projet.
00:42:01 Donc en fait, on a des besoins à un instant T, sur un temps plus ou moins long, en fonction du projet.
00:42:06 Alors sur un festival, c'est, je ne sais pas, 3 mois, sur une tournée, ça peut être plus long, mais ce n'est pas non plus du temps plein.
00:42:12 Donc ça peut peut-être être réinterrogé sur des nouvelles manières de...
00:42:16 Alors, je ne peux pas dire... J'ai une formation très travailliste, alors forcément, moi aussi, le contrat de travail, c'était le point de départ.
00:42:22 Et quand moi je suis arrivée sur le marché du travail, le sésame, c'était d'avoir un CDI.
00:42:25 Moi, je crois aujourd'hui que ce n'est plus le sésame, et qu'il peut y avoir multiples manières de travailler, notamment dans notre secteur.
00:42:32 Alors peut-être que là, je vais me faire complètement huer, mais je suis assez persuadée que c'est ça.
00:42:37 Mais non, mais c'est ça, mais moi j'ai beau assurer et écrire des papiers à la banque de mes salariés, comme quoi ils vont revenir, etc.
00:42:48 Mais on leur refuse quand même des prêts.
00:42:50 Non, mais par contre, là, je rejoins le fait que ces modèles nouveaux ne sont pas du tout encore bien appréhendés dans la vie que nous avons au quotidien.
00:42:57 Ça, je n'ai pas dit le contraire.
00:42:58 Je voulais ajouter deux choses, parce que je croyais que vous alliez nous amener sur ce terrain-là, donc vous n'avez pas posé la question, mais j'y réponds volontiers.
00:43:04 Premièrement, les modes de recrutement.
00:43:07 Ce n'est pas très loin de votre question.
00:43:10 Et je crois aussi que le monde de la culture a une forme d'adjornamento à faire sur la manière avec laquelle on recrute.
00:43:15 Parce que oui, le stage est une bonne manière pour mettre le pied, puis après il y a un contrat d'alternance, puis après il y a un CDD, etc.
00:43:21 Assez souvent, en tout cas dans les maisons que je connais, c'est le cousin de la cousine, le fils d'eux, etc.
00:43:28 Sur des critères qui peuvent être bons, parfois moins.
00:43:31 Ça s'appelle un peu du népotisme ou de l'entre-soi.
00:43:33 Oui, mais c'est un peu comme sur le port de Marseille.
00:43:36 Il y a plein de comparaisons entre l'univers portuaire et l'univers de l'opéra, enfin du théâtre.
00:43:41 Donc, non, quand on envoie un CV, on a une réponse.
00:43:45 Et puis si possible, une réponse motivée.
00:43:47 Et on examine le CV selon des critères objectifs.
00:43:50 Et ça, cher Agnès, tu nous as poussé aussi à obtenir les labels de la flore.
00:43:55 Agnès Salle, qui est dans la salle.
00:43:56 Votre fonctionnaire à la diversité et qui pousse les établissements à progresser, de la traçabilité, de la non-discrimination et de l'objectivité dans le recrutement.
00:44:09 C'est le premier point.
00:44:10 Deuxièmement, sur le fait que le monde du spectacle repose, le mot n'a pas été poncé, je crois, sur l'intermittence.
00:44:18 Sans intermittence, le spectacle s'arrête.
00:44:20 Et pas que le spectacle, le visuel aussi, je crois, et plein d'autres sujets.
00:44:23 L'intermittence, elle coûte cher, tout ce qu'on veut, mais c'est un pilier fondamental de la vie culturelle de notre pays.
00:44:29 Du côté de l'employeur aussi, ce n'est pas facile, parce qu'il peut y avoir des contrats d'une demi-journée, de quelques heures, de deux jours.
00:44:36 Donc, comment on forme les salariés, comment on leur fait exercer les droits, comment on les forme aussi sur les questions de la sécurité dans le domaine du spectacle.
00:44:43 Quelqu'un qui arrive, qui signe le contrat, et qui doit être dans l'endroit formidablement dangereux que je décrivais tout à l'heure, qui est un plateau, ou des ateliers, installations classées pour la protection.
00:44:53 Comment on fait ?
00:44:54 Je n'ai pas, enfin, toute réponse doit être adaptée, mais donc c'est plan de prévention des risques, documents uniques, etc.
00:45:02 Mais c'est indispensable.
00:45:04 Et avant, je pense que ça se faisait moins, parce qu'on y arrivait toujours.
00:45:08 Il y avait peut-être moins de suivi des accidents, etc.
00:45:11 Donc, sur tous ces points, c'est absolument indispensable de continuer à progresser.
00:45:16 Oui, effectivement, Agnès Sall est dans la salle.
00:45:20 Je précise que vous êtes chargée de la diversité au ministère de la Culture.
00:45:24 Et vous avez, vous, quelques solutions à proposer pour accroître, on va dire, l'employabilité, on pourrait dire, dans le secteur de la culture.
00:45:32 Des solutions, je ne sais pas, mais en tout cas, un regard lucide sur la réalité du secteur.
00:45:37 Vous avez parlé tout à l'heure, très justement, d'une éthique de la coopération et de la construction d'un nouvel imaginaire autour de projets collectifs.
00:45:47 Il me semble indispensable que ce nouvel imaginaire soit conçu, construit, défini, porté par d'autres.
00:45:55 Par d'autres qui, à savoir, à la fois par une répartition égalitaire des responsabilités, déjà, ne serait-ce qu'entre femmes et hommes,
00:46:05 qui est un vrai sujet qui n'est pas encore tout à fait réglé dans nos environnements culturels, artistiques,
00:46:12 où certains postes sont, en effet, pourvus par des femmes, mais pas tous et souvent pas ceux qui incarnent un projet ou qui dirigent une structure.
00:46:25 Et puis, toutes les formes de diversité ne sont pas représentées encore dans notre secteur culturel et artistique.
00:46:32 On se rend bien compte que, par exemple, alors même que les études de l'INED, ainsi que les Nationales d'études démographiques,
00:46:39 nous disent que le tiers de la population française est issue directement ou indirectement de l'immigration,
00:46:46 nous ne savons pas, nous ne sommes pas sûrs du tout, que ce tiers-là soit représenté dans nos métiers de la culture et de l'art.
00:46:55 Il me semble même qu'il ne soit pas trop représenté.
00:46:59 C'est la remarque générale.
00:47:02 C'est dit alors trop souvent qu'on parle de tout à l'heure, j'en suis d'accord.
00:47:04 Exactement. Et donc, il me semble que ce partage beaucoup plus équilibré qu'il ne l'est aujourd'hui du pouvoir,
00:47:11 de la capacité à entrer dans nos structures culturelles, est une condition impérative de la construction de ces nouveaux imaginaires
00:47:20 et de cette éthique de la coopération qui ne peut pas se faire seulement au bénéfice d'une partie de notre société.
00:47:29 Je suis entièrement d'accord.
00:47:32 Je trouve que sur la parité, on a fait beaucoup d'efforts, même si moi, quand j'ai cherché le président post-honorifique de Sérimania
00:47:43 et que j'ai voulu que ce soit une femme, on m'a dit "Ah bon ? Mais t'es déjà une femme, pourquoi faudrait-il une femme comme président ?"
00:47:48 Il n'y a pas eu ça. Donc, oui, j'ai trouvé une femme, j'ai imposé une femme.
00:47:52 Mais je trouve que sur les femmes, on avance. Là, on n'avance pas du tout.
00:47:56 Et moi, je fais mon propre mea culpa, c'est sur les diversités sociales et d'origine dans notre domaine.
00:48:05 D'origine ethnique, ethnoculturelle.
00:48:07 D'origine ethnique. Je veux dire quand même que mon équipe à moi, elle est principalement et presque totalement blanche.
00:48:14 Et je dis, ça c'est pas possible. Où sont les non-blancs dans l'équipe d'organisation de Sérimania ?
00:48:21 Et donc, j'en parle avec les chefs de service, j'en parle, enfin, ils me disent "On n'a pas les CV".
00:48:26 C'est vrai, il n'y a pas les CV. Ça veut dire que nos modes de recrutement, ce n'est pas tellement de népotisme,
00:48:31 mais c'est nos modes de recrutement. Télérama, Profil Culture, etc. Je ne critique pas Télérama qui est dans le groupe, non, non, j'ai rien.
00:48:38 On les salue, merci.
00:48:40 Mais en fait, ça c'est effectivement, du coup vous vous adressez à une certaine population qui va déjà dans ce métier.
00:48:47 Parce que les petites avances passent dans Télérama.
00:48:49 Parce qu'elles passent dans Télérama et parce que tout le monde va regarder Profil Culture.
00:48:51 Dans les cités achérées, on lit peut-être moins Télérama qu'un autre jour.
00:48:54 Mais, et après, donc il faut aller plus loin. Il faut aller dans les écoles directement.
00:48:58 En disant "dans les écoles". Et les écoles nous disent "Mais nous aussi on a un problème".
00:49:02 Nous aussi, dans les filières culturelles, on a, la plupart sont des blancs, les non-blancs ne sont pas forcément là.
00:49:08 Donc à un moment, c'est cette révolution là qu'il faut faire.
00:49:11 Moi, je n'arrête pas de pousser. Et j'entends les équipes quand elles me disent "on n'a pas accès".
00:49:16 Je dis "ben il faut qu'on trouve".
00:49:17 Donc c'est cette entre-soi culturelle, effectivement, qu'il faut un peu couper.
00:49:22 Je suis plus sûre qu'on soit dans le népotisme.
00:49:24 Mais on est quand même toujours, on s'adresse toujours un peu et on forme les mêmes personnes.
00:49:28 Malika, dans le secteur privé, je crois que c'est pas très différent.
00:49:31 Ben c'est ça, c'est pas très différent.
00:49:33 Voilà, pour le coup, on a plein de choses qui nous rassemblent.
00:49:36 Non mais justement, la problématique aujourd'hui de pouvoir attirer des talents et des compétences
00:49:42 et le fait qu'on déplore l'absence de CV, m'a permis effectivement, moi, de proposer quelque chose
00:49:49 dans le cadre, là encore, de notre événement annuel, l'Assemblée Générale, en septembre.
00:49:53 C'est qu'on a fait intervenir la Fondation Mosaïque.
00:49:56 Mosaïque RH.
00:49:58 Voilà, Mosaïque RH, qui est donc plutôt...
00:50:01 Qu'est-ce que c'est Mosaïque RH ? Vous pouvez dire deux mots, peut-être ?
00:50:03 Ben en fait, ils ont Mosaïque RH, Fondation Mosaïque, ils ont différentes structures.
00:50:07 Là, c'était Mosaïque, en tout cas, porté par Saïd Amouch, qui est quand même très impliqué sur ces questions d'inclusion.
00:50:14 C'est l'idée de faire avancer la diversité.
00:50:16 Voilà, de mettre en relation des jeunes ou moins jeunes éloignés de l'emploi,
00:50:20 d'entreprises qui recherchent effectivement des profils,
00:50:23 et surtout d'accompagner l'intégration de ces profils dans les entreprises.
00:50:28 Parce que la problématique, c'est comment on fait pour aller recruter ces jeunes éloignés de l'emploi.
00:50:34 Donc on a fait intervenir des représentants de cette fondation,
00:50:37 et c'était qui tout double.
00:50:39 Je me suis dit, là, j'ai un parterre de 300 dirigeants,
00:50:41 ils vont encore me dire c'est quoi ce sujet,
00:50:43 et finalement, ça a plutôt bien matché.
00:50:46 Je ne dis pas que les 300 sont allés voir la représentante de la fondation,
00:50:50 mais en tout cas, plusieurs dirigeants d'entreprises sont allés la voir très intéressés
00:50:54 pour travailler sur des profils en fonction de postes dont ils ont besoin aujourd'hui.
00:51:00 On a aussi travaillé, parce que vous l'avez dit,
00:51:02 en fait, ce n'est pas tant le fait qu'il n'y ait pas de candidats dans nos formations,
00:51:06 c'est surtout en fait que ces jeunes s'interdisent l'accès à notre secteur.
00:51:11 Souvent parce qu'ils se disent "ce n'est pas du tout fait pour moi",
00:51:14 souvent parce qu'ils ne connaissent aussi complètement nos métiers.
00:51:17 Donc on a aussi un gros travail à faire là-dessus, de pédagogie sur les métiers ouverts dans le secteur,
00:51:21 ce qu'il est possible de faire.
00:51:23 Quand on rentre dans le secteur de la musique, que je connais bien,
00:51:26 on n'est pas simplement directeur de festival ou directeur artistique.
00:51:29 Il y a énormément de métiers très intéressants,
00:51:32 et il faut faire vivre ces entreprises et donc recruter des gens.
00:51:35 Donc moi je pense qu'aujourd'hui, c'est le bon moment, au milieu de tous les enjeux qu'on a,
00:51:40 d'affronter aussi celui-ci et d'aller travailler, aller recruter des profils différents
00:51:44 pour ensuite avoir des projets artistiques qui soient plus diversifiés.
00:51:49 Et là où je rejoins ce qu'a dit Laurence, c'est que dans nos entreprises, à quelques exceptions près,
00:51:53 on est tous très blancs, et on est tous un peu issus plutôt des mêmes univers.
00:51:58 Donc là on a un véritable enjeu, surtout que je trouve que là encore,
00:52:02 sur ce sujet-là, le secteur culturel devrait être exemplaire.
00:52:06 Je pense que nous ne le sommes pas tout à fait.
00:52:08 C'était intéressant.
00:52:09 Du coup nous on est intervenus avec une initiative, grâce d'ailleurs au secours de l'AFDAS,
00:52:15 enfin l'aide de l'AFDAS, qui s'appelle le "Tremplin".
00:52:18 C'est-à-dire qu'on a dans l'école de formation, le "Cerimonia Institute", qu'on a créé il y a deux ans,
00:52:23 et qui travaille sur les scénaristes, les producteurs internationaux,
00:52:27 on a une initiative pour les jeunes qui sont un peu sortis du système scolaire.
00:52:32 Soit qui n'ont pas le bac, il n'y a pas d'exigence d'avoir le bac,
00:52:35 soit qui ont un peu galéré dans une première année de fac, qui sont paumés, etc.
00:52:39 des Hauts-de-France, et on leur dit "vous portez aussi des histoires".
00:52:43 Parce que c'est exactement ce que vous dites, les projets artistiques,
00:52:46 et ce qu'on voit à l'écran, les séries "Encore une fois, elle regarde le monde",
00:52:50 ne peuvent pas être portées que par des scénaristes schématiquement de l'intérieur du périph'.
00:52:55 Donc du coup, on forme, pendant une année, c'est le "Tremplin", des jeunes, il y en a une vingtaine,
00:53:01 qui vont suivre des cours à la fois de scénaristes, de production,
00:53:06 au bout de quelques mois ils vont choisir une professionnalisation plus sur les métiers techniques ou les métiers artistiques,
00:53:14 mais pour avoir un renouvellement des talents.
00:53:17 Et après on va les accompagner, bien évidemment, dans la recherche d'emplois.
00:53:20 Mais ce qui l'empêche, et c'est vrai que nos entreprises culturelles,
00:53:24 qui sont plutôt des entreprises qui, là aussi, portent des valeurs, portent un projet,
00:53:30 elles ne sont pas entièrement des entreprises qui reflètent la société française.
00:53:35 Et ça c'est un problème.
00:53:37 Je suis désolée, je vais être obligée de vous laisser, comme je vous l'avais indiqué, je suis attendue.
00:53:41 On a le temps pour une dernière question.
00:53:44 Alors ça sera la dernière question, parce que le temps tourne.
00:53:47 Oui, bonjour.
00:53:50 Vous parliez de diversité, tout à l'heure, moi je dirige le Kabardoc à l'île de la Réunion.
00:53:57 Mon équipe est paritaire, entre hommes et femmes, et entre noirs et blancs.
00:54:02 Mais je voudrais faire un témoignage.
00:54:04 Moi j'ai pris la direction il y a quatre ans du Kabardoc,
00:54:06 et la première chose que j'ai faite quand j'ai su que j'allais avoir le poste,
00:54:10 c'est de me former en management.
00:54:12 Et depuis que j'ai entamé ma vie au Kabardoc,
00:54:15 je trouve que le management me prend de plus en plus de temps,
00:54:19 justement par rapport à tous ces nouveaux enjeux.
00:54:22 Je dirige en ayant pour fil conducteur la responsabilité sociétale des entreprises,
00:54:31 et je trouve que finalement aujourd'hui, on se retrouve dans un moment
00:54:37 où tout devient très très complexe,
00:54:39 parce qu'en fait on a l'impression que tous les enjeux se superposent en mille feuilles.
00:54:43 Donc il y a des problèmes au niveau du management,
00:54:45 il y a la transition écologique, il y a un problème de sens dans nos métiers.
00:54:51 Là je suis traversée par beaucoup de choses en vous écoutant,
00:54:55 parce que je ne vois pas trop par quel fil prendre tout ça.
00:55:00 Et je sens bien qu'il y a humainement quelque chose qui est en train de se jouer
00:55:04 au sein de nos équipes, avec les artistes, avec les techniciens.
00:55:08 Et c'est vraiment complexe, j'ai hâte qu'on ait atteint l'autre berge de la rivière.
00:55:14 Je ne sais pas si on répondra à vos questions,
00:55:18 mais en tout cas Jean-Philippe et Pascal, peut-être Pascal un mot préalable ?
00:55:22 Je trouve beaucoup d'écho à ce que vous dites partout,
00:55:26 d'une part dans la formation des programmes exécutifs à l'université,
00:55:31 et puis dans tous les projets de recherche qu'on conduit.
00:55:34 C'est à dire qu'on voit bien qu'on est arrivé au bout de modèles de développement,
00:55:40 modèles de management, modèles économiques, modèles sociaux,
00:55:45 modèles de diversité ou d'absence de diversité en l'occurrence.
00:55:50 Et qu'aujourd'hui ces questions se superposent,
00:55:55 et symbolisent un peu parfois dans les organisations.
00:55:58 Et c'est ce que j'essayais d'évoquer tout à l'heure en mettant en introduction
00:56:01 cette idée de la sociétalisation des organisations.
00:56:04 C'est à dire qu'elles sont appelées désormais à rentrer dans un nouveau régime de performance.
00:56:08 Et tant qu'on n'a pas trouvé cela, tant qu'on n'a pas trouvé,
00:56:12 parce que l'idée ce n'est pas juste de recruter des gens qui seraient différents,
00:56:16 parce que venant de l'autre côté du périphérique pour reprendre l'expression,
00:56:22 l'idée c'est d'avoir des capacités collectives, productives,
00:56:26 en lien avec ces nouveaux collectifs de travail.
00:56:29 Et ça effectivement aujourd'hui, on voit bien dans des fonctions de direction,
00:56:33 dans des fonctions de prévision, dans des fonctions de etc.
00:56:36 C'est un inconnu pour beaucoup de gens qui disent en fait,
00:56:40 avant on disait on est dans des environnements incertains et volatils,
00:56:44 aujourd'hui tout le monde reconnaît qu'on est dans des environnements
00:56:48 où ce qu'on affronte demain c'est l'inconnu.
00:56:52 Les questions de sécurité dans les festivals, bien ce qui se passe, c'est épouvantable,
00:56:56 les questions qui vont se poser et qui encore une fois introduisent beaucoup de chaos,
00:57:00 parce que nos sociétés sont en difficulté, les dirigeants aussi.
00:57:03 Et donc quand c'est l'inconnu, il n'y a pas d'autre moyen que d'agir,
00:57:07 parce que sinon on ne connait pas.
00:57:09 Donc il faut expérimenter, expérimenter des choses nouvelles,
00:57:13 expérimenter des choses... le modèle d'action robuste qu'on enseigne,
00:57:18 qui est la réponse à la complexité, c'est trois choses.
00:57:21 C'est d'une part une architecture participative, on ne peut pas faire tout seul,
00:57:25 le manager n'est pas un surhomme, il n'a pas de baguette magique, etc.
00:57:28 C'est des dispositifs participatifs qui vont permettre de faire quelque chose.
00:57:32 La deuxième dimension, c'est que c'est des expérimentations,
00:57:35 on ne peut pas tout changer d'un seul coup, il faut changer des choses locales,
00:57:38 des choses sur lesquelles on a la main, qui ne sont pas trop compliquées,
00:57:41 sinon c'est impossible, on s'épuise à courir après,
00:57:44 des trucs où on tire sur un fil, ça emmène de l'autre côté.
00:57:47 Et puis enfin la troisième chose, c'est ce qu'on appelle la multivocité.
00:57:51 En fait l'idée c'est qu'il y a des voies qui ne sont pas d'accord entre elles,
00:57:55 et que dans l'entreprise, dans l'entreprise et ses partenaires,
00:57:58 dans l'entreprise et ses financeurs, dans l'entreprise et son public, que sais-je,
00:58:01 et que ce n'est pas grave, il ne faut pas attendre de mettre tout le monde d'accord
00:58:05 dans des environnements dans lesquels on se développe,
00:58:08 d'où l'importance d'avoir un imaginaire aussi,
00:58:11 c'est une boussole pour pouvoir aller là-dessus.
00:58:14 Mais quand on a ces trois choses, et d'où l'intérêt de l'éthique,
00:58:17 de la coopération, de cette compétence dialogique,
00:58:20 parce qu'évidemment s'il y a des voies différentes,
00:58:23 il faut qu'elles puissent se parler.
00:58:26 On dit toujours qu'il faut libérer la parole, mais s'il n'y a personne qui écoute,
00:58:29 il ne se passera rien.
00:58:32 Il me semble qu'il y a un horizon,
00:58:35 c'est très évocateur ce que vous racontez.
00:58:38 Je reconnais la solitude du patron ou de la patronne,
00:58:41 du reste je garde un super souvenir de notre rencontre à la Réunion,
00:58:44 vous avez un lieu magnifique avec une équipe géniale,
00:58:47 mais je reconnais la solitude du patron ou de la patronne de lieu de spectacle.
00:58:50 Je crois qu'une première manière de répondre,
00:58:53 c'est d'avoir un peu de profondeur historique,
00:58:56 je pense que ça a toujours été très difficile.
00:58:59 Et peut-être que ça l'est de plus en plus, peut-être pas,
00:59:02 mais dans le spectacle vivant au XIXe siècle,
00:59:05 on finissait en prison, on finissait ruiné, on finissait exilé,
00:59:08 on finissait suicidé.
00:59:11 Donc c'est plutôt mieux quand même de diriger un théâtre aujourd'hui,
00:59:14 notamment s'il est subventionné.
00:59:17 On espère que ça va vous remonter le moral.
00:59:20 Non, non, mais vraiment, vraiment, ça a toujours été une des entreprises difficiles,
00:59:23 et si on ne veut pas faire ça, on va faire autre chose de plus facile.
00:59:26 Bon, premier point.
00:59:29 Je pense que ça aide.
00:59:32 Deuxièmement, la vraie question pour le secteur public,
00:59:35 qu'il soit local ou national, c'est que veut le donneur d'ordre ?
00:59:38 Est-ce qu'on veut de la musique dans notre pays ?
00:59:41 Est-ce qu'on veut de la diversité, d'avoir des festivals un peu partout,
00:59:44 avec des injonctions contradictoires, la dette publique, le bilan carbone ?
00:59:47 Et donc à la fin, c'est quand même l'impôt.
00:59:50 Qu'est-ce qu'on veut pour la musique dans notre pays ?
00:59:53 C'est pas moi qui ai la réponse, même au CNM, on la parle.
00:59:56 On a des règles aux élections, locales, nationales, européennes, pas trop,
00:59:59 mais il faut voter quand même.
01:00:02 Et ça, c'est un vrai sujet, parce que ça peut changer.
01:00:05 Regardez ce qui se passe avec l'extrême droite en Italie.
01:00:08 Et dernière question, dernier sujet,
01:00:11 il y a des éléments d'optimisme qu'il faut avoir.
01:00:14 Et ça, je vous fais un teasing, comme ça on conclut.
01:00:17 Enfin, on ne conclut pas, c'est vous qui menez, mais demain matin,
01:00:20 on rend public un baromètre, qui est le premier baromètre des Françaises et des Français
01:00:23 qui sont en train de se faire faire, et qui est le premier baromètre
01:00:26 de la France, qui est le premier baromètre de la France.
01:00:29 Et ce qu'on voit, musique enregistrée, live, etc.
01:00:32 Et on voit que notamment pour les plus jeunes,
01:00:35 il y a une impétence pour le spectacle vivant.
01:00:38 On aurait bien aimé le savoir il y a 18 mois, 24 mois, quand vous allez dire
01:00:41 "Mais mon Dieu, est-ce qu'ils vont revenir ? Parce qu'il y a des écrans, parce que c'est cher, etc."
01:00:44 Et ça, ce sondage, Ipsos 4000 répondants
01:00:47 qu'on a construit avec eux pendant un an,
01:00:50 ça, c'est un délire, parce que vous avez fait une bonne programmation,
01:00:53 c'est quand même un moteur extraordinaire.
01:00:56 Et donc, ça va nous pousser à continuer. En tout cas, tenez bon.
01:00:59 Tenez bon, c'est sûr, c'est bon. Nous allons faire des mots.
01:01:02 Thierry, tu veux ajouter un mot ?
01:01:05 Oui, juste pour Madame, moi aussi j'ai visité votre lieu,
01:01:08 mais il y a plein de temps de la réunion.
01:01:11 Il y a des leviers aussi, ils ne sont pas que des leviers théoriques.
01:01:14 Tout à l'heure, Laurence a parlé de
01:01:17 comment on peut accompagner certains projets.
01:01:20 Je crois qu'on est aussi aujourd'hui dans une logique entrepreneuriale
01:01:23 qu'il faut accompagner.
01:01:26 Le développement, par exemple, de l'alternance dans notre secteur,
01:01:30 je pense que personne n'y aurait cru il y a 5-6 ans.
01:01:33 On disait "mais non, les écoles ne sont pas prêtes,
01:01:36 faire de l'alternance dans les économies de projets, ce n'est pas possible."
01:01:39 Et puis, on a inventé des groupements d'entreprise, des GEC,
01:01:42 des groupements d'entreprise et d'insertion par la qualification.
01:01:45 Il se passe en ce moment assez de choses
01:01:48 qui vont constituer pas que des dispositifs de financement,
01:01:51 qui vont constituer aussi de formidables médiations,
01:01:54 par exemple sur la problématique du management intergénérationnel.
01:01:57 De se dire que dans nos secteurs,
01:02:00 on parle de l'art, on n'est quand même pas si éloigné de l'artisanat,
01:02:03 comment on réhabilite le compagnonnage dans nos secteurs ?
01:02:07 On a des personnes, Malika est partie,
01:02:10 mais j'ai été intervenue à la GEDU Products, les gens disaient "mais moi,
01:02:13 je suis un technicien, qui sait faire plein de trucs, qui sont en train de vieillir,
01:02:16 qu'est-ce que je fais ? Peut-être que je peux les transmettre."
01:02:19 Notamment transmettre à des gens qui viennent d'autres horizons.
01:02:22 Avec une réserve, parce qu'on se l'a abordé ensemble,
01:02:25 pardon Julie, je te pique ton idée, mais je te la rends,
01:02:28 tu as vu, je te cite, on n'est pas sur ChallengeGPT.
01:02:31 Julie a raison, on a quand même un petit problème,
01:02:34 c'est que pour attirer des populations
01:02:37 dits "issues de la diversité", il va falloir qu'on invente
01:02:40 une forme de sécurisation du parcours, parce que les familles
01:02:43 qui peuvent supporter aujourd'hui d'envoyer leurs enfants
01:02:46 dans nos secteurs, ce sont aussi des familles
01:02:49 qui financièrement ont une assiette qui les permet de le faire.
01:02:52 Et je pense que là, on va avoir un vrai problème
01:02:55 assez vite, c'est qu'une fois qu'on aura créé
01:02:58 l'appel d'air et l'appétence pour venir travailler dans nos secteurs,
01:03:01 comment on sécurise les parcours de ces gens chez nous ?
01:03:04 Et comment on convainc les familles de se dire
01:03:07 "ah, je parlais avec la ministre hier soir
01:03:10 qui disait que 80% des gens qui font un CAP électricien
01:03:13 abandonnent leur CAP".
01:03:16 Moi, bêtement, je lui dis "c'est con, parce que moi j'ai rencontré
01:03:19 le directeur adjoint de l'Opéra de Paris qui m'a dit qu'il cherchait
01:03:22 des électriciens". Mais ils n'y vont pas,
01:03:25 mais ils n'y vont pas aussi parce qu'ils savent que la forme de précarité
01:03:28 qu'ils ont en termes de représentation de notre secteur,
01:03:31 elle risque d'angoisser l'entourage familial du jeune
01:03:34 qui décide d'aller sur ce terrain-là.
01:03:37 Donc il va falloir qu'on invente aussi, on parlait tout à l'heure
01:03:40 de promesses employeurs, il va falloir aussi qu'on invente un récit
01:03:43 à faire à ces personnes qui ne soient pas celui de dire
01:03:46 "venez travailler pour pas cher, dans des conditions compliquées,
01:03:49 le week-end et sans télétravail".
01:03:52 Un récit et une vraie promesse, surtout, je pense.
01:03:55 Ça ne peut pas être qu'un récit de l'imaginaire.
01:03:58 Voilà, la promesse devrait être tenue.
01:04:01 Merci d'avoir été là.
01:04:04 Et puis merci, merci, merci Omaman de nous avoir accueillis.
01:04:10 Voilà. Et merci à l'AFDAS d'être partenaire de ces belles conférences.
01:04:13 de ces belles conférences.

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