Les Affranchis - Le couple franco-allemand passera-t-il l'hiver ?
Philippe Béchade est rédacteur en chef de La Chronique Agora et La Lettre des Affranchis aux @Publications Agora, et président du think tank Les Econoclastes.
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00:00 (Générique)
00:15 Bonjour et bienvenue pour ce rendez-vous hebdomadaire de décryptage de l'actualité économique et géopolitique en mode affranchie.
00:26 Je salue tous les abonnés de TV Liberté pour cet épisode que je vais intituler « Le couple franco-allemand passera-t-il l'hiver ? ».
00:38 Je pense qu'il n'y a pas d'exemple au cours des 40 dernières années où les intérêts et les stratégies des deux pays soient apparus aussi désalignés.
00:52 On sait qu'Angela Merkel n'aimait pas Nicolas Sarkozy et son côté tactile, etc.
01:00 Mais une fois mis de côté ses petits soucis personnels, on arrivait plus ou moins à coopérer.
01:08 D'ailleurs, Nicolas Sarkozy a beaucoup coopéré avec l'Allemagne en acceptant d'adopter le système de fixation du prix de l'énergie à l'allemande,
01:18 c'est-à-dire à partir de la dernière unité produite au gaz, au lieu de fixer l'énergie, ce qui aurait dû être la logique,
01:26 à partir d'un mix de nucléaire, d'hydroélectrique et de renouvelable.
01:32 Le nucléaire chez nous, c'était du 6 cents le kW et le mix global, en rajoutant quelques éoliennes, un peu de photovoltaïque,
01:43 on arrivait peut-être à 9 cents du kW.
01:47 Les allemands, eux, pensaient grâce à Nord Stream 1 et puis Nord Stream 2, faire baisser le coût du kW au gaz à quoi ?
01:58 À 3 centimes, 2 centimes, et c'est pour ça qu'ils ont voulu que la référence devienne le gaz et non pas le nucléaire,
02:09 parce que le nucléaire s'était bordé à 6 cents et ça n'allait pas descendre en dessous, alors que le gaz, ils espéraient faire mieux.
02:19 Et puis, boum ! Plus de Nord Stream.
02:23 Alors, on se perd en conjecture, qui a fait exploser Nord Stream ?
02:28 Moi, j'ai bien une petite idée et elle me vient aussi du stratège de Goldman Sachs,
02:34 qui explique que si l'Allemagne est aujourd'hui dans la panade, c'est à cause des taux élevés,
02:40 c'est à cause de la guerre en Ukraine, c'est à cause de tas de facteurs, sauf un !
02:47 L'explosion de Nord Stream.
02:49 Je peux vous dire que si c'était les russes qui l'avaient fait exploser,
02:52 alors là, on n'arrêterait pas de dire que l'Allemagne est dans la panade à cause des vilains russes.
03:00 Maintenant, la France, elle, elle est dans la panade et ce n'est pas à cause des vilains russes,
03:05 c'est bien à cause du prix de l'électricité.
03:10 Et puis, de façon un peu plus secondaire, à cause de l'envol des prix du pétrole.
03:17 Alors, c'est vrai, parce que l'Arabie et les méchants russes veulent effectivement réduire les quotas,
03:23 mais c'est surtout parce que depuis des années et qu'on nous parle de transition énergétique et de zéro carbone,
03:29 les grandes compagnies pétrolières n'ont pas investi dans la prospection,
03:35 ni pour moderniser leurs outils de production.
03:40 Puisque de toute façon, ce n'est pas la peine de sortir plus de pétrole, on n'en veut plus.
03:44 Nous en sommes là et nous venons de voir d'ailleurs le baril de Brent tutoyer ses sommets de l'automne 2022.
03:55 C'était début novembre et on était alors à 98 ou 98,5$ le baril.
04:02 Alors, ce qui est très amusant, c'est qu'il y a un an, quand on était à 98,5$ le baril,
04:09 est-ce que le litre de sang plomb était à 2,42 sur l'autoroute, à 2,50 dans des stations de service en centre-ville ?
04:19 Non. Que s'est-il donc passé ?
04:21 Pour qu'à prix de pétrole égal, on ait des prix à la pompe encore plus élevés.
04:30 Je vais refermer un petit peu cette parenthèse pour en revenir à nos relations franco-allemandes.
04:38 Qu'est-ce que vient de déclarer M. Robert Abeck, le ministre allemand de l'économie,
04:45 mais qui a évidemment toute l'oreille des patrons de l'industrie allemande ?
04:51 Il vient de déclarer qu'il n'est pas question d'accéder aux demandes françaises,
04:59 de modifier justement le mode de calcul du coût du kW en Europe.
05:05 Alors, c'est quand même assez bizarre, parce que si le prix du kW baissait, ça pourrait aussi avantager l'industrie allemande.
05:13 Oui, mais ça avantagerait plus encore l'industrie française,
05:19 car là du coup, le kW produit au nucléaire redeviendrait la référence.
05:25 Et nos industriels pourraient effectivement acheter du courant moins cher qu'en Allemagne,
05:31 qui devra, elle, en réimporter de la France,
05:34 parce qu'évidemment, depuis qu'ils ont arrêté leurs trois derniers réacteurs nucléaires au printemps dernier,
05:39 ils ont dû remettre en marge des centrales à charbon et importer de l'énergie venant de France.
05:46 Donc, de quoi l'Allemagne a-t-elle peur en fait ?
05:49 Et qu'est-ce que nous dit M. Robert Abeck ?
05:51 C'est qu'il n'est pas question de laisser à la France la chance de profiter d'un avantage concurrentiel
05:58 grâce à de l'énergie qu'elle produit moins cher,
06:01 alors que les Allemands se croyaient très très malins en misant tout sur le gaz,
06:05 et ils pensaient que c'était eux qui allaient obtenir l'énergie la moins chère pour les prochaines décennies.
06:13 Et il ne faut pas compter sur les Allemands, évidemment, pour revenir à la raison
06:17 et par exemple remettre en service leur centrale nucléaire,
06:21 puisque M. Olaf Scholz a déclaré lui-même que le nucléaire, c'est un cheval mort.
06:27 Il est peut-être mort en Allemagne, mais il semble bien vivant dans des tas de pays
06:32 qui sont en train de s'équiper en EPR.
06:36 Manque de chance, ils auraient dû les acheter en France, leurs EPR,
06:40 et puis de plus en plus, ils se tournent vers la Chine.
06:43 Et pour se fournir en combustible nucléaire, la Russie a quasiment le monopole,
06:50 puisqu'elle est aujourd'hui pratiquement la seule à savoir recycler l'uranium utilisé dans les centrales.
06:59 Nous y avons renoncé en fermant Superphénix, et on l'a fait.
07:03 Pourquoi ? Eh bien parce que c'était en quelque sorte sous la pression des écologistes allemands.
07:09 Et en pourrant terminer avec l'Allemagne et ce couple franco-allemand,
07:14 on avait un projet de développer un nouveau char européen.
07:18 Les Allemands vont le faire avec tout le monde, sauf avec nous.
07:22 Les Allemands pouvaient éventuellement choisir un système de défense anti-aérienne
07:31 dont Thalès était en grande partie l'architecte.
07:35 Eh bien non, l'Allemagne décide d'acheter aux États-Unis.
07:39 Donc, je ne sais pas si on a des intempéries au début de l'hiver,
07:45 et que de nouveau les prix de l'énergie se mettent à flamber,
07:48 je ne suis pas sûr que le couple franco-allemand, cette fois-ci, va y résister.
07:55 C'est vraiment attristant, mais c'est vrai que lorsqu'on a un partenaire comme l'Allemagne,
08:01 on n'a même pas besoin d'avoir la Russie comme ennemi.
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