Dans ce livre, on s'aperçoit que, de temps en temps, dans les romans, le personnage principal n'est pas forcément une personne, mais un lieu. Ici, c'est un café de Vienne qui tient la première place. Un endroit que fait vivre Robert Seethaler, remettant en scène sa ville natale.
Retrouvez toutes les chroniques de Clara Dupont-Monod dans « Le grand dimanche soir » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-clara-dupont-monod
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AmusantTranscription
00:00 Depuis tant qu'on est comme Refuge les livres, il reste toujours de l'espoir.
00:03 Avec Clara Dupont-Monnaud, depuis au moins 10 ans, on construit des remparts de livres.
00:08 Vraiment, voici une recommandation de plus à ajouter à la longue liste de vos conseils littéraires, ma chère Clara.
00:16 Oui, surtout qu'on est dimanche en plus, Charline.
00:18 Donc qu'est-ce qu'un bon dimanche sans un bon roman ?
00:20 C'est un dimanche tiède.
00:22 Et on n'est pas comme ça, nous.
00:24 C'est pour ça que je vous ai amené le...
00:26 C'est clair.
00:28 Qu'est-ce qu'il y a ?
00:30 Mais non, mais on vous écoute, Clara.
00:32 Le Café sans Nom de Robert Zettler.
00:34 Allez, vas-y, Clara.
00:36 Dans ce livre, on s'aperçoit que, ça arrive de temps en temps, mais Juliette confirmera,
00:42 de temps en temps dans les romans, on s'aperçoit que le personnage principal, c'est pas forcément une personne,
00:47 mais ça peut être un lieu.
00:49 C'est-à-dire que l'endroit où se déroule l'histoire, il a tellement d'importance que c'est lui, en fait, le centre du livre.
00:56 Alors, ça peut être une rue, un château, ça peut être une chambre, Emeric, ça peut être un bord de mer.
01:02 Dans ce roman, c'est le café qui tient la première place, un café à Vienne, dans les années 50.
01:09 Au départ, ce café, il est un peu comme nous le dimanche matin, c'est-à-dire qu'il n'a pas très bonne mine,
01:15 il est un peu défraîchi.
01:17 Et ce que j'adore dans ce livre, c'est que pour décrire la décrépitude, l'auteur écrit, je cite,
01:23 "À certains endroits, le papier peint se gondolait. On aurait dit que les murs avaient des visages.
01:29 Ils ont besoin d'air, se dit Simon."
01:32 Et donc, vous entendez que déjà le café, il est humanisé, on parle de visage, on parle de besoin d'air.
01:38 Et celui qui comprend ça quasiment immédiatement, c'est ce fameux Simon qui rachète le café.
01:44 Il le retape, il le repeint, il le nettoie avec le soin d'une mère.
01:49 Et en effet, ce café est presque comme son enfant.
01:53 Simon n'a ni famille, ni fortune, il a juste une envie qui, à un moment, a rencontré un lieu.
02:00 Et en fait, c'est ça, la grande histoire entre les lieux et les hommes, c'est une histoire de rencontres.
02:07 Et sans doute que ça nous est tous arrivé, c'est que, par exemple, on a besoin de repos,
02:12 et puis on tombe sur un paysage qui apaise.
02:15 On a envie de changer de vie, et notre route croise celle d'une maison, et à ce moment-là, tout devient possible.
02:22 En ancien français, le mot "endroit" n'était pas un nom commun comme aujourd'hui, c'était un adverbe.
02:27 Et il signifiait exactement.
02:29 Eh bien, c'est ça, un endroit exactement fait pour vous et qui vous donne une place.
02:36 Et quand le matin éclaire la ville de Vienne, que Simon attend ses premiers clients,
02:41 il s'assied, il regarde, et il est à sa place.
02:45 Bientôt arrivent les clients, et Simon écoutera des vies, il va servir de l'alcool toute la journée, beaucoup,
02:52 et une seule journée vaudra toutes les études sur la société viennoise de l'après-guerre.
02:58 Et d'ailleurs, dans ce roman, il y a des pages magnifiques qui sont uniquement des phrases entendues dans le café.
03:05 Par exemple, Simon entend...
03:08 J'ai toujours eu envie d'une maison au bord de l'eau.
03:11 À l'époque, je ne l'écoutais pas. J'étais assez bête pour être heureuse.
03:14 Ça ne veut rien dire, un Viennois sur deux est nazi. Où seraient-ils tous passés, sinon ?
03:19 Apportez-moi un quart de rouge, ça fait de jolis reflets au soleil.
03:23 Et vous voyez, cette dernière phrase nous rappelle qu'il n'y a qu'une lettre de différence, finalement, entre "lieu" et "cieux".
03:29 Je vous redonne les références.
03:31 - Bonjour. - Bonjour.
03:32 - Moi aussi, j'ai déjeuné avec Fromet. - Ça bosse, ça bosse.
03:34 Madame écrit des livres.
03:36 Et déjeuner avec Fromet.
03:38 Le café sans nom de Robert Zettler est paru chez Sabine Vespizeur.
03:42 Merci beaucoup, Clara Dutounianou.
03:46 (Applaudissements)