Depuis le coup d'Etat du 26 juillet, le général Tiani attise le sentiment anti-français des Nigériens et accentue chaque jour un peu plus la pression. Mais pourquoi le régime militaire au pouvoir cible-il la France, à l'instar des putschistes du Mali ou du Burkina Faso ? C'est ce que François Reynaert décrypte dans ce nouvel épisode d'"Oncle Obs".
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00:00 Le 26 juillet 2023, des militaires font un coup d'état au Niger.
00:03 Quelques jours plus tard, il y a de violentes manifestations contre l'ambassade de France
00:07 à Niamey, la capitale du Niger.
00:08 Et dans toutes les manifestations qui soutiennent les poutchistes, on crie « Abat la France !
00:12 Abat la France ! ».
00:13 Pourquoi est-ce que les poutchistes au Niger attuisent la France ?
00:16 Le Niger, c'est un grand pays d'Afrique de l'Ouest du Sahel, le sud du Sahara.
00:23 C'était une colonie française pendant très longtemps et c'est devenu une république
00:26 indépendante depuis 1960.
00:27 Mais le régime politique est très instable, très souvent des coups d'état militaires
00:31 au Niger.
00:32 Depuis 2010, on pensait que cette mauvaise période était terminée.
00:35 Il y avait une constitution, des élections plus libres.
00:37 En 2021, il y a un homme qui est élu, Mohamed Bazoum, c'est le nouveau président de la
00:42 République.
00:43 Mais la situation est compliquée pour deux raisons.
00:44 D'abord, le Niger est un pays très pauvre, il y a très peu de ressources, il y a surtout
00:48 le sous-sol, des mines d'uranium en particulier.
00:50 Mais la population estime qu'elle n'en profite pas.
00:52 Et puis l'autre chose, c'est le terrorisme islamique, comme dans toute la région.
00:56 Il y a des villages qui sont rasés, des massacres de populations, etc.
00:59 Alors Bazoum, il fait ce qu'il peut pour gérer tout ça.
01:01 Mais certains pensent que ce n'est pas suffisant.
01:03 Le 26 juillet 2023, le chef de la garde présidentielle, qui s'appelle le général Abdourahman Tiani,
01:09 fait séquestrer Mohamed Bazoum dans sa résidence présidentielle et il dit "désormais, c'est
01:14 moi qui prends le pouvoir".
01:15 Il met au pouvoir une jeune, c'est-à-dire des autres militaires et immédiatement, il
01:18 dit "avec moi, tout va être résolu".
01:20 Et il accuse son prédécesseur, bien sûr, et il accuse aussi l'allié de son prédécesseur,
01:24 la France.
01:25 Quand il dénonce la France, le général Tiani dit "je dénonce le néocolonialisme".
01:33 Le néocolonialisme, c'est que la France a dit aux pays africains en 1960 "vous êtes
01:37 indépendants" et qu'en fait, elle continue à les contrôler.
01:39 Ça s'est passé réellement pendant des décennies.
01:41 On a appelé ça la France-Afrique.
01:43 C'était que Paris décidait de tout.
01:45 Que tel dictateur pouvait rester au pouvoir parce que ça servait les intérêts de Paris,
01:49 que tel secteur économique devait être contrôlé par Paris, etc.
01:52 Est-ce que ça existe encore ? Non.
01:53 Dans le cas précis du Niger, on peut le prouver de trois manières.
01:57 Le général Tiani dit "mais il y a une base militaire française à côté de Niamey au
02:01 Niger".
02:02 C'est vrai, c'est une base militaire avec à peu près 2000 hommes, mais ils ne sont
02:04 pas là pour occuper le pays.
02:05 Ils sont là parce qu'ils ont été appelés par le Niger en 2013 pour aider le pays à
02:09 lutter contre le terrorisme.
02:10 Exactement comme d'autres pays de la région.
02:12 La deuxième chose, c'est la question de l'uranium.
02:15 La France vient piller nos ressources.
02:17 Non, la France vient acheter de l'uranium au Niger.
02:19 Alors après, si l'argent donné par la France pour acheter ses biens est mal redistribué,
02:24 ce n'est pas un problème français.
02:25 Et puis, la troisième chose, enfin, c'est la question politique.
02:28 Est-ce qu'il est normal qu'il y ait un coup d'État qui renverse un président élu ?
02:31 La France pense que non, mais la plupart des pays du monde pensent que non.
02:35 Et ceux qui sont en première ligne par rapport à ça, ce sont les pays de la région.
02:38 Il y a une alliance régionale qu'on appelle la CDAO, Communauté économique des États
02:43 d'Afrique de l'Ouest.
02:44 Cette CDAO, dès qu'il y a eu le coup d'État, s'est réunie en disant "on ne peut pas laisser
02:47 un coup d'État, il faut qu'un président élu garde son pouvoir".
02:50 Il y a même des gens au sein de la CDAO qui disent "on va intervenir militairement pour
02:54 que le président élu retrouve son pouvoir".
02:55 Est-ce que la France a quelque chose à voir avec cette décision de la CDAO ? Non.
02:59 Le pays principal au sein de la CDAO, c'est le Nigeria.
03:02 Le Nigeria, c'est une ancienne colonie britannique et la France n'a pas de rapport particulier
03:05 avec le Nigeria.
03:06 Donc aujourd'hui, cette affaire politiquement, elle se traite entre Africains et c'est très
03:11 bien comme ça.
03:12 Déjà, il y a la vieille stratégie du bouc émissaire.
03:18 Avoir un ennemi extérieur, c'est toujours pratique.
03:19 Ça évite de ne pas s'interroger sur ses propres responsabilités.
03:21 Il y a aussi une question géopolitique derrière.
03:24 On a vu ça déjà à l'œuvre dans d'autres pays de la région, comme le Mali ou le Burkina
03:28 Faso.
03:29 Il y avait des régimes alliés de la France, il y a eu des coups d'État militaire et ces
03:32 coups d'État militaire ont fait que les pays se sont retournés contre la France, là encore
03:36 avec les mêmes arguments.
03:37 Mais il y avait quelqu'un qui était derrière, c'était qui ? C'était les Russes.
03:40 Les Russes sont toujours prêts, en Afrique, à être là pour chasser la France.
03:44 Alors, on a vu ça surtout en République centrafricaine, c'est le premier pays où ça s'est passé,
03:48 avec les mercenaires Wagner qui arrivent, qui sont des sinistres personnages, qui utilisent
03:53 des méthodes qui sont la diffusion de fake news, où les Russes payent des influenceurs
03:57 pour dire "les Français sont méchants".
03:58 Nous sommes les démons de Macron.
04:01 Nous, on est là, on est des gentils, on va venir vous délivrer.
04:04 Derrière tout ça, il y a la volonté du peuple nigérien de prendre son destin en
04:08 main.
04:09 Il est clair, les Russes, comme tous les peuples du monde, ont le droit de prendre leur destin
04:12 en main et de se débarrasser des maîtres qu'ils ne veulent plus.
04:15 Seulement, ils se trompent s'ils pensent qu'il est légitime de huer le drapeau français
04:21 et de le remplacer par le drapeau russe.
04:23 On ne se délivre pas d'un maître en se livrant à un bourreau.
04:26 [Musique]