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Transcription
00:00 Etienne Dignas, bonjour. Vous êtes chercheur associé au Centre international de recherche de Sciences Po,
00:05 l'auteur de l'ouvrage "La rançon de la terreur, gouverner le marché des otages" aux éditions PUF.
00:11 Les otages, c'est une question clé.
00:13 A l'heure actuelle, il n'y a pas de négociation possible entre Israël et le mouvement islamiste du Hamas,
00:18 en tout cas entre les deux directement. Quelles peuvent être les solutions ?
00:21 Effectivement, ce n'est pas à l'ordre du jour. Le Hamas ne veut pas négocier, en tout cas il l'a déclaré.
00:26 Israël semble réticente également à négocier puisqu'on voit qu'il y a une opération terrestre qui est en préparation
00:32 et donc qui risque de provoquer des morts, évidemment, chez les otages.
00:36 Et donc le seul moyen pour éventuellement libérer ces otages par la négociation, c'est de passer par des intermédiaires.
00:42 Il y a trois intermédiaires qui se dégagent. On l'a dit, il y a le Qatar, tout d'abord, qui a des bonnes relations avec Gaza,
00:49 en tout cas avec les autorités de Gaza, qui a par le passé négocié des libérations d'otages pour les Américains,
00:54 par exemple, pour les Britanniques. Il y a également l'Egypte, qui était d'ailleurs intervenue en 2011
01:00 dans l'échange de libérations de Gilad Shalit, ce soldat israélien qui avait été libéré contre la libération de 1027 prisonniers palestiniens.
01:07 Et il y a la Turquie qui a manifesté son souhait de prendre part à ces négociations et qui avait, dans un autre conflit,
01:14 le conflit entre la Russie et l'Ukraine, aidé à ce que des échanges de prisonniers soient menés.
01:21 Qu'est-ce que le Hamas pourrait demander en échange de la libération des otages ?
01:24 Est-ce qu'il se contenterait de la libération de prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes ?
01:29 En tout cas, c'est la demande qui semble être la demande prioritaire. C'est ce qu'ils ont obtenu par le passé, on l'a dit,
01:34 dans l'échange de Gilad Shalit, mais aussi dans les années 1990. À de nombreuses reprises, le Hamas a obtenu des libérations en grand nombre.
01:42 Ensuite, il peut obtenir aussi, par exemple, une levée du blocus. C'est une possibilité.
01:46 Vous avez toute une palette d'outils qui sont à leur disposition avec ces otages.
01:50 Il y a beaucoup de civils parmi les otages. On imagine qu'ils sont très éparpillés. On ne connaît pas les endroits.
01:56 Ça va être très difficile de les libérer.
01:58 C'est évidemment très, très compliqué. En fait, il ne faut pas penser aux otages comme d'un bloc.
02:03 Vous avez des soldats et des civils. Vous avez des femmes et des hommes.
02:07 Et puis aussi, vous avez deux types de ravisseurs. Vous avez le Hamas, mais il y a aussi visiblement le djihad islamique,
02:12 qui détiendrait entre près de 30 otages. Donc tout ça complique fortement la situation.
02:17 Et puis il y a aussi un aspect très pratique. Où sont détenus ces otages ?
02:20 Ils sont probablement détenus dans ce qu'on appelle le métro de Gaza.
02:22 Donc c'est un enchevêtrement de tunnels de plusieurs kilomètres sous Gaza qui rend leur accès évidemment très, très difficile.
02:28 Donc une opération de commando, ça paraît très risqué et très aléatoire.
02:32 Exactement. Très risqué et très aléatoire, ce sont les deux mots.
02:35 Ça suppose d'aller vraiment sur le terrain en profondeur. Vous ne pouvez quasiment pas passer par les airs.
02:40 Ça suppose donc d'avoir des commandos, les Israéliens ont des commandos, mais des commandos qui prennent de très grands risques.
02:45 Ils peuvent être coincés dans ces tunnels. En fait, ça a tout du piège.
02:49 Et puis le Hamas a anticipé la situation.
02:51 Bien sûr. Vous avez au sein du Hamas des unités qui sont spécialisées, qui savent conserver ces otages,
02:57 qui peuvent éventuellement les exfiltrer, les bouger de cache, voire les exfiltrer vers l'Egypte. Rien n'est exclu.
03:02 Dans les otages, il y a également des binationaux. Est-ce que vous pensez que la France, les pays concernés, dont les Etats-Unis,
03:07 pourraient intervenir ? En tout cas pas chacun de son côté.
03:10 Alors il y a effectivement des binationaux, puisqu'il y a de toute façon beaucoup de binationaux en Israël.
03:13 On a un cas précédent. Le soldat Gilad Chalit dont je parlais était franco-israélien.
03:18 À l'époque, Nicolas Sarkozy s'était impliqué. On avait vu en France des manifestations de soutien.
03:22 Aujourd'hui, vous avez vraisemblablement des otages qui sont effectivement israéliens, mais aussi allemands, britanniques, américains, français.
03:28 Il y a un premier constat qui est que ces pays, par exemple les Etats-Unis et les britanniques, n'ont pas la même politique que les français en matière d'otages.
03:35 Les américains et les britanniques ont plutôt tendance à être fermes, à se montrer fermes, à ne pas vouloir négocier.
03:41 Et la France a une tradition de négociation. Donc ce qu'on peut envisager, c'est que d'une part les services de renseignement se mettent en connexion.
03:48 Ça a l'air d'être le cas, pour échanger des renseignements, pour avoir des informations sur les otages
03:53 et pour éventuellement passer par la négociation en faisant chaque impression sur les intermédiaires.
03:58 Les américains et les britanniques auraient vraisemblablement proposé aussi leur aide en cas d'utilisation de la force par des équipes spécialisées.
04:05 On est dans l'escalade de la prise des otages. Vous ne libérez pas d'un côté les otages.
04:11 Du coup on aggrave le blocus de la bande de Gaza. Plus d'eau, plus d'électricité, plus de gaz. On asphyxie littéralement les Gazaouis.
04:18 C'est une horreur. Est-ce même efficace ?
04:21 Ce n'est pas certain. Et donc effectivement on parle de prise d'otages. Vous avez des prises d'otages au sens propre avec ces civils et ces soldats israéliens.
04:27 Mais la population de Gaza, d'une certaine façon, est aussi prise en otage par l'attitude du Hamas, il faut le dire.
04:31 Ils sont aussi des victimes de ce qu'il se passe aujourd'hui.
04:35 Quant à l'efficacité, objectivement, aujourd'hui, moi je constate que toutes les initiatives de fermeté vis-à-vis de Gaza,
04:40 visant à faire plier la population pour qu'elle fasse pression sur l'Hamas, ont échoué.
04:45 Il y a de quoi être sceptique quant à cette tactique.
04:48 Et ça viole les conventions internationales. Donc il y a eu un crime de guerre, on répond par un autre crime de guerre.
04:53 Les américains, est-ce qu'ils ne sont pas eux-mêmes inquiets en ce moment ?
04:58 Les américains, je ne sais pas, mais il est sûr qu'on est dans une logique d'escalade manifeste.
05:02 Il y a eu à la fois cette attaque du Hamas et il y a, chez les Israéliens, un grand dégât de vengeance, un grand dégât de fermeté.
05:08 Et on le voit même, pour revenir aux otages stricto sensu, on voit bien que longtemps, Israël a privilégié l'impératif humanitaire de secouer les otages.
05:15 Mais visiblement, ce n'est plus le cas.
05:17 Exactement. Aujourd'hui, quand on voit les débats au sein de l'opinion publique, quand on voit la réaction du ministre des Finances de Benhamin Netanyahou, par exemple,
05:23 Bézalel Smotrich, quand on voit d'autres prises de parole dans le débat public...
05:26 - Des extrêmes droits ? - Exactement. On voit que, si vous voulez, on voit que la fermeté, la tendance à vouloir décrédibiliser les échanges,
05:33 la tendance à ne plus vouloir libérer de prisonniers palestiniens, semble avoir pris le dessus.
05:36 En tout cas, elle a un écho beaucoup plus fort qu'elle en avait par le passé.
05:38 La priorité, maintenant, c'est de détruire le Hamas. Ce n'est plus la vie des otages israéliens ?
05:42 Alors, évidemment. Tout est une question de priorité. On parle d'une possible intervention terrestre.
05:46 Dans l'intervention terrestre, on va bien voir si les Israéliens veulent avant tout éliminer la tête du Hamas ou s'ils veulent protéger les otages.
05:52 Et là, on va le voir très rapidement. Mais ce qui est certain, c'est que vous avez à la fois, je disais, un désir de vengeance et en même temps une très grande peur sécuritaire en Israël.
05:59 Vous aurez beaucoup de mal à faire accepter aux Israéliens la possibilité d'une libération de 2 000, 2 000, 3 000 prisonniers palestiniens,
06:07 notamment parce qu'ils n'ont plus la même confiance dans leur appareil sécuritaire également,
06:10 et qu'on sait que, par le passé, plusieurs prisonniers palestiniens libérés ont perpétré des attentats.
06:15 C'est un profond traumatisme dans la société israélienne.
06:18 Le Premier ministre israélien Netanyahou a dit qu'il y reste jusqu'au bout. Ça veut dire quoi, jusqu'au bout ?
06:22 Je pense qu'aujourd'hui, vous avez l'idée qu'on est prêt à prendre des risques plus importants, y compris sur la vie des otages, pour, encore une fois, éliminer la tête du Hamas.
06:31 Je ne suis pas dans la tête de Netanyahou, mais je ne serais pas surpris si, par exemple, une frappe aérienne était menée sur un bâtiment qui bergerait des têtes du Hamas,
06:40 quitte à ce qu'il y ait des deux gars collatéraux parmi les otages.
06:43 Encore une fois, là, on est dans une question de priorité, si vous voulez, de mise en balance d'un impératif stratégique vis-à-vis d'un impératif humanitaire.
06:50 Dernière question. S'il y a des négociations avec un pays intermédiaire, est-ce qu'elles peuvent porter seulement sur les otages ou il y aura forcément un aspect politique ?
06:58 C'est possible que ça porte seulement sur les otages, mais probablement pas sur tous les otages non plus.
07:02 Donc là, tout à l'heure, je faisais la distinction entre les différents profils. Il est possible que ça porte davantage sur les femmes et les enfants, par exemple.
07:08 Ensuite, effectivement, vous avez raison, dans toute négociation, il y a parfois des concessions dont on ne connaît pas vraiment la nature, qui ne sont pas rendues publiques.
07:20 Merci beaucoup, Etienne Dignas, d'être venu sur France 24. Merci à vous.

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