La productivité du travail crée-t-elle aujourd’hui suffisamment de richesse pour que le travail paie davantage ? Bertrand Martinot, économiste spécialisé dans les questions emploi, estime que le système est aujourd’hui à bout de souffle. Pour lui, la priorité a déjà été mise du côté des bas salaires : le SMIC est particulièrement élevé par rapport à notre salaire médian et aux autres pays européens. Il ne reste plus beaucoup de manœuvres possibles.
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00:00 Et donc c'est le conseiller emploi de l'Institut Montaigne, Bertrand Martineau, qui nous accompagne.
00:09 Et je dois...
00:11 Je dois...
00:13 Ah mon Dieu !
00:15 Quand on va voir le...
00:17 Confesser !
00:19 Le terme "confesser" m'échappait.
00:21 Ça va bien se passer.
00:23 Je dois confesser une lourde erreur après l'élection d'Emmanuel Macron.
00:28 La première loi, tu l'as oublié toi, mais la première loi de programmation des finances publiques sur 5 ans que tu envoies à Bruxelles, etc.
00:36 prévoyait un retour à l'équilibre budgétaire à la fin du quinquennat, donc 2022.
00:43 Et je me souviens très bien de m'être enthousiasmé.
00:46 On était à l'époque, ça te fait rire, on était à l'époque BFM Business, et j'en avais fait la une.
00:52 C'est formidable, ça y est, on va sortir du truc.
00:54 Et je me souviens que le premier économiste que j'avais interrogé sur la question, c'était pas toi, mais...
00:58 Il m'a dit "mais sinon le Père Noël, on vous a dit, vous êtes au front !"
01:04 Oui, c'est le propre des lois de programmation de prévoir un retour à l'équilibre.
01:08 C'est d'ailleurs comme ça qu'elle se justifie.
01:10 Et celle-là ne le prévoit même pas d'ailleurs, celle qui a été passée dans le bruit et la fureur.
01:14 On est dans un tel état qu'effectivement, l'horizon indépassable, c'est le retour au 3% du PIB de déficit public.
01:20 Mais, alors, je n'ai pas compté, avant de venir, combien il y a eu de programmes de stabilité,
01:26 enfin de plans de programmation pluriannuel, depuis que l'exercice existe, mais aucun, aucun n'a jamais été respecté.
01:34 Mais c'est ce qu'on envoie à Bruxelles, c'est important, on nous dit que ça débloque les...
01:38 C'est plus en formule, cette fois-ci ça débloquait les subventions européennes, même s'il y a débat là-dessus.
01:43 Le ministre du Budget nous a dit "non, non, non, c'est pas vraiment bon".
01:45 Oui, mais en fait, la France est un pays trop gros pour subir les foudres de Bruxelles.
01:52 On est d'accord.
01:53 Voilà, donc on peut toujours s'arranger.
01:54 La petite musique là, Bertrand, qui monte, et notamment du côté des entreprises, du côté de Patrick Martin,
01:59 le nouveau président du MEDEF, alors, il donne ce chiffre, moi, au regard de la masse salariale,
02:06 il n'est pas si impressionnant que ça, mais quand même, de 3 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires
02:10 à l'occasion de cette rentrée, alors il agrège tout, des nouvelles règles sur les congés maladie,
02:15 une augmentation en Île-de-France du forfait transport, enfin voilà, des petites choses comme ça,
02:20 et des petites choses qui à un moment sont, qu'on le veuille ou non, des impôts de production par exemple.
02:25 Bref, la petite musique, lui, il le dit d'ailleurs comme ça dans l'interview aux Echos,
02:30 c'est "on est en train de sortir petit à petit de la politique de l'offre".
02:33 Est-ce que c'est ce que tu constates ?
02:35 Non, je ne dirais pas jusque-là, le discours n'a pas changé, il n'y a aucune, dans le PLF,
02:40 il n'y a aucune mesure macro-économique, on va dire, d'ampleur macro-économique contre les entreprises.
02:46 Alors, il y a une petite musique, peut-être des amendements de certains députés Renaissance,
02:51 qui voudraient remettre en cause la petite partie allégement de charges au-delà de 2,5 SMIC,
02:57 au motif que ça ne crée pas beaucoup d'emplois, etc.
02:59 Donc là, ce sera une charge supplémentaire pour les entreprises, mais ce n'est pas fait,
03:02 je sais que c'est en réflexion, donc il n'y a pas de volonté massive de retour en arrière sur les entreprises.
03:11 Donc je pense qu'on ne peut pas dire ça, mais c'est vrai qu'il y a tout un tas de petites choses qui viennent s'ajouter,
03:16 et clairement, le sens de l'histoire financière dans les prochaines années n'est pas aux baisses de charges,
03:22 que ce soit sur les entreprises ou sur les ménages.
03:24 Ensuite, il y aura des arbitrages politiques pour savoir si on tape plutôt sur les ménages ou plutôt sur les entreprises.
03:29 Il y a aussi des effets de vastes communiquants, c'est-à-dire que ce n'est pas parce que l'État décrète une pause sur les impôts
03:35 qu'il n'y a pas les collectivités locales, par ailleurs, qui en profitent pour augmenter le...
03:39 - Ce qu'on a vu avec les taxes financières. - Voilà.
03:41 - Mais t'en penses quoi de ce sujet ? Je le trouve très intéressant.
03:44 Vieux comme le rapport Galois, autour des allégements de charges au-dessus, donc, de 1,6 SMIC,
03:50 allégement de charges dans, on va dire, et c'est comme ça que les industriels le défendent d'ailleurs,
03:54 dans les salaires de l'industrie, en fait, entre 2,5 et 3,5 SMIC.
03:59 - Il y a aussi les salaires de la banque, les salaires des assurances...
04:01 - Oui, mais tu penses bien, on parle compétitivité à ce moment-là, compétitivité, attractivité.
04:05 - Évidemment. Si vous voulez, j'ai toujours le même discours, c'est que la France avait un énorme problème de chômage au niveau des basses salaires,
04:17 et donc, et avec un SMIC qui était, alors bien sûr, on va toujours dire que c'est pas facile de vivre avec un SMIC à 1 500 euros, etc., c'est clair,
04:25 mais en terme, si on regarde du côté de l'offre, on a un SMIC qui est particulièrement élevé par rapport à notre salaire médian, par rapport aux autres pays.
04:32 - Absolument. - C'est un choix collectif, un choix de société, quasiment.
04:35 Et je peux comprendre ce choix de société, qu'on ait un, qu'on ait un SMIC, c'est tout à fait indispensable.
04:39 - 1 400, 1 700, voilà. - Et tu devrais pas utiliser sa morf.
04:42 - T'as que 300 euros, en gros, on va dire, un peu plus, entre le SMIC et le salaire médian.
04:46 - Voilà. On peut pas avoir un discours sur le thème "il faut que le travail paye" et avoir un SMIC à un niveau ridicule qui passerait en dessous des,
04:54 parce que ce serait le cas, en dessous des minimas sociaux ou en dessous de l'assurance chômage.
04:59 Bon. Donc, on a fait le choix d'avoir un SMIC qui, par rapport, malheureusement, aux performances de l'économie française, est très élevé.
05:07 Voilà, c'est comme ça. Bon. Donc, en contrepartie, pour que le marché du travail ne s'effondre pas depuis maintenant la fin des années 90,
05:15 et puis on en a remis une couche avec Madame Aubry, eh bien on fait des efforts massifs d'allègement de charges sur les bas salaires,
05:22 dans un contexte où la France, je rappelle, a les cotisations sociales les plus patronales et salariales, enfin, la somme des deux, les plus élevées du monde.
05:29 Bon. Donc, à partir de là, la priorité a toujours été mise du côté des bas salaires. Bon. Maintenant, il est évident que toute baisse de charges
05:38 est bonne à prendre à tous les niveaux de salaire, maintenant, y compris pour des raisons de compétitivité. La question, c'est les marches de manœuvre budgétaires.
05:47 — Oui, mais là, ils veulent les retirer, les baisses de charges. — Oui, bah évidemment. Enfin ils veulent. Ils veulent ces certains députés renaissants.
05:54 C'est pas dans le PLF pour l'instant. Voilà. Donc il peut y avoir des... — Des députés renaissants dont on dit qu'ils ont l'oreille du président de la République.
06:01 — Oui, bah oui. Je vois bien. Mais simplement, le sujet... On est dans une telle panade financière que la question n'est pas de savoir si on va couper ou pas couper.
06:12 C'est la question de savoir si on coupe le bras gauche, le bras droit, etc. Voilà. Peut-être qu'il peut y avoir un deal. On fait ce qu'on avait prévu sur la CVAE.
06:21 Mais en contrepartie, on revient sur les allégements de charges. — Mais oui, mais ça n'a pas de sens, ça. — Mais ça n'a pas de sens, ça.
06:27 — Ça, c'est le truc qui exaspère en fait les chefs d'entreprise. Tu le sais, Bertrand. Ça les exaspère. Parce qu'à l'arrivée, derrière, il faut se justifier.
06:35 C'est ce débat surréaliste sur les cadeaux aux entreprises. « Non mais on ne prend pas ton argent, on te fait un cadeau ». Enfin c'est ahurissant.
06:43 Et c'est exaspérant et incompréhensible, en fait. C'est de la confusion. — Ça mériterait d'être un débat politique de haut niveau.
06:50 C'est de savoir si on continue sur ce niveau de prélèvement obligatoire avec tout un tas d'exonérations et de niches pour les rendre supportables.
06:58 Bon, il faudrait peut-être mieux travailler sur l'ensemble du sujet des prélèvements obligatoires plutôt que de laisser des taux extrêmes.
07:04 Et puis en contrepartie, faire des allégements tous azimuts. Mais je rappelle quand même encore une fois l'origine de ces allégements de charges
07:12 et dont la justification est toujours valable, c'est qu'on a un SMIC qui, par rapport au salaire médian – je dis pas par rapport à l'absolu, bien sûr –
07:22 est très élevé en France. Voilà. Donc c'était vrai il y a 30 ans. Et c'est toujours vrai aujourd'hui.
07:28 — Tu as dit donc « le travail paie ». Alors c'est la phrase de Fabien Roussel qui, nous dit-on dans cette rencontre de Saint-Denis, là,
07:36 au mois de septembre, a amené Emmanuel Macron à convoquer cette conférence sociale à laquelle donc les syndicats vont participer.
07:44 Bon, tu en attends quelque chose de particulier ? Eux, ils ont envie de parler, j'ai l'impression, de trucs qui sont quand même...
07:51 Bon, on peut en parler, hein, des points de détail. Est-ce que la GICARCO doit financer le régime général ?
07:56 Est-ce que les excédents de l'UNEDIC peuvent aider France Travail ? On est quand même sur des éléments plus importants que ça, je pense.
08:05 — Alors déjà, que l'État fasse les poches des caisses sociales en excédent, c'est vieux comme le monde. L'État, depuis 20 ans, fait des poches.
08:15 Dès qu'il y en a, c'est quoi ? C'est actions-logement. C'est les fonds de la formation professionnelle. Bon, la manque de chance...
08:21 Le système est complètement difficile. Donc on peut pas faire les poches. Il y a effectivement la GICARCO. Et il y a l'UNEDIC.
08:26 Bon, je rappelle que l'UNEDIC a été fortement mis à contribution ces dernières années pour Pôle emploi.
08:32 Les moyens de l'État à Pôle emploi sont restés constants en euros courants, alors que la proportion des cotisations UNEDIC qui étaient fléchées
08:41 vers Pôle emploi n'a cessé d'augmenter. Et avec France Travail, l'État va encore prélever davantage sur l'UNEDIC.
08:46 Bon. Alors d'un point de vue des finances publiques, tout ça est neutre. On répartit la pénurie...
08:52 — Et puis intellectuellement, c'est pas complètement idiot que l'UNEDIC finance aussi une partie du retour à l'emploi ?
08:59 — Oui. La question, c'est que maintenant, elle en finance 70 %, alors qu'on pourrait penser que...
09:04 — 70 %, là, aujourd'hui ? — Oui, aujourd'hui. Alors qu'à l'origine des temps qu'on a créé Pôle emploi, on était à à peu près 50-50. Voilà.
09:10 On est à 70-30. Demain, on sera à 80-20. Voilà. Bon. Non, il y a un problème... Le financement optimum du service public de l'emploi,
09:18 puisqu'on va sur ce terrain, il y a quand même une partie de solidarité nationale, puisque Pôle emploi... Les personnes qui sont indemnisées par l'UNEDIC
09:26 ne sont qu'une partie, évidemment, des chômeurs de Pôle emploi. C'est à peu près la moitié. Bon. Donc le reste, c'est quand même la solidarité nationale.
09:33 C'est un service universel, gratuit. Il y a de bonnes raisons de penser économiquement que ça pourrait être assis sur la fiscalité et minoritairement sur l'assurance-chômage.
09:43 Mais tout ça, c'est des débats qui sont un peu théoriques, parce que tout ça, c'est la même caisse, de toute façon. — Oui. Exactement.
09:47 — Bon. Par ailleurs, donc il y a ce sujet, l'État qui fait les poches des partenaires sociaux. Vieux sujet, ce gouvernement. Il est peut-être
09:54 un peu plus brutal que les autres, mais il fait comme ses 3, 5, 10 prédécesseurs. En revanche, c'est vrai que de manière générale, faire les poches, là, ça intervient
10:03 dans un contexte où de fait, l'assurance-chômage est étatisé, où la formation professionnelle n'est pas étatisée mais a été mise largement sous tutelle par un établissement
10:14 public, donc France Compétences, et où l'Agir Carco n'est pas étatisé, mais enfin depuis longtemps est quand même un organe un peu subsidiaire de ce qui se passe
10:23 sur les retraites. Ils sont obligés de suivre, de toute façon, les réformes des retraites. Et là, ça ira encore un peu plus loin vers la prise en main par l'État.
10:29 Et l'État agit... Alors sur le fond, c'est une sorte d'étatisation, de prééminence de l'État. Sur la forme, c'est brutal, parce qu'il y a moyen de le faire de manière
10:40 un peu moins cavalière, on va dire. Mais il y a clairement... Bon, oui, ce gouvernement, depuis 2017, n'est pas très en faveur des partenaires sociaux, n'est pas...
10:50 - Mais si on revient à la question d'origine, pour que le travail paie, tu as participé à des initiatives telles Heures supplémentaires défiscalisées, etc.
11:02 J'ai l'impression qu'on a usé de tous les bouts de ficelle possibles et imaginables pour sortir de ce qu'on décrivait, nous, au début, c'est-à-dire une productivité
11:11 du travail qui ne crée pas, effectivement, aujourd'hui, dans l'état de notre économie, suffisamment de richesse pour que le travail paie davantage.
11:19 - Oui, mais le dernier grand homme d'État qui disait ça, c'était Raymond Barre. Il n'a pas gagné les présidentielles avec ce genre de discours, mais il disait exactement ça. Voilà.
11:29 Donc oui, on n'arrive pas à regarder les choses en face, c'est-à-dire problème de productivité. Et on essaye, en fait, de faire durer le système qui, effectivement, a bout de souffle.
11:41 Alors les finances publiques sont un révélateur, finalement. Le système n'est pas malade des finances publiques. C'est plutôt les finances publiques qui sont malades du système social français.
11:51 Et donc voilà. Donc on en arrive pour que... Tout ça, c'est de l'argent public. C'est des prélèments obligatoires dont on parle. Il faut pas se raconter d'histoire.
12:00 Mais c'est vrai qu'en présentation face à Bruxelles, par exemple, pour faire un programme, c'est bien d'afficher que l'État maîtrise ses dépenses.
12:07 Et il les maîtrisera d'autant mieux, donc facialement, que s'il fait financer d'autres choses... Enfin, qu'il fait financer certaines émissions par d'autres, évidemment.
12:16 Même si c'est encore des finances publiques. Et que ça ne trompe personne, sauf des gens qui veulent se laisser abuser.
12:21 Le temps tourne très vite. Le sujet immigration. Alors moi, le seul truc qui m'intéresse, pour nous, aujourd'hui, dans le champ, c'est...
12:30 Oui ou non, est-ce qu'il y a un problème de compétence net, partout, absolument partout, il se résoudra pas, la démographie est ainsi faite ?
12:38 Est-ce que l'immigration est une solution ? Et est-ce que si on... Vraiment, on laisse de côté les questions de société, qui sont importantes, mais on les laisse de côté.
12:48 On est dans une sorte de tube à essai. L'idée d'une régularisation massive de ceux qui bossent partout où on en a besoin, des chantiers aux cuisines, est une idée qui a un sens pour le spécialiste du travail.
13:02 Alors, plusieurs choses. D'abord, il y a une dimension politique, au sens noble du terme. Il y a une note de l'Institut Montaigne, par l'excellent Bruno Tertrais, qui est sorti il y a quelques semaines,
13:13 qui a l'avantage de mettre les chiffres, une bonne fois pour toutes, sur la table, comme on dit. Donc, on n'a jamais eu autant d'immigrés en France. Un immigré, c'est quelqu'un qui est né étranger à l'étranger.
13:26 Ensuite, il a pu être, dans certains cas, naturalisé, mais ça reste un immigré. Il y en a 7,5 millions. Aujourd'hui, il y a presque un quart des naissances qui sont issues de parents d'immigration.
13:40 Donc, il y a un sujet politique majeur. On ne peut pas faire comme s'il n'existait pas. Donc, on peut économiquement dire que la solution, c'est l'immigration, mais il y a aussi un sujet de cohésion sociale.
13:53 Il y a aussi une question de vivre ensemble, quelle société on veut. La question de...
13:57 Et pour toi, le sujet politique s'impose, en fait, au sujet économique.
14:00 Voilà. Alors, dans les années 30, on a eu une vague d'immigration, effectivement, d'Européens de l'Est. L'expérience montre qu'il est plus facile d'intégrer des Européens de l'Est que d'intégrer des populations musulmanes.
14:11 C'est comme ça. Voilà. Et qu'en tout cas, la France a du mal à intégrer ces personnes. Bon. Donc, il y a quand même un préalable, avant tout discours économique.
14:20 Mais on va en parler d'un point de vue strictement économique. Le discours sur les métiers en tension, moi, j'y crois pas. C'est-à-dire qu'il y a déjà cette histoire de métiers en tension.
14:28 Dans chaque région, vous avez des listes de métiers en tension qui permettent aux entreprises d'aller chercher à l'étranger des personnes qui auront donc une autorisation de travail s'ils sont sur ces métiers en tension.
14:40 Donc c'est des listes... Oui, mais c'est des saisonniers. Non, non, non, non, non, pas forcément des saisonniers. Non, non, pas du tout. Non. Si vous voulez recruter un ingénieur spécialisé sur lequel il y a des tensions, vous pouvez aller le chercher au Maroc, etc.
14:51 Et il aura une autorisation de travail. Sauf que ces listes sont fixées d'administrativement, qu'elles sont différentes d'une région à une autre et qu'en fait, aujourd'hui, la plupart des métiers sont en tension.
15:01 Donc cette notion de métiers en tension, à partir du moment où tous les métiers en tension, ça reste compliqué. Bon, première remarque. Donc cette distinction métiers en tension, pas métiers en tension, définie par l'administration, ça me paraît un peu mécanique.
15:15 Maintenant, en termes de compétences, bien sûr que la France a besoin de compétences. On dit qu'on a besoin d'être soignant, d'infirmière, etc. Sauf qu'une infirmière, c'est des études universitaires, c'est 3 ans.
15:26 Et puis la France ne reconnaît pas, par ailleurs, dans la plus grande partie des cas, les diplômes d'infirmiers. Je prends cet exemple, mais il y en a d'autres. Sauf dans le cadre de l'Union européenne, il n'y a pas de reconnaissance des diplômes.
15:39 Donc il faut que les personnes parlent parfaitement français, suivent un cursus de 3 ans universitaire. Les aides-soignants, il faut savoir parler français, il faut avoir un certain savoir-être, il faut faire des études, c'est le niveau Bac.
15:52 C'est pas évident non plus. Donc les compétences ne viennent pas du ciel. Et le problème, ça a été mis en évidence il y a 2 ans par une note intéressante du Conseil d'analyse économique, c'est que la France n'a pas, évidemment, de politique migratoire.
16:06 Et les personnes qui viennent sont très majoritairement absolument sans qualification. Et en plus, ont des problèmes ensuite d'intégration.
16:13 - Je comprends ce que tu dis Bertrand, c'est traiter le sujet avec beaucoup trop de facilité que de dire qu'il suffit de signer une régularisation. - Mais c'est pas mécanique.
16:23 - Et il faut autour tout un appareil d'accompagnement de l'ensemble. - Et ça peut être une politique d'une ambition nationale avec beaucoup de moyens.
16:34 Alors l'Allemagne le fait beaucoup mieux, il y a des ratés en Allemagne, mais l'Allemagne le fait beaucoup mieux sur l'enseignement des langues, sur l'intégration des personnes, etc.
16:40 Donc indépendamment des aspects politiques, c'est faux de dire qu'on a besoin de compétences, les compétences sont ailleurs. Non, c'est pas vrai.
16:48 Les personnes qui arrivent aujourd'hui en France sont très majoritairement des gens qui n'ont aucune qualification, qui n'ont pas le niveau en français nécessaire,
16:54 qui sont de cultures très diverses, et l'expérience montre qu'ils ont quand même du mal à s'intégrer. Donc il faut pas regarder les choses de manière théorique.
17:02 Maintenant sur la régularisation. Alors le débat est un peu en apnée finalement, parce qu'on sait pas si on parle de 20 000 personnes ou si on parle de 400 ou 500 000 personnes.
17:11 Évidemment, la question à la fois économique et politique n'est pas la même, selon qu'on parle de métier de niche, et puis selon qu'on parle de...
17:19 - Bâtiment, restauration, service à la personne. - Il est évident que si on régularise quelques dizaines de milliers de personnes, ça va absolument pas changer la face du monde,
17:27 ni politiquement, ni en termes macroéconomiques. Si maintenant on régularise quelques centaines de milliers de personnes, évidemment c'est probablement un appel d'air pour une immigration non contrôlée.
17:39 Et on aura du mal ensuite, si c'est quelques centaines de milliers de personnes, on aura du mal à être crédible en disant "bon alors maintenant c'est pour solde de tout compte".
17:48 Donc on sait pas de quoi on parle en fait, parce qu'on sait pas combien il y a de clandestins, on sait pas quels seraient ces métiers, et encore une fois les définir administrativement me paraît pas si simple que ça.
17:58 Voilà, donc le débat est quand même mal endanché. Hystérisé par ailleurs.
18:03 - Oui, hystérisé mais en même temps tu le remets sur terre. Merci Bertrand. Bertrand Martineau donc, qui nous accompagnait pour la première partie de Bismarck.