Cyril Saugrain, le consultant cyclisme de la RTBF au micro de Cyclism'Actu. Cycliste professionnel à la fin des années 1990 et début des années 2000, aujourd'hui consultant émérite pour nos confrères et amis de la télévision belge, la RTBF, aux côtés du "fameux" Rodrigo Beenkens... Cyril Saugrain, c'est en fait le plus Belge des Français. En cette fin de saison 2023, Cyclism'Actu a voulu savoir l'avis Saugrain mais surtout son bilan sur cette année vélo 2023 de folie. De la non-fusion Jumbo-Visma / Soudal Quick-Step, aux déceptions mais aussi ses coups de coeur concernant les Français et Belges, Remco Evenepoel, Wout Van Aert, Christophe Laporte... Cyril Saugrain, vainqueur d'étape sur le Tour de France 1996 pour ceux qui l'auriet oublié, n'a éludé aucun sujet au micro de Cyclism'Actu. Rencontre à retrouver en intégralié dans la vidéo.
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00:00 Bonjour Cyril, tu es un peu le plus bel jeu des français.
00:12 On te retrouve notamment en tant que consultant pour la RTBF.
00:18 [Musique]
00:34 Avant de nous faire un peu le bilan de cette saison, est-ce que tu peux nous dire si en Belgique,
00:40 vous avez vraiment eu peur que cette fusion entre Jumbo et Sudal Quickstep se fasse
00:46 et que la Quickstep, l'équipe belge de référence, fusionne voire disparaît ?
00:54 Forcément, je pense qu'il y avait de l'inquiétude, plus de l'étonnement,
01:00 parce que cette fusion ne faisait vraiment pas de sens sportivement.
01:05 Elle n'avait ni queue ni tête. Elle n'avait peut-être que de la légitimité
01:10 pour des raisons économiques potentielles.
01:13 Si on estime que l'une des deux équipes avait un problème.
01:17 Mais est-ce que ça a généré de l'inquiétude ?
01:20 Je n'ai pas eu les échos de tout le monde.
01:23 En tous les cas, ça a suscité de l'interrogation, ça a fait le buzz.
01:27 C'est aussi la force des réseaux sociaux maintenant, de la communication.
01:30 Les choses vont tellement vite, tout le monde s'en empare.
01:33 On entend aussi beaucoup de choses.
01:36 On écrit des lignes et on commence à se poser des questions
01:41 sur des choses qui ne sont peut-être que des bruits.
01:44 Des petits bruits qui sont arrivés par un tel ou par un tel.
01:47 De l'inquiétude, je n'aurais pas dit de l'inquiétude,
01:50 mais ça aurait été une grande surprise de voir disparaître en tous les cas
01:53 cette équipe Quick-Step au profit d'une fusion avec une des meilleures,
01:57 si ce n'est la meilleure équipe du monde.
02:00 C'est assez surprenant sportivement que ceci puisse voir le jour.
02:04 Est-ce que tu penses que ça va changer quelque chose au niveau du futur
02:09 de ces équipes-là ou ça va reprendre comme avant au final ?
02:14 J'ai plutôt la sensation que les choses vont reprendre leur cours.
02:18 Ce qui est chamboulant en tous les cas, c'est qu'on a vu arriver cet écho,
02:27 cette chose arriver un petit peu comme ça, sortir de nulle part.
02:30 Il y a eu des projets de fusion pendant un moment avec Ideos,
02:34 puis après encore avec une autre équipe, et puis au dernier moment,
02:37 c'est une fusion avec la Jumbo.
02:40 Ce qu'il faut préserver, c'est le projet sportif.
02:42 C'est d'ailleurs souvent ce qui doit prévoir sur la création d'une nouvelle équipe.
02:47 On monte un projet avec des coureurs et avec des sponsors,
02:53 avec un projet plutôt long terme.
02:55 Et là, on avait cette sensation que deux entités qui n'avaient peut-être
02:58 même pas les mêmes ambitions sportives il y a encore deux ans,
03:01 qui fusionneraient pour ne faire qu'une équipe,
03:06 après quid de ce qu'il restait sur le carreau ?
03:09 Un, potentiellement les coureurs, et une licence World Tour
03:12 qui serait devenue quoi, on ne sait quoi, comment ?
03:15 Donc ça, ça restait quand même de grandes, grandes interrogations.
03:19 Est-ce que ça dit quelque chose quand même sur la santé au niveau économique du cyclisme
03:25 où il y a deux des plus grandes équipes qui ont le plus grand nombre de succès
03:28 sur ces dernières années, qui viendraient même à fusionner ?
03:32 Qu'est-ce que ça nous apprend un peu sur le côté économique de la chose ?
03:37 C'est assez spécial quand même.
03:39 Oui, c'est vrai.
03:40 Quand on le regarde un petit peu sous cet angle-là,
03:42 ça peut poser des questions sur la situation économique,
03:46 la bonne santé des équipes.
03:49 On savait quand même depuis un petit moment que chez Jumbo,
03:52 il y avait un des deux gros sponsors qui devait se retirer en fin d'année.
03:56 Donc on imagine qu'ils ont cherché des partenaires, qu'ils en ont.
04:00 Ça donne aussi, et si j'en crois ce que j'avais pu lire,
04:04 c'est qu'il y avait, si cette fusion avait lieu,
04:07 il y avait de super gros partenaires qui étaient prêts à venir s'ajouter à ce projet.
04:13 Donc, je n'ai pas trop de crainte en tous les cas
04:16 pour la bonne santé économique de ces plus grosses équipes.
04:20 Il ne faudrait pas non plus arriver à faire n'importe quoi
04:24 parce que c'est vrai que là, potentiellement,
04:26 on fait disparaître une des plus grosses équipes mondiales pour en faire fusionner deux.
04:29 C'est assez dingue quand on y réfléchit ce qui s'est à un moment passé
04:34 et qui n'avait, comme je l'ai dit tout à l'heure, pas de sens sportivement en tout cas.
04:39 Sans parler de…
04:41 Certains évoquent depuis quelques années un cyclisme à deux vitesses.
04:45 On a l'impression quand même qu'il y a trois, quatre équipes
04:48 qui surdominent, que ce soit au niveau sportif, au niveau économique,
04:53 au niveau aussi sur le marché des transferts,
04:55 qu'on voit actuellement les gros coureurs ne vont que dans ces équipes-là.
04:59 Et ça ne laisse rien aux autres.
05:01 Est-ce qu'on se dirige vraiment vers ce cyclisme
05:03 où il y a des super teams et les autres équipes
05:06 qui essayent de se débrouiller comme ils peuvent ?
05:08 Oui, alors là, c'est clairement le danger.
05:10 C'est ce qu'on peut en tous les cas craindre.
05:13 Ça fait quand même quelques années qu'on se dit que le cyclisme se rapproche un petit peu…
05:17 Quand on parle de matériel, c'est de plus en plus de la F1.
05:19 C'est-à-dire qu'il faut du matériel hyper pointu, il faut de la technologie.
05:23 Il y a cette notion de data qui est quand même arrivée.
05:25 Donc, il faut les meilleurs entraîneurs.
05:28 Je vais dire que la science de la course,
05:31 elle a un petit peu de moins en moins de notions d'exister dans les courses.
05:37 Il suffit d'avoir quand même les grosses équipes.
05:39 Alors moi, j'en appelle surtout aux coureurs.
05:42 C'est quand je vois que tous les plus grands coureurs
05:44 vont presque tous dans les mêmes équipes.
05:46 Soit ils ont oublié leur palmarès individuel pour se dire,
05:49 ce n'est pas grave, je vais quand même être dans la meilleure équipe.
05:51 C'est comme là que je vais pouvoir m'épanouir le mieux,
05:54 même si je ne gagne pas les plus grandes courses,
05:56 parce que finalement, je me retrouve dans l'équipe d'un Jonas Vingegaard.
06:00 Je ne sais pas, un coureur qui a l'ambition de gagner un grand tour.
06:03 Soit il est tout jeune, il se retrouve dans cette équipe-là
06:05 et il se dit, j'ai deux ans pour apprendre et puis j'en pars.
06:09 Soit on a déjà un coureur d'expérience
06:11 et potentiellement, je trouve que le choix de Roglic
06:15 de rejoindre la Bora est un choix qui fait du bien au vélo finalement,
06:19 parce qu'on ne met pas tous les œufs dans le même panier,
06:22 on ne met pas tous les mêmes coureurs dans la même équipe.
06:24 Des fois, c'est ce que je trouve regrettable,
06:26 c'est le choix de certains coureurs qui sont des coureurs talentueux
06:29 d'aller dans la plus grosse équipe,
06:30 mais où il y a déjà presque les plus gros coureurs,
06:33 alors que ce sont des coureurs qui pourraient potentiellement
06:35 aller s'épanouir ailleurs.
06:37 Malgré tout, il y a l'attrait de ce qu'on appelle la technologie,
06:40 le meilleur vélo, les meilleurs encadrants,
06:43 un management certainement aussi beaucoup plus performant.
06:46 Il y a des équipes qui, à mon avis, pêchent quand même un petit peu
06:49 sur le management, la façon dont on peut arriver à gérer les égaux,
06:53 à gérer la carrière d'un coureur.
06:56 Donc, c'est vrai que ce serait dangereux d'avoir que les gros coureurs
07:00 dans les mêmes équipes, mais on sent qu'avec les moyens financiers
07:04 qu'ont certaines équipes, ils font venir avec l'argent
07:07 les plus gros coureurs qui, des fois, peuvent minimiser
07:12 l'intérêt sportif de construire un palmarès en étant adversaire
07:16 de celui qui potentiellement reste le plus fort pour le moment.
07:19 Donc, il faut faire attention. Après, une carrière de coureur cycliste,
07:22 ça ne dure pas non plus 20 ans pour tous.
07:24 Donc, il y en a qui vont, je ne vais pas dire à l'appât du gain,
07:27 mais qui disent « Ok, je peux encore faire une très, très belle carrière.
07:30 Je connais mes limites et je ne vais peut-être pas gagner de grands tours.
07:33 Je serai peut-être dans les dix premiers.
07:35 J'ai peut-être plus intérêt à être équipier d'un mec qui va gagner
07:37 des grands tours tous les ans plutôt que d'essayer de le gagner un jour
07:40 et de le faire quand même cinquième ou sixième en ayant la charge
07:43 et la responsabilité du rôle de leader. »
07:45 Chacun voit midi à sa porte. Nous, on voit ça de l'extérieur.
07:49 Et c'est vrai que moi, de l'extérieur, je trouve ça un petit peu dommageable
07:52 de voir des coureurs de grande qualité qui n'ont qu'une seule ambition,
07:56 c'est d'aller dans la grande équipe où il y a déjà des grands leaders.
07:59 Pour revenir maintenant un peu sur le côté simplement sportif
08:04 de cette saison 2023, quel bilan on peut tirer général ?
08:09 Sur un bilan de cette saison 2023, quels sont les deux ou trois points
08:14 à retenir si vous en avez deux ou trois ?
08:17 Moi, si je mettais un petit point, je dirais chapeau à la Jumbo,
08:22 mais elle n'a pas concrétisé là où on l'attendait.
08:26 C'est-à-dire qu'elle a dominé une bonne partie des classiques flandriennes,
08:30 en l'occurrence en en gagnant, je crois que c'est les cinq sur quatre.
08:33 Ils ont quasiment tout dominé. Van Aert a été quasiment sur tous les podiums,
08:38 mais ils n'ont pas gagné celles qu'ils voulaient gagner,
08:40 soit les Flandres, soit Roubaix.
08:41 Ils ont été dominés par Pogacar, Mathieu Van Der Poel,
08:45 donc deux autres équipes.
08:46 En revanche, c'était Kim Jumbo qui a dominé les grands tours.
08:50 Je m'étais noté trois petites choses.
08:53 Je trouve que le grand tour qu'ils ont dominé de la tête et des épaules,
09:03 pour moi, la Vuelta, c'est clair.
09:07 Le tour, ils l'ont gagné avec un homme qui était beaucoup plus fort.
09:10 Ils ont quand même plutôt bien géré.
09:12 Ce Giro a été un Giro qui nous a réservé de bien belles surprises jusqu'à la fin,
09:17 puisque tout s'est réglé dans le dernier tour.
09:19 Mais cette équipe a maîtrisé la tête et les épaules des grands tours.
09:23 Elle a, je vais dire, entre guillemets, échoué là où elle aurait aussi bien aimé briller,
09:28 via Van Aert, sur les classiques.
09:33 C'est le point que je retiens le plus fort.
09:35 Quand on va un peu plus loin, on a un Pogacar qui a démontré tout son talent.
09:43 Du premier jour de l'année au dernier jour de l'année,
09:46 c'est l'homme qui est là sur tous les terrains.
09:49 Quel bonheur !
09:51 Je ne veux pas diminuer la multitude de qualités d'un Van Aert,
09:57 mais un Pogacar, c'est juste phénoménal.
09:59 Il est capable d'être plus fort qu'un Van Aert sur un Tour des Flandres.
10:02 Il ne l'a pas vu sur un Paris-Roubaix, mais le jour où il décide d'y aller,
10:05 il sera là pour la gagne.
10:06 Il est là sur les courses de début de saison.
10:09 Il est là sur les grands tours.
10:11 Il remet encore le pied à l'étrier au championnat du monde et à la Lombardie.
10:15 Le mec, c'est le vélo à l'ancienne comme on aime, un cyclisme offensif.
10:22 Il ne se prend pas la tête.
10:24 On sent le plaisir de faire du vélo.
10:26 On dirait faire du vélo avec les jambes de Pogacar,
10:29 mais Pogacar, ça doit être sympa.
10:32 Ça va être plaisant tous les jours.
10:34 C'est clair.
10:35 C'est un peu le débat du moment, notamment sur les réseaux sociaux.
10:38 On voit beaucoup passer ça.
10:40 Qui est ton coureur de la saison ?
10:42 On a fait une petite présélection.
10:44 Il y a quatre noms qui sont souvent évoqués.
10:48 Van Der Poel qui a gagné sans Rémy, Roubaix et les Mondiaux.
10:53 Pogacar qui fait deuxième du tour, podium des Mondiaux,
10:56 Lombardie et le Tour des Flandres.
10:59 Roglic qui gagne presque toutes les courses à laquelle il a participé dans le Giro.
11:03 Et Vingegaard qui gagne le tour, Dauphiné, Pays Basque et deuxième de la Vuelta.
11:09 Ton choix ?
11:12 Comme je l'ai expliqué avant, mon choix, il se retourne vers Pogacar.
11:17 Dès le début de saison, présent sur des courses qu'il découvre encore.
11:23 Il est encore tout jeune sur les classiques.
11:25 L'année dernière, j'ai admiré son analyse.
11:29 Il voulait gagner le Tour des Flandres l'année dernière.
11:32 Il a bien compris que s'il ne lâchait pas ses adversaires,
11:36 en l'occurrence Van Aert mais surtout Van Der Poel dans les monts,
11:41 au sprint, il avait quand même des chances d'être battu.
11:43 Il était dans une sorte de prise au piège.
11:47 Il a écrit sa tactique.
11:49 Il a dit, je vais rendre la course la plus dure.
11:51 Chaque fois qu'on est arrivé dans un mont, il en a mis une et il en a mis une.
11:55 Il les a usés un à un et c'était sa seule solution presque de gagner.
11:59 Donc le mec, il analyse les petites erreurs qu'il a pu faire l'année d'avant
12:04 pour en faire une force et puis faire la course qu'on n'a pas vue depuis des années.
12:09 Il y a certes un moment le travail de l'équipe,
12:11 mais à lui, il a usé ses adversaires dans chacun des talus, dans chacun des monts.
12:15 Il a été présent, il aura mis la pression et du pied jusqu'en haut.
12:19 Parce que qu'est-ce qui fait sauter Van Der Poel ?
12:21 C'est vrai parce qu'il attaque dans le pied.
12:23 Il a déjà attaqué plusieurs fois, mais il attaque aussi à un moment ou un autre
12:27 dans le pied du vieux Coirement et il fait tout le vieux Coirement et c'est long.
12:31 C'est là qu'il est le plus fort.
12:32 S'il avait essayé de faire sauter Van Der Poel que sur une attaque de 300-400 mètres,
12:37 c'est très bien qu'il ait plus ou moins moins fort que Van Der Poel sur ce sujet-là.
12:41 Donc il a été sur son terrain.
12:43 C'est-à-dire des efforts de plus de 5-4-5 minutes et c'est là qu'il excelle.
12:47 Donc moi je dis chapeau.
12:49 Puis après, pas de bol parce que chute à Liège-Bastogne-Liège.
12:53 Il aurait probablement été devant et on aurait probablement eu un bon duel
12:56 parce que ce jour-là, sans le jeu de mots, un beau duel, c'est mieux qu'un bon duel
13:01 avec Evenepoel parce qu'on avait quand même du grand Evenepoel ce jour-là.
13:06 Donc c'est ce qu'on peut regretter.
13:07 Et puis ça l'a probablement en tous les cas un petit peu mis en retard
13:12 dans sa préparation sur le Tour de France.
13:15 Même si je n'ai pas la sensation que ça a eu un gros impact,
13:19 j'ai plutôt la sensation qu'il a voulu essayer de tuer le Tour
13:23 quand Vingegaard était un petit peu moins bien au début du Tour.
13:26 Et en fait, il s'est un peu brûlé les ailes et il a eu un petit coup de moins bien
13:30 quand les Jumbo avaient tout planifié pour arriver au top du top sur le chrono
13:35 et puis en méga-forme sur la grosse étape de montagne.
13:39 Donc voilà, c'est quand même l'homme qui a été là tout le temps,
13:42 aux avant-postes, avec des prises d'initiatives.
13:46 Comme tu l'as dit, il revient et au Championnat du Monde, il est encore là.
13:49 Le mec, tu ne l'arrêtes jamais.
13:51 Il revient à la Lombardie.
13:53 Chapeau, je dis que c'est pour moi l'homme de l'année,
13:55 même si dans les quatre noms que tu as évoqués, on a quand même des super champions
14:00 et on a cette chance de vivre une génération de talentueux,
14:04 de coureurs qui ne sont pas là pour cadenasser les courses,
14:06 mais qui sont là aussi pour les dynamiser,
14:08 ce qui nous fait vivre en tant que consultant des courses énormes.
14:11 C'est clair qu'en tant que spectateur, je pense que tout le monde prend du plaisir.
14:18 Si on devait rester sur le côté franco-belge,
14:23 est-ce que tu aurais une déception et une bonne surprise sur cette saison français et belge ?
14:30 Ma déception française, c'est Benoît Kosnefroy.
14:37 J'en attends tellement de se croire.
14:39 Il est talentueux au possible, preuve en est,
14:41 quand il a gagné au Canada, il gagne devant les meilleurs avec un talent inouï.
14:47 Et puis, il a malheureusement des traits bas où il ne marche pas bien
14:52 et des traits hauts où il marche super fort.
14:55 J'aimerais bien voir ce coureur plus dans la régularité, au top niveau,
15:00 parce que c'est clair qu'il a les qualités.
15:02 Quand on voit qu'il se fait battre à la photo finish par Ketkovski,
15:07 c'était sur l'Amstel il y a deux ans.
15:10 C'est sûr que ce coureur-là, il mérite encore plus.
15:13 Je pense que c'est un coureur consciencieux.
15:15 Et finalement, il y a cette irrégularité.
15:21 Il fait partie un petit peu de mes déceptions.
15:24 Et puis, forcément, je mettrais la déception sur David Goddou.
15:29 On attendait tellement.
15:30 Il y a eu tout un pataquès aussi autour de David
15:33 qui a quand même pris des positions plutôt tranchées.
15:37 Il s'est mis un peu en mode leader,
15:39 en mettant même en difficulté une partie de son équipe à un moment.
15:44 Saison difficile.
15:45 On espère que le coureur va rebondir sur les grands tours.
15:49 Mais peut-être qu'il va devoir, je ne vais pas dire réviser ses objectifs,
15:53 mais en tous les cas, les adapter parce qu'il a des qualités, c'est sûr.
15:58 Gagner un grand tour quand on voit la concurrence en face,
16:00 il va quand même falloir progresser dans certains domaines encore,
16:03 même si le talent est énorme.
16:05 Mais peut-être se fixer des objectifs dans la mesure
16:10 qui sont plus abordables pour lui dans un premier temps.
16:14 Et peut-être que dans quelques années, on en reparlera.
16:16 Mais voilà, donc peut-être les deux déceptions françaises.
16:19 Déception belge.
16:21 Déception belge, j'ai toujours de la déception.
16:25 C'est qu'en World of Enart,
16:27 je l'attends toujours à gagner un grand monument.
16:30 Là où il a pêché physiquement sur les Flandres,
16:35 on ne peut rien lui reprocher sur Roubaix.
16:37 Finalement, sur Roubaix, il prend une initiative, ça revient.
16:41 Je pense que malheureusement,
16:43 cette crevaison nous a tous privés d'un duel dont on rêvait,
16:47 puisque là, il ne restait plus que un, deux secteurs pavés à passer.
16:51 Je pense qu'ils étaient partis à deux.
16:53 Avantage Van Der Poel, parce qu'il pouvait quand même se reposer
16:55 sur la présence d'un Philippe Seine qui était dans le groupe de compte derrière.
16:58 Et ça, ça aurait peut-être changé.
17:00 Mais est-ce que Van Der Poel et Van Aert se seraient regardés ?
17:04 Est-ce que Van Der Poel aurait voulu se regarder
17:06 ou il aurait voulu ce duel, ce défi jusqu'à la fin ?
17:09 Je pense que c'est des coureurs qui se connaissent tellement bien
17:12 qu'on aurait pu avoir un duel énorme jusqu'au Vélodrome.
17:15 Ça, c'est un petit peu le regret.
17:17 Et puis, tout au long de l'année, il est là, présent.
17:21 Il n'est jamais super loin.
17:23 Mais Championnat d'Europe, à un kilomètre de l'arrivée,
17:29 je me dis que je ne vois pas comment il ne peut pas gagner.
17:32 Surtout quand on voit l'effort de Deleay,
17:34 il fait exploser tout le monde de la roue.
17:36 Il ne reste plus que deux coureurs dans la roue.
17:38 Tu peux encore te méfier de ton dernier équipier qui est derrière.
17:43 C'était, comment il s'appelle, le sprinter, Fkoy.
17:46 Voilà Fkoy.
17:48 Mais tu te dis, OK, il va gagner.
17:50 Il va exploser à 400 mètres de la ligne et il va aller chercher cette victoire.
17:53 Puis finalement, il vient se poser en arrivant à côté de Christophe Laporte.
17:58 On sent vraiment que l'effort qu'il a fait pour tenir la route Deleay
18:01 a été tellement violent dans le dernier kilomètre qu'il est un peu court.
18:04 Donc, voilà, c'est une petite déception parce que finalement,
18:06 il n'arrive pas à se transformer alors que c'est probablement
18:09 un des coureurs les plus talentueux aussi de sa génération.
18:13 Et du coup, deux, on va dire, bonnes surprises,
18:16 des coureurs que tu n'attendais pas.
18:18 Une surprise, c'est une confirmation, mais c'est Christophe Laporte.
18:22 Il faut quand même avouer que sa présence sur toutes les classiques,
18:25 sa présence en tant qu'équipier sur le tour,
18:28 ce qu'il vient démontrer dans un rôle de leader,
18:32 dans un rôle de leader sur les championnats d'Europe, c'est extraordinaire.
18:36 En même temps, je tire mon chapeau du coup à Christophe Laporte,
18:39 mais j'en profite pour tirer mon chapeau à Thomas Vauclair.
18:42 Parce que le mec, il est quand même juste énorme.
18:44 Depuis qu'il est arrivé à la tête, il fait des trucs de dingue.
18:47 J'ai l'impression qu'il libère les coureurs.
18:50 Quand ils arrivent sous ce maillot d'Equipe de France,
18:52 ils courent vraiment avec l'envie de faire briller le maillot.
18:55 Ils ont oublié leur objectif individuel pour nourrir le projet d'équipe.
19:00 Je pense que la force de Thomas,
19:02 je parlais tout à l'heure de management dans certaines équipes,
19:05 je pense qu'il a cette force de manager les hommes,
19:09 peut-être comme personne, en tous les cas, il l'a bien fait jusque-là.
19:12 Donc autant j'associe à un coureur,
19:14 c'est Christophe Laporte qui pour moi a fait une saison extraordinaire.
19:17 Mais je voulais quand même dire que Thomas Vauclair,
19:20 qui n'a les coureurs que deux fois par an,
19:22 même s'il les voit tout le reste de l'année,
19:24 il arrive à chaque fois à bien s'en sortir.
19:26 Et puis côté belge, bien évidemment, et ça vous vous en doutez,
19:29 c'est Arnaud Dely.
19:31 Arnaud Dely, extraordinaire, deuxième année pro,
19:35 plein d'engouement,
19:38 peut-être un peu brise matérielle dans cette fin de saison,
19:41 mais au-dessus du lot sur beaucoup de courses.
19:45 Je pense que la fin de saison va lui faire du bien,
19:47 il va avoir un bon petit break aussi,
19:49 parce que quand on passe de son statut,
19:52 il avait quand même fait une superbe saison l'année dernière,
19:55 mais là il a pris quand même toute la pression,
19:58 il a pris beaucoup de pression tout au long de l'année,
20:00 chaque départ de course où était Arnaud Dely,
20:02 c'était une course où il devait gagner,
20:04 où la pression est montée un peu d'un cran.
20:08 Pour moi, c'est la révélation,
20:12 le mot révélation est un peu grand,
20:13 parce qu'on avait quand même vu venir l'année dernière.
20:16 Moi j'ai la chance de le connaître depuis junior,
20:18 de le suivre depuis un moment,
20:20 donc il a quand même parmi les juniors de sa génération,
20:23 c'est le seul qui a passé ce cap-là pour l'instant avec brio,
20:29 et maintenant il va prendre un peu de maturité,
20:32 un petit peu de recul,
20:34 parce que l'année prochaine on va l'attendre
20:36 dans les autres grandes courses qui sont les monuments.
20:42 Il y a un coureur dont on n'a pas parlé encore,
20:45 c'est Remco Evenepoel.
20:47 Qu'est-ce qu'on peut dire de sa saison à lui ?
20:49 Ce n'est pas non plus une mauvaise saison.
20:55 C'est ça, justement.
20:57 Il y a plein de gens qui voudraient sa saison,
20:58 qui voudraient son Pâmelaresse.
21:00 Malgré tout, quid de ce Tour d'Italie
21:04 qui s'abandonne sur Covid à l'étape de repos ?
21:07 On est dans le deuxième chrono.
21:11 Comment aurait-il géré cette fin de Giro ?
21:17 Personne ne sait le dire,
21:19 parce que le jour 100,
21:21 personne ne sait s'il va venir ou pas.
21:23 Donc on est toujours dans certains interrogations.
21:26 Je sais qu'on en avait un petit peu parlé avec Rodrigo à l'époque,
21:29 et on se posait la question quel serait le meilleur plan
21:32 pour Remco Evenepoel.
21:34 Moi, dans mon esprit, pour moi,
21:35 le meilleur plan, ça aurait été de faire le Tour l'année dernière pour Remco.
21:38 C'était d'aller sur le Tour en disant,
21:40 il y a le Giro qui était l'objectif.
21:42 Finalement, on n'a pas fait le Giro.
21:44 Ce n'est pas déroulé comme convenu, faute de Covid.
21:47 Du coup, je vais aller sur le Tour, mais en mode découverte.
21:51 Potentiellement, je mets des guillemets,
21:53 zéro pression sur le classement général,
21:55 puisqu'il n'y allait pas pour ça,
21:56 il n'était pas prévu pour ça.
21:58 Il aurait pu courir le Tour de France
21:59 comme il a couru la troisième semaine de la Vuelta.
22:03 Et du coup, on l'aurait vu à certains moments,
22:05 il aurait peut-être pris des enseignements
22:07 sur ses adversaires aussi directs,
22:09 potentiels adversaires de 2024.
22:12 Finalement, le choix qui a été fait,
22:13 c'est d'aller sur la Vuelta,
22:14 et j'ai trouvé que c'était le choix le plus glissant.
22:17 C'était la planche chavonneuse à merveille.
22:21 Je vais sur la Vuelta que j'ai remportée l'année dernière,
22:24 où Roglic n'a pas fait la dernière semaine,
22:27 ou quasiment les quelques derniers jours.
22:30 Je retourne sur un terrain où on doit dire
22:33 « Ok, Giro, pause, préparation Vuelta,
22:36 donc on a un Remco Evenepoel qui est au top. »
22:39 Ce qui était le cas, il marchait quand même bien.
22:41 Puis il y a ce jour 100, ce vrai jour 100,
22:46 où finalement il va prendre, je crois que c'est 27 minutes,
22:49 dans les carreaux ce jour-là.
22:51 Il abandonne toute ambition.
22:53 Je dirais intelligemment, à mon avis,
22:55 il prend 27 minutes,
22:56 parce qu'il s'était battu, il en aurait peut-être pris 6,
22:58 mais il n'aurait peut-être pas fait la dernière semaine qu'il a faite.
23:02 Donc il prend 27 minutes en se remobilisant le lendemain.
23:06 Et là c'est quand même preuve aussi que c'est un très grand champion.
23:09 Dès le lendemain, il est à l'offensive,
23:11 il va chercher le maillot à poids, il va rechercher des étapes.
23:14 Il finit la Vuelta de bien belle manière,
23:16 mais sans jamais être à la bagarre avec ceux
23:19 avec qui on l'attend à la bagarre,
23:21 c'est-à-dire les hommes du classement général.
23:23 Donc voilà, un maillot de champion du monde encore sur le dos.
23:29 Un Liège-Bastogne-Liège maîtrisé à merveille.
23:33 Donc bien évidemment, sa saison est loin d'être mauvaise.
23:35 On ne peut pas lui mettre une mauvaise note sur sa saison.
23:37 Il est aussi jeune.
23:38 Alors on va me dire, attention, il commence à vieillir.
23:40 Bon, il est encore jeune, donc pas de problème avec ça.
23:45 Mais c'est une très bonne saison de la part de Remco.
23:49 Malgré tout, il a loupé le rendez-vous avec les grands tours
23:54 sur lesquels on l'attendait cette année,
23:56 à la confrontation avec les hommes du classement général.
23:59 Donc rendez-vous 2024.
24:01 Et là 2024, il ne va pas pouvoir fuir énormément le Tour de France.
24:05 Donc ça va forcément monter d'un cran.
24:08 Très bien.
24:09 Et juste une petite dernière question.
24:12 Je te propose de faire un petit versus,
24:15 un coureur français et un coureur belge.
24:17 Et tu peux argumenter sur une ou deux phrases, il n'y a pas de souci.
24:20 Mais lequel a réussi la meilleure saison pour toi ?
24:23 Van Aert ou Laporte ?
24:25 Je vais dire Laporte.
24:30 Laporte parce que lui, il a gagné des classiques.
24:33 Alors certes, il y en a une, c'est Van Aert qui lui a offert,
24:35 mais il en a quand même gagné une.
24:38 Il a un titre de champion d'Europe.
24:40 Il en a gagné deux exactement, mais il y en a une que Van Aert lui a offert.
24:45 Il en a une, il est allé la chercher à la pédale et il est champion d'Europe.
24:49 Van Aert n'a pas gagné d'étapes sur le Tour cette année.
24:52 Il est passé tout près.
24:54 Il a été aussi phénoménal.
24:56 Il est resté énorme.
24:57 Mais je pense que celui qui a le mieux réussi sa saison pour moi,
25:00 ça reste quand même Christophe Laporte entre les deux.
25:03 Keanu Hitebrooks ou Lenny Martinez ?
25:06 Je dirais Keanu Hitebrooks.
25:12 Je pense que Keanu a planifié une saison.
25:14 Il a répondu présent.
25:15 Il n'a fait que progresser.
25:17 Il a commencé à être présent sur les courses à étapes d'une semaine.
25:21 Je crois que c'est même ses tours de Suisse ou autres où on l'attendait.
25:24 Je ne sais plus quelles courses où il était déjà avec les meilleurs aussi au sommet.
25:27 Et il vient finir à la Vuelta de bien belle manière.
25:32 Il avait un objectif de classement général de positionner dans le top 10.
25:36 Il est resté sur cet objectif et il n'a pas explosé.
25:41 Mais je pense que Keanu Hitebrooks a aussi probablement plus de qualité sur les grands tours pour demain
25:47 qu'à court terme Lenny Martinez qui pour moi a les pures qualités de grimpeur.
25:51 On lui découvrira probablement d'autres qualités,
25:54 mais il y a peut-être des zones où il sera un petit peu court quand même pour aller gagner des grands tours.
25:58 Quand on voit les hommes qui gagnent des grands tours aujourd'hui,
26:01 c'est encore un autre calibre même s'il doit et il va encore progresser.
26:06 Super talent.
26:07 Ce qu'il a fait sur la Vuelta, c'est extraordinaire.
26:09 Mais voilà, Keanu Hitebrooks.
26:11 Il y a deux hommes qui sont régulièrement campagnons des rôles de coéquipiers.
26:15 Tij Benoute ou Valentin Madouas ?
26:18 Valentin parce qu'il est champion de France.
26:24 C'était je crois un de ses rêves affichés.
26:29 C'était son objectif de début d'année.
26:32 Je crois qu'il avait coché le championnat de France à Casselles parce que difficile.
26:38 Il n'a certes pas fait derrière le tour de France qu'on pouvait attendre de lui,
26:42 mais tour de France assez difficile.
26:45 Il y a aussi le lieutenant de Gaudu dans cette situation-là.
26:49 Donc j'aurais dit Valentin Madouas, mais Benoute reste un très bon équipier.
26:56 Il a fait un bon tour de France.
26:58 Il a fait de bien belles choses.
27:01 Il a gagné Kurn aussi.
27:03 Il a gagné Kurn, mais je reste quand même sur Valentin parce que…
27:09 Peut-être aussi un petit peu le côté champion de France qu'il a dominé de la tête et des épaules.
27:15 Et un petit dernier, deux jeunes punchers de chaque pays, Maxime Van Giels ou Romain Grégoire ?
27:30 Ce n'est pas simple là.
27:31 Ce n'est pas simple parce que Van Giels a fait de bien belles choses sur le tour de France.
27:35 Il n'est pas passé loin d'une victoire d'étape, si je ne me trompe, quand on arrive au sommet.
27:42 Il est soufflé par Pogacar, je crois.
27:47 Je ne suis plus sûr qu'il ait le final d'étape.
27:50 Une échappée au long cours en plus.
27:52 Romain Grégoire n'a pas fait le tour de France.
27:58 Il a fait la Vuelta où il a fait aussi une place de deux.
28:01 De bien belles choses.
28:03 Mais j'ai eu la sensation, pour avoir commenté plutôt les classiques,
28:09 avoir commenté le Dauphiné et le Tour, d'avoir bien évidemment plus souvent parlé de Van Giels que de Grégoire.
28:16 Donc je vais dire Van Giels.
28:17 Très bien.
28:19 Parfait. Merci beaucoup Cyril.
28:22 Et puis bonne continuation.
28:23 Merci d'avoir accordé cette interview à Cyclism Actu.
28:26 Avec plaisir.
28:27 Bonne fin de journée.
28:28 Allez, au plaisir.