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  • 07/10/2023
Avec Michel Demurget, chercheur spécialisé en neurosciences cognitives

Retrouvez Le Numérique pour tous avec Vanessa Perez tous les samedis à 14h30 sur #SudRadio.
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##LE_NUMERIQUE_POUR_TOUS-2023-10-07##

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00:00 Vérissure, le numéro 1 des alarmes en France.
00:03 Rendez-vous sur verissure.fr pour votre demande de vie gratuite.
00:06 Vérissure présente Sud Radio, le numérique pour tous, Vanessa Pérez.
00:11 Bonjour et bienvenue dans le numérique pour tous.
00:13 Aujourd'hui, une émission spéciale enfants et numérique.
00:17 Vous l'avez entendu récemment, notre ministre de l'éducation nationale, Gabriel Attal,
00:21 déplore une baisse du niveau scolaire et près d'un élève sur trois ne sait pas forcément lire,
00:26 écrire convenablement à son entrée en 6e.
00:29 Et si le numérique en était en partie la cause,
00:32 alors pourquoi les parents doivent redoubler de vigilance
00:35 avant de mettre un téléphone mobile ou une tablette entre les mains de leur petit ?
00:38 Dans quelle mesure le numérique conditionne et peut détruire le développement du cerveau
00:43 dès le plus jeune âge ?
00:45 Et quelles sont les conséquences concrètes sur les comportements de nos ados ?
00:48 Et peut-on encore y remédier ?
00:50 C'est ce que nous tenterons de comprendre avec notre invité.
00:52 Le numérique pour tous, spécial impact du numérique sur le cerveau de nos enfants,
00:56 c'est tout de suite et c'est sur Sud Radio.
00:58 Sud Radio, le numérique pour tous, Vanessa Perez.
01:02 Et aujourd'hui dans le numérique pour tous, nous allons tenter de comprendre l'impact du numérique
01:07 sur le cerveau de nos enfants et de nos adolescents.
01:10 En effet, le constat est terrible.
01:12 Un grand nombre d'enfants aujourd'hui ne savent plus lire, ni compter, ni penser.
01:16 Donc c'est véritablement inquiétant.
01:17 Et en une trentaine d'années, un enchaînement de bonnes intentions mal maîtrisées
01:21 et de calculs intéressés a totalement délité
01:24 ce qui fut l'un des meilleurs systèmes éducatifs au monde, le système français.
01:28 Et pour nous expliquer en partie pourquoi nous en sommes arrivés là,
01:31 j'ai le plaisir de recevoir un chercheur, expert de tout ce qui se passe dans notre cerveau.
01:36 En 2011, il avait déjà dénoncé les effets pervers de la télévision sur notre boîte crânienne.
01:40 Et aujourd'hui, c'est de ceux du numérique dont il s'agit.
01:43 Michel Demurger, bonjour.
01:45 Vous êtes docteur en neurosciences et directeur de recherche de l'INSERM.
01:49 Le cerveau et l'impact des nouvelles technologies constituent une grande partie de vos recherches.
01:53 Et aujourd'hui, vous allez nous éclairer sur le sujet.
01:55 Bonjour.
01:56 Bonjour. Donc avant de commencer, j'aimerais qu'on pose les bases, comme toujours, dans le numérique pour tous.
02:00 Et j'aimerais que vous nous expliquiez, pour ceux qui ont peut-être encore des réminiscences ou pas de leurs études scientifiques,
02:07 la construction du cerveau pour qu'on comprenne bien tout ce qui va suivre dans vos explications.
02:11 Alors, quand l'enfant naît, il y a un certain nombre de choses qui sont en place.
02:15 Il y a des circuits qui sont là. Je veux dire, il y a des neurones.
02:18 Le cerveau est en grande partie constitué dans ses aspects au moins extérieurs.
02:23 Cela étant dit, pour se développer, il a besoin de nourriture, c'est comme tout le reste.
02:27 Et il a besoin d'un environnement. C'est-à-dire que le cerveau a besoin, pour se construire, d'être stimulé.
02:33 Il a besoin que les fonctions, ou des fonctions qu'il va soutenir, c'est-à-dire le langage, l'activité motrice,
02:38 il a besoin que ces choses-là soient stimulées.
02:40 Par exemple, les réseaux du langage, ils sont, si j'ose dire, livrés avec le bébé.
02:44 C'est-à-dire que ce sont des choses qui ont été mises en place par l'évolution.
02:47 Quand on parle à un bébé, par exemple, les aires, les réseaux qui vont s'activer dans le cerveau,
02:51 y compris si le bébé est un grand prématuré, c'est les mêmes que celles qui vont s'activer chez l'adulte.
02:56 Donc le réseau, en gros, pour le langage au moins, il est là.
02:59 Cela étant dit, il va falloir le nourrir, il va falloir le gaver, si j'ose dire, de mots.
03:04 Il va falloir lui apporter des stimulations pour qu'il arrive à se construire pleinement.
03:08 Donc cette nourriture, c'est en fait l'information, le bruit, l'image, la couleur, c'est tous ces éléments ?
03:14 C'est la qualité de l'environnement. En gros, c'est ce que l'environnement va apporter à l'enfant.
03:17 Alors on sait que l'évolution a stabilisé un certain nombre de choses.
03:21 Un environnement optimal, c'est un environnement où il y a beaucoup d'humains, où il y a beaucoup de paroles,
03:25 où il y a beaucoup d'échanges émotionnels, il y a beaucoup de rapports sociaux.
03:29 Et tout ça, c'est ce qui va permettre au cerveau de se développer pleinement.
03:33 Alors concrètement, un adulte qui va regarder la télévision avec son petit dans le salon en train de dormir,
03:38 est-ce qu'il y a déjà un danger potentiel justement avec le bruit que l'enfant peut entendre ?
03:43 Oui, alors c'est l'un des effets indirects. C'est une intéressante question parce que ça montre que le numérique,
03:50 il a des impacts qu'on ne maîtrise pas tout le temps et qui ne sont pas toujours intuitifs.
03:54 Et celui-là est intéressant, il y a une étude qui vient de sortir.
03:57 Le bruit, le bruit, les images, vraiment l'excès de stimulation sensorielle,
04:02 on sait que pour la construction cérébrale, ce n'est pas très bon.
04:05 On l'a appris dans les années 60, il y a des enfants qui étaient dans des crèches
04:09 et ces enfants, ils avaient des problèmes d'attention, d'impulsivité.
04:12 Et on s'est aperçu que c'était parce qu'il y avait beaucoup de bruit, beaucoup de passages.
04:15 Et quand on a limité ça, on s'est aperçu que ça se passait mieux pour les enfants.
04:18 Ça a été confirmé récemment, ils ont refait ces études sur l'animal.
04:23 Ils ont par exemple pris des rongeurs et c'est des rongeurs qu'ils ont élevés avec Bob l'éponge en gros,
04:29 c'est-à-dire qu'ils leur passaient des bandes-son de dessin animé à ces petites souris et à ces petits rats
04:33 et puis ils leur mettaient à côté une lumière qui correspondait au son,
04:37 comme si c'était effectivement une sorte de télévision.
04:39 Et on s'aperçoit que ces animaux-là, cet excès, cet afflux sensoriel,
04:43 ça a des effets sur leur construction cérébrale, sur l'attention, sur les capacités d'apprentissage, de rétention.
04:50 Et chez l'enfant, justement, on pointerait à quel point c'est sensible.
04:53 C'est-à-dire que tous ceux qui ont eu des enfants me comprenons.
04:57 Il y a un moment, le bébé, il dort. Et là, quel bonheur quand il s'endort.
05:01 Donc on le met dans son lit et puis on se dit "Ah chouette, je vais pouvoir allumer la télé".
05:06 Et le gamin, il dort. Il est là comme un mollusque dans son lit et on se dit "Chouette".
05:11 Et le simple fait, notamment quelques études, dont une étude récente, d'avoir la télé en arrière,
05:15 d'avoir sans arrêt ce bruit, et puis c'est surtout ces surgissements sonores.
05:20 C'est-à-dire que c'est stable, mais il y a beaucoup de changements.
05:22 À un moment, le son est beaucoup plus fort, etc.
05:24 Donc ces sons qui sont changeants, ça va perturber suffisamment le sommeil
05:28 pour qu'à terme, chez l'enfant, ça ait des effets sur son développement,
05:34 notamment attentionnel, son impulsivité.
05:36 Mais c'est la même chose sur la télé d'arrière-plan.
05:39 Quand le bébé est réveillé, sinon on regarde la télé avec le bébé qui joue à côté.
05:43 Le bébé joue, il ne la regarde pas la télé, mais il est en train de faire son jeu.
05:46 Et puis on sait qu'un bébé qui se développe bien, un enfant qui se développe bien,
05:48 les jeux vont être de plus en plus longs avec le temps.
05:50 Et puis il va passer de plus en plus de temps avec la girafe, par exemple.
05:53 Il va jouer avec Sophie la girafe, puis il va combiner la girafe avec le cube.
05:56 Et ce qui se passe quand il y a la télé, c'est qu'il y a une érectation sonore ou un flash lumineux.
06:00 Et le gamin, il arrête son jeu.
06:02 Et donc il regarde, mais ça dure deux secondes, il regarde la télé, puis après il revient à son jeu.
06:05 Mais il ne continue pas son jeu en complexifiant, il en recommence à nouveau.
06:09 C'est-à-dire que ça fait dérailler le jeu, ça fait dérailler la pensée.
06:11 Si on vous écoute, soit on baisse le son, soit on met le bébé un petit peu à l'isolement,
06:15 mais on évite justement de l'abreuver de cette violence sonore.
06:18 Il vaut mieux éviter de mettre les bébés à proximité, les jeunes enfants à proximité
06:23 de ces bruits, de ces sons et de cette intempérance sensorielle, si je peux dire.
06:27 Je crois qu'on a compris.
06:28 Si on va maintenant chez les un peu plus grands, on se dit que la manne d'informations qu'il y a sur Internet
06:32 aujourd'hui va rendre tous nos enfants beaucoup plus intelligents qu'ils ne l'étaient.
06:36 C'est un constat que vous partagez ? Ou alors là-dessus aussi, vous n'êtes pas totalement d'accord
06:40 par rapport à votre approche scientifique ?
06:44 Non, c'est-à-dire que c'est une chose qu'on a beaucoup entendue avec l'idée,
06:48 voilà, nos enfants ont changé, c'est des mutants, ils ont un nouveau cerveau.
06:52 Tout est sur Internet, il n'y a rien besoin de savoir, il suffit d'aller en 15 millisecondes,
06:56 on a accès à toutes les informations de la Terre. Le problème, c'est qu'on ne peut pas comprendre
07:01 les informations et toutes les études montrent que plus les enfants et plus les ados vont passer de temps
07:06 sur les réseaux sociaux, sur Internet, devant les séries, devant les films,
07:10 ça a des effets négatifs sur le développement de leur langage, ça a des effets négatifs
07:15 notamment sur la réussite scolaire, sur le sommeil, sur la concentration, sur tout un tas de trucs.
07:19 Donc les données sont assez claires, plus les gamins passent de temps avec ça et plus ils vont avoir
07:23 des difficultés du développement, notamment du développement cognitif et de la réussite scolaire.
07:29 Alors on en vient à ChatGPT, ce fameux outil à qui vous dictez votre souhait pour générer un langage spécifique,
07:36 que ce soit un exposé, la rédaction d'un mail, etc. Vous lui posez une question, vous la contextualisez,
07:41 les ados s'en servent beaucoup, les adultes aussi, est-ce que pour vous ça a un impact justement
07:46 sur l'entraînement et la stimulation ou alors l'impact sera nul ?
07:49 J'ai envie de dire que ça dépend comment il l'utilise, il faut comprendre que ce truc il est encore très bête,
07:53 c'est-à-dire que ce qu'il fait c'est qu'il va prendre les informations qu'il trouve sur Internet,
07:56 les informations qu'on servit à l'entraîner, donc si ces informations elles ont des biais,
08:00 il n'est pas capable d'évaluer la qualité des informations qu'il vous rend et donc voilà,
08:05 lui il prend juste des... voilà, il regarde les mots qui sortent souvent ensemble et puis il les réaménage
08:11 et il vous envoie un peu...
08:13 On va désapprendre à écrire on va dire !
08:15 Il y a deux choses, la première c'est qu'on a besoin d'informations pour penser,
08:19 c'est ce qu'on disait avant, c'est-à-dire que si j'ai aucune information et qu'on me dit par exemple
08:23 voilà les intégrales de l'epnid, celles sont sur Internet, il n'y a pas de problème.
08:26 Les intégrales de l'epnid, je répète pour ceux qui n'ont pas fait un bac C forcément.
08:29 Mais si je n'ai pas toutes les informations pour me permettre de digérer tout ça,
08:32 il y a des choses beaucoup plus simples, dans le journal l'autre jour il y avait
08:35 "Vergla 2. Circulation des poids lourds interdite"
08:38 et nous on comprend très facilement mais imaginez le nombre d'informations implicites qu'il y a là-dedans
08:42 et qu'un enfant doit maîtriser pour comprendre ce titre.
08:45 Le verglas ça glisse, les poids lourds c'est plus lourd, donc c'est plus important.
08:48 En fait ce qui est important quand on lit ou quand on a une information,
08:52 c'est pas tellement ce qu'on nous dit souvent, c'est ce qu'on nous dit pas.
08:55 Et donc ce qu'on nous dit pas, c'est au lecteur dans la quasi-totalité des cas de remplir les trous.
08:59 Mais on ne remplit les trous qu'avec les connaissances qu'on a.
09:01 Mais c'est pas tout, les connaissances justement dans le cadre de ChatGPT, elles nous servent à penser.
09:05 Pour penser, je veux dire, les gens vous disent souvent "mais moi je pense par moi-même".
09:08 Tu penses par toi-même, mais penser sans aucune connaissance et sans aucune base, c'est pas penser, c'est divaguer.
09:13 À un moment donné, pour organiser sa pensée, pour arriver à avoir des idées nouvelles ou autres,
09:20 pour arriver à réfléchir sur un sujet, il nous faut des connaissances sur le sujet.
09:23 Et le problème de ChatGPT, c'est que si on l'utilise pour acquérir un certain nombre de connaissances,
09:28 si on lui pose une question et qu'on regarde la réponse et qu'on réorganise,
09:31 un gamin qui a un devoir à faire, s'il utilise ChatGPT comme un moteur de recherche
09:35 pour acquérir un certain nombre de connaissances, il n'y a évidemment pas de problème.
09:38 Cela étant dit, la réalité c'est qu'il ne l'utilise pas pour acquérir des connaissances et faire son devoir.
09:42 Il l'utilise pour que le truc fasse son devoir à sa place.
09:44 Donc il ne va pas structurer sa pensée ?
09:46 Bah non, si on l'utilise comme ça, plus le truc va devenir intelligent, plus nous on va devenir idiot.
09:50 Et donc voilà, c'est l'un des risques de ce truc-là.
09:54 Donc il y a sûrement un moyen de l'utiliser positivement, mais le risque, en tout cas l'usage commun qu'on en fait,
09:59 c'est pour faire le travail à notre place, et ça, ça va faire en sorte qu'on va devenir de moins en moins malin
10:03 au fur et à mesure que lui va devenir de plus en plus intelligent.
10:05 Alors, il y a ce qui s'appelle au niveau international les classements PISA,
10:08 qui permet PISA, qui permet de déterminer et d'évaluer les compétences des jeunes.
10:13 Et on voit que la France est quand même parmi les derniers, alors que la Chine est parmi les premiers.
10:18 Est-ce que vous auriez une explication très concrète et scientifique à cette place dans les classements ?
10:24 Oui, oui, ça s'explique. En fait, il y a trois grands groupes au classement PISA.
10:27 Il y a les pays asiatiques, alors pas que la Chine, il y a la Chine, Singapour, Hong Kong.
10:30 Il y a, j'ai envie de dire, l'élite de l'OCDE, l'Estonie, Québec.
10:34 Et puis, dans le ventre mou, il y a la France, il y a l'Italie, etc.
10:39 Il y a autant de différences entre la France et les meilleurs pays de l'OCDE
10:43 qu'il y en a entre les meilleurs pays de l'OCDE et la Chine et les pays asiatiques qui sont clairement au-dessus.
10:47 Pourquoi ?
10:48 Parce que ces pays, ils ont commencé à prendre des mesures drastiques de contrôle du temps d'écran.
10:54 Alors, pas tellement des contenus, on dit oui, c'est pour contrôler la pensée.
10:57 Je veux dire, Singapour, la Chine, ils ont pris des mesures extrêmement drastiques.
11:00 Ils n'ont pas contrôlé les contenus.
11:01 Les enfants regardent toujours la même chose et puis ils jouent toujours au même jeu,
11:05 sauf qu'ils ont regardé la littérature.
11:07 Ces gens ne sont pas des poètes.
11:08 Ils ont accepté de, comment dire, de fusiller une partie de leur industrie numérique,
11:14 c'est-à-dire d'avoir un coup en matière de développement industriel
11:18 parce que ça a des impacts sur le développement des enfants, sur la réussite scolaire,
11:22 qui sont clairement établis.
11:24 Et il y a une corrélation très forte entre ce qu'ils appellent la littératie, l'éducation,
11:30 la capacité à penser, à raisonner, et puis le développement économique.
11:34 Ce que vous voulez dire, c'est qu'on met moins d'ordinateurs dans les mains des enfants dans les pays asiatiques
11:37 pour leur laisser plus de temps pour faire du sport, pour lire, etc. ?
11:40 On leur met moins d'ordinateurs et puis on limite le temps qui passe sur les écrans.
11:44 On ne les met pas la nuit.
11:45 On leur interdit la nuit, par exemple, pour préserver le sommeil.
11:48 Et en comparaison, effectivement, les enfants dans ces pays-là lisent beaucoup plus que nous.
11:53 Mais ce n'est pas juste un problème de régime.
11:55 Il y a aussi une sorte de culture de l'effort.
11:57 Il y a une sociologue qui a fait un livre il n'y a pas longtemps qui s'appelle "Le goût de l'effort".
12:01 Garcia, j'ai oublié son prénom, désolé.
12:04 Mais qui a fait un truc et qui montre qu'il s'est intéressé à la réussite scolaire,
12:08 y compris des enfants qui viennent de milieux défavorisés.
12:10 Et on s'aperçoit, et c'est ce qu'on voit dans les familles chinoises,
12:12 c'est-à-dire que les deux choses, c'est une limitation très importante du temps d'écran
12:16 et un accent mis énormément sur la lecture.
12:19 Et ce qui est intéressant sur les Chinois, c'est que les Chinois qui émigrent,
12:22 les parents chinois qui vont habiter aux États-Unis ou en Angleterre ou même en France
12:26 et qui ont des enfants dans ce pays-là,
12:28 les enfants qui naissent par exemple aux États-Unis de parents chinois,
12:32 ces enfants-là ont la même supériorité en termes de résultats académiques
12:37 que les enfants du pays d'origine que la Chine.
12:40 C'est vrai en première génération.
12:42 Ça diminue en deuxième génération.
12:43 En troisième génération, quand ils sont complètement immergés dans la culture du pays,
12:47 ça disparaît.
12:49 Donc il y a le gouvernement qui va aider justement sur cette régulation du temps d'écran,
12:53 mais il y a surtout la famille qui met quand même beaucoup de temps et beaucoup d'énergie
12:58 à l'effort, à la réussite scolaire, à la lecture.
13:01 Michel, je vous propose de faire une petite pause et on se retrouve juste après la pub
13:04 où vous nous expliquerez notamment pourquoi un enfant qui lit au moins 20 minutes par jour
13:09 risque d'être beaucoup plus intelligent que celui qui passe le même temps sur les réseaux sociaux.
13:13 Le numérique pour tous, ça continue dans quelques instants et c'est sur Sud Radio.
13:16 Sud Radio, le numérique pour tous, Vanessa Perez.
13:21 Vérissure, le numéro un des alarmes en France.
13:25 Rendez-vous sur verissure.fr pour votre demande de vie gratuite.
13:28 Vérissure présente Sud Radio, le numérique pour tous, Vanessa Perez.
13:33 Et on se retrouve avec Michel Demurger.
13:36 Michel, on a bien compris que les enfants biberonnés au numérique risquent d'être
13:40 un peu moins intelligents que ceux qui lisent quelques minutes par jour un bon livre.
13:45 Justement, expliquez-nous scientifiquement pourquoi lire 20 minutes par jour
13:50 risque de faire de nos enfants des êtres un peu plus intelligents
13:53 que de les laisser pendant 20 minutes devant des écrans.
13:56 Il y a plein d'activités qui sont positives pour le développement de l'enfant.
14:00 Le sport, l'art, la musique.
14:02 Mais il y a une activité qui a des effets profonds, unanimes et extrêmement positifs
14:06 sur le développement, c'est la lecture.
14:08 Et la lecture, elle agit à tous les niveaux.
14:10 Elle rend littéralement nos enfants plus intelligents.
14:12 Sur des tests de QI, la lecture augmente l'intelligence de nos enfants.
14:15 Ce n'est pas une surprise, c'est parce qu'elle agit sur tous les piliers
14:18 de notre intelligence et de notre humanité.
14:20 La lecture, elle agit sur ce qu'on appelle la culture générale, sur nos connaissances.
14:25 Pas sur ce qu'il y a d'élitiste.
14:27 Les enfants qui lisent beaucoup, ils savent mieux ce que c'est qu'un taux d'intérêt,
14:30 qu'il y a de la vitamine C dans les agrumes, qu'il y a un carburateur dans le moteur d'une voiture.
14:35 Donc il y a des choses aussi anodines que ça.
14:38 Ça a des effets importants sur le langage.
14:40 Il faut comprendre que l'oral et l'écrit, c'est deux langages qui sont très différents.
14:44 Il y a beaucoup plus de richesse langagière à l'écrit.
14:46 C'est-à-dire que là, je vous vois, je vois les expressions de votre visage,
14:48 je vois la couleur du micro, je vois tout un tas de choses,
14:50 dont je n'ai pas besoin de mots pour les décrire, puisque je les vois à l'écrit, je n'ai pas ça.
14:54 Donc il me faut des mots pour décrire tout ça.
14:56 Donc il y a une richesse langagière et grammaticale à l'écrit
14:58 qui est beaucoup plus importante que celle de l'oral.
15:02 Et donc en lisant, les enfants vont pouvoir développer cette richesse du langage,
15:06 vont pouvoir acquérir des mots, des compétences, des formules.
15:10 La voix passive, par exemple, la souris a été boulottée par le chat,
15:12 c'est des choses qu'on entend très souvent à l'écrit, mais très rarement à l'oral.
15:16 On l'entend peu sur Facebook, c'est vrai.
15:18 Oui, et des temps comme le passé simple, je ne sais pas,
15:21 Gretel poussa la sorcière, le passé simple, on l'entend très peu.
15:24 Et donc le fait de lire va construire le langage.
15:28 Il faut se rendre compte, un enfant qui lit 20 à 30 minutes par jour, ça dépend de l'âge,
15:31 il a entendu plus de 2,5 millions de mots dans l'année.
15:36 Il a lu, il a rencontré, et parmi tous ces mots, il y a plein de mots qui sont dits rares,
15:41 parce qu'ils ne sont pas très courants à l'oral, mais qui sont en fait utiles.
15:45 Des mots comme cocasse, jacassé, jubilé, saillant.
15:49 Oui, un champs émotif un petit peu plus large.
15:51 Oui, c'est-à-dire que des mots comme saillant, par exemple, il a les os saillants.
15:54 Saillant, vous l'entendez une fois tous les cinq à six millions de mots à l'oral,
15:57 et vous l'entendez très souvent dans un bouquin standard.
16:00 Dans la taille d'un bouquin standard, vous pouvez espérer le rencontrer.
16:03 Donc il y a ce développement langagier.
16:05 Le langage, c'est quand même la base et le fondement,
16:08 un fondement essentiel de l'intelligence humaine, donc ça passe par le langage.
16:11 Les connaissances, on l'a dit, ça a des effets sur l'imagination, la créativité.
16:15 Alors justement, j'allais vous poser la question, parce que chez ces ados
16:18 qui regardent beaucoup de séries et qui regardent également beaucoup de réseaux sociaux,
16:23 est-ce qu'il y a une corrélation parfois avec le manque d'empathie,
16:27 une forme de narcissisme que l'on trouve chez certaines générations,
16:30 fondée sur le fait de moins lire, on va dire ?
16:32 Alors on s'aperçoit qu'il y a des études de long terme qui sont faites
16:35 et qui montrent effectivement depuis les années 80 qu'il y a une diminution
16:39 des compétences d'empathie chez les nouvelles générations et chez les ados,
16:44 et qu'il y a une augmentation parallèle du narcissisme,
16:47 donc des échelles de narcissisme.
16:49 C'est pas surprenant, parce qu'il n'y a pas que la lecture, évidemment,
16:52 qui explique ça, mais la lecture explique ça aussi, parce qu'on se rend pas compte,
16:55 mais la fiction, c'est ce qu'on appelle vraiment un simulateur social,
16:58 c'est-à-dire que quand vous ressentez une émotion dans la vie,
17:00 quand vous êtes énervé, il y a un certain nombre de zones du cerveau
17:03 qui vont s'activer, et des fois c'est des sujets qui m'énervent,
17:05 ça se voit peut-être pas, mais ça m'énerve,
17:07 et donc vous avez un certain nombre de zones du cerveau qui vont s'activer,
17:10 et quand vous lisez un texte, le même texte, c'est les mêmes zones du cerveau,
17:14 c'est-à-dire que ce que vous allez éprouver dans la vraie vie
17:17 et ce que vous allez éprouver de façon indirecte à travers la littérature,
17:20 et la littérature, vous permettez, c'est Éco qui disait,
17:22 "Il a pas, lui, il va mourir à 80 ans, il aura vécu une vie,
17:26 et moi, j'ai mouri à 80 ans, et j'aurai vécu 1000 vies."
17:29 Et en fait, par exemple, si je vais chercher "trahison" dans le dictionnaire,
17:33 je vais comprendre le terme "trahison".
17:34 Maintenant, si je lis Madame Bovary, je vais rentrer littéralement
17:38 dans la tête d'Emma Bovary, je vais comprendre les complexités,
17:41 je vais comprendre ce qu'elle pense, je vais éprouver ce qu'elle éprouve,
17:44 et c'est pareil pour son mari, si tu le regardes à la télé,
17:46 on se dit "Oh les Charles, quand même, ce couteau, il y a un truc qui va pas",
17:49 mais dans le livre, ça va pas, vous rentrez dans sa tête,
17:51 vous comprenez ses peurs, et en fait, vous allez éprouver ce que les personnages éprouvaient,
17:55 vous allez éprouver la trahison tant du point de vue de celui qui est trahi
17:58 que du point de vue de celui qui trahit.
18:00 - Et ça, on l'a pas en regardant Netflix, en regardant un personnage ?
18:03 - Alors, les études montrent que c'est pas pareil,
18:06 on éprouve sûrement une certaine forme d'empathie,
18:08 mais c'est beaucoup plus difficile, la richesse, les études montrent
18:11 que quand on transfère un livre, par exemple, en film,
18:13 il y a beaucoup moins de complexité langagière,
18:15 c'est-à-dire qu'ils ont fait ça avec Léo de Hurlevent, qui est un classique,
18:18 ils ont pris, voilà, dans le livre, le niveau de langage, c'est terminal,
18:22 et dans le film, on est au niveau CE2.
18:25 Et puis la complexité, alors ça veut pas dire qu'il faut pas regarder le film
18:28 et qu'il apporte pas d'autres choses, mais ça veut dire qu'en termes
18:30 de développement langagier, c'est uniquement et c'est principalement
18:33 concentré dans les livres, et la complexité des personnages,
18:37 c'est beaucoup plus facile de rentrer dans la tête d'un personnage dans un livre,
18:41 le mec, il vous prend la main, il vous explique ce que pense le personnage,
18:44 vous lisez ce que pense le personnage, ce qu'il ressent.
18:47 Dans un film, c'est beaucoup plus difficile et c'est beaucoup moins simple
18:50 de rentrer dans la tête, on voit les personnages agir,
18:53 des fois vous avez une voix off, mais c'est quand même plus difficile à faire,
18:56 et donc c'est pas du tout la même capacité à éprouver ce qu'éprouvent les personnages.
19:01 - Et en termes de contenu, alors on voit quand même dans toutes ces séries
19:04 qu'il y a beaucoup d'alcool, de cigarettes, de violence,
19:07 est-ce que vous avez le sentiment que ça conditionne, ou alors c'est une idée reçue
19:10 et l'éducation ne sera pas modifiée en fait par l'impact de ces images ?
19:14 Est-ce qu'il y a plus de violence aujourd'hui ?
19:15 - Non, non, c'est pas un sentiment, c'est une évidence, ça fait 50 ans qu'on le sait,
19:18 vous avez pris l'alcool et le tabagisme, l'un des facteurs prédictifs...
19:22 Alors, quand un enfant, un ado se met à fumer,
19:26 en général, l'écrasante majorité des fumeurs se met à fumer avant 18, 20 ans,
19:31 donc c'est vraiment à l'adolescence que ça se joue,
19:34 et donc l'un des facteurs essentiels pour savoir si un ado va se mettre à fumer,
19:38 évidemment si ses parents fument c'est un facteur de risque,
19:40 si ses copains fument c'est un facteur de risque,
19:42 mais le facteur le plus important, en dehors du prix du tabac,
19:45 c'est le nombre d'heures qu'il va passer à regarder les séries.
19:47 On a l'impression qu'il n'y a plus de tabagisme dans les séries,
19:49 mais il n'y en a jamais eu autant de contenu dans les séries Netflix et Prime Vidéo par exemple,
19:53 il n'y a jamais eu autant de contenu tabagique, tous les personnages fument,
19:56 et il va y avoir un impact parce que...
20:00 Il faut comprendre comment est la mémoire, la mémoire c'est une toile d'araignée,
20:02 elle associe les choses, c'est-à-dire que vous allez avoir des personnages qui fument,
20:05 et souvent, et le plus souvent dans l'écrasante majorité des cas,
20:08 c'est des gens qui sont beaux, qui sont dans des situations sociales qui sont positives,
20:11 c'est des gens qui ont de l'argent, etc.
20:13 Et le cerveau, il va associer à notre insu, les vertus de ces gens-là,
20:17 parce que le cerveau en fait, la mémoire c'est une intelligence d'association,
20:20 elle associe les choses entre elles.
20:21 Et donc le cerveau, il va associer le tabagisme,
20:24 et ses comportements tabagiques à la qualité des personnages qu'il voit.
20:27 Et on le voit par exemple, il y a une procédure simple,
20:30 c'est-à-dire que si je vous dis docteur, et qu'après je vous fais lire le mot infirmière au tab,
20:33 vous allez lire beaucoup plus vite le mot infirmière parce qu'il est lié au mot docteur.
20:36 Et les ados qui sont très imprégnés comme ça d'images tabagiques,
20:40 à la télévision, si vous leur mettez des mots comme "sexy", "rebelle", "intelligent", etc.,
20:46 ils vont les reconnaître beaucoup plus vite que les mots négatifs.
20:48 Donc il y a vraiment une imprégnation dans la mémoire, et c'est un facteur.
20:51 Alors ça marche pour le tabagisme, ça marche pour l'alcool, etc.
20:54 Et donc il y a vraiment un impact essentiel, décontenu,
20:57 de ce que va voir l'enfant sur la façon dont il va percevoir les mondes,
21:01 via la structuration de sa mémoire, et c'est très difficile de s'en prendre.
21:05 Alors Michel, à tous les parents d'adolescents qui nous écoutent,
21:08 j'aimerais vous demander, est-ce qu'on peut encore changer le cours des choses ?
21:11 Oui, oui, évidemment. D'abord je crois qu'il faut...
21:14 Il y a un truc qui ne marche pas, c'est staline.
21:16 C'est-à-dire que si vous dites à l'ado "maintenant tu coupes et c'est fini" et point,
21:19 les études montrent que ça ne marche pas. Il faut des règles,
21:21 mais il faut que ces règles soient discutées.
21:23 Si on explique à l'ado... alors il n'y a pas de formule magique,
21:27 mais les études montrent... il y a par exemple une grosse étude,
21:29 c'était un groupe de gamins qui regardait plus d'ados,
21:31 qui regardait plus de 3 heures par jour, et si vous leur dites
21:33 "maintenant ça suffit, on coupe, on met des règles, pas de telle heure à telle heure"
21:37 ça ne marche pas très bien. Si maintenant on met les mêmes règles,
21:39 mais qu'on leur dit "voilà pourquoi", parce que ça crée des problèmes
21:41 de champ de sommeil sur le réussite scolaire et autres,
21:43 les effets ne sont pas miraculeux, mais on descend quand même
21:46 à un peu plus d'une heure depuis trois heures,
21:48 et puis les ados sont beaucoup plus réceptifs à ça.
21:52 Si je peux me permettre juste une petite anecdote,
21:54 parce que j'ai plein d'étudiants, et il y en a qui sont bien.
21:59 Si on me disait "tiens ta fille si elle devient comme ces étudiants-là"
22:02 j'applaudis dès demain et je dis "parfait"
22:04 et tous ils viennent se moquer de moi, c'est des gamins qui sont brillants,
22:06 qui ont bossé, ils viennent se foutre de moi évidemment,
22:08 pardon pour l'expression, mais sur les écrans,
22:10 et ils me disent tous "à l'adolescence ça a quand même été un peu chaud
22:12 avec mes parents parfois" et leur conclusion unanime c'est toujours
22:15 "mais qu'est-ce que je suis reconnaissant qu'ils aient tenu et qu'ils n'aient pas lâché"
22:19 donc à un moment donné il faut accepter un peu de friction à court terme
22:22 pour pouvoir préserver un certain nombre de choses à long terme
22:24 et nos ados nous sont souvent reconnaissants d'avoir pas trop lâché la corde.
22:30 Michel, on impose une seconde pour conclure,
22:32 qui doit être responsable justement de ces règles ?
22:34 Est-ce que c'est les parents ? Est-ce que c'est l'école ?
22:36 Est-ce que ce sont les fabricants de matériel informatique ou les plateformes ?
22:39 À qui revient le dernier mot ?
22:42 Je crois que si on se que montre les réseaux sociaux notamment,
22:46 et ça donne nos dérives, je crois que si on fait confiance
22:48 si on fait confiance aux pourvoyeurs, aux réseaux sociaux
22:52 et aux pourvoyeurs numériques, on va pas aller bien loin,
22:54 je sais pas ce qu'il y a de plus responsable,
22:56 mais en tout cas ce qu'il faut déjà c'est que les parents soient informés,
22:58 ça c'est notre responsabilité à tous, il faut donner l'information aux parents
23:02 et puis il faut que les parents en discutent avec leurs ados
23:05 et puis il faut arrêter de se dire "il faut vivre avec son temps"
23:07 et l'ado va devenir un paria social ou il aura une vie misérable
23:10 s'il est pas toute la journée sur...
23:12 Il faut se rendre compte des heures, les ados sur ces écrans-là
23:15 c'est 7h par jour en moyenne, c'est un truc de dingue,
23:17 c'est à dire que c'est quasiment un tiers de leur vie éveillée.
23:20 Donc on diminue un petit peu, on prend un livre et on dialogue aux familles, c'est ça ?
23:24 Ah oui, oui, puis surtout on en discute avec eux,
23:26 il est impératif de diminuer le temps que les gamins passent sur les écrans,
23:30 mais pour eux, pour leur bien-être, pour leur construction,
23:32 pour leur structuration, ça veut pas dire qu'il faut passer à zéro,
23:35 mais ça veut dire que vu les quantités absorbées en ce moment,
23:38 c'est extravagant 7h par jour.
23:40 En toute chose, mesure est bonne.
23:41 Michel Demurger, merci beaucoup, je rappelle que vous êtes docteur en neurosciences
23:44 et directeur de recherche à l'Inserm.
23:46 Le numérique pour tous, c'est fini pour aujourd'hui
23:48 et pour prolonger la discussion, on se retrouve comme chaque semaine
23:51 sur vos réseaux sociaux préférés.
23:53 Je vous souhaite une excellente fin de week-end et je vous dis à la semaine prochaine.
23:57 Sud Radio, le numérique pour tous, Vanessa Perez.
24:01 Avec Vérissure, le numéro 1 des alarmes en France.
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