Niger : la France sur le départ

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Niger : la France sur le départ
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00:00 On est toujours ensemble sur France 24.
00:05 Bonjour, bienvenue.
00:06 Si vous nous rejoignez, on va plus loin.
00:07 Dans un instant avec Ziad Limam, directeur du mensuel Afrique Magazine.
00:11 Bonjour Ziad.
00:12 Face à vous, Gauthier Riminski, chroniqueur international ici même à France 24.
00:15 Au sommaire aujourd'hui des échanges confirmés entre la France et le Niger, l'armée française
00:20 envisage le retrait d'une partie de ses soldats et équipements, désormais inutilisés
00:24 pour cause de coopération au point mort suite au coup d'état militaire à Niamey.
00:29 L'Afrique appelle à deux nouveaux financements, des taxes mondiales notamment pour assurer
00:33 sa transition vers les énergies vertes, condition du rattrapage en termes de développement.
00:37 S'ennuire pour autant à la planète, c'est tout de suite.
00:39 On va plus loin.
00:40 C'est désormais une certitude.
00:47 La France envisage bien de reconsidérer sa présence au Niger.
00:51 Des discussions ont lieu avec des militaires nigériens en vue du redéploiement d'une
00:55 partie des 1500 militaires français présents sur place.
00:58 Une évolution confirmée par le gouvernement ici en France.
01:01 Florence Gaillat.
01:02 Sur la base aérienne de Niamey, des avions français cloués au sol et des soldats immobilisés.
01:11 Depuis la chute du président Mohamed Bazoum le 26 juillet dernier, les militaires français
01:17 sont tout simplement confinés dans leur base à Niamey, à Oualam et à Ayorou, tout près
01:24 de la frontière malienne.
01:25 Paris envisage désormais le départ d'une partie de ces 1500 militaires déployés au
01:30 Niger.
01:31 Et ce, dès que toutes les conditions de sécurité seront réunies, comme l'annonce le porte-parole
01:37 du gouvernement français.
01:38 Sur la présence de nos troupes, il est important de rappeler qu'elles sont là à la demande
01:41 des autorités du Niger pour les appuyer dans la lutte contre les groupes armés terroristes
01:46 et pour mener des actions de formation.
01:47 Aujourd'hui, cette mission ne peut plus être assurée puisque nous n'avons plus eu d'opération
01:51 menée conjointement avec les forces armées nigériennes.
01:53 Il y a des échanges de coordination fonctionnelles qui existent localement entre militaires pour
01:57 envisager le redéploiement des mouvements de moyens militaires français immobilisés
02:02 depuis la suspension de la coopération antiterroriste.
02:04 Jusqu'ici, la France s'est montrée très ferme face à un régime militaire dont elle
02:09 ne reconnaît pas la légitimité.
02:11 Mais ce week-end, un des premiers ultimatums fixés par la Jeune à la France pour évacuer
02:16 ses troupes est arrivé à échéance, alors que le sentiment anti-français grandit au
02:21 Niger.
02:22 Désormais, l'idée d'une réduction des troupes est envisagée tout en maintenant
02:26 une force autonome, selon nos sources.
02:28 Au plus fort de l'opération Barkhane, la France a déployé jusqu'à 5 500 hommes
02:33 dans cette zone minée par la pauvreté et le terrorisme.
02:37 Le réalisme est-il en passe de s'imposer ? Ziad Limam, la France n'a plus d'intérêt
02:45 à rester au Niger, faute de pouvoir y mener la lutte anti-djihadiste ?
02:48 Oui, moi ça ne me surprend pas beaucoup cette évolution, en tous les cas sur le plan purement
02:55 militaire.
02:56 C'est-à-dire que même le président Macron a dit qu'on n'a pas vocation, en gros,
03:00 à défendre un pays qui ne veut pas qu'on le défende.
03:04 Donc après, ce n'est pas très clair jusqu'à ce soir, est-ce que c'est les moyens militaires,
03:11 c'est le mot qui a été utilisé.
03:12 Alors moyens militaires, c'est quoi exactement ? On parle beaucoup des avions, je crois que
03:17 c'est des Rafales ou des Mirages, peut-être des véhicules.
03:21 Vous savez aussi qu'il y a tout un débat un petit peu animé en France sur l'idée
03:25 de est-ce que le rôle de la France est de défendre le Niger, le Burkina, le Mali, etc.
03:30 Est-ce qu'il ne faut pas redéployer ces moyens ailleurs où on en a besoin ? Donc
03:35 ça ne me surprend qu'à moitié.
03:36 Comme ne me surprend qu'à moitié cette espèce d'effet "on quitte sans quitter".
03:41 C'est-à-dire on maintient une partie des troupes, on maintient une capacité d'opération.
03:48 Ça laisse quand même une ombre, j'allais dire, ça met la pression sur la jeune.
03:55 Ils font des ultimatums qu'on n'écoute pas vraiment.
03:58 Donc voilà, on va voir dans les jours qui viennent ce qui va se passer.
04:02 Mais je pense quand même que globalement, le régime d'isolement et de sanction de
04:09 la jeune au pouvoir est quand même en place.
04:11 Ce n'est pas cet aspect de retrait partiel en partie matériel, pas matériel, qui va
04:18 jouer un rôle déterminant dans la suite des opérations.
04:21 Le vrai débat, mais qui viendra, c'est quelle posture stratégique la France va adopter
04:28 au Sahel en ayant pratiquement plus de points opérationnels dans le Sahel lui-même.
04:35 Alors est-ce qu'il faut aller vers la côte ? Est-ce qu'il faut aller vers le Tchad ? Est-ce
04:37 qu'il faut aller renforcer la présence dans les pays de la côte ?
04:40 Ça, c'est un débat qui est probablement déjà en train de se faire dans les sphères
04:44 du bâtiment Notre Pentagone parisien.
04:47 Les considérer en tout cas ces militaires nigériens comme interlocuteurs désormais.
04:55 Gauthier, est-ce que vous reconnaissez d'une certaine manière le fait accompli des putschistes
04:59 et abandonné à son sort le président Basoum ?
05:03 C'est une tentative de s'en sortir sans perdre la face.
05:09 Le scénario le pire qu'on peut, qu'on pouvait ou qu'on peut peut-être encore imaginer,
05:15 c'est quoi ? C'est que les emprises militaires françaises soient un peu comme l'ambassade
05:20 de France à Niamey, soient encerclées, qu'il y ait des problèmes d'approvisionnement,
05:24 qu'il y ait une sorte d'embargo et qu'on se retrouve avec justement, la comparaison
05:29 est peut-être pas formidable, mais en termes d'humiliation, c'est l'ambassade des
05:34 Etats-Unis à Teheran où il y a cette question de savoir comment faire face à une humiliation.
05:41 De l'autre côté, l'agent se dit, et là je rejoins ce que disait Zia, puisque nous
05:46 lançons des ultimatums qui ne sont pas respectés, peut-être essayons justement de contourner
05:52 la question.
05:53 Parce que là aussi, en termes de légitimité, on comprend bien que le discours anti-français,
05:57 même s'il est loin d'être partagé par toute la population nigérienne, est une
06:02 sorte de levier.
06:03 Un levier parmi d'autres, mais un levier.
06:05 Et que si précisément ce discours perdure, mais qu'il n'a pas de traduction dans
06:10 les faits, c'est quelque chose qui peut être gênant.
06:13 Alors abandonner, oui, l'ambassadeur a son sort.
06:17 Surtout le président, parce que si on retire effectivement la présence française, ça
06:20 veut dire que...
06:21 Il n'est pas question de retirer la présence française.
06:23 Je trouve qu'on est passé de "il y a 2000 soldats" à "il n'y a plus de soldats".
06:27 On n'a pas dit ça.
06:28 On a dit...
06:29 Si l'on négocie avec ce pouvoir qu'on considère illégitime.
06:32 Les mots utilisés, ce n'est pas négocier, c'est localement des mesures opérationnelles.
06:37 Donc on voit bien que les mots sont choisis.
06:39 Après, je ne pense pas que la France soit irréaliste en se disant "on va maintenir
06:44 le même dispositif".
06:45 Et puis comme je vous l'ai dit, il y a quand même un débat sur l'utilisation de ce dispositif.
06:48 La différence avec le scénario catastrophe, c'est que...
06:52 C'est-à-dire Téhéran ?
06:53 Non, la différence d'abord, c'est que les pays de la zone, en dehors du Burkina et
06:58 du Mali, sont des pays qui appliquent les sanctions.
07:00 Ce sont des pays qui appliquent l'isolation du régime de Niamé.
07:06 Donc ce n'est pas la France toute seule.
07:08 On passe toujours aussi à cette idée que la France est toute seule là-bas.
07:10 Il y a le Nigeria, il y a le Bénin, il y a la Côte d'Ivoire.
07:13 Alors chacun avec le Sénégal, chacun avec ses complexités.
07:17 Les Nigériens, ils ont un nord qui est très influent, qui voudrait trouver une solution
07:22 avec ce Niger qui fait partie de leur sphère culturelle, peut-être.
07:24 Mais la réalité, c'est qu'aujourd'hui, il n'y a pas de banque centrale, il n'y a pas
07:28 de France CFA, il n'y a pas d'échange, il n'y a pas d'avion, il n'y a pas de commerce,
07:32 etc.
07:33 Et la deuxième réalité, et je pense que franchement, à part enlever sa culotte et à ce moment-là,
07:36 il n'y a plus rien, c'est qu'il y a un président qui est emprisonné littéralement, que Macron
07:42 a dit "je lui parle, je le défendrai jusqu'au bout, il retournera au pouvoir".
07:46 Les chefs de la région ont dit "je lui parle, il retournera au pouvoir".
07:49 Il est enfermé, maltraité, pas d'électricité, paludisme, pas de nourriture normale, son
07:58 fils de 22 ans, etc.
07:59 Et alors on dit "non, on s'en va".
08:01 "Non, j'y crois pas".
08:02 Ou alors "on laisse tomber".
08:03 Donc on ne va pas l'abandonner à son sort.
08:05 D'abord, il n'y a pas que la France, il y a la France et il y a les alliés qui sont
08:10 dans la zone.
08:11 D'accord.
08:12 Mais la France a été très en pointe sur la défense de la légitimité des institutions
08:17 élues, à commencer par le président.
08:19 Et si on y est, ça ne serait pas la première fois que la France renie ses promesses ou
08:23 on passe par pertes et profits.
08:25 Dans quelques temps, revenons dans trois semaines et on verra où en est le sort de Mohamed
08:29 Bazoum.
08:30 Si on passe Mohamed Bazoum et le Niger par pertes et profits, il n'y a plus de politique
08:33 française en Afrique.
08:34 Et pour un long moment.
08:37 C'est-à-dire, c'est le départ...
08:39 Non, je ne pense pas que ce scénario soit jouable.
08:44 Les mêmes disaient "je ne pense pas que la France puisse quitter le Niger".
08:47 Et aujourd'hui, on dit "le réalisme s'impose".
08:49 Encore une fois, j'attends de voir la réalité de ce que dit...
08:54 Enfin, sur le terrain, de ce que représente ce retrait.
08:57 Est-ce qu'il s'agit d'enlever les Mirages et de les mettre à Abidjan ou à Dakar ou
09:02 à Paris ou je ne sais pas, ou est-ce qu'il s'agit de déplacer 2 000 hommes ?
09:05 On a parlé de maintenir une capacité opérationnelle.
09:09 Oui, le moyen terme, disons le compromis, c'est effectivement, éventuellement, des
09:13 matériels et le personnel de maintenance.
09:15 C'est-à-dire que ça ferait partir des soldats.
09:17 On laisserait des soldats désarmés.
09:19 Non.
09:20 Alors, officiellement, le matériel en question, ce serait celui qui était spécifiquement
09:25 dédié à la lutte antiterroriste.
09:27 A partir du moment où vous enlevez aussi le personnel de maintenance, vous pouvez dire
09:31 "ben voilà, on a enlevé quelques soldats et puis d'autres restent".
09:34 D'accord, on est aussi dans les symboles, ça joue drôlement dans cette affaire.
09:39 Mais j'aimerais être optimiste.
09:42 Non, non, mais je ne suis pas certain, ça ne me vient pas à l'esprit, mais ce ne serait
09:47 pas la première fois que la France lâche en race campagne des gens qui l'ont, d'abord
09:53 qui ont soutenu et puis qui ont été, on va dire aussi, une certaine image d'une Afrique
09:58 nouvelle, parce que c'était ça qu'incarnait Bazoun.
10:01 Je veux croire que la France sera fidèle.
10:04 Encore une fois, la France n'est pas le seul acteur dans cette histoire.
10:11 Bien sûr.
10:12 Il y a les régions autour, il y a les pays autour qui ont aussi un rôle très important.
10:15 Est-ce abandonné le sel aux djihadistes ? Parce qu'on a moins depuis l'arrivée au pouvoir
10:22 de la junte nigérienne, on ne peut pas dire que la région soit pacifiée, bien au contraire,
10:25 les attaques se multiplient, notamment dans cette zone des trois frontières.
10:28 C'est sûr que déjà le Mali et le Burkina avaient dit "on va faire mieux sans les Français".
10:35 Et les autres d'ailleurs, puisqu'on dit les Français, mais il y avait tout un système
10:38 opérationnel, plus certaines forces européennes, Nations Unies, Minusmax, la réalité, c'est
10:43 que la situation sécuritaire au Mali et au Burkina est pire aujourd'hui qu'elle l'était
10:50 à l'époque des coups d'État et de l'expulsion, ou de la mise en départ de ces troupes étrangères.
10:55 On voit bien qu'au Niger, où il y avait eu une stabilisation, la situation se dégrade.
10:59 Donc il y a quand même...
11:00 Bon, c'est un débat de fond.
11:03 Il y a bien un moment où ces pays, s'ils veulent parler de souveraineté, il va bien
11:09 falloir qu'ils trouvent un moyen militaire d'assumer cette souveraineté par des accords
11:14 rénovés, etc.
11:15 Peut-être.
11:16 Mais en tous les cas, à ce jour, le départ des troupes françaises et autres est plutôt
11:21 signe d'un rebond d'instabilité, de violence.
11:25 Il y a eu une attaque meurtrière au Burkina hier, je crois.
11:30 Et c'est pour ça que c'est une affaire régionale, parce que derrière ces pays, encore une fois,
11:35 il y a des pays très importants sur la côte.
11:37 Et le Nigeria n'est pas un petit pays, c'est un grand pays.
11:41 La Côte d'Ivoire, ce n'est pas un petit pays.
11:42 Gautier Rybinski, la France peut-elle se permettre, y compris pour ses intérêts propres, de
11:48 quitter aujourd'hui cette zone du Seine, ou bien va-t-elle chercher une nouvelle terre
11:52 d'accueil comme elle l'avait fait avec le Niger ? On évoquait hier le Tchad, par exemple.
11:57 D'abord, on n'en est effectivement pas encore là, mais la question du Tchad, elle est compliquée,
12:03 parce que là, on peut à nouveau mettre la France devant ses contradictions.
12:05 Là, elle dit "nous n'acceptons pas le putsch", mais la manière dont il y a eu une succession
12:10 dynastique au Tchad, ah ben oui, ça on l'accepte, bon, premièrement.
12:13 Deuxièmement, l'ambiguïté et surtout la tromperie, c'est quoi ? C'est qu'au départ,
12:20 aussi bien Cerval et ensuite Barkhane, c'est à coup, avec une opération militaire, on
12:25 résout tous les problèmes.
12:26 Il y a cette simili-conscience côté français et cet espoir chez un certain nombre de citoyens
12:33 des pays africains.
12:34 Et vous savez bien, au départ, quand le djihadisme baisse vers Bamako et que l'armée française
12:41 les arrête, c'est fantastique, c'est "la France règle nos problèmes".
12:44 Et effectivement, là, ça n'est pas possible.
12:46 Alors, les multiples raisons, on en parle souvent, mais elles sont encore plus complexes
12:51 que la manière dont on peut les décrire.
12:54 C'est aussi le fait que dans des situations où l'État, l'État central africain, n'a
13:00 pas ses prérogatives, et n'exerce pas ses prérogatives ou ne souhaite pas les exercer
13:06 ou préfère déléguer parfois à des instances locales, eh bien il y a poussé de ce djihadisme
13:13 qui lui aussi est ambigu puisque dans un premier temps, il offre un certain nombre, disons
13:17 davantage on va dire, à la population, quitte à se retourner et à être extrêmement brutal.
13:21 Donc à partir de là, c'est pas...
13:24 La question du message de la présence de la France, c'est pour faire quoi ? Si c'est
13:28 effectivement occasionnellement de dire "stop, il y a une menée de djihadistes puissantes
13:34 qui se dirigent vers une capitale", oui, mais sinon, c'est toute la question, vous savez
13:39 bien, de bâtir une nation ou simplement faire de la police.
13:43 On en revient finalement à ça, et c'est un cycle.
13:45 Il y a quelques années, on disait "effectivement, la force militaire seule ne suffit pas, il
13:49 faut que la France participe peut-être à reconstruire un Etat failli, les forces armées
13:54 maliennes seules n'y parviennent pas".
13:55 Aujourd'hui, on voit bien le reproche qui est fait à la France, c'est de s'être immiscée
13:59 dans les affaires intérieures des Etats, c'est de l'ingérence.
14:02 Mais tout le monde s'immisce, c'est plus un dos qu'on a en France, c'est un...
14:07 Tout le monde s'immisce, les Américains, mais vous êtes d'accord qu'il y a eu cette
14:10 succession de reproches ? Non, il y a eu cette succession de reproches.
14:12 Barkhane était une opération demandée par le Mali pour sauver le pays, après on est
14:18 rentré dans la complexité, peut-être il ne fallait pas faire fraval, peut-être il
14:20 ne fallait pas rester, peut-être il fallait les laisser, mais bon, deux ans, trois ans,
14:24 cinq ans après, on peut effectivement dire qu'il ne fallait pas s'impliquer dans les...
14:28 Mais par rapport aux politiques, les pays africains doivent construire leur souveraineté,
14:32 mais ils ne vivent pas dans un vide.
14:33 Ils ont des partenaires, ils ont la France, ils ont l'Union européenne qui pèse lourd
14:37 maintenant, les Russes jouent leur carte, les Chinois jouent leur carte, etc.
14:42 Donc de dire que la France est au centre de tout...
14:44 On n'a pas dit ça, on a dit qu'on avait reproché à la France de n'avoir pas suffisamment
14:48 contribué au-delà du militaire à aider, à boncheprier ou à passer en les interstices
14:53 d'un État qu'on disait failli, aujourd'hui on le reproche d'avoir été trop, sans doute
14:57 trop intervenante.
14:58 La France, peut-être, mais ce n'est pas la vocation de la France de construire le Mali,
15:03 ce n'est pas la vocation de la France de construire le Burkina, ce n'est pas la vocation de la
15:05 France de construire le Niger.
15:07 Ces pays doivent se construire de même et ils doivent jouer sur un nombre multiple
15:11 d'alliances, etc.
15:12 Et deuxièmement, la France, elle a peut-être une grande histoire et un beau drapeau, mais
15:16 elle n'a plus les moyens financiers et humains de financer la construction d'un État.
15:23 - Alors la question qu'on se posait, justement, c'était quel peut être le rôle de la France,
15:28 tout simplement, à partir du moment où, effectivement, c'est vrai qu'elle a parfois
15:32 tendance à se faire comme la grenouille qui voudrait être aussi grosse que le bœuf.
15:35 - On attend d'elle, bon voilà, qu'elle remplace des missions...
15:38 - Vous disiez de son statut de puissance moyenne, des échecs qu'elle essuie parce qu'elle s'est
15:43 imaginé des choses ou parce que ses partenaires se sont imaginé des choses sur ses vertus.
15:47 Qu'est-ce qu'elle fait la France ? C'est ça le sens de la question.
15:50 C'est pas dire qu'elle est centrale, justement c'est compte tenu aussi des influences à
15:54 la fois russes, chinoises, tout ce que vous voulez.
15:56 Qu'est-ce qui lui reste ? Et au fond, la vraie question c'est, est-ce que c'est utile pour
16:00 la France ? Est-ce qu'il y a un sens à cette présence ?
16:02 - Si vous voulez être une puissance mondiale, même moyenne, votre présence dans un territoire
16:10 où on parle le français, avec lequel vous avez des liens historiques, complexes, difficiles,
16:15 et bien vous avez intérêt à y être.
16:17 Et vous avez intérêt à y cultiver du business, des relations culturelles, des amitiés diplomatiques.
16:21 Mais la France en Afrique, c'est pas que ces trois pays du Sahel, c'est les pays du Golfe,
16:26 c'est les pays d'Afrique centrale, mais c'est aussi l'Ethiopie maintenant, c'est aussi le
16:29 Kenya, William Ruto adore la France.
16:31 La France adore William Ruto, on va faire plein d'affaires avec lui, on va leur en
16:34 parler, etc.
16:35 - C'est génial.
16:36 - L'Afrique du Sud compte, etc.
16:37 Le Nigéria compte.
16:38 Le président Tinoubu adore Paris.
16:41 Il est en week-end, où j'exagère un peu, mais il est en séjour parisien en permanence.
16:46 - Mais quelle est la vraie force d'attraction de la France, au-delà, j'allais dire, du
16:49 people et de l'anecdote ?
16:50 - On est quand même, c'est-à-dire faut pas basculer d'un excès à un autre, c'est quand
16:56 même le cinquième ou la sixième économie du monde.
16:58 C'est un des pays centrales de l'Union européenne.
17:00 L'Afrique est la frontière sud de l'Union européenne et de la France.
17:03 - Est-ce que pour la France, il y a autre chose à faire que du business ou bien est-ce
17:06 que c'est effectivement comme les autres ?
17:07 C'est ça, finalement, la question aussi que se pose la France.
17:09 Est-ce qu'il y a un message ?
17:11 - On va avancer parce que Patrick Renaud, il nous attend le Yannet Robert.
17:13 - D'accord.
17:14 C'est peut-être un peu trop grandiloquent.
17:15 Mais est-ce que la France a autre chose à faire, par exemple, au Sahel que de dire,
17:19 eh bien oui, il faut être présent parce que nous sommes la cinquième ou la sixième
17:22 puissance du monde ?
17:23 - Il faut être présent parce qu'on a des intérêts à long terme, mais qui ne sont
17:25 pas forcément des intérêts romantiques, etc.
17:28 D'ailleurs, ça a été dit 25 fois par le président Macron qu'il veut rénover la
17:32 politique africaine de la France en la rendant réaliste.
17:34 Pour le moment, ce n'est pas spectaculaire, mais ça prend un peu de temps aussi de changer
17:38 le bateau.
17:39 - L'Afrique, justement, qui affirme sa préoccupation pour la planète à l'occasion d'un premier
17:44 sommet du continent consacré à la question climatique.
17:46 Les pays mettent le cap sur les énergies renouvelables, mais appellent pour se faire
17:50 à une contribution des États développés.
17:52 On va aller directement à Nairobi pour France 24.
17:55 Bastien Renouilh, sur place, qui est assisté à ce sommet, en affiche un bilan satisfait
17:59 à l'issue de cette rencontre.
18:00 - Absolument, oui.
18:01 Il n'y avait qu'à voir le visage de William Routeau, le président Kenyan, lorsqu'il a
18:08 fait l'annonce expliquant que la déclaration de Nairobi était adoptée par l'ensemble
18:12 des chefs d'État présents au sommet à l'unanimité, par acclamation.
18:17 Il avait un grand sourire et affichait vraiment sa satisfaction.
18:19 Tous les chefs d'État, une trentaine de chefs d'État et de chefs de gouvernement qui sont
18:24 succédés à la tribune au cours des trois derniers jours, l'ont affirmé.
18:27 Il faut une Afrique unie, il faut une Afrique qui parle d'une seule et même voix.
18:31 Et cela a visiblement fonctionné, puisque malgré des dissensions au début du sommet,
18:36 la déclaration de Nairobi a été adoptée.
18:38 Alors l'objectif, c'est quoi ? C'est que toute l'Afrique puisse négocier ensemble
18:43 lors des grandes réunions internationales, des COP notamment, pour pouvoir permettre
18:48 plus de financement pour développer ces énergies renouvelables, pour développer une agriculture
18:52 plus verte.
18:53 Donc bien évidemment, tous les chefs d'État présents s'en sont félicités.
18:56 Les organisations internationales aussi.
18:59 L'ONU qui était représentée se félicitait aussi de l'adoption de cette déclaration
19:04 de Nairobi.
19:05 En revanche, il y a certaines organisations qui ne sont pas tout à fait d'accord avec
19:08 le président Routeau, avec tous les applaudissements qu'il y a pu avoir à l'issue de la cérémonie.
19:13 Les organisations de...
19:14 Ah, problème de liaison avec Bastien Renouilh.
19:19 Ah oui, on n'entend plus Bastien Renouilh.
19:22 On a perdu Bastien, en tout cas, on peut le dire, le Kenya, avec son objectif de 100%
19:26 d'énergie renouvelable à horizon en 2030, faisait bel et bien office d'exemple.
19:30 Et donc, c'est aussi une des raisons avec qui on faisait le peyote de cette réunion.
19:36 On peut électrifier l'Afrique aux énergies renouvelables parce qu'on sait que l'électrification
19:41 du continent, c'est le défi des animaux.
19:43 Non, mais c'est...
19:44 Et ça n'a pas été aussi simple à Nairobi.
19:47 Lundi soir, ça a failli partir en vrille complète.
19:49 Il y a des pays qui ont dit moi, je n'ai pas signé pour ce texte.
19:53 Il y a des pays qui disent moi, je veux bien le renouvelable, mais ce n'est pas avec ça
19:56 que je vais transformer mon économie.
19:58 Et pourquoi et comment vais-je payer pour le renouvelable?
20:01 Il y a des pays qui ont dit il faut valoriser notre rapport, celui du bassin, les particuliers
20:06 des pays du bassin du Congo, en disant mais nous, on apporte une décarbonation au monde
20:11 comme si on n'existait pas.
20:13 Il y a des pays qui ont dit il faut tenir compte de l'économie bleue.
20:15 Et donc, il y a eu une grosse bagarre.
20:18 Il y a des pays qui ont dit si vous amenez des consultants américains pour monter un
20:22 sommet, effectivement, on va avoir une tonalité très américaine.
20:25 Tout ce monde merveilleux du développement durable et de la croissance verte qui est
20:32 financée par je ne sais qui.
20:33 Donc, ça n'a été pas simple.
20:35 Et puis, j'irai même plus loin.
20:37 Oui, l'Afrique, c'est bien qu'elle parle d'une voix, mais l'Afrique, c'est un milliard,
20:42 plus d'un milliard d'habitants.
20:43 C'est 54 pays.
20:44 C'est des intérêts divergents.
20:46 Et quand ils vont se retrouver dans l'enfer d'une COP 28 à Dubaï dans quelques mois
20:51 où le point clé, ce sera les énergies carbone, la guerre va être terrifiante.
20:57 Juste un point, il y a des pays qui produisent du gaz et du pétrole.
21:03 Il y a des pays qui vont en produire du gaz et du pétrole.
21:05 Et on leur dit aujourd'hui, non, vous n'allez pas le faire.
21:08 On va dire à la Mauritanie, vous n'allez pas produire de gaz.
21:10 On va dire au Sénégal, non, votre pétrole, votre gaz, non.
21:12 À la Côte d'Ivoire, non.
21:13 Au Mozambique, non.
21:14 Sans les mécanismes de compensation qu'on a ici en Europe.
21:17 Oui, mais eux, ils vous disent moi, je vais produire mon gaz et mon pétrole pour pouvoir
21:22 financer éventuellement un développement durable en faisant justement cette mutation.
21:27 Mais et puis, ce qui a beaucoup agité Anaïrobi, c'est la question de la justice.
21:31 Ce n'est pas un débat qu'on peut extraire et envoyer balader en disant ça n'existe
21:34 plus, on va mettre des panneaux solaires partout.
21:35 La justice climatique, ça veut dire quand même que nous, Européaux, Américains, Chinois,
21:41 Indiens, on a flingué la planète durablement pour notre propre croissance et que ça, à
21:46 un moment, il faut bien que ça s'équilibre.
21:48 Et édifiant d'ailleurs un G20 qui doit avoir lieu ce week-end sans la Chine, sans la Russie,
21:52 un G20 en Inde sur ces questions climatiques.
21:54 Avec un Biden qui a peut-être ou pas le Covid, ce qui est quand même aussi la touche finale
21:58 du moment.
21:59 Mais ça en dit long quand même, en tout cas, voilà, sur le désintérêt des grandes
22:02 puissances qu'on voyait au BRICS il n'y a pas si longtemps affirmer justement une ambition
22:05 pour la planète et notamment pour l'Afrique.
22:07 Gautier Ribinski.
22:08 Tout ce que vient de dire Zia est parfaitement compréhensible et exact.
22:13 Ce qui m'a quand même frappé, c'est qu'on arrive avec cette conclusion du sommet à
22:18 malgré tout la compréhension et l'idée que le développement et la lutte contre le
22:24 dérèglement climatique, qui ont souvent été opposées non seulement par des chefs
22:30 d'État africains, mais aussi par des spécialistes.
22:32 Bon, le mea culpa que vous faites sur la manière dont nous avons empoisonné la planète,
22:38 il est parfaitement justifié.
22:40 Mais il a été aussi à une époque une excuse pour dire "n'embêtons pas", et vous savez
22:45 à quel mot je pense sinon, "n'embêtons pas les Africains, ils n'y sont pour rien".
22:49 Et c'est vrai.
22:50 Et là pourtant, vous avez, moi c'est ça qui m'importe, c'est l'idée que bien sûr...
22:56 Guillaume Meurice.
22:57 En prenant en marche, on peut éviter de répéter des erreurs du passé, c'est ça.
22:59 Gautier Ribinski.
23:00 Oui, et puis sur...
23:01 Et puis surtout, l'idée que même si l'Afrique est victime dans cette affaire, et c'est très
23:05 clair, elle est victime parce qu'elle émet très peu, et elle reçoit...
23:08 Guillaume Meurice.
23:09 Même 4 ou 4% des émissions.
23:10 Gautier Ribinski.
23:11 Oui, 3/4% des émissions, et elle reçoit par contre beaucoup de substances nocives.
23:13 Malgré tout, il y a l'idée de passer non pas outre cela, mais de dire "oui, le développement
23:19 peut être compatible avec cette lutte contre le dérèglement climatique, avec des disparités,
23:25 avec le problème des richesses des États et des autres, des uns et des autres, mais
23:29 ça n'est plus totalement antinomique, et je dirais qu'il n'y a plus non plus, enfin
23:33 un peu moins, cette attitude africaine qui consistait à dire "écoutez, ça suffit, ça
23:37 c'est votre responsabilité, nous on n'y peut rien et ça ne nous préoccupe pas".
23:42 Là, c'est quelque chose d'intéressant, ça les préoccupe et c'est normal parce que
23:46 c'est un problème pour la planète en entier.
23:47 Guillaume Meurice.
23:48 À condition que les pays développés donnent l'exemple et accomplissent leur engagement
23:51 qu'ils avaient pris non pas pour griffes, pour 2020, les 100 milliards par an de financement
23:56 climatique.
23:57 Mais il y a aussi de la part des pays développés ce fameux contexte, la guerre froide.
24:01 Est-ce que l'invasion russe de l'Ukraine ne vient pas entraver aujourd'hui tous les
24:04 efforts en matière de lutte contre le climat ?
24:06 Il y a dit même encore une fois l'absence de la Russie au G20, c'est quand même emblématique.
24:09 Franchement, que ça occupe les États-majors diplomatiques, militaires, etc.
24:15 Oui, mais je ne pense pas que c'est un impact foudroyant sur ce qui se passe en termes de
24:23 changement climatique.
24:24 Il comprend en tant que facteur de dissension dans la capacité à créer des coalitions,
24:30 comme on dit.
24:31 Oui, mais c'est trop petit par rapport à l'énormité du danger.
24:34 Un pays africain peut dire "ah bah oui, tiens, je ne vais pas m'aligner, je vais m'aligner
24:38 sur Moscou".
24:39 Mais quand il pleut trop, ou quand c'est désertique, ou quand c'est la sécheresse,
24:43 ou quand c'est rare, vous êtes embarqué dans un même bateau.
24:46 Et c'est là-dessus que je pense que tu as raison.
24:48 C'est-à-dire qu'il y a eu un changement, il y a eu une prise de conscience à cause
24:53 du fait qu'on est directement impacté en Afrique.
24:55 Mais la question du financement est clé.
24:57 Et ça fait des années qu'on les balade en leur disant 100 milliards, 17 milliards,
25:01 35 milliards, 25 milliards, etc.
25:03 Et que ce financement n'arrive pas.
25:05 Il ne se traduit pas par des projets.
25:07 Il y a des contre-exemples.
25:09 Le Kenya, oui, le Kenya a réussi à pousser une industrie d'énergie renouvelable assez
25:14 notable.
25:15 Le Maroc aussi.
25:16 Il y a des tas de pays qui ont fait des progrès.
25:17 Mais ce n'est pas ça qui va inverser durablement la tendance.
25:23 Et puis, il y a des enjeux, j'allais dire systémiques.
25:26 Les côtes en Afrique, il y a des villes menacées aujourd'hui.
25:30 Une ville comme Légos est une ville menacée.
25:33 Comme les Jakarta.
25:34 Une ville comme Kotonou est une ville menacée.
25:36 Une ville comme Abidjan est une ville menacée par la montée des eaux.
25:39 Et donc ça, ce n'est pas 100 millions de déplacés du monde, de restructurés.
25:44 C'est un enjeu phénoménal.
25:45 Mais sans argent, tout ça, c'est des bons mots.
25:49 Des bons mots.
25:50 Gauthier et Rémi, il va falloir évidemment que désormais on agisse.
25:53 Mais ça crée une pression quand même, ce qu'on vient de voir.
25:56 Au même titre qu'on a dit que voilà, le sommet des brix, il y a une dizaine de jours,
26:00 a créé une pression sur les Occidentaux.
26:01 Là, on voit une pression des États africains sur cette question du climat.
26:05 Je ne vais pas les deux sur le même plan parce que je crois quand même que dans les
26:09 brix, pour les États les plus importants, primordiaux des brix, il y a une dimension
26:15 idéologique de combat qu'il y a moins là justement.
26:19 C'est peut-être le progrès.
26:20 C'est peut-être la pression vertueuse dont vous parlez.
26:23 C'est de dire, vous voyez, nous, on essaye justement, malgré les différences de situation,
26:28 malgré les urgences pour certains, malgré les richesses.
26:31 On essaie d'être le continent des solutions.
26:33 On essaye exactement d'être le continent des solutions et de proposer quelque chose
26:37 à vous d'être, c'est-à-dire à nous, d'être à la hauteur de la manière dont
26:41 nous comportons, c'est-à-dire une manière adulte.
26:43 Merci, Clotier, ce sera le mot de la fin.
26:46 Merci Zéldin Bam, c'était On va plus loin.
26:48 On se retrouve dans trois minutes pour un nouveau journal dans Paris Direct.
26:50 [Musique]

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