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Emmanuel Macron a affirmé que le blocage des prix "ne marchait pas" lors d'une interview le 24 septembre dernier. Mais plusieurs élus LFI assurent que c'est bien possible de le faire pour lutter contre l'inflation.

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Transcription
00:00 à l'inflation, le gouvernement pourrait-il bloquer les prix ?
00:03 Emmanuel Macron a répondu non dimanche.
00:06 Il a dit lors de son interview télévisée
00:08 "le blocage des prix ça ne marche pas
00:10 parce que les prix ne sont plus administrés en France".
00:14 Et alors aussitôt, on a eu un tweet de Mathilde Panot
00:17 de la France Insoumise qui a traité le président de la République
00:20 de menteur en disant "Macron ment, le Code du commerce
00:24 permet à la Première Ministre de bloquer les prix par simple décret".
00:27 Et le lendemain sur BFM TV, Manuel Bompard en a rajouté une couche.
00:32 Si on veut apporter enfin une réponse concrète
00:36 à cette question de pouvoir d'achat,
00:37 il faut des mesures de blocage des prix.
00:40 Les prix sur l'agroalimentaire ont augmenté de 21% en deux ans,
00:43 dans le même temps les marges de l'industrie agroalimentaire
00:45 ont augmenté de 70%.
00:46 Il y a une injustice et c'est à ça qu'il faut apporter une réponse.
00:49 Bonjour Frédéric Bizarre.
00:51 Bonjour.
00:51 Marc Béret avec nous, vous êtes professeur d'économie à l'ESCP.
00:55 Vous allez nous aider à démêler le vrai du faux.
00:57 On va d'abord regarder quelques images, un petit bond dans le passé,
00:59 elle date de 1970, à l'époque les prix étaient fixés par l'État,
01:03 le prix de la baguette par exemple.
01:05 À cette époque, j'aimerais bien qu'on voit les images,
01:07 ce serait plus sympa quand même,
01:09 à cette époque la baguette coûtait 58 centimes de francs,
01:13 c'était la loi, d'ailleurs ça ne plaisait pas à tous les boulangers.
01:16 Est-ce que c'est vrai Frédéric Bizarre, comme le dit Emmanuel Macron,
01:20 que les prix aujourd'hui ne sont plus administrés ?
01:23 Oui c'est vrai, c'est vrai, puisque depuis 1986,
01:26 on a changé l'ordonnance de 45 qui permettait d'administrer l'ensemble des prix,
01:31 donc c'est la libre concurrence qui fonctionne en dehors des secteurs
01:35 sur lesquels on a conservé une administration des prix,
01:38 comme le prix du livre, le prix des médicaments, le prix des taxis, etc.
01:41 Donc l'article L-110-2 est très clair là-dessus,
01:46 c'est la libre concurrence qui officie en dehors de quelques cas.
01:50 Alors maintenant, est-ce qu'on peut bloquer les prix ?
01:54 Alors on y viendra tout à l'heure si vous voulez, on va avancer pas à pas.
02:00 Mathilde Panot a-t-elle raison quand elle affirme effectivement
02:03 que le gouvernement a la possibilité de bloquer les prix d'achat ?
02:06 On va d'abord écouter la réponse d'une avocate,
02:09 Aurélie Delaque qui est avocate en droit économique.
02:12 Il y a effectivement une disposition du Code de commerce
02:14 qui permet de bloquer les prix, mais de façon temporaire,
02:19 c'est-à-dire pour une durée maximum de 6 mois,
02:22 et dans certaines circonstances,
02:25 notamment par exemple une crise ou des circonstances vraiment exceptionnelles.
02:28 Alors le problème c'est que le Code de commerce
02:30 ne détaille pas ce que c'est des circonstances exceptionnelles.
02:33 Est-ce que l'inflation qu'on connaît aujourd'hui
02:35 pourrait être considérée comme une circonstance exceptionnelle
02:38 qui amène à un blocage des prix ?
02:40 J'ai posé la question à une avocate et un économiste.
02:44 Je ne crois pas, c'est-à-dire qu'on est face à un choc inflationniste mondial
02:47 qui n'est pas propre à la France.
02:49 Donc les circonstances exceptionnelles sont difficiles à définir,
02:52 mais il faut vraiment des choses qui soient très particulières,
02:55 qui soient liées à des phénomènes climatiques,
02:57 à des phénomènes de guerre, à des phénomènes sanitaires,
03:00 un certain nombre de choses.
03:01 Là, en fait cette inflation, même si elle pose beaucoup de problèmes,
03:04 on ne peut pas dire que ce soit vraiment une circonstance exceptionnelle.
03:07 C'est vrai que l'inflation à deux chiffres,
03:11 ça répond à des considérations macro-économiques.
03:15 Ce n'est pas la première fois que ça arrive en France,
03:18 donc on pourrait considérer que ce n'est pas une circonstance exceptionnelle.
03:22 Est-ce que vous êtes d'accord avec vos collègues ?
03:23 Frédéric Bizart ?
03:25 Oui, absolument.
03:25 Mais encore une fois, cet article, il est volontairement relativement vague.
03:29 C'est-à-dire qu'on parle de situations de crise,
03:31 de situations exceptionnelles,
03:32 de situations là où en gros le marché ne permet pas de répondre aux besoins.
03:37 Et comme le dit mon collègue, on n'est pas dans une situation exceptionnelle.
03:41 Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas dans une situation
03:43 qui pose de gros problèmes à une partie de la population.
03:46 Mais ce qui est important, c'est que ce n'est pas une partie de l'économie
03:49 qui souffre de l'inflation.
03:50 L'inflation est généralisée au prix et au service.
03:53 Donc si elle était vraiment concentrée sur un panier de biens,
03:56 sur un secteur proprement dit,
03:58 là on rentrerait dans quelque chose sur lequel une intervention pourrait être efficace.
04:02 Il n'y a pas de crise particulière comme il y avait pendant le Covid.
04:05 On a réglementé le prix des masques et du gel hydroalcoolique
04:08 parce que là, il y avait une situation de crise déterminée.
04:10 Donc là où je pense que LFI se trompe,
04:14 c'est qu'on ne peut pas dans les conditions légales actuelles bloquer les prix.
04:18 Ça serait par le d'un arrêté.
04:20 Il serait probablement retoqué par le Conseil d'État.
04:22 En revanche, on peut changer la loi.
04:24 Ce qu'a proposé LFI en janvier 2022,
04:27 qui avait été reporté en disant que tel secteur,
04:29 maintenant, doit rentrer dans des prix réglementés.
04:31 - Parce qu'on est face à une urgence sociale.
04:33 C'est en tout cas leur point de vue.
04:35 - Oui, mais on est tous très choqués par le fait qu'il y ait un tiers de la population
04:39 qui a des problèmes d'accès aux produits.
04:41 C'est pour ça, quand le chef de l'État dit ça ne marche pas, il a raison.
04:44 Mais ce n'est pas pour ça que l'État ne peut pas intervenir.
04:47 Puisque un an après le refus assez général en dehors de l'extrême gauche d'intervenir,
04:51 on voit bien que Mme Olivia Grégoire a proposé de définir un panier de biens
04:56 dans cinq secteurs dans lesquels il faudrait essayer de mettre un plafond.
05:01 Là, l'idée, ce n'était pas de réglementer les produits,
05:03 mais c'est de réglementer un panier de biens.
05:05 Bon, mais on ne l'a pas fait encore parce que dans la pratique,
05:07 je ne sais pas si on reviendra plus tard,
05:09 mais ce qu'il faut bien voir, c'est que sur le plan économique,
05:11 on connaît très bien les effets collatéraux négatifs.
05:15 On y reviendra effectivement plus tard.
05:17 C'est ça qui est important à considérer.
05:18 Fanny, cette disposition, on l'a vu avec Frédéric,
05:21 elle a déjà été appliquée.
05:23 Dans quelles circonstances ?
05:24 Alors, on va regarder tout près de nous,
05:26 lors de cette première crise sanitaire liée au Covid,
05:30 avec des blocages de prix qui avaient concerné,
05:32 vous vous en souvenez forcément, les masques chirurgicaux
05:35 pour éviter que leurs prix n'explosent pendant cette pandémie.
05:39 Ça avait aussi concerné les gels hydroalcooliques.
05:43 On se rappelle également qu'à Mayotte,
05:46 cet été encore, dans ce département d'Outre-mer,
05:49 le blocage des prix a été appliqué à l'eau potable, à l'eau minérale,
05:53 puisque là-bas, une forte crise de l'eau a été constatée,
05:58 avec des bouteilles d'eau dont les prix ont été régulés
06:01 par ces blocages des prix.
06:02 Mais sur le terrain, le Figaro a montré
06:05 que ce n'était pas si bien appliqué que cela.
06:07 Regardez, les prix pratiqués dans les grandes surfaces
06:10 sont à peu près de 7 euros par pack de 6 litres.
06:12 Dans les petits commerces, le prix du pack monte même
06:15 entre 10 et 12 euros.
06:16 Le Figaro qui complétait en disant que les effectifs locaux
06:19 de la DGCRF étaient très insuffisants
06:22 et ne permettaient pas de contrôler les prix pratiqués.
06:25 Si on regarde un peu plus loin dans le temps,
06:27 dans les années 90, en 1990 précisément,
06:29 pendant la guerre du Golfe,
06:31 là, le texte avait été appliqué par décret
06:33 pour bloquer le prix notamment des carburants.
06:37 L'essence dont le prix avait été bloqué,
06:39 cela avait concerné également le fuel domestique.
06:43 Et puis, plus récemment, en 2012,
06:45 François Hollande, alors candidat à la présidence,
06:49 avait annoncé qu'il souhaitait bloquer les prix des carburants.
06:52 On va l'écouter et puis on débriefe après.
06:55 Il nous faut avoir une discussion
06:59 avec les distributeurs d'essence.
07:01 Il n'est pas possible d'avoir une montée du prix
07:03 telle qu'elle est aujourd'hui.
07:04 En tout cas, nous, si nous sommes en capacité d'agir
07:08 dès le mois de mai,
07:09 nous aurons un blocage temporaire du prix de l'essence.
07:12 Un blocage qui, même temporaire, n'a pas pu être appliqué
07:15 puisque ces fameuses circonstances exceptionnelles
07:18 n'avaient pas été présentes pour pouvoir l'appliquer,
07:22 ni crise géopolitique, ni crise sanitaire,
07:25 comme on l'a vu par exemple pour le Covid.
07:26 Merci beaucoup Fanny.
07:28 Alors Amandine, il n'y a pas de blocage généralisé
07:30 des prix de l'alimentaire,
07:31 mais certains produits ont un prix
07:33 qui ont été bloqués en supermarché.
07:35 Oui, ça c'est le travail qu'a fait Bercy
07:38 avec les distributeurs et les industriels.
07:40 C'est-à-dire qu'ils ont défini 5000 références
07:44 pour lesquelles, références de produits,
07:45 pour lesquels les prix aujourd'hui ne peuvent plus augmenter
07:48 ou doivent baisser.
07:48 C'est pour ça d'ailleurs qu'on voit toutes ces affichettes
07:50 aujourd'hui dans les supermarchés de prix bloqués.
07:53 La liste n'est pas publique, on ne la connaît pas.
07:55 Ce sont les supermarchés qui définissent ces produits
07:58 et on peut bien se douter que par ailleurs,
08:00 s'ils baissent sur certains plans,
08:01 c'est répercuté sur d'autres produits.
08:04 Donc il faudra ensuite étudier pour savoir
08:06 si in fine le consommateur est vraiment gagnant ou pas.
08:08 Alors justement, ça correspond à la question de Séverine,
08:10 une téléspectatrice.
08:12 Le blocage des prix a-t-il un réel impact positif
08:15 sur le pouvoir d'achat, Frédéric ?
08:18 Alors à court terme, oui, puisqu'à partir du moment
08:20 où vous bloquez des prix de première nécessité,
08:22 vous vous retrouvez, en particulier pour ceux
08:23 qui ont un pouvoir d'achat limité,
08:26 quand même en situation plus favorable
08:28 pour consommer ces prix.
08:29 Mais c'est vraiment sur le court terme
08:30 parce qu'il y a des effets collatéraux très rapides.
08:32 D'abord, si vous baissez les prix,
08:33 vous avez tendance à avoir un peu une ruée sur les stocks
08:36 parce que les gens pensent que ça ne va pas durer.
08:38 Donc il faut donc souvent,
08:40 rien que cet effet un peu de surstockage
08:42 et de surconsommation fait que vous vous retrouvez
08:44 dans une situation assez rapide sur certains produits de pénurie.
08:47 Ensuite, quand vous êtes dans une économie de marché,
08:50 le prix est une incitation très forte à produire
08:54 en grande quantité, en quantité moyenne ou en faible quantité.
08:58 Et pour ça, on y reviendra.
08:58 Il y a un laboratoire dans l'Union européenne
09:00 qui est remarquable pour ça,
09:01 puisque ça a été fait en Hongrie.
09:03 On y reviendra.
09:04 Donc vous avez quand même, lorsque vous plafonnez les prix,
09:08 tout dépend après du niveau du plafond,
09:10 mais vous avez une tendance à une baisse de production
09:12 et donc en entraîne la pénurie.
09:13 Vous avez une autre tendance aussi,
09:14 qui est ce qui peut être une tendance de baisse de la qualité,
09:17 c'est-à-dire qu'à partir du moment
09:18 où vous avez des plafonds de prix,
09:20 vous pouvez avoir une hausse sur la qualité du produit,
09:24 du service et autres.
09:26 Ce que les études montrent,
09:27 c'est que finalement sur le plan social dont vous parliez,
09:30 c'est plutôt les hauts revenus qui bénéficient plus,
09:33 qui consomment davantage de ce plafond de main
09:36 que les revenus faibles.
09:39 Donc in fine, ce n'est pas une mesure si sociale que ça,
09:43 parce qu'on s'aperçoit que ça bénéficie davantage
09:45 en gains financiers aux hauts revenus,
09:47 que ça se traduit par des pénuries
09:49 qui sont plus faciles à contourner pour les hauts revenus
09:51 que pour les revenus sur des produits plus chers.
09:54 Et puis ça endette l'État en général,
09:56 parce que ça développe un marché noir,
09:57 ça développe du troc,
09:58 ça développe ce que l'on voit en Hongrie maintenant.
10:01 Donc ce qui affaiblit l'État affaiblit les services publics
10:04 et finalement affaiblit la classe moyenne.
10:07 Donc ça, c'est une réalité incontournable.
10:10 Après, on peut considérer
10:11 qu'il y a des décisions politiques qui dépassent ça,
10:13 mais ça se traduit toujours par ces phénomènes-là.
10:16 Merci beaucoup, merci Frédéric Bizarre d'avoir été avec nous.

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