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00:00 bien, châtie bien, enfin je veux dire avec toute la littérature masculine qui existe
00:03 où on est constamment réduite à des objets sexuels, je crois qu'aimer les hommes, ça
00:08 n'est pas tout leur passé et ça n'est pas fermer les yeux sur leurs défauts qui
00:12 sont absolument évidents.
00:13 L'inconduite, c'est un livre que j'ai écrit pendant mes dernières années à Berlin
00:18 où je venais d'avoir mon premier petit garçon.
00:20 J'ai écrit je pense sur l'urgence qui était la mienne à cette époque-là de continuer
00:25 à être une femme, à ne pas être qu'une mère parce que je sentais bien qu'il y
00:30 avait tout un tas d'injonctions qui brusquement me pesaient dessus et j'avais une envie
00:34 folle de respirer.
00:35 J'avais envie de parler de ce mélange d'amour fou qu'on ressent évidemment pour son
00:39 enfant mais d'étranglement terrible et le désir était la seule langue qu'il me
00:46 semblait pouvoir parler pour accéder à nouveau à une vie où je me sentais entière.
00:52 Je crois qu'il y a encore un tabou très fort qui vient évidemment toujours de ce
00:58 complexe de la maman et de la putain, c'est-à-dire qu'on ne peut pas être les deux en même
01:01 temps.
01:02 Moi, c'était très particulier parce que je sortais de trois ans dans un bordel, ce
01:05 que je racontais dans mon précédent livre « La maison » et brusquement je me retrouvais
01:09 dans une autre salle et une autre ambiance.
01:12 J'avais vraiment l'impression que la maternité me tombait dessus comme une espèce d'astreinte,
01:17 de vocation à laquelle on m'avait éduquée toute ma vie quand on grandit en tant que
01:21 petite fille.
01:22 On sait très bien qu'au bout d'un moment, il va falloir devenir mère.
01:24 Je crois qu'on nous prépare à ça mais qu'on ne parle pas beaucoup du renoncement
01:29 et des compromis qu'il va falloir faire avec soi-même et avec le monde autour pour
01:34 continuer à exister en tant que personne.
01:36 Je pense qu'il est beaucoup plus socialement admis qu'un homme puisse avoir besoin de
01:40 s'échapper de la cellule familiale alors qu'on sait qu'ils ne sont pas forcément
01:45 toujours les plus actifs dans cette cellule familiale.
01:48 Il me semble au contraire beaucoup plus logique que ce soit les femmes qui courent ventre
01:51 à terre vers l'infidélité pour la respiration que ça représente.
01:56 Depuis toute petite, on nous apprend que notre vocation, ça va être d'être au service
02:00 de l'homme et puis ensuite d'être au service de nos enfants et que s'il nous reste un
02:04 petit peu de temps, éventuellement un métier qui nous satisfait plus ou moins, mais toujours
02:08 dans cette idée d'avoir suffisamment de temps pour être au service des autres.
02:13 C'est très compliqué de détacher cette éducation de ce qui nous appartient à nous,
02:20 tout comme il est très difficile de savoir ce qui dans nos fantasmes nous appartient,
02:25 ce qu'on a métabolisé du contact des hommes et dont on essaye de faire un jeu, quelque
02:29 chose de satisfaisant.
02:30 La vie d'une femme, je crois que c'est encore bien souvent une vie d'étranglement.
02:35 J'ai laissé mes enfants avec mon mari là où nous habitons, dans le sud, et je suis
02:40 venue écrire toute seule un mois à Paris.
02:42 Et de fait, je retrouve toujours mes enfants et leurs pères beaucoup plus connectés après
02:46 un mois d'absence que lorsque je suis là.
02:49 Il ne faut pas méconnaître aussi une composante, je pense, cruciale de cette mésentente entre
02:54 père et mère.
02:55 C'est que très souvent, les hommes ont l'impression qu'on ne leur laisse pas la place de devenir
03:00 des pères parce que c'est vrai qu'on a été éduqué à tout prendre en charge.
03:04 Et quand on laisse les pères tout seul avec leurs enfants, déjà ils s'aperçoivent
03:07 que ça n'est pas qu'une torture d'être avec des enfants.
03:09 Ils se rapprochent les uns des autres et je crois que c'est une chance qu'on leur laisse.
03:14 J'ai vécu moi-même, en me sentant tellement coupable et en ayant tellement l'impression
03:20 de faire mal mon boulot de mère, j'avais envie que d'autres à travers moi se sentent
03:24 comprises, excusées.
03:26 En tout cas, qu'on ne soit pas toute seule avec cette idée que parfois la maternité,
03:33 c'est chiant, parfois on le regrette.
03:35 Je crois qu'il est très compliqué encore aujourd'hui de dire « j'aime mes enfants
03:39 mais je n'aime pas être une mère ». Et je crois qu'il devrait être possible,
03:42 tout comme il est possible pour les hommes de le dire.
03:44 On aime nos enfants mais on sait ce qu'on a sacrifié en les faisant et il nous arrive
03:51 très souvent de nous dire qu'on vivait mieux avant.
03:53 Merci.
03:54 Merci.
03:55 Merci.
03:56 Merci.
03:56 [SILENCE]