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00:00 Privatisation massive, dérégulation de l'économie,
00:02 démantèlement du service public,
00:04 voici le programme choc expérimenté au Chili
00:06 par les Chicago Boys dans les années 70.
00:08 Ces économistes formés aux États-Unis
00:10 ont façonné la politique du dictateur Augusto Pinochet
00:13 et ont fait de leur pays le laboratoire mondial du néolibéralisme
00:16 bien avant les années Thatcher et Reagan.
00:18 Une très grande journaliste chilienne qui s'appelle Monkhenberg
00:22 parle carrément d'un saccage, d'un pillage de l'économie chilienne
00:26 par ces Chicago Boys qui se sont redistribués le gâteau.
00:30 Nous sommes en 1955, en pleine guerre froide
00:33 et la progression des idées marxistes en Amérique du Sud inquiète les États-Unis.
00:36 Pour contrer cette influence,
00:38 l'administration américaine entame un programme d'échange universitaire,
00:41 notamment entre le Chili et l'école de Chicago,
00:44 une université sous l'influence d'un économiste libéral,
00:47 Milton Friedman.
00:48 Friedman est farouchement opposé à l'intervention de l'État dans l'économie,
00:51 contrairement au consensus interventionniste de l'époque
00:54 incarné par John Maynard Keynes.
00:56 Friedman a fait sa fameuse thèse sur la crise de 1929
00:58 et il dit en fait le keynesianisme est une erreur
01:02 parce que créer de la monnaie artificiellement va engendrer de l'inflation
01:07 et l'inflation plus tard c'est des impôts, donc ça fait augmenter les prix
01:11 et ce sont des impôts en fait que vont payer les agents économiques.
01:14 Après leur passage à Chicago,
01:16 ces quelques dizaines d'étudiants reviennent au Chili.
01:18 Ils critiquent dans les colonnes de journaux conservateurs
01:20 la politique du président socialiste Salvador Allende, élu en 1970.
01:25 Mais ils ont encore peu d'influence,
01:27 jusqu'à ce que des officiers de la marine s'intéressent à eux.
01:30 Une partie de l'armée envisage déjà en secret de renverser Allende
01:33 et demande aux Chicago Boys de rédiger un programme économique alternatif,
01:37 El Ladrio.
01:38 On essaie de penser à cette société libérale parfaite
01:42 où le marché va tout régler,
01:45 il suffit de tout privatiser.
01:46 Pour la monnaie il s'agit juste de rendre la banque centrale indépendante.
01:50 C'est vraiment quelque chose qui paraît complètement même déconnecté de la réalité,
01:54 c'est-à-dire qu'il y a très peu de chiffres sur l'industrie concrète chilienne.
01:59 Les Chicago Boys disent qu'ils ne savent pas à quoi va servir ce programme économique.
02:04 En réalité, ce sont des militaires qui le demandent, ce programme économique,
02:08 donc ils pourraient avoir une petite idée.
02:10 Le coup d'État arrive en 1973,
02:12 la junte se met en place et l'amiral Merino,
02:15 commandant en chef de l'influence marine,
02:16 se retrouve en charge de l'économie du pays.
02:19 Mais le choc pétrolier la même année fragilise le nouveau régime
02:21 et fait ressurgir le spectre d'une inflation hors de contrôle.
02:25 Les généraux au pouvoir demandent de l'aide de Chicago Boys,
02:27 qui vont tester leur recette magique.
02:30 On crée une énorme récession,
02:32 on coupe drastiquement dans le budget de l'État,
02:33 on remonte les taux d'intérêt,
02:35 enfin bon voilà, il y a une série de mécanismes.
02:37 Pinochet est convaincu par cela, il dit bon, OK.
02:39 Les Chicago Boys gagnent en influence.
02:42 Plusieurs de ces économistes prennent la tête de ministères.
02:45 À partir de 1977, ils privatisent 400 entreprises publiques,
02:49 les secteurs publics de la santé et de l'éducation sont démantelés.
02:53 Avec ces mesures drastiques et l'afflux de capitaux étrangers,
02:55 l'économie chilienne connaît une embellie au tournant des années 80.
02:59 Milton Friedman évoque même un miracle chilien.
03:02 Mais si la croissance atteint 8%,
03:03 le taux de chômage augmente,
03:05 passant de 4,8% en 1973 à 31% en 1983.
03:10 Les salaires baissent nettement et la dette explose.
03:13 Derrière la vitrine économique, la société chilienne est atomisée.
03:18 Pour les populations les plus fragiles, les plus précaires,
03:21 c'est des gens qui pouvaient avoir accès à quand même une santé d'État,
03:26 à une éducation d'État.
03:27 Ces services publics vont être complètement laminés.
03:31 Donc un accroissement des inégalités sociales,
03:35 tout ça s'accompagne d'une grande réforme.
03:37 Une des sept réformes, des sept modernisations,
03:39 ça va être la fameuse loi travail et la réforme des retraites.
03:43 Pour toutes ces populations, plus de chômage,
03:46 baisse du chômage, plus de retraite.
03:48 On bascule sur un système de capitalisation privée.
03:51 C'est un effondrement d'une toute petite classe moyenne,
03:54 une paupérisation d'une grande partie de la population.
03:57 Cette transformation économique brutale
03:59 est facilitée par l'interdiction des syndicats,
04:01 la suppression des libertés publiques et le musellement de la presse.
04:04 Les années Pinochet, c'est aussi un coup humain terrible.
04:07 Des milliers de morts entre 1973 et 1990
04:10 et des dizaines de milliers de cas de torture.
04:13 Le miracle économique annoncé tourne court.
04:15 En 1981, une crise de la dette au Mexique
04:18 contamine toute l'Amérique latine
04:20 et met fin au rêve ultralibéral des Chicago Boys.
04:23 Après la fin de la dictature en 1990,
04:25 un certain nombre de ces économistes
04:27 se retrouvent à la tête des entreprises chiliennes
04:30 qu'ils ont eux-mêmes privatisées.
04:32 D'autres apportent leur expertise en Europe de l'Est
04:34 après la fin du communisme.
04:36 En fin des années 80, il y a un candidat Pérou
04:39 qui se rêve un peu comme la nouvelle Margarita Cherdesan,
04:43 qui s'appelle Mario Vargas Llosa,
04:45 qui deviendra d'ailleurs un prix Nobel de littérature.
04:48 Il se fait, on va dire, coacher un peu
04:51 par ces Chicago Boys chiliens sur son programme,
04:54 là à partir de 1986-87.
04:56 L'influence des Chicago Boys reste grande
04:58 sur le continent sud-américain.
05:00 L'un d'entre eux, Paolo Aguedes,
05:02 a été ministre de l'économie de Jair Bolsonaro au Brésil.
05:05 En Argentine, le candidat libertarien à la présidentielle de 2023,
05:09 Javier Melei, continue à défendre leur thèse.
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