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Sylvia Ghipponi, présidente du conseil régional de l'ordre des architectes de Corse, évoque l'adaptation de sa profession aux changements climatiques.

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00:00 - Sylvia Kipony, bonjour. - Bonjour.
00:02 - Alors quand on est architecte en Corse en 2023 et que l'on assure la maîtrise d'oeuvre d'une construction en bord de mer,
00:09 comment appréhende-t-on les conséquences du changement et des aléas climatiques ?
00:14 - Alors on considère ces changements climatiques ou ces aléas climatiques comme des risques majeurs.
00:20 Pour le littoral et le bord de mer, on est attentif à plusieurs phénomènes.
00:25 L'érosion et le recul du trait de côte, la montée des eaux et également les phénomènes de vagues-submersion.
00:32 Donc sur la question des zones à risque majeur, l'ordre des architectes a une position qui est très claire.
00:39 Il faut arrêter l'urbanisation dans ces zones à risque.
00:42 Et c'est une position qui a été largement partagée via notre plaidoyer, aussi bien au niveau national qu'ici en Corse.
00:50 - Et ces aléas nécessitent des adaptations ? Quelles sont-elles ?
00:55 - Les adaptations, quand on est sur de l'existant, on a effectivement différents scénarios.
01:06 On a des positions qui sont différentes, c'est-à-dire soit le scénario de défense,
01:11 qu'on observe notamment aux résidences illiminées liées avec la construction d'un mur ou d'une digue,
01:16 mais aussi on l'observe à Luceanne, avec des habitations individuelles sur le littoral qui sont dans une situation assez délicate,
01:23 et la construction de murs aussi de protection, ou encore avec des transferts de sable,
01:29 comme on le voit à Saint-Nicolas ou avec la pose de géotubes.
01:32 Donc ça ce sont les scénarios de défense, mais on peut se défendre tant qu'on veut contre ces changements et contre les éléments.
01:40 On observe souvent que les solutions de défense ne sont pas suffisantes.
01:45 Donc on travaille aussi sur des solutions de repli.
01:49 Pour éviter des solutions de repli dans l'urgence, comme on a pu le voir par exemple sur le continent,
01:56 on propose que ce soit des replis stratégiques avec des études en amont et de l'anticipation.
02:01 - Alors dans les années 70, les constructions en bord de mer étaient légion,
02:06 on a l'impression qu'il n'y avait pas forcément de vision ou d'anticipation des risques à long terme.
02:11 Alors on pense parmi d'autres exemples à la situation que vous avez évoquée aujourd'hui d'Iminé,
02:18 la ville d'Ipétra-Bougnon. Ce cas-là est-il emblématique de ce qu'il ne faut plus faire ?
02:23 - Oui, on a beaucoup construit effectivement sur le littoral, on le sait,
02:27 entre 80 et 2010, on a même le plus fort taux d'urbanisation littoral en Corse.
02:32 Et souvent on a construit trop près du bord de mer, sans anticiper effectivement tous ces risques.
02:39 Donc aujourd'hui on essaye de faire ce qu'on peut avec l'existant
02:45 et effectivement il faudrait ne plus reproduire ce genre de situation.
02:50 - Alors pourtant à quelques encablures, une résidence s'apprête à sortir de terre,
02:54 là aussi à flanc de côte, très proche de la plage, à Pédranaire,
02:57 et ce malgré plusieurs difficultés et nécessité de sécurisation de chantier.
03:02 Quand on voit un tel projet, on se dit que la leçon d'Iminé n'a manifestement pas été comprise ?
03:08 - Oui, c'est vrai que c'est paradoxal puisqu'on commence à parler de relocalisation,
03:12 de démolition, de protection, de renaturation aussi.
03:17 En fait ce qu'on dit c'est qu'il faut redonner même de l'épaisseur au littoral,
03:21 et donc c'est toujours surprenant de voir qu'il y a des constructions qui sortent de terre.
03:25 Celle-ci elle a commencé il y a déjà plusieurs années.
03:28 - Permis de construire obtenu en 2015 ?
03:31 - Oui, et les études certainement encore un peu plus tôt,
03:34 puisqu'il y a des études avant un permis de construire.
03:36 On a évolué sur ces questions-là depuis,
03:39 et il serait vraiment dommage de voir que d'autres opérations voient le jour aujourd'hui.
03:45 - Et la loi littoral dans tout ça ?
03:47 - La loi littoral interdit la construction sur une bande de 100 mètres,
03:51 mais pas dans les espaces urbanisés.
03:53 Et là on est sur des opérations qui sont dans des espaces urbanisés.
03:57 - Donc elle échappe cette construction aux règles de cette loi littoral.
04:02 Et en février dernier, sur la côte atlantique, un immeuble a été rasé,
04:06 sous lac sur mer, les 78 propriétaires avaient été contraints auparavant d'abandonner leur logement.
04:12 Alors selon vous, peut-on arriver à des situations aussi extrêmes en Corse ?
04:16 Ça fait partie des trois scénarios que vous avez évoqués en début de cette interview.
04:22 Est-ce qu'on peut arriver à de telles situations en Corse ?
04:25 - Alors en plus ce bâtiment il s'appelait "Le Signal",
04:28 donc peut-être on peut y voir un message.
04:30 Mais en Corse, on est peut-être dans une situation un peu moins urgente
04:34 que les régions littorales de l'Atlantique.
04:38 D'ailleurs, en 2022, il y avait eu un décret qui identifiait des communes à risque
04:45 sur la question de l'érosion, et la région Corse, comme Réunion-Mayotte, n'en faisait pas partie.
04:51 Alors il faut espérer que ce ne soit pas un oubli,
04:53 parce qu'effectivement quand on voit des cas comme les communes qu'on vient de citer,
04:58 ville d'Épire-Trabourgne ou celle de la Plaine-Orientale,
05:01 on a quand même de quoi s'inquiéter.
05:03 - Dernière question, est-ce que finalement ce n'est pas aux communes,
05:07 et le cas est chiant à l'État, d'être plus vigilants dans l'application des documents d'urbanisme ?
05:12 - L'application des documents d'urbanisme c'est une chose,
05:15 mais on peut être conforme aux règlements, comme on l'a vu,
05:19 et pourtant nous on peut considérer que ce sont des zones à risque.
05:23 Ce que disent les architectes, c'est qu'il faut adapter les documents d'urbanisme,
05:28 et effectivement avoir plus d'investissement public,
05:33 parce que souvent les propriétaires sont laissés un petit peu à l'abandon.
05:38 Et aussi une vision politique affirmée,
05:41 donc on l'a vu avec les trois visions possibles,
05:43 défense, repli dans l'urgence, ou repli stratégique.
05:47 Donc les architectes c'est très clair, ils préfèreraient travailler en amont,
05:51 et c'est peut-être un peu utopique,
05:53 mais se dire qu'on pourrait peut-être profiter de cette question de vulnérabilité
05:59 pour repenser le territoire.
06:01 - Sylvia Kipponi, merci d'avoir été ce matin notre invitée sur RCFM.
06:04 -Merci à vous.

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