La Minute de vérité La Tragédie Du Koursk

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Le 12 août 2000, le "Koursk", le plus sophistiqué des sous-marins nucléaires russes, sombre dans le monde du silence avec ses 118 hommes d'équipage. Selon la version officielle, ce naufrage est dû à l'explosion d'une ancienne torpille. De sa construction, au sein du bureau d'études Rubin, à son renflouement spectaculaire en octobre 2001, retour sur le destin tragique de ce fleuron de la flotte russe.

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Transcription
00:00 Un sous-marin nucléaire fend les eaux glacées de l'Arctique.
00:05 Le Kursk est le joyau de la flotte russe.
00:10 Soudain, une explosion ravage l'avant du submersible, suivie quelques secondes plus tard par une deuxième.
00:20 Le bateau se remplit d'eau et coule jusqu'au fond de l'océan.
00:28 Comment une telle catastrophe a-t-elle pu se produire ?
00:31 En théorie, le Kursk ne pouvait pas sombrer.
00:34 Grâce à la simulation informatique, nous allons vous montrer ce qui a provoqué le naufrage d'un sous-marin nucléaire, pourtant à la pointe de la technologie.
00:42 Les catastrophes sont rarement le fruit du hasard.
00:45 Elles résultent souvent d'un enchaînement d'événements malheureux que nous allons tenter de reconstituer dans cette Minute de Vérité.
00:52 NORD DE L'EUROPE
00:56 Russie. 10 août 2000.
01:06 Les chantiers navals de la presqu'île de Kola sont en pleine effervescence.
01:11 Ils se préparent pour l'exercice le plus important de la marine russe depuis la chute du communisme.
01:16 Un exercice qui réunira plus d'une trentaine de bateaux, dont 6 sous-marins, et sera également une démonstration de force de la part d'une nation en proie à de graves difficultés intérieures.
01:26 La guerre en Tchétchénie s'est intensifiée et des attentats ont secoué la Russie.
01:33 Dans ce contexte de crise, cet exercice a pour but de restaurer la confiance des membres de la Fédération.
01:43 21h.
01:46 Dans le chantier naval hautement surveillé Zapadnaï-Alista, le K-141 Kursk fait l'objet d'une dernière inspection.
01:54 Conçu pour attaquer les groupes aéronavals ennemis, il est à la pointe de la défense russe.
02:00 Avec ses 150 mètres de long pour une hauteur de 6 étages, ce sous-marin propulsé par deux réacteurs nucléaires,
02:09 est deux fois plus gros qu'un avion de ligne.
02:13 Sa double coque unique en son genre et ses 9 compartiments étanches lui permettent d'encaisser l'explosion d'une torpille.
02:21 Le lieutenant de vaisseau Dmitri Kolesnikov grille une dernière cigarette avant d'embarquer.
02:29 Il fête son 27ème anniversaire et son épouse Olga lui manque.
02:33 Olga et lui se sont mariés il y a tout juste 4 mois.
02:37 Nous nous sommes mariés en avril 2000, très modestement car il fallait faire vite.
02:44 Peu après leur mariage, Dmitri a emmené sa jeune épouse visiter le Kursk pour qu'elle ait autant confiance que lui dans ce sous-marin.
02:54 Je ne m'attendais pas à ce qu'un sous-marin soit si énorme.
02:58 La visite guidée inclut le compartiment des torpilles,
03:03 puis le poste central navigation opération, le PCNO.
03:08 Sur l'arrière du bateau, Dmitri montre à Olga le poste de conduite propulsion où il officie.
03:15 Viennent ensuite des lieux plus inattendus comme le sauna,
03:23 et la piscine. Olga comprend alors pourquoi son mari est si heureux à bord.
03:29 On pouvait effectivement aimer ce bateau.
03:32 Le Kursk est équipé de deux sasses de sauvetage individuels et d'un troisième,
03:37 assez vaste pour évacuer l'ensemble de l'équipage en une fois.
03:41 Olga est rassurée. Dmitri va embarquer à bord d'un des sous-marins russes les plus sûrs du monde.
03:48 À 21h30, Dmitri rejoint les autres membres de l'équipage.
03:53 Cette mission n'est qu'un exercice de cinq jours,
03:56 mais le Kursk et son équipage sont quasiment parés pour un combat réel,
04:00 et le sous-marin regorge d'armes.
04:04 24 missiles de croisière sont logés dans des silos répartis de chaque côté du massif.
04:10 Les deux sous-marins sont en train de se déplacer.
04:14 Les missiles sont logés dans des silos répartis de chaque côté du massif.
04:19 Et à la proue se trouve le compartiment des torpilles.
04:24 Il y a là six tubes lance-torpilles et de quoi abriter 24 torpilles.
04:29 Pour cette mission, l'équipage s'est adjoint les services de Mahmed Gajief,
04:33 un spécialiste qui doit procéder à des essais sur des batteries expérimentales pour torpilles.
04:38 Il est originaire du Dagestan, une région frontalière de la Tchétchénie.
04:44 À 22h30, dans la pâle lumière d'une soirée d'été dans l'Arctique, le Kursk apparaît.
04:51 Vendredi 11 août.
04:57 Dans la mer de Barents, à 140 km des côtes, l'exercice des forces navales bat son plein.
05:03 Le Kursk participe à une simulation d'offensive.
05:11 Des navires russes jouant le rôle de cibles ennemies.
05:15 Son commandant est le capitaine de vaisseau Gennady Lyachin,
05:20 un pur produit du système soviétique et un des hommes les plus expérimentés de la marine russe.
05:25 14h.
05:30 L'équipage s'apprête à tirer un missile de croisière contre sa cible,
05:34 le Pierre-le-Grand, le vaisseau amiral de la flotte du Nord.
05:38 La marine russe manquant cruellement de moyens, il est rarissime qu'elle tire un véritable missile
05:43 et les hommes sont nerveux.
05:45 Ils savent qu'il y a déjà eu plusieurs accidents lors de l'utilisation de ce type d'armement.
05:50 En 1989, le Komsolomets avait été victime d'un incendie de carburant de missile dans un silo.
05:57 Une chasse rapide avait permis de faire remonter le sous-marin en surface,
06:01 mais on avait dû arrêter les réacteurs nucléaires.
06:03 Le feu avait alors détruit le sous-marin, privé de puissance,
06:06 qui avait fini par sombrer, tuant 41 sous-mariniers.
06:10 Une fois le tir effectué, le Kursk disparaît à nouveau dans l'océan.
06:30 Il peut rester en busque et sous les vagues presque indéfiniment grâce à son cœur nucléaire.
06:36 L'homme qui surveille les réacteurs s'appelle Alexei Mityaev.
06:41 C'est sa première mission à bord, mais malgré son manque d'expérience,
06:44 il a parfaitement conscience de l'importance des responsabilités qui pèsent sur ses épaules.
06:49 À la moindre alerte, il devra s'enfermer dans son compartiment
06:55 et partager le même sort que les deux réacteurs.
06:59 Samedi 12 août, deuxième jour.
07:02 Le Kursk est prêt à entamer la dernière phase de sa mission,
07:10 tirer deux torpilles d'exercice contre le groupe aéronaval ennemi.
07:14 À 11 heures du matin, le commandant donne l'ordre de préparer le tube lance-torpille numéro 4.
07:24 L'équipage est en effervescence.
07:26 Cela fait près de deux ans que le Kursk n'a pas tiré de torpilles.
07:30 Cette arme d'exercice mesure 65 cm de diamètre pour 11 mètres de long et pèse 4,5 tonnes.
07:37 L'équipage appelle ces gros engins « Tolstouchkas », les « grosses filles ».
07:43 Comme toutes les torpilles d'exercice, elle n'est pas équipée d'une charge militaire.
07:48 Mais d'un simple poids pour l'équilibrer.
07:51 11h08.
07:54 Gennady Liatchin a décidé de lancer son attaque à l'immersion périscopique.
08:02 Il cherche les navires ennemis et repère bientôt sa cible.
08:06 Après s'être assuré qu'il s'agit bien du Pierre-le-Grand, il poursuit la procédure.
08:11 Il demande un aide de l'avion,
08:14 il poursuit la procédure.
08:18 Il demande un écho sonar pour évaluer la distance par rapport à la cible.
08:22 Le groupe aéronaval sera attaqué par six submersibles.
08:31 Le Kursk est en deuxième position.
08:35 11h17.
08:38 Le commandant donne l'ordre de réduire la vitesse à six nœuds.
08:41 La vitesse est de six nœuds.
08:44 L'ordre parvient à l'arrière du submersible
08:46 où dans le poste de conduite propulsion,
08:48 Dmitri Kolesnikov sait qu'une vitesse aussi lente
08:51 ne peut que correspondre au moment du tir d'une torpille.
08:54 Vérifiez la pression.
08:57 À 11h20, la Tolstouchka est installée dans le tube lance-torpille.
09:03 Lorsque la porte du tube est refermée,
09:06 un contact électrique s'établit entre la torpille et la console.
09:10 11h27min30.
09:13 Le commandant jette un dernier coup d'œil dans le périscope.
09:17 Le Kursk est paré à lancer.
09:23 Une onde de choc dévaste le poste central navigation opération.
09:34 Les hommes sont projetés au sol
09:37 et une fumée toxique envahit le local.
09:40 Le Kursk est dans une situation critique.
09:44 Avec à son bord une centaine de tonnes d'explosifs,
09:47 24 missiles de croisière et deux réacteurs,
09:50 il risque une catastrophe nucléaire.
09:53 L'explosion survenue dans le compartiment des torpilles
10:04 s'est répercutée à travers une partie de la structure
10:07 et elle a été perçue jusqu'à l'arrière du sous-marin.
10:10 Bien que grièvement blessé,
10:14 Genadiy Lyachin sait que le seul moyen de sauver son bateau
10:17 consiste à faire surface aussi vite que possible.
10:20 Il donne l'ordre d'effectuer une chasse rapide.
10:23 Mais il n'y a plus personne pour l'exécuter.
10:28 À 70 mètres du lieu de l'explosion,
10:31 dans la salle de contrôle des réacteurs,
10:34 Alexei Mityaev réagit comme on le lui a appris.
10:37 Le jeune sous-marinier commence par vérifier
10:40 si les réacteurs ont été endommagés.
10:43 Il constate rapidement que tous deux fonctionnent normalement,
10:46 du moins pour l'instant.
10:48 Il sait que ces deux éléments sont séparés de la coque
10:52 par des amortisseurs capables d'encaisser un choc
10:55 égal à 50 fois la gravité en surface.
10:58 Si tout l'arsenal du Kursk vient à exploser,
11:01 les amortisseurs ne seront d'aucune utilité.
11:04 Dans une telle éventualité, le sous-marin deviendrait
11:07 la plus grosse bombe sale de l'histoire.
11:10 Alexei s'enferme dans son compartiment.
11:14 Il tente de joindre le PCNO, mais sans succès.
11:17 À l'arrière du sous-marin, dans le poste de conduite propulsion,
11:24 Dmitri Kolesnikov donne l'ordre de vérifier tous les systèmes.
11:27 Il sait que l'heure est grave.
11:32 Pourquoi ne sent-il pas le mouvement ascensionnel de la chasse rapide ?
11:35 Dans la salle de contrôle des réacteurs,
11:40 Alexei est confronté à un dilemme terrible.
11:43 Il doit impérativement donner de la puissance pour les manœuvres
11:46 ordonnées par le commandant, tout en se tenant prêt
11:49 à arrêter les réacteurs pour éviter un accident nucléaire.
11:52 Une mauvaise décision de sa part, et c'est tout l'équipage
11:55 qui se retrouvera en danger.
11:58 Au PCNO, l'air extrêmement chaud regorge de vapeur toxique.
12:01 Le commandant et la plupart des hommes sont morts.
12:06 Ne recevant aucune consigne de son supérieur,
12:12 Alexei s'apprête à arrêter les réacteurs.
12:16 11h30.
12:19 135 secondes après la première explosion,
12:22 une autre déflagration déchire l'avant du Kursk.
12:26 Alexei prend sa décision.
12:29 Mais n'est-il pas trop tard ?
12:32 Les barres de commande pénètrent dans le mur.
12:38 Les fusils de la fusée de Kursk sont en train de se débrouiller.
12:41 Les fusils de la fusée de Kursk sont en train de se débrouiller.
12:44 Les fusils de la fusée de Kursk sont en train de se débrouiller.
12:47 Les fusils de la fusée de Kursk sont en train de se débrouiller.
12:50 Les fusils de la fusée de Kursk sont en train de se débrouiller.
12:53 Les barres de commande pénètrent dans le cœur des réacteurs,
12:56 provoquant leur arrêt.
12:59 Dimitri et ses hommes restent à terre là où ils sont tombés,
13:06 attendant l'impact désormais inévitable sur le fond.
13:09 20 secondes se sont écoulées depuis la deuxième explosion.
13:20 À une quarantaine de kilomètres de là,
13:23 l'amiral Popov, commandant de la flotte du Nord,
13:26 observe l'exercice de tir des torpilles depuis le Pierre-le-Grand.
13:29 Une violente onde de choc ébranle soudain le bâtiment.
13:37 L'opérateur Sonar, le lieutenant de vaisseau Lavrignouk,
13:40 consigne le point d'origine de l'onde de choc.
13:47 11h31.
13:50 Dimitri Kolesnikov et ses camarades sont surpris d'être encore en vie.
13:53 Dimitri redoute une explosion des réacteurs.
13:59 Il s'enquière aussitôt de leur état.
14:02 À son plus grand soulagement, il apprend qu'ils ont été arrêtés d'urgence.
14:09 Tout risque d'accident nucléaire est écarté,
14:14 et les hommes savent qu'ils vont devoir livrer un combat désespéré pour survivre.
14:17 Du haut de ses 27 ans, Dimitri Kolesnikov prend le commandement du Kursk.
14:22 Compte tenu de l'ampleur des dégâts,
14:28 les hommes savent qu'ils ne pourront pas atteindre le sas de sauvetage du massif.
14:31 Le seul moyen de sortir est le sas arrière du sous-marin.
14:43 13h15.
14:46 À bord du Pierre-le-Grand, l'amiral Popov constate une anomalie dans le déroulement de l'exercice.
14:49 Cinq des six sous-marins ont déclaré avoir rempli leur mission avec succès.
14:54 Mais le Kursk est toujours muet.
14:58 Pour l'heure, l'amiral ne voit encore aucune raison de donner l'alerte.
15:04 Après tout, le Kursk ne peut pas couler.
15:08 13h30.
15:11 Deux heures après les explosions.
15:14 Un sous-marinier frappe régulièrement une conduite
15:19 selon le code qui doit aider les sauveteurs à localiser leur position.
15:22 Pendant ce temps, Dimitri Kolesnikov fait l'appel
15:28 et note le nom de chacun des survivants.
15:31 "Kurkin.
15:34 Kurskin.
15:37 Leadov."
15:40 Il consigne ensuite les événements qui ont conduit ces hommes au compartiment 9.
15:43 23h30.
15:48 Douze heures après le drame,
15:51 la flotte russe se décide enfin à donner l'alerte.
15:54 Une opération de secours de grande ampleur est mise sur pied
15:59 et l'équipe de sauvetage de la marine russe est mobilisée.
16:03 À bord du Pierre-le-Grand,
16:06 l'opérateur sonar tente de localiser le lieu de l'explosion sous-marine
16:09 enregistrée le matin même.
16:12 Retrouver le Kursk s'annonce difficile.
16:15 En effet, sa coque externe est recouverte d'une couche de caoutchouc
16:18 de 6 cm qui absorbe les échosonars
16:21 pour rendre le sous-marin quasiment invisible.
16:24 4h30 du matin, au bout de cinq heures de recherche,
16:29 l'opérateur sonar du Pierre-le-Grand localise enfin le K-141.
16:32 Lundi 14 août.
16:43 La nouvelle de la catastrophe serait pendant toute la Russie.
16:46 En fin de journée, j'ai compris qu'un drame avait eu lieu.
16:53 On se demandait dans quel hôpital on allait le conduire.
16:58 On a préparé des vêtements chauds, des médicaments.
17:01 Tout le monde voulait donner un coup de main.
17:04 En apprenant la nouvelle, le père de Dimitri, dans la marine depuis 40 ans,
17:08 exhorte tout le monde à la prudence.
17:11 Je savais dès le départ que les chances de survie étaient minimes.
17:14 Le plus important était d'acheminer le matériel.
17:19 La Russie dispose de deux sous-marins de surveillance sophistiqués
17:24 susceptibles de fournir un soutien à l'équipe de sauvetage.
17:27 Mais ils sont indisponibles.
17:30 Ils ont été loués pour participer à une expédition sur l'épave du Titanic
17:33 à 5 500 km de là.
17:36 L'opération sera donc effectuée par les trois submersibles restants.
17:39 Hélas, n'ayant guère été entretenus,
17:43 ils sont en piètre état et leur équipage manque d'entraînement.
17:46 Ils tentent malgré tout de s'accoler au Kursk.
17:51 Mais aucun d'eux ne parvient à s'arrimer de manière étanche au sas.
17:57 Et la tentative se solde par un échec.
18:00 Le monde entier suit désormais les opérations de sauvetage.
18:06 Sous la pression internationale, les Russes demandent à une équipe
18:12 britannico-norvégienne d'organiser une mission de secours.
18:15 À 7h45, le matin du lundi 21 août,
18:21 neuf jours après le naufrage,
18:24 des plongeurs parviennent enfin à ouvrir le sas de sauvetage.
18:27 À l'autre bout de ce combi de 2 m de long
18:32 se trouve l'accès au compartiment neuf.
18:35 Se pourrait-il que des marins soient encore en vie
18:38 ayant pu trouver une poche d'air à l'arrière du sous-marin ?
18:41 C'est la question qui tenaille les premiers plongeurs arrivés sur les lieux.
18:53 Au moment où ils actionnent les coutilles supérieures du sas,
18:56 le monde entier retient son souffle.
18:59 Mais lorsqu'ils ouvrent les coutilles inférieures,
19:02 ils constatent que l'intérieur du sous-marin est inondé.
19:05 Les 118 sous-mariniers qui étaient à bord ont péri.
19:08 Le premier cadavre qu'ils récupèrent est celui de Dmitri Kolesnikov.
19:13 Dans sa poche, on trouvera une feuille de papier
19:18 sur laquelle figure la liste des 23 hommes qui avaient survécu à l'explosion
19:21 avant de périr noyé, ainsi que les adieux de Dmitri à son épouse.
19:24 Ma petite Olga, il fait trop sombre pour écrire,
19:31 mais je vais essayer.
19:34 Il semble qu'il n'y ait aucune chance, peut-être 10 ou 20 %.
19:37 J'espère au moins que quelqu'un lira ces lignes.
19:42 Amitié à tous. Ne désespérez pas, Kolesnikov.
19:50 Comment le Kursk, réputé insubmersible, a-t-il pu subir une telle avarie ?
19:53 Pourquoi le sous-marin n'a-t-il pas eu le temps de faire surface ?
19:58 Et pourquoi n'y a-t-il eu aucun survivant ?
20:01 En retraçant le fil des événements qui ont conduit à ce jour fatidique
20:09 et en analysant en détail l'enquête qui a été faite,
20:12 nous allons vous révéler ce qui est vraiment arrivé au Kursk et à son équipage.
20:15 La simulation informatique va vous emmener là où aucune caméra ne peut aller
20:19 au cœur de la catastrophe.
20:22 Le fiasco de l'opération de sauvetage consterne la communauté internationale,
20:27 mais chez ceux qui connaissent bien le fonctionnement de la Russie,
20:30 la réaction est bien différente.
20:33 J'étais de plus en plus en colère.
20:37 Je connaissais l'attitude des militaires russes qui veulent toujours avant tout protéger leur image.
20:40 En 2000, Peter Truscott est conseiller spécial sur les questions russes
20:45 auprès du gouvernement britannique.
20:48 Marié à une Russe, ce lord a des relations haut placées à l'est comme à l'ouest.
20:51 Il juge la marine russe incompétente et vulnérable et s'attend au pire.
20:57 Il n'était tout à fait possible qu'on essaie de camoufler l'affaire.
21:03 L'enquête officielle commence dans le plus grand secret.
21:08 Et Lord Truscott doute fort que ses conclusions soient jamais rendues publiques.
21:11 C'est pourquoi il décide d'ouvrir sa propre enquête,
21:17 même s'il sait qu'elle s'annonce particulièrement épineuse.
21:20 Si vous demandez de but en blanc aux Russes,
21:25 dites-moi ce qui est vraiment arrivé à votre sous-marin nucléaire,
21:28 vous n'apprendrez rien et vous risquez même d'être accusé d'espionnage.
21:31 Grâce à ces relations, il commence à traquer la moindre bribe de renseignements.
21:36 J'ai étudié toutes les hypothèses qui se sont présentées.
21:45 Le commandant de la flotte du Nord déclare pour sa part
21:48 que le Kursk a peut-être été coulé par une mine marine datant de la Deuxième Guerre mondiale.
21:52 En effet, des milliers de mines avaient été larguées pour couler les sous-marins allemands.
21:57 Les mines de ce type contiennent une charge d'environ 230 kg
22:02 qui explose suite à un contact physique ou une influence magnétique.
22:05 Les images de l'épave montrent que le périscope était sorti.
22:09 Le Kursk était donc tout près de la surface au moment de l'explosion.
22:13 L'hypothèse de la mine est dès lors envisageable.
22:15 Lorne Trescott consulte des experts en mines
22:19 qui lui expliquent qu'une arme de ce genre n'aurait pas été assez puissante
22:22 pour percer la coque externe du K-141.
22:25 Ce sous-marin ultra sophistiqué pouvait résister à l'impact d'un missile moderne.
22:30 Il est donc improbable qu'il ait été coulé par une mine vieille de 50 ou 60 ans.
22:35 L'hypothèse de la mine peut donc être écartée.
22:41 Deux jours après le drame, Lorne Trescott voit surgir une autre hypothèse.
22:46 L'acte terroriste.
22:48 D'après une agence de presse tchétchène, un membre de l'équipage
22:54 aurait fait sauter le Kursk en soutien aux combattants musulmans de Tchétchénie.
22:58 Des soldats russes se faisaient tuer en Tchétchénie.
23:02 On parlait du terrorisme tchétchène.
23:04 Alors quand le Kursk a coulé, les gens se sont demandés s'ils pouvaient le faire.
23:07 Qui avait accès à l'avant du sous-marin ?
23:10 Et qui aurait pu avoir des raisons d'y dissimuler une bombe ?
23:14 Il y avait à bord deux hommes venant de territoires musulmans
23:17 et l'un d'eux avait accès au compartiment des torpilles.
23:20 L'attention se concentre alors sur Mehmet Gadjieff.
23:24 Peter Trescott découvre qu'il s'était porté volontaire pour étudier les batteries des torpilles,
23:30 ce qui lui permettait de déterminer si les torpilles étaient de la même taille.
23:35 Il a donc découvert que les batteries des torpilles,
23:37 ce qui lui permettait d'être tout à l'avant du sous-marin.
23:40 A-t-il commis un attentat suicide ?
23:43 Le Britannique se renseigne sur le jeune homme.
23:48 Ces hommes travaillaient avec des armes particulièrement secrètes.
23:53 En me renseignant sur le passé de Mehmet Gadjieff,
23:56 j'ai découvert que c'était un sous-marinier efficace et fidèle.
23:59 Il n'y avait donc aucune raison de croire
24:02 que ce soit un terroriste planifié.
24:05 Il semble évident que la présence du jeune homme à bord
24:08 a été utilisée à des fins de propagande.
24:11 L'hypothèse du terrorisme est donc à son tour rejetée.
24:15 Le mystère reste entier.
24:18 La marine russe avance alors une nouvelle théorie.
24:25 Il s'agirait d'une collision avec un sous-marin étranger.
24:31 Les Russes savent que la flotte du Nord n'était pas seule
24:33 en mer de Barents au moment du naufrage.
24:35 Au moins deux sous-marins de l'OTAN espionnaient l'exercice.
24:40 Peter Truscott découvre que ce jeu du chat et de la souris
24:46 se solde régulièrement par des collisions sous-marines.
24:49 La marine russe a ainsi répertorié 25 accidents depuis 1967.
24:56 Ses contacts apprennent alors Truscott
25:00 que la Royal Navy britannique pense que le Kursk
25:02 a bien été victime d'une collision de ce genre.
25:05 L'hypothèse numéro un, c'était que le Kursk
25:08 avait percuté un sous-marin américain et coulé.
25:11 Mais aucune preuve ne vient étayer cette version des faits.
25:16 C'est alors que la marine russe diffuse une photosatélite
25:19 du sous-marin américain USS Memphis
25:21 hackée dans un chantier naval militaire de Norvège
25:24 sept jours après le naufrage du Kursk.
25:27 Pour les russes, c'est la preuve que le Memphis
25:30 a été endommagé suite à la collision.
25:32 Les américains opposent un démenti formel.
25:36 Aucun bateau américain n'est impliqué.
25:41 La marine russe ne cache pas son scepticisme.
25:45 Lors d'une conférence de presse, les militaires projettent des images
25:48 montrant ce qui ressemble à une entaille béante sur le flanc du Kursk.
25:52 Pour eux, c'est la preuve d'une collision.
25:55 Et si le Memphis n'est pas en cause,
25:58 c'est qu'il s'agit d'un autre sous-marin, peut-être britannique.
26:01 Le K-141 se transforme alors en patate chaude politique
26:06 et le ministre britannique de la Défense se sent contraint
26:09 d'envisager l'éventualité d'une collision.
26:11 Si des sous-marins de l'OTAN sont responsables,
26:15 toute la lumière doit être faite.
26:17 En attendant, les russes s'en tiennent à la thèse de l'accident.
26:25 Alors que le ministère de la Défense britannique poursuit son enquête,
26:29 un observatoire sismologique norvégien annonce avoir enregistré
26:32 un événement sismique inhabituel en mer de Barents,
26:35 à peu près au moment de la disparition du Kursk.
26:39 L'écho de l'agonie du K-141 apportera-t-il la preuve qu'il y a eu collision ?
26:53 Le gouvernement britannique se procure ces données capitales
26:56 et les envoie au sismologue David Bowers.
26:59 Les renseignements contenus dans ce sismographe sont remarquables.
27:03 L'expert compare la forme de cet événement à une base de données d'autres signaux sismiques.
27:09 Elle ne correspond en rien aux tracés d'un tremblement de terre ou d'une collision.
27:13 Elle indique une explosion sous-marine.
27:20 Une explosion très puissante, l'équivalent d'environ 5 tonnes de TNT.
27:25 Le scientifique poursuit son analyse en remontant dans le temps.
27:30 Et ici, 135 secondes auparavant, il découvre un autre événement sismique,
27:35 presque invisible dans le bruit de fond.
27:39 Il est 100 fois plus réduit que l'événement numéro 2,
27:42 mais suffisant malgré tout pour être repéré à plus de 400 kilomètres.
27:49 Et si la marine russe avait vu juste ?
27:52 Si cette trace indiquait bien une collision
27:55 qui serait à l'origine de la deuxième explosion plus violente ?
27:59 David Bowers analyse la forme du premier événement.
28:04 En l'agrandissant pour que sa taille égale celle du deuxième,
28:08 il trouve l'indice qu'il cherchait.
28:10 Si on compare le signal du deuxième événement avec celui du premier,
28:14 il s'avère très similaire,
28:16 ce qui nous amène à conclure que le premier indique aussi une explosion sous-marine.
28:20 Cette première déflagration était environ 100 fois moins puissante que la deuxième,
28:24 l'équivalent d'une cinquantaine de kilos de TNT.
28:27 Pour lui, il ne fait aucun doute que ces deux anomalies
28:30 correspondent à des explosions sous-marines.
28:33 L'OTAN est innocenté,
28:36 et la marine russe est obligée de reconnaître
28:38 que le naufrage du Kursk n'est pas dû à une collision.
28:43 Les enquêteurs doivent maintenant trouver une explication
28:46 non pas à une, mais à deux explosions.
28:49 Il y avait eu deux explosions,
28:52 mais ce qui était très frustrant,
28:54 c'est que les indices physiques gisaient au fond de la mer de Barents hors d'atteinte.
28:58 Craignant les retombées politiques du désastre,
29:02 le président Vladimir Poutine donne l'ordre de renflouer le sous-marin.
29:06 Ce sera l'une des opérations de renflouement les plus audacieuses de l'histoire.
29:11 Reste à savoir si elle permettra aux enquêteurs de progresser.
29:15 Le président russe réunit un budget de plus de 100 millions d'euros pour l'opération,
29:21 plus que le budget global annuel de l'ensemble de la flotte du Nord.
29:25 Mais peut-on déplacer le Kursk sans risque ?
29:31 Ces deux réacteurs nucléaires se sont trouvés à quelques mètres
29:34 d'une explosion de forte puissance.
29:37 Ont-ils été endommagés ?
29:40 Les mesures indiquent un niveau normal de radioactivité.
29:44 Mais pour plus de sécurité, les enquêteurs décident de faire autopsier certains corps.
29:49 Les plongeurs remontent les cadavres trouvés juste à côté du compartiment choufris nucléaire.
29:57 On découvrira que ces marins ont subi de graves lésions osseuses
30:01 qui ne peuvent que résulter d'un choc violent,
30:03 correspondant à environ 50 fois la gravité.
30:06 Lord Truscott comprend qu'il s'agit d'une découverte cruciale,
30:10 car elle signifie que les réacteurs ont encaissé le même impact.
30:14 C'était terrifiant. On était à la limite de la résistance de ce matériel.
30:19 Les amortisseurs des réacteurs ont été conçus pour supporter à peine plus de 50 G.
30:27 Et il s'en est fallu de peu que la deuxième partie du matériel
30:30 dépasse cette limite. On a donc frôlé la catastrophe nucléaire.
30:35 L'analyse confirme cependant que les réacteurs sont stables.
30:41 Craignant que le compartiment des torpilles ne résiste pas au renflouement,
30:47 les plongeurs le découpent du reste du sous-marin.
30:50 L'épave est ensuite lentement remontée.
30:54 14 mois après son naufrage, le K-141 est remorqué
30:58 jusqu'à un chantier naval de la presse qu'île de Colas.
31:01 Il faudra aux enquêteurs 4 jours pour vidanger le sous-marin
31:04 sans détruire les indices qui s'y trouvent.
31:07 Des spécialistes de la police scientifique commencent ensuite
31:10 à passer l'immense épave au pagne-fin.
31:12 Le premier défi qu'ils doivent faire, c'est de dégager le sous-marin.
31:16 Le sous-marin est un des premiers en train de se dégager.
31:19 Ils commencent ensuite à passer l'immense épave au pagne-fin.
31:23 Le premier défi qu'ils doivent relever est d'identifier la cause de dégâts d'une telle ampleur.
31:28 Ayant rapidement constaté que tous les missiles de croisière étaient intacts,
31:34 ils s'intéressent aux torpilles.
31:37 Bien que le compartiment des torpilles soit resté au fond de la mer,
31:43 en analysant la répartition des dégâts sur l'épave,
31:46 ils viennent à établir que 5 à 7 torpilles ont explosé presque simultanément.
31:51 Cela correspond à la déflagration de 4 tonnes et demie indiquée sur le sismogramme.
31:57 Peter Trescott est convaincu qu'il s'agit là de la cause de la deuxième explosion.
32:13 Mais pourquoi cette détonation a-t-elle eu lieu ?
32:16 L'amas de métal tordu et calciné doit receler des indices.
32:22 Les analyses de la police scientifique révèlent que l'avant du bateau a été carbonisé,
32:26 ravagé par un incendie qui a atteint la température inimaginable de 2000 degrés.
32:32 La température régnant à l'intérieur d'un haut fourneau.
32:36 Un examen plus approfondi permet de conclure que le feu s'est déclaré avant l'explosion des torpilles.
32:43 Les données du sismographe ont vraisemblablement déjà désigné la source probable de cet incendie.
32:50 La première explosion, celle de faible puissance.
32:56 Quelle est la cause de cette première déflagration ?
33:01 Voilà désormais la grande question.
33:04 L'avant du cours qui est tant au fond de l'eau,
33:08 Peter Truscott doute fort qu'on ne mette jamais la main sur les indices susceptibles d'apporter des réponses.
33:14 Comment lever un coin du voile sur cette affaire,
33:18 quand le compartiment des torpilles était en miettes au fond de la mer ?
33:22 L'enquête était mal partie.
33:25 Lord Truscott contacte un spécialiste, Igor Kourdin.
33:31 Cet ancien commandant de sous-marins connaît très bien le Kursk.
33:38 Il pense immédiatement à un élément qui aurait pu déclencher la première explosion.
33:43 Il pourrait s'agir d'un des moteurs électriques de secours du Kursk.
33:48 On a pensé que la première explosion venait d'un de ces moteurs.
33:53 Ils explosent assez souvent sur les sous-marins.
33:56 C'est une explosion d'hydrogène, mais malheureusement ça arrive.
34:03 Une centaine de ces moteurs se trouvent au niveau le plus bas du compartiment 1, sous la salle des torpilles.
34:09 Pesant une tonne pièce, ils fournissent la puissance nécessaire en cas d'arrêt du réacteur
34:15 et fonctionnent comme des batteries de voiture.
34:17 En se rechargeant, ils dégagent de l'hydrogène et en cas de fuite, il y a un risque d'explosion.
34:23 Ces moteurs de secours représentent donc une menace potentielle à bord de tous les sous-marins.
34:31 C'est alors que se produit un nouveau développement.
34:34 Une découverte spectaculaire qui oriente l'enquête dans une nouvelle direction.
34:38 Un fragment de coque provenant d'une section proche de la porte du tube lance-torpille numéro 4
34:46 est retrouvé à une cinquantaine de mètres à l'arrière de l'endroit où gisait l'épave.
34:50 Le fait que ce fragment ait été trouvé si loin du reste signifie que c'est le tout premier élément à avoir été éjecté.
34:57 Et son emplacement original sur le K-141 indique l'endroit exact de la déflagration.
35:04 C'était un indice capital car il prouvait que la torpille du tube 4 avait été la première à détonner.
35:10 Il ne restait plus qu'à savoir quelle partie de l'arme avait explosé.
35:14 Truscott pense tout de suite à la charge militaire,
35:18 mais il apprend que le Kursk devait tirer une torpille d'exercice, un engin dépourvu de charge.
35:23 Il faut donc chercher ailleurs.
35:26 Une fois tirées, les torpilles peuvent parcourir plusieurs kilomètres avant d'atteindre leur cible.
35:31 Cela signifie que leur système de propulsion contient souvent plus d'énergie que la charge militaire elle-même.
35:37 Lord Truscott s'intéresse donc au système de propulsion.
35:51 La turbine qui permet à la torpille d'avancer est alimentée par la combustion de kérosène.
35:57 Sous l'eau, en l'absence d'air, l'oxygène nécessaire à cette combustion est stocké sous la forme de péroxides d'hydrogène hautement concentrés, le HTP.
36:07 Sur le papier, ce système de propulsion est efficace et sans risque,
36:12 mais des experts expliquent à Peter Truscott que le HTP a des propriétés dangereuses.
36:18 Lorsque certains métaux ou simplement de la rouille entrent en contact avec du HTP, ils font office de catalyseurs.
36:26 Le péroxyde d'hydrogène se décompose alors en un mélange d'oxygène et de vapeur,
36:31 dégageant au cours de cette réaction énormément de chaleur et une soudaine dilatation des gaz.
36:37 Dans une torpille, cela peut faire des ravages.
36:42 J'ai été sidéré de découvrir que des torpilles HTP étaient très dangereuses, surtout quand on les manipulait mal.
36:48 L'entre-scott apprend que ce matériel a déjà provoqué plusieurs accidents.
36:53 Le plus grave s'est produit en 1955, à bord du sous-marin britannique HMS Sidon.
37:00 Une torpille HTP a explosé lors de son chargement dans le tube, entraînant la mort de 13 hommes.
37:10 La leçon tirée de cet accident a été que les marines devaient abandonner ce type de matériel.
37:15 Tout le monde l'a compris, sauf l'Union Soviétique.
37:18 Le cours que n'est-il qu'un sous-marin de plus à avoir été victime de cette bombe chimique à retardement ?
37:24 C'est en tout cas sur cette hypothèse que se penche à présent Igor Kourdine.
37:35 Il commence par calculer la puissance approximative du système de propulsion.
37:40 Résultat, entre 50 et 100 kg de TNT, soit à peu près la puissance enregistrée par le sismographe.
37:46 Ces chiffres indiquent qu'un accident lié au péroxyde d'hydrogène est des plus probables.
37:54 Mais Igor Kourdine sait que toutes ces armes sont munies de systèmes de sécurité,
38:00 dont le but est d'empêcher un excès de pressurisation intérieure.
38:04 Ces systèmes ont-ils été endommagés ?
38:07 Grâce à ces relations, Igor Kourdine obtient le carnet d'entretien des torpilles d'exercice du Kursk,
38:13 et ce qu'il découvre le sidère.
38:15 Ces torpilles provenaient d'un lot de 10 fabriqués en 1990.
38:21 6 avaient été aussitôt refusées car présentant des soudures défectueuses.
38:25 Mais les soudures sur les armes d'exercice n'avaient jamais été vérifiées.
38:30 On estimait que la chose n'était pas nécessaire,
38:33 puisque les torpilles n'étaient pas équipées de charges militaires.
38:36 Igor Kourdine en conclut qu'une soudure mal faite a vraisemblablement conduit à une fuite de HTP sur une torpille d'exercice.
38:44 Mais encore faut-il en apporter la preuve.
38:46 Une recherche longue et minutieuse parmi les milliers de fragments de l'épave du Kursk finit par porter ses fruits.
38:57 Certains morceaux de torpilles et de tubes présentent des distorsions et des dégâts dus à la chaleur.
39:02 La torpille aurait apparemment explosé suite à une fuite apparue à mi-longueur, juste au niveau d'une soudure.
39:09 Mais cette hypothèse soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.
39:25 On sait que les tubes lance-torpilles sont munis de systèmes de sécurité.
39:29 Leur porte intérieure est trois fois plus résistante que leur porte extérieure.
39:33 En cas d'explosion à l'intérieur du tube, la déflagration est ainsi canalisée vers l'océan et non vers l'intérieur du sous-marin.
39:41 Autre problème, la puissance limitée de l'explosion du HTP n'aurait pas pu traverser la cloison séparant le compartiment des torpilles du PCNO, le Poste Central Navigation Opération.
39:54 C'était incompréhensible. La puissance de la première onde de choc avait fait perdre conscience à tout le personnel du compartiment 2.
40:01 Seul moyen de résoudre ce paradoxe, reprendre l'examen de l'épave rouillée du Kursk.
40:14 Les spécialistes de la police scientifique finissent par retrouver la porte intérieure du tube lance-torpilles encastrée dans la première cloison.
40:23 12 mètres en arrière de son emplacement d'origine.
40:26 Son analyse montre que si la porte était bien fermée au moment de l'explosion, elle n'était pas complètement verrouillée, ce qui a nuit à sa résistance.
40:35 Fort de sa longue expérience, Igor Kordine croit savoir pourquoi cette porte n'était pas verrouillée.
40:44 La connexion électrique entre la torpille et la porte du tube a tendance à accumuler de la poussière.
40:51 L'équipage est donc généralement obligé d'ouvrir la porte du tube plusieurs fois pour nettoyer cette connexion,
40:57 avant de pouvoir terminer la procédure de vérification des systèmes.
41:01 Pour Igor Kordine, c'est simplement la malchance qui a fait que la porte était mal fermée au moment où la réaction chimique a fait exploser la torpille.
41:09 Cette théorie laisse encore aux enquêteurs un problème de taille à résoudre.
41:14 Comment une explosion d'une puissance aussi faible a-t-elle réussi à détruire le PCNO ?
41:20 Il était clair que le péroxyde d'hydrogène était la cause de la première explosion.
41:24 Mais pourquoi avait-elle été suffisamment puissante pour détruire le PCNO et empêcher le korsk de remonter ?
41:30 Déclencher la manœuvre de chasse rapide ne prend que quelques secondes, mais cette procédure d'urgence élémentaire n'a pas été lancée.
41:40 Pourquoi ?
41:44 La réponse à cette interrogation sèmera le trouble dans toute la flotte russe
41:48 et apportera une lumière nouvelle sur le sort tragique de Dmitri Kolesnikov et de ses 22 camarades.
41:54 Il est désormais établi que c'est une soudure défectueuse qui a provoqué la première explosion, celle d'une torpille.
42:11 La cloison aurait dû contenir la déflagration, mais cela n'a pas été le cas.
42:16 Une fois de plus, Peter Truscott consulte Igor Kordil.
42:20 Ce dernier sait que la cloison séparant les deux premiers compartiments
42:25 aurait largement dû pouvoir contenir l'explosion dans le compartiment avant.
42:30 Il cherche des défauts éventuels de conception sur l'avant du K-141.
42:40 Très vite, ses soupçons se portent sur le système de ventilation.
42:45 Un conduit de 40 cm de diamètre court le long des 4 premiers compartiments.
42:52 Il traverse donc plusieurs cloisons renforcées alors qu'il est lui-même fabriqué dans un alliage de faible résistance.
43:00 C'est un conduit de ventilation traditionnel, comme celui d'une maison ou d'un bureau.
43:05 Et lors de l'explosion, il a aussitôt éclaté.
43:09 C'est à travers ce conduit que l'onde de choc de la première explosion s'est propagée jusqu'au PCNO.
43:17 Et la pièce s'est retrouvée en proie au feu et aux fumées toxiques.
43:21 Avant même d'avoir le temps d'appuyer sur le bouton d'alarme, ils ont été terrassés par le feu et par la fumée.
43:30 L'ordre de Scott a pu reconstituer l'enchaînement des événements qui ont conduit à la tragédie du Kursk.
43:36 12 août 2000.
43:48 H - 5 minutes et 30 secondes.
43:53 Le Kursk se prépare à tirer une torpille d'exercice contre le Pierre-Legrand.
43:58 Tandis que le Sumara manœuvre, à l'avant, le péroxide d'hydrogène d'une torpille fuit dans le tube lance-torpille et une flaque se forme.
44:09 L'équipage ouvre la porte du tube pour nettoyer la connexion électrique.
44:18 H - 135 secondes. Le liquide entre en contact avec un point de rouille et le gaz qui s'en échappe se dilate instantanément.
44:27 Ce pic de pression fait exploser l'enveloppe de la torpille, éventrant le réservoir de kérosène.
44:34 La vapeur brûlante enflamme le combustible qui consume l'oxygène libéré par la réaction chimique.
44:40 Une boule de feu râle et l'oxygène se déplace.
44:45 Le tube lance-torpille est dégagé par la réaction chimique.
44:48 Une boule de feu ravage le compartiment des torpilles, tuant tous les hommes présents.
44:53 Les flammes s'engouffrent dans le conduit de ventilation et atteignent le PCNO.
44:58 De l'eau de mer s'infiltrant par le tube lance-torpille, le Kursk commence à plonger.
45:04 21 torpilles sont dangereusement chauffées par un incendie alimenté par 500 litres de carburant.
45:14 Si la tension intérieure des charges militaires atteindra 400 degrés, ces dernières exploseront à leur tour.
45:20 11 heures 30 minutes et 15 secondes, c'est le drame.
45:25 En moins d'un cinquième de seconde, 5 à 7 torpilles explosent.
45:32 La déflagration traverse les cloisons étanches du Kursk et se propage vers les réacteurs nucléaires.
45:40 Les amortisseurs encaissent la déflagration de 50G et les cloisons stoppent l'onde de choc.
45:45 Les barres de commande s'enfoncent dans le cœur des deux réacteurs, provoquant leur arrêt.
45:50 Pendant ce temps à l'avant, la coque est soumise à une contrainte qui dépasse largement ses limites.
45:57 Malgré ses 5 centimètres d'épaisseur, le tube lance-torpille en acier explose.
46:01 L'eau s'engouffre alors à l'intérieur du sous-marin.
46:06 Quelques minutes après la première explosion, le joyau de la flotte du Nord n'est plus qu'une épave au fond de la mer de Barents.
46:12 Le Kursk devient le tombeau de ses 118 sous-mariniers.
46:17 Une fois tous les cadavres remontés, les médecins légistes concluront que pour la plupart d'entre eux, la mort a été rapide.
46:26 Mais 23 hommes à l'arrière du Kursk s'accrocheront à la vie pendant près de 8 heures.
46:35 Igor Kurdin peut imaginer comment les choses se sont passées.
46:39 Ils ne sont qu'à 108 mètres sous la surface, et ils ont été entraînés à sortir un par un par le sas.
46:49 Mais ça n'est pas sans risque.
46:51 Si personne ne les repère une fois qu'ils seront en surface, ils mourront de froid.
46:59 En remontant ainsi, ils risquaient d'être entraînés dans l'océan, de mourir de froid et de disparaître sans laisser de traces.
47:05 Ils attendaient donc qu'un bateau se positionne à l'aplomb du sous-marin.
47:08 Les sous-mariniers ne manquent ni d'eau ni de nourriture, et il y a suffisamment d'air pour qu'ils tiennent plusieurs jours.
47:16 Mais à chaque expiration, ils rejettent du dioxyde de carbone.
47:23 Un gaz mortel, même à faible concentration.
47:28 Pour éviter une accumulation nocive, le sous-marin est équipé d'usines à CO2,
47:34 des plaques de produits chimiques qui absorbent le CO2 contenu dans l'air ambiant.
47:39 Les sous-mariniers accrochent ces filtres à des tuyaux.
47:44 Igor Kourdin découvre que le sort de ces hommes a été scellé par ces appareils censés leur sauver la vie.
47:52 Le rapport d'accident fait état d'un incendie dans le compartiment 9, et on a retrouvé dans les débris calcinés des filtres d'usines à CO2.
48:00 Igor Kourdin sait que ces filtres prennent feu lorsqu'ils entrent en contact avec de l'huile ou de l'eau.
48:06 Il reconstitue alors les derniers instants de ces 23 hommes.
48:13 Les sous-mariniers tentent d'accrocher un nouveau filtre,
48:18 mais le froid et l'obscurité les rendent maladroits et le filtre tombe dans l'eau pleine d'huile.
48:23 La réaction chimique déclenche un incendie qui consomme l'oxygène contenu dans l'air.
48:29 Ne pouvant plus respirer que le monoxyde de carbone produit par les flammes, les 23 hommes succombent rapidement.
48:35 D'un certain côté, je suis fière de Dimitri,
48:40 car dans ces circonstances terribles, il a réussi à garder son sang-froid,
48:46 à ne pas perdre la maîtrise de lui-même et de ses collègues.
48:48 Mais d'un autre côté, je trouve que c'est une façon horrible de mourir.
48:53 Il aurait mieux valu que sa mort soit instantanée.
48:58 Suite à ce drame, la marine russe a retiré toutes les torpilles à HTP de ses sous-marins,
49:06 mais le rapport officiel n'a désigné aucun responsable.
49:13 Personne ne sera jamais avec certitude si le technicien Alexei Mityayev a décidé d'arrêter les réacteurs.
49:19 S'il l'a fait, cet acte héroïque a peut-être évité un nouveau Tchernobyl.
49:23 Les corps de la plupart des sous-mariniers ont été rendus à leur famille
49:29 et un mémorial a été élevé à Saint-Pétersbourg en leur mémoire.
49:33 Le désastre du Kursk est souvent présenté comme une métaphore de la décrépitude de l'Union soviétique,
49:42 mais pour moi, le courage de son équipage est un signe d'espoir pour l'avenir de la Russie.
49:46 Et pour l'avenir.
49:47 [Musique]
49:59 [Musique]

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