Fabien Azoulay est l'invité du Live Toussaint ce vendredi. Ce ressortissant français (et citoyen américain) publie un témoignage sur ses quatre années passées dans les prisons turques, après avoir été arrêté avec un colis contenant du GBL à son hôtel.
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00:00 Alors, vous écrivez, je précise que c'est le mot que vous utilisez,
00:04 ce ne sont pas les miens, vous dites que vous avez deux handicaps,
00:07 vous êtes gay et de confession juive.
00:11 - Alors gay, je m'en suis caché, mais juive, ils l'ont su.
00:16 J'étais dans une prison où il y avait 50 à 60 détenus,
00:19 et il y avait une forte communauté maghrébine,
00:22 et avec un nom comme le mien, on ne passe pas inaperçu.
00:27 - Quand vous êtes agressé, on vous ébouillante ?
00:31 - On m'ébouillante, oui.
00:32 - C'est ça, l'agresseur est écrit à l'agbar ?
00:34 - À l'agbar.
00:38 - Vous ne dormez pas ?
00:40 - Très peu, par à-coups.
00:44 - Qu'est-ce qui vous fait tenir ?
00:46 - J'ai un frère qui est absolument formidable,
00:51 qui est venu me voir en Turquie 48 fois.
00:55 J'ai des amis qui me soutiennent en m'envoyant des lettres,
01:00 des livres, des mots de soutien.
01:03 J'ai même un comité de soutien sur Facebook qui se met en place.
01:09 Et cet élan d'humanité que j'ai commencé à ressentir
01:14 encore plus après la médiatisation,
01:17 m'a aidé à tenir quelque part.
01:20 - Vous écrivez, "je suis incarcéré depuis maintenant un peu plus de deux ans",
01:23 donc c'est la moitié de ce que vous allez faire au total.
01:26 "Malheureusement, ma demande d'appel a été rejetée.
01:28 Depuis, j'ai perdu tout espoir de quitter Maltep",
01:31 c'est le nom de la prison.
01:33 "J'ai dû me résigner, accepter cette vie qui ne ressemble pas à la vie
01:36 tant il y manque tout ce qu'il a fait.
01:37 Je respire mal, je ne vois pas le ciel.
01:40 Ma peur me suit partout, de jour comme de nuit.
01:42 Je suis cerné d'ondes négatives, la violence est la pire des co-détenus.
01:47 La haine, la jalousie, la vengeance, la convoitise,
01:52 les bastons, les vols, les embrouilles, les complots,
01:55 l'égorgement, les tentatives de suicide,
01:57 l'accumulation des crimes commis par mes compagnons de cellules
02:00 et l'addition de leurs peines, les matraques des gardiens.
02:04 C'est mon univers."
02:06 - C'était devenu mon univers quotidien.
02:09 J'en ai encore la chair de poule rien que d'y repenser
02:11 parce qu'on avait replongé dans cet univers
02:15 que j'ai quitté il y a maintenant bientôt deux ans.
02:20 Et c'est dur.
02:21 - Fabien, est-ce que dans ces moments-là,
02:25 on se dit que la vie ne vaut plus la peine ?
02:27 - Oui, oui.
02:29 J'y ai pensé plusieurs fois, à ce que vous faites allusion.
02:33 Mais je me disais que je n'ai pas le droit,
02:35 vis-à-vis de mon frère, vis-à-vis de mes amis,
02:38 ça aurait été un choix égoïste que de laisser tomber,
02:42 que de débrancher la prise et de dire que c'est terminé.
02:46 Donc je ne l'ai pas fait.
02:47 Mais oui, j'y ai pensé plusieurs fois.