• l’année dernière
La représentation des agriculteurs en tant qu'entrepreneurs est un véritable enjeu.
D'ici 3 ans, 160 000 fermes vont être à reprendre en France, c'est pourquoi il est nécessaire de développer des figures entrepreneuriales dans le secteur et de briser le plafond de verre : alors que les filles représentent la moitié des étudiants en lycées techniques agricoles, seules 25% d'entre elles parviennent à la tête d'exploitations.

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Transcription
00:00 Générique
00:02 -Bismart.
00:03 -Bonjour, Audrey Braulot. -Bonjour.
00:05 -Merci d'avoir accepté mon invitation.
00:08 Nous nous avons fait connaissance lors des rencontres
00:11 de l'égalité économique et professionnelle
00:14 qui sont organisées par la députée Marie-Pierre Rixin.
00:17 C'était l'année dernière.
00:19 Vous interveniez sur le thème de l'agriculture,
00:23 un métier afféminisé ?
00:25 J'ai dû dire que j'avais été marquée
00:28 par votre force de conviction et par les propos très innovants,
00:31 que vous teniez à cet égard.
00:33 J'ai souhaité vous faire intervenir.
00:35 Avant d'entrer dans le vif du sujet,
00:37 je vous donne quelques mots de présentation.
00:40 Quand vous avez démarré d'un vie active,
00:43 vous êtes allé vers le milieu viticole
00:45 auquel vous aviez consacré votre mémoire de fin d'études.
00:48 Vous y avez passé une douzaine d'années,
00:51 moitié dans l'entreprise, moitié dans le lobbying.
00:54 Ensuite, vous avez eu trois années d'engagement politique.
00:57 En 2019, un grand projet s'élabore dans votre tête.
01:01 Racontez-nous.
01:02 -C'était de passer des paroles aux actes.
01:05 J'ai toujours eu envie d'entreprendre
01:07 dans le secteur agricole.
01:09 J'ai la chance d'intervenir.
01:10 Je pose souvent la question lors des conférences,
01:13 "Est-ce que vous êtes capable de donner le nom d'un agriculteur ?"
01:17 J'ai souvent un blanc intersidéré.
01:19 Ce sont des entrepreneurs dont on a besoin
01:22 au moins trois fois par jour pour se nourrir,
01:25 pour l'habillement et pour la construction.
01:27 C'est un métier dont on a besoin tous les jours.
01:30 On ne projette pas de rôle modèle.
01:32 J'ai voulu ramener cette figure de l'entrepreneur.
01:35 Les agriculteurs sont des entrepreneurs.
01:37 On a un défi sans précédent.
01:39 160 000 fermes vont être à reprendre en France.
01:42 Il faut former ces super entrepreneurs
01:44 et leur donner les moyens d'être accompagnés
01:46 par des programmes de formation, avoir des financements
01:50 et être des acteurs de la transition environnementale.
01:53 -Le projet Hectare, ce projet d'école dont vous en parlez plus,
01:56 mais au-delà de ça, vous êtes également, du coup,
01:59 les mains dans le cambouis, en quelque sorte.
02:02 C'est la terre, en l'occurrence,
02:04 puisque vous êtes vous-même exploitante.
02:06 Le terme n'est peut-être pas le bon.
02:08 On avait parlé de la question sémantique.
02:11 Vous avez également des hectares de terre que vous travaillez.
02:14 -Exactement. Le projet Hectare est situé à 35 minutes de Paris
02:18 sur 600 hectares, moitié forêt, moitié terre agricole.
02:21 Il y a le mot de chef d'exploitation.
02:23 Si je dis agricultrice, je fais tout sur la ferme.
02:26 Je suis une chef d'entreprise qui dirige des équipes.
02:29 On fait de la céréale, on transforme des yaourts,
02:32 on fait de la floriculture pour de la cosmétique.
02:34 C'est très complet.
02:36 Ce champ sémantique, si je vous dis agricultrice,
02:38 chef d'exploitation, paysan, on a plein d'imaginaires différents.
02:42 Nous sommes tous des chefs d'entreprise.
02:45 On choisit la façon d'organiser notre travail sur notre ferme.
02:48 -Il y a un certain courage dans ce projet.
02:50 Comme on l'a vu avec votre précédente invitée,
02:53 de dire c'est bien, mais d'être dans l'action,
02:56 de prouver, c'est de l'humilité et de l'engagement au quotidien.
02:59 -C'est une grande preuve de légitimité.
03:02 Le fait d'être soi-même concerné permet d'en parler
03:05 en connaissance de cause. C'est un milieu assez masculin.
03:08 Il y a quelques temps, j'avais reçu Pascal Croc,
03:11 une agricultrice, passée par un de vos programmes de formation,
03:14 qui disait que ce n'était pas évident au départ,
03:17 mais qu'elle avait été touchée par son action.
03:20 Elle s'était légitimée.
03:21 Justement, les femmes, puisque dans ce sujet,
03:24 c'est les femmes de l'agriculture,
03:26 comment peut-on faire pour qu'elles soient davantage
03:29 à leur place et qu'elles aient envie d'y aller ?
03:33 -On a un vivier. On a à peu près la moitié de filles
03:35 qui sont dans les lycées techniques agricoles,
03:38 50 % des effectifs, 60 % dans les écoles d'agronomie.
03:41 Elles sont plus diplômées.
03:43 C'est comme dans tous les secteurs,
03:45 il y a 35 % qui sont à la tête d'exploitation.
03:48 On a déjà un premier plafond de verre,
03:50 comment elles sont légitimes dans des transmissions
03:53 à reprendre les reines des entreprises.
03:55 Quand on monte dans la gouvernance, c'est encore plus frappant.
03:59 Je prends l'exemple des coopératives agricoles,
04:01 qui sont des metteurs en marché importants.
04:04 Il n'y a que 9 % de femmes dans les conseils d'administration.
04:07 C'est pour ça que j'ai voulu faire ce programme.
04:10 C'est d'accompagner le leadership.
04:12 On a fait un parcours de faire des entreprises,
04:15 des grands groupes, où on a accès à ces programmes.
04:17 C'est donner les codes à des agricultrices
04:20 pour qu'elles rentrent dans la gouvernance.
04:22 On a un réseau qui sont les chambres d'agriculture.
04:25 Il n'y a que 2 femmes sur 34 administrateurs
04:28 au sein du conseil d'administration.
04:30 C'est leur donner les clés, après, à elles de s'en saisir.
04:33 C'est ce qu'on fait aussi sur ce programme.
04:36 -Ce qui m'avait aussi marqué dans votre propos,
04:38 c'est que vous considérez à juste titre
04:41 que l'exploitation agricole est une entreprise
04:43 et qu'elle peut être gérée avec le mode de l'entreprise.
04:46 Ce n'est pas l'idée, car on pense à quelqu'un
04:49 qui ne compte pas son temps,
04:51 qui est en permanence en train de travailler dans les champs,
04:54 dans les tables, quel que soit son mode d'intervention.
04:57 On n'imagine pas la façon entrepreneuriale
05:00 de manager avec l'ensemble des moyens,
05:02 des outils de l'entreprise,
05:04 notamment tout ce qui analyse le process.
05:06 C'est intéressant, notamment pour les femmes.
05:09 -Effectivement. Aujourd'hui, on a essayé, avec Hectard,
05:12 de travailler avec les outils de notre temps.
05:15 On a le digital et la tech, ça existe dans tous les secteurs.
05:18 On a besoin d'organiser, de mieux planifier.
05:21 On vient d'un secteur qui hérite d'une transmission familiale.
05:24 Je dirige une exploitation avec des salariés.
05:27 Il y a besoin de process, de management visuel.
05:29 Dans l'industrie, on a mis en place du lean management.
05:32 On essaie de mettre en place ces outils de management sur les fermes.
05:36 On a besoin d'attirer des chefs d'exploitation
05:39 ou d'entreprise repreneurs, mais aussi de trouver nos salariés.
05:42 C'est un grand absent de l'innovation,
05:45 j'appelle ça l'innovation sociale.
05:47 On voit que le digital, on a des outils pour mieux planifier,
05:50 on a des données à croiser sur nos fermes.
05:52 C'est inscrire ce métier avec les outils de son temps.
05:55 C'est ce qu'on fait sur notre pôle.
05:57 -Donnez-nous un exemple concret de l'utilisation
06:00 des outils, de l'observation du process, des données.
06:03 -Je suis à la tête d'un troupeau de vaches.
06:06 Aujourd'hui, on a fait le choix d'avoir un élevage 100 % à l'herbe.
06:09 Il faut conduire le troupeau qui est un troupeau plénaire
06:12 en fonction des données de météo,
06:14 de la statistique de la pousse de l'herbe,
06:17 combien il y a assez sur cette parcelle.
06:19 On a, grâce à des colliers, l'état de santé de la vache.
06:22 Est-ce qu'elle marche assez ? Est-ce qu'elle se lève ?
06:25 On a un sujet d'ombre à gérer pour que les animaux soient en bonne condition.
06:29 Toutes ces données, on les croise. C'est un outil d'aide à la décision.
06:33 On transforme. On a des plannings sur la logistique, la traçabilité.
06:37 Ce qui paraît évident dans d'autres secteurs,
06:40 mais qui est empirique dans le secteur agricole.
06:42 On essaie que ces outils-là
06:44 rentrent bien dans la structure de coût d'une exploitation agricole.
06:49 On parle souvent des exploitations agricoles et de leur taille.
06:52 L'Europe, c'est la première puissance agricole mondiale.
06:57 La France, c'est une puissance agricole,
06:59 mais on a des tailles d'exploitation
07:01 qui restent petites.
07:03 Aux Etats-Unis ou ailleurs,
07:04 une grande ferme en France, c'est 250 hectares.
07:07 En Ukraine, c'est 10 000 hectares.
07:09 La tech et le digital doivent s'adapter
07:11 à la taille de nos exploitations,
07:13 qui restent des exploitations à taille humaine.
07:16 C'est ce qu'on essaie de concilier.
07:18 Pour finir, ce que je vous avais dit,
07:20 quand on parle du chef d'entreprise,
07:22 c'était important pour moi de ne pas rentrer
07:25 dans le jeu des pratiques agricoles.
07:27 La clé d'entrée, qui est assez clivante en France,
07:30 c'est mon sol, ma terre agricole.
07:32 On essaie d'en prendre soin.
07:34 C'est ce que j'ai essayé de faire avec Hector,
07:36 d'être vraiment sur l'acceptation
07:39 de toutes les pratiques agricoles
07:41 et d'apporter une pierre à l'édifice
07:43 sur l'économie et l'organisation.
07:45 -Tout ce que vous dites,
07:46 j'y adhère parfaitement,
07:48 comment c'est reçu par le monde agricole ?
07:50 -Quand on a commencé le projet,
07:52 on a deux ans d'activité,
07:54 donc on est encore jeunes,
07:56 il y a eu des questions légitimes
07:57 quand on innove dans tous les secteurs.
08:00 On a eu le chef d'entreprise
08:01 d'aller au bout de ses convictions.
08:04 J'ai la chance d'intervenir
08:05 au niveau des instances agricoles.
08:07 On est tous dans le même bateau,
08:09 d'attirer des talents.
08:11 Le projet est bien perçu.
08:12 C'est une chance.
08:14 Il nous reste encore énormément à faire.
08:16 J'essaie d'être plutôt dans un projet
08:18 où on essaie d'être alliés
08:20 pour mettre en avant ses rôles modèles.
08:22 Vous avez reçu une femme agricultrice.
08:25 Tout ça, c'est très important
08:26 pour inspirer les jeunes femmes.
08:29 Il n'y a aucun obstacle à entreprendre
08:31 dans les métiers de l'agriculture.
08:33 -Bravo. Merci beaucoup
08:34 pour ce témoignage.
08:36 Vous avez donné envie et confiance.
08:38 Je vais changer de secteur,
08:39 je vais aller dans l'industrie
08:41 avec Anne-Charlotte Fredlenucci.
08:43 Vous allez voir que les sujets, malgré tout,
08:46 d'attractivité se rejoignent.
08:48 On a là aussi beaucoup à faire
08:50 pour pousser, pour que les filles et les femmes
08:53 aillent dans ces métiers-là. Merci.
08:55 -Merci à vous.

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