Réaffirmer le soutien de la France à l'Arménie - Raymond kévorkian
Du lundi au jeudi, la rédaction d'Europe 1 reçoit à 19h19 un invité au centre de l'actualité.
Retrouvez "L'invité actu" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu
Transcript
00:00 On va passer à notre second débat d'Europe un soir. Catherine Colonna est aujourd'hui en Arménie pour, dit-elle,
00:04 réaffirmer le soutien de la France à la souveraineté et à l'intégralité territoriale du pays.
00:10 La semaine dernière, les Arméniens de l'enclave du Haut-Karabakh ont dû capituler face à l'offensive éclair de l'Azerbaïdjan.
00:15 La quasi-totalité des habitants s'est donc réfugiée en Arménie.
00:19 Bonsoir Raymond Kévorkian.
00:20 - Bonsoir madame.
00:21 - Je vous remercie beaucoup d'être à mes côtés en direct dans Europe un soir.
00:24 Vous êtes historien du génocide arménien et vous venez également de rentrer du Haut-Karabakh.
00:30 Donc votre présence nous intéresse à double titre.
00:33 On va d'abord écouter les quelques mots de Catherine Colonna, la chef de la diplomatie française.
00:38 - Ma visite manifeste l'amitié de la France pour l'Arménie bien sûr, mais pas seulement l'amitié.
00:45 Sa solidarité, son soutien, son soutien diplomatique, son soutien humanitaire également.
00:49 Madame la ministre, nous ne sommes pas seules à vous aider, mais je crois que nous avons été parmi les premiers.
00:53 Nous serons avec vous pour continuer à vous aider et répondre à vos besoins.
00:57 - Voilà Raymond Kévorkian, les mots de Catherine Colonna.
01:01 Est-ce que vous considérez que la France soutient suffisamment les Arméniens ?
01:06 - Oui, je crois qu'il faut remettre les choses dans son contexte.
01:10 Il y a un conflit régional là-bas et les interventions extérieures,
01:17 en dehors de celles de la Russie qui est un peu spécifique,
01:21 c'est-à-dire qui a un impact direct sur le terrain,
01:24 ne peuvent être que, je dirais, morales ou sous forme de sanctions.
01:29 Et la position prise par la France est effectivement en pointe dans l'Union européenne.
01:35 La question qui se pose pour les semaines à venir, c'est
01:40 on se demande si l'Azerbaïdjan va profiter de son avantage,
01:45 non plus seulement pour épurer la population du Karabakh,
01:50 mais attaquer l'Arménie, la partie sud et couper le pays en deux.
01:54 C'est la question qui se pose et je pense que
01:57 la visite de Madame Colonna est directement liée à cette inquiétude.
02:03 À mon sens, il faudrait une position de l'Union européenne extrêmement ferme
02:13 avec un processus de sanctions progressif, vous voyez,
02:18 qui démarre symboliquement et qui peut monter en fonction des circonstances.
02:24 Mais je pense qu'il y a aussi les États-Unis
02:27 qui sont amenés à jouer un rôle absolument central.
02:30 Si les États-Unis réagissent de manière vigoureuse
02:37 auprès des autorités azerbaïdjanaises,
02:40 à mon avis, ça va les calmer.
02:42 Mais il y a des provocations.
02:44 Je pense que Moscou pousse Bakou à attaquer l'Arménie.
02:50 Et je verrais bien un scénario du genre
02:54 on attaque, on prend le contrôle, mais après on se retire,
02:58 on laisse aux Russes le soin de surveiller les territoires acquis.
03:04 C'est un parfait exemple de politique coloniale russe
03:10 dans ces anciens territoires.
03:14 - Raymond Kévorkian, vous avez évoqué pas mal de sujets,
03:17 notamment géopolitiques.
03:19 On va bien sûr y revenir.
03:21 Je voudrais aussi qu'on parle de ce que vous avez vu de vos yeux
03:23 puisque vous revenez du Haut-Karabakh.
03:25 On va marquer une courte pause.
03:27 On continuera à parler de l'exode des habitants de cet enclave,
03:31 habitants chassés par l'Azerbaïdjan.
03:34 Vous pouvez réagir au 01-80-20-39-21.
03:37 [Générique]
03:40 - Bonjour, c'est Pascal Praud sur Europe 1.
03:43 Je vous remercie de prendre mon appel.
03:44 - Je vous remercie beaucoup de me donner cette opportunité.
03:47 - Bonjour, monsieur Praud.
03:48 - Pascal Praud et vous.
03:49 - Je vous remercie de témoigner.
03:50 Ce n'est pas facile de prendre la parole sur un sujet comme celui-là.
03:53 - Vous intervenez tous les matins, en direct.
03:56 - Bonjour, je suis très contente déjà de vous avoir en ligne.
04:00 - Ce qui compte, Karine toujours sur la page Facebook, c'est vous.
04:03 - Merci, tout ce que vous dites est à la fois très intelligent, très mesuré.
04:07 - Pascal Praud et vous.
04:08 - Rendez-vous demain à partir de 11h sur Europe 1.
04:12 - Et vous Antoine, pourquoi avoir choisi Vérissure ?
04:14 - Parce qu'on ne fait pas forcément attention au passage dans son immeuble.
04:16 Résultat, mon voisin du dessus s'est fait cambrioler le mois dernier.
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04:32 [Générique]
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05:52 - 19h44 sur Europe 1, merci de passer la soirée avec nous.
05:57 J'en profite pour vous donner rendez-vous tous les soirs sur Europe 1 avec la libre antenne
06:01 du lundi au jeudi avec Olivier Delacroix dès 22h15 et du vendredi au dimanche avec Valérie Darmon.
06:06 Ce soir, émission spéciale consacrée à l'insécurité routière.
06:10 Appelez dès maintenant le 01 80 20 39 21 et laissez vos coordonnées.
06:14 Si vous voulez témoigner, nous on se retrouve dans un instant pour parler de la position
06:18 de la France vis-à-vis des Arméniens dus au Carabar.
06:21 [Musique]
06:24 - Nous sommes actuellement fermés. Veuillez rappeler de 9h30 à 11h30 et de 14h30...
06:29 - Lorsqu'un décès survient, ce n'est pas toujours pendant les heures d'ouverture.
06:32 Et là, à qui on s'adresse pour savoir quoi faire ?
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08:00 - Et nous sommes toujours avec l'historien du génocide arménien Raymond Kevorkian.
08:04 À l'instant, la chef de la diplomatie française Catherine Colonna,
08:08 qui est en visite à Yerevan, a annoncé que Paris avait donné son accord
08:12 pour la livraison de matériel militaire à l'Arménie,
08:15 qui souhaite donc se protéger de son voisin azerbaïdjanais.
08:20 C'est difficile à dire.
08:21 Il faut aussi rappeler que Catherine Colonna a promis une nouvelle aide humanitaire d'urgence
08:26 qui s'ajoute aux 12 millions d'euros déjà versés par la France depuis le début de l'année.
08:31 Pour vous, Raymond Kevorkian, la France fait le strict minimum,
08:36 fait beaucoup, ne fait pas assez. Comment vous qualifieriez ?
08:38 - Elle assume ses obligations, on va dire, sans problème.
08:44 Et je pense qu'elle pourra jouer un rôle très important, peut-être,
08:47 pour débloquer des crédits.
08:49 Il va falloir installer ces 100 000 personnes
08:52 qui sont restées neuf mois sous blocus,
08:57 avec des problèmes du quotidien.
09:01 - Vous parlez des 100 000 personnes qui vivaient dans l'enclave du Haut-Karabakh
09:05 - Et qui ont été chassées.
09:06 - Qui ont été chassées, qui aujourd'hui se retrouvent en Arménie.
09:09 - Et qui sont actuellement ventilées dans différentes régions du pays.
09:13 - Je voudrais qu'on prenne en ligne Hervé. Bonsoir Hervé.
09:17 - Bonsoir, merci de prendre mon appel.
09:20 - Je vous en prie, c'est bien normal. Vous vouliez réagir sur l'aide de la France ?
09:25 - Oui, tout à fait. Donc, je voulais d'abord dire à quel point j'étais fier de mon pays.
09:33 Parce que c'est celui qui a fait le plus, au point de vue international,
09:37 pour défendre les Arméniens sur la scène internationale,
09:40 loin devant tous les autres, y compris les prétendus alliés traditionnels de l'Arménie,
09:45 que sont la Russie.
09:47 Et je pense que ce qu'a fait la France est remarquable,
09:51 mais elle peut faire encore plus, et vous m'avez d'une certaine manière coupé l'herbe sous le pied
09:56 en annonçant ce qu'a dit Mme Kolona,
09:59 à savoir qu'effectivement, aujourd'hui, l'urgence c'est de livrer des armes à l'Arménie,
10:04 des systèmes d'armes défensifs,
10:06 pour se préparer à la prochaine confrontation qui ne manquera pas d'arriver avec l'Azerbaïdjan.
10:12 Puisque aujourd'hui l'Azerbaïdjan a goûté la politique du fait accompli et de la force brute,
10:19 en envahissant le Haut-Karabakh, en enchassant la population,
10:23 avec des retombées internationales quasi nulles,
10:26 dans cette logique, il est tout à fait prévisible que dans les prochains jours,
10:31 ou les prochaines semaines, l'Arménie soit attaquée.
10:34 Et à ce moment-là, elle aura besoin d'armes.
10:36 Sinon, on refera à nouveau la politique du fait accompli,
10:40 c'est-à-dire qu'on verra à la télé des images désastreuses,
10:44 et les Arméniens n'auront pas pu se défendre.
10:47 Donc les Arméniens savent se défendre, ils ont une armée qui est capable,
10:51 mais elle a vraiment besoin d'armes défensives pour rééquilibrer le rapport de force avec l'Azerbaïdjan,
10:57 qui possède une capacité de renseignement via certains alliés technologiques,
11:03 de renseignement aussi de guerre aérienne, en particulier des drones,
11:07 qui lui donne un avantage certain.
11:10 Donc cet avantage, il doit être compensé par une aide internationale.
11:16 Le fait de la France sera la bienvenue.
11:17 C'est quelque chose que la France sait faire, elle a des systèmes d'armes tout à fait remarquables,
11:21 qui pourront aider les Arméniens dans cette future confrontation.
11:25 – Merci, merci beaucoup Hervé de votre appel et de ce que vous venez de dire.
11:32 Raymond Kévorkian, est-ce que vous partagez l'avis d'Hervé,
11:36 finalement le nerf de la guerre, c'est le cas de le dire, c'est vraiment les armes avant tout ?
11:41 – Il est certain que quand on a affaire à des pays très militarisés comme l'Azerbaïdjan,
11:48 il faut être capable de se défendre.
11:50 Il y a un décalage énorme en termes de population,
11:55 ils sont une dizaine de millions, il y a 3 millions en Arménie,
11:57 mais surtout en termes de ressources.
12:00 C'est un pays qui a des ressources gazières, pétrolières,
12:05 qui exploite ces ressources avec une certaine habileté,
12:09 y compris en arrosant des politiques ici et là au Conseil de l'Europe.
12:15 – D'ailleurs j'ajoute que Paris est favorable à des sanctions contre l'Azerbaïdjan,
12:19 des sanctions européennes, mais certains pays disent non,
12:22 parce que justement ils achètent le gaz de l'Azerbaïdjan
12:26 pour compenser la perte du gaz russe.
12:28 Et il y a donc Bulgarie, Croatie, Italie, et là c'est la réale politique.
12:33 – Oui, bon, tout le monde sait d'ailleurs que le gaz qui est vendu
12:37 par l'Azerbaïdjan à l'Italie, etc. est du gaz russe qui transite par Bakou.
12:42 C'est classique, voilà, ça fait partie un peu du quotidien.
12:48 Vous savez, c'est un État qui est quand même assez singulier l'Azerbaïdjan,
12:53 c'est un État qui a été fondé de toute pièce par le régime jeune turc,
12:58 en 1918, c'est-à-dire ce régime qui a commis le génocide
13:03 contre les populations arméniennes grecques et syriaces, acéro-chaldéennes,
13:09 a inventé un Azerbaïdjan dans cette région où il y avait des populations dites tatars.
13:15 Et l'Azerbaïdjan se trouve géographiquement sur la rive droite
13:20 du fleuve Arax qui fait frontière, et sur la rive droite se trouve l'Iran.
13:25 Vous voyez, il faut le dire. Et dans la perspective, évidemment, de prendre le contrôle de la région.
13:32 En 1920, les jeunes turcs, encore très actifs, malgré le fait qu'ils aient perdu la guerre,
13:41 ont offert au bolchévique l'Azerbaïdjan actuel, n'est-ce pas,
13:48 à la condition qu'il y ait une offensive double des kémalistes, donc des turcs par le sud,
13:57 et des bolchéviques par le nord, qui ont finalement imposé à l'arménicois de s'offrir aux soviétiques.
14:07 On est un peu dans un contexte similaire.
14:11 La pression qui est mise derrière l'Azerbaïdjan, c'est la pression de Moscou,
14:16 qui veut reprendre le contrôle de sa colonie.
14:20 Je pèse mes mots avec une violence qui est inimaginable.
14:25 J'ai des collègues qui suivent les médias russes qui sont absolument déchaînés.
14:30 - Et je voudrais aussi qu'on parle de ce que vous avez vu de vos propres yeux.
14:34 J'ai dit que vous reveniez du Haut-Karabakh, en fait on ne peut plus rentrer dans l'enclave,
14:39 vous étiez à la frontière, vous en revenez tout juste là.
14:42 - J'étais avec le Fonds arménien de France, dont je suis le vice-président,
14:48 et nous sommes venus faire un bilan des programmes qu'on développe dans la région.
14:56 On développe principalement des programmes à caractère agricole.
15:01 Plans d'arbres fruitiers, semences, serres, ruches,
15:05 pour aider les populations locales, rurales, à se maintenir.
15:12 Des programmes extrêmement concrets.
15:15 Nous avons agi la semaine dernière, quand toutes ces dizaines de milliers de personnes arrivaient,
15:20 ils venaient de passer 10h, 15h, 20h dans leur voiture, dans des embouteillages,
15:28 à leur donner de l'eau, à manger, voilà.
15:32 Mais maintenant on va passer évidemment à des programmes beaucoup plus lourds,
15:37 et la question, je vous l'ai dit tout à l'heure, qui se pose, c'est la reconstruction.
15:41 Et là on va avoir besoin de ressources importantes.
15:44 - Et à propos du Haut-Karabakh, on sait qu'environ 100 000 personnes sont venues en Arménie,
15:50 il en reste donc environ 20 000 ?
15:52 - Même pas, moins.
15:54 - Qu'est-ce qu'elles vont devenir ces personnes ? Qu'est-ce qu'ils vont devenir ces habitants-là ?
15:57 - Écoutez, je pense que...
15:59 Vous savez qu'il y a une liste de 200 personnes qui a été publiée par Bakou,
16:05 une liste noire, et ils ont commencé à arrêter des politiques, des militaires, etc.,
16:12 qui vont maintenir dans des géos la Bakou, probablement un certain temps.
16:17 Et il y a les deux anciens présents de la République Autonome du Karabakh
16:24 qui sont actuellement à Bakou, qui ont été arrêtés.
16:28 - Donc ça veut dire qu'elle va disparaître purement et simplement, cette enclave ?
16:33 - Alors, je pense que dans les années à venir,
16:36 on va entreprendre des démarches à caractère juridique
16:40 par rapport à l'acte d'épuration ethnique qui a été commis par l'Azerbaïdjan.
16:45 Vous savez, depuis le début du XXème siècle,
16:49 on ne punit pas les génocidaires turcs,
16:54 n'ont jamais été punis.
16:56 Il y a eu des intentions de les punir, mais ils ont réussi à y échapper.
17:00 Ils se sont construits sur un crime.
17:02 La Turquie s'est construite sur le crime,
17:05 la liquidation de tous ces groupes chrétiens.
17:08 Voilà la réalité objective.
17:10 Et je pense que la situation actuelle est liée au fait qu'ils n'ont pas été punis.
17:15 - Je vous remercie beaucoup Raymond Kévorkian.
17:18 C'était absolument passionnant de parler à la fois d'une situation concrète
17:22 et puis de revenir sur les racines de ce qui nous amène à cette situation aujourd'hui.
17:26 C'est très important.
17:27 Donc je rappelle que vous êtes l'auteur du livre "Parachevez un génocide"
17:31 aux éditions Odile Jacob, une enquête sur les suites du génocide des Arméniens
17:35 entre 1918 et 1923.
17:37 Merci beaucoup d'être venu en direct sur Europe 1.