“Il est temps de mettre en œuvre de vraies actions contre le harcèlement scolaire” - Ines Herzog, avocate de la famille Lebas à Lisieux, réagit à la volonté d’électrochoc contre le harcèlement scolaire. Elle défend les proches de Juliette qui s’était suicidée après avoir été victime de cyberharcèlement.
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00:00 A 8h13, bienvenue sur France Bleu et France 3 Normandie.
00:03 Notre invité du 6/9 ce matin, Didier Charpin,
00:05 est maître Inès Herzog, avocat de la famille Lebas-Alizieug.
00:09 Inès Herzog, bonjour.
00:11 Bonjour.
00:11 Vous défendez cette famille qui a perdu sa fille, Juliette, en 2016,
00:15 l'adolescente de 15 ans, s'est suicidée victime de cyber-harcèlement.
00:19 Ces situations resurgissent régulièrement.
00:22 Est-ce que pour vos clients, à chaque fois, c'est une nouvelle épreuve ?
00:26 On revit ce qu'on a vécu il y a 7 ans maintenant ?
00:29 Tout à fait, à chaque fois, c'est une nouvelle épreuve,
00:31 et à chaque fois, ils regrettent que la mort de leur fille n'ait pas été plus utile.
00:36 Ça fait partie des drames qu'on aurait pu éviter
00:39 avec un système de prévention adéquat,
00:42 avec peut-être une autre législation,
00:45 et encore, ça, ça reste à discuter.
00:47 Donc à chaque fois qu'il y a un nouveau drame,
00:49 et comme c'est le cas actuellement,
00:52 c'est toujours une épreuve pour eux.
00:53 Véronique Lebas, la maman de Juliette,
00:55 est retournée au collège où a été scolarisée sa fille
00:58 pour aller rencontrer des jeunes,
01:00 faire de la prévention, c'est un combat qu'elle souhaite mener en mémoire de sa fille ?
01:05 C'est un combat, effectivement.
01:06 Elle a été contrainte de le livrer à la suite du drame que cette famille a subi.
01:11 Elle s'est sentie contrainte de le livrer ?
01:13 Personne ne pouvait l'obliger ?
01:14 Elle ne s'est pas sentie contrainte, on va dire que ça a été un but pour elle,
01:18 en tout cas, c'était une façon de donner du sens à la mort de sa fille,
01:21 pour essayer d'éviter que d'autres familles soient confrontées à un tel drame,
01:25 et peut-être essayer d'apporter sa pierre à l'édifice,
01:28 et de faire bouger les choses à son niveau, c'est-à-dire au niveau local.
01:32 Elle a tenté aussi, en se rapprochant d'associations nationales,
01:36 de pouvoir prévenir des drames,
01:39 et il faut que ce combat-là aujourd'hui soit plus écouté,
01:43 plus pris au sérieux, et puis peut-être renationalisé
01:46 avec un vrai système de prévention.
01:47 Plus écouté par qui ?
01:48 Par les jeunes qui ne se rendent pas compte de ce qu'ils font ?
01:50 Par les parents ? Par les responsables d'école ?
01:52 Par tout le monde.
01:53 Que ce soit les jeunes, que ce soit les parents,
01:55 puisque les parents ont un rôle qui va être déterminant aussi,
01:58 tant dans la détection de son enfant victime,
02:01 que pouvoir aussi entendre que son enfant peut aussi être agresseur.
02:05 Et par l'école, bien évidemment, et par les pouvoirs publics,
02:09 qui peuvent donner des moyens par une politique sérieuse mise en place.
02:14 - Un électrochoc a dit hier Gabriel Attal, le ministre de l'Éducation.
02:18 Enfin, on tient ce propos ?
02:20 - Malheureusement, mais les électrochocs, ça fait longtemps qu'on en a.
02:25 On voit l'actualité qui est jalonnée par la mort de jeunes
02:28 à la suite de harcèlement.
02:30 Chaque histoire est différente, et chaque cause est peut-être
02:33 un petit peu différente par rapport à quel est l'objet du harcèlement.
02:37 Néanmoins, que ce soit sur une différence sexuelle,
02:40 sur des préférences sexuelles, que ce soit sur du racisme,
02:46 que ce soit parce qu'on a publié des photos qui ne plaient pas
02:49 aux commandés mortels, comme c'est le cas de Juliette,
02:54 on a des jeunes qui n'ont pas d'autre choix que de mettre fin à leur vie,
02:59 parce que c'est insupportable, parce que ce qu'ils vivent aujourd'hui,
03:01 c'est insupportable. Donc, ces électrochocs, on les a régulièrement
03:05 depuis une dizaine d'années, on en entend parler, ça revient à l'actualité.
03:08 Aujourd'hui, il est temps de mettre en œuvre des vraies actions,
03:11 et des vraies actions qui auront du sens pour éviter
03:14 la multiplication de drames du genre.
03:16 - Vérodique Lebal, vous nous avez accordé une longue interview
03:18 il y a un an, elle nous avait dit qu'elle avait appris,
03:21 peu avant le procès, que le père d'une amie de Juliette
03:23 avait de lui-même appelé le lycée pour dire qu'il était inquiet
03:27 pour sa fille, et il n'y avait pas eu de réaction.
03:29 Elle en veut encore à la direction du lycée ?
03:32 - Elle n'est pas dans une optique d'en vouloir à quiconque,
03:34 mais simplement, effectivement, on a constaté dans ce dossier
03:36 qu'il y a eu une réelle problématique.
03:39 Un des parents d'élèves inquiets de la tentative de suicide
03:43 quelques jours auparavant, le suicide de Juliette,
03:47 il a été informé de cela par sa fille,
03:49 il a informé le directeur de l'école,
03:52 en tout cas du lycée, lequel a reçu les trois jeunes
03:56 qui étaient impliqués, en tout cas qui ont vu Juliette
03:58 marcher sur les rails et qui ont indiqué que Juliette était
04:02 effectivement dans une phase difficile.
04:04 Et il y a rien eu ensuite, il y a rien eu ensuite parce que...
04:07 - L'infirmière scolaire n'a pas été mise dans la boucle par exemple ?
04:10 - L'infirmière scolaire a été mise dans la boucle,
04:11 simplement les trois mineurs ont dit que
04:14 Juliette a eu un malaise.
04:18 C'était une défense qu'elles avaient préparée toutes les trois
04:21 pour ne pas attirer les soupçons, on est bien d'accord.
04:23 Simplement, si on avait pu détecter
04:26 qu'une mineure qui marche sur des rails de train
04:28 et qui se met sur des rails du train quelques jours avant
04:31 et dont on sait qu'il y a une problématique avec les autres élèves,
04:35 on aurait pu éviter ce drame-là en ayant alerté les parents.
04:38 Madame Lebas n'a reçu qu'un appel en lui disant
04:42 "Votre fille a fait un malaise, donc elle ne s'est pas plus inquiétée que ça,
04:45 elle n'a pas fait plus attention à sa fille que ça."
04:47 - Une toute dernière question,
04:48 six prévenus ont été condamnés dans l'affaire Juliette à de la prison avec sursis.
04:52 Est-ce que ces peines sont exemplaires,
04:54 sachant que le harcèlement scolaire est devenu un délit
04:56 avec potentiellement jusqu'à 10 ans de prison ?
05:00 - Concrètement, au regard de ce dossier, les peines sont extrêmement lourdes.
05:02 Bien que du sursis ça puisse paraître dérisoire
05:06 par rapport aux enjeux, c'est-à-dire la vie d'une enfant.
05:10 Les cinq mineurs ont été condamnés, il y a un majeur qui a été condamné aussi.
05:14 Avoir de la prison avec sursis pour des mineurs sans casier,
05:17 c'est déjà une peine qui est relativement lourde dans l'échelle des sanctions.
05:21 Aujourd'hui, la réponse pénale est adéquate,
05:23 les tribunaux prennent ces questions au sérieux.
05:26 On le voit dans les enceintes judiciaires,
05:28 on sait aussi qu'on aura cette attentive, une oreille attentive,
05:32 mais c'est déjà trop tard.
05:33 Il faut le faire en amont, il faut faire des structures
05:37 au sein des lycées, des collèges,
05:38 pour que les jeunes puissent avoir une oreille attentive
05:41 et puissent avoir la confiance en l'adulte,
05:44 ce qui a manqué cruellement dans le dossier de Juliette
05:47 et ce qui manque peut-être dans les autres dossiers qui ont suivi.
05:49 - Le dossier de Nicolas, par exemple,
05:51 ce jeune adolescent de 15 ans qui s'est donné à la mort à Poissy,
05:55 tout juste après la rentrée. Merci beaucoup.
05:57 Maître Inès Herzog, avocate de la famille Globa.
05:59 Alizé, invité France Bleu, France 3 ce matin. Bonne journée.
06:01 - Merci.
06:02 - Merci, on te réinvite à retrouver en podcast sur francebleu.fr.