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Pierre Niney en Michel Gondry, drôle d’idée ! Dans "le Livre des solutions", l'acteur incarne l'alter ego du réalisateur de "Eternal Sunshine of the Spotless Mind". Et si a filiation entre les deux hommes ne semblait pas évidente sur le papier, elle est évidente à l’écran. Une complicité qui apparaît dans cette interview lunaire où l’on ne sait lequel fait le plus d’efforts pour suivre la pensée de l’autre.

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Transcription
00:00 C'est sans doute la pire idée qui soit. Et c'est pour ça que c'est une très bonne idée.
00:03 Chantez quelque chose, ça sera plus naturel. Chantez.
00:06 Voilà ! C'est comme ça qu'on fait des films !
00:10 C'est ton premier, Human Nature ?
00:14 Ouais. Donc c'est Human Nature.
00:15 J'avais adoré. Grande liberté, grande poésie.
00:24 Enfin moi, ça m'avait fait du bien de découvrir ce film.
00:26 Il y a des possibles dans le cinéma que je n'avais pas forcément envisagé,
00:31 j'étais tout jeune et tout.
00:32 Moi, je me souviens surtout de voir Pierre au restaurant.
00:37 On s'était donné rendez-vous pour que je sois officiellement son parent.
00:42 Maintenant, les films, j'ai du mal à...
00:44 Je suis content qu'ils t'aient marqué, tu sais dire.
00:48 Mais si tu veux, le restaurant, on peut considérer que c'est une scène d'un film.
00:54 J'avais pas appris de texte, mais c'était de l'impro.
00:56 C'était de l'impro, ouais.
00:57 Il y avait une certaine liberté dans les habits.
01:00 Ouais, t'étais un peu timide, mais moi aussi, après tout.
01:05 Il y avait Valérie Danzelli.
01:08 Ouais.
01:09 Je voulais lui parler parce que, bon, elle est chouette,
01:13 puis elle fait des bons films.
01:15 Et c'est son ex-mec, El-Khaim, qui me draguait.
01:20 Non, on draguait un réalisateur.
01:24 Quand on est un acteur.
01:25 Je me rappelle qu'il y avait Marion Cotillard aussi.
01:27 Oui.
01:28 Ouais, et que tu voulais lui parler aussi.
01:31 C'est pas ça exactement.
01:32 C'est qu'elle était assise à côté de Guillaume Canet.
01:36 Et Guillaume Canet, il me parlait parce qu'il devait faire un film aux Etats-Unis.
01:40 Donc, il cherchait des conseils.
01:43 Et elle m'avait ignoré.
01:46 Michel se rappelle bien, généralement, quand quelqu'un l'ignore.
01:48 Ouais.
01:49 Pendant quelques années.
01:50 J'ai une collection d'ignorance.
01:52 C'était un repas des Césars, c'est ça ?
01:53 Ouais, c'était...
01:54 Un repas des Césars.
01:55 Ouais, exactement, c'était mon pari.
01:56 Non, mais là, OK, j'ai une mémoire pourrie pour les films et tout ça.
02:01 Mais je me souviens, et je vais me payer la honte parce que c'est très récent.
02:05 Mais Pierre m'avait beaucoup impressionné dans le film sur Saint-Laurent.
02:11 J'avais vu le documentaire.
02:13 Et il y a une telle souffrance que Saint-Laurent ressentait avec sa création.
02:20 En même temps, il ne pouvait pas s'empêcher de créer.
02:22 Et en même temps, c'était des accouchements extrêmement pénibles.
02:26 Et j'ai retrouvé ça dans le jeu de Pierre.
02:29 Et là, vraiment, il m'a impressionné.
02:31 Je compense mon manque de mémoire par la qualité de mon jugement.
02:38 C'est vrai, la qualité de cette critique.
02:39 Pour se rencontrer et pour se convaincre de travailler l'un avec l'autre,
02:47 c'était du style, écoute, chutons pas, je ne peux pas me refuser.
02:51 C'est vrai que c'est comme ça qu'il m'a proposé le film.
02:53 C'est comme ça, comme il avait été mon parrain, il estimait qu'on était de la même famille.
02:56 C'était une formalité, je pense, quand on lui a dit "ce sera qui le rôle ?"
02:59 Il m'a dit "ce sera Pierre Linais, il m'en doit une".
03:02 Et même, je lui ai demandé récemment de faire plus de promos en disant que c'était mon neveu.
03:06 Il joue sur la corde sans cible.
03:07 Il m'a envoyé un mail, il m'a dit "la promo, vraiment, il faut y aller, t'es mon fiole".
03:12 C'est son fiole quand ça l'arrange.
03:13 Parce que c'était mon anniversaire, j'ai pas eu de cadeau.
03:17 C'est pas resté en mars, en plus, c'était longtemps.
03:19 Faut pas faire le baptême, un truc, c'est baptisé.
03:21 Mais non, tu m'as même pas baptisé.
03:23 Ah bah je vais te baptiser, on va aller à la piscine.
03:26 Ok.
03:28 Je vais mettre mon maillot et une pièce.
03:29 Attention, je suis chaud.
03:30 Non, et d'ailleurs, quand les gens comparaient à ça, j'étais vexé.
03:38 Ah ouais, vexé ? Ah bah non, moi je trouve ça génial, justement.
03:41 Disons que moi, je pensais que c'était une secte ou un truc comme ça.
03:44 Bah, ça peut l'être.
03:46 Ouais, mais le développement personnel, c'est...
03:49 Il y a quelque chose de raisonnable et d'un peu plat.
03:52 Alors qu'une secte, au moins, c'est n'importe quoi.
03:55 Mais en fait, il y en a qui disent, pour rentrer un peu en cheval de trois,
03:58 ils te disent que c'est le développement personnel,
04:00 et après, ils commencent à te dire,
04:02 "Allez, on coupe les liens avec sa famille, ils sont toxiques, allez..."
04:06 Mais je voulais le... Pardon, je te coupe.
04:08 Non, mais attends, je rigole.
04:09 Je voulais le faire, les solutions, en fait,
04:13 c'est écrire une page de texte avec des trucs du style,
04:16 "Il faut s'excuser avant de bousculer quelqu'un",
04:20 ou "Quand on sait qu'on a raison, il faut arrêter de parler".
04:23 Plein de petites astuces comme ça, sur une page,
04:27 et traduire cette page dans 280 langues, et ça ferait tout le livre.
04:32 Ah ouais ?
04:33 Donc j'ai écrivé une page pour faire un livre.
04:35 Et je le distribuerais dans tous les pays du monde.
04:38 C'est plus une notice Ikea qu'un livre, mais...
04:40 C'est une bonne...
04:44 Mais bon, moi je vais plus à Ikea.
04:46 Ça cartonne, Ikea.
04:47 Ouais, moi je n'y vais plus parce que je ne sais plus où j'habite après.
04:50 Ouais, ouais.
04:50 Alors c'est difficile, parce qu'en général,
04:56 les gens, par principe, rejettent les idées,
04:58 parce qu'elles n'ont pas été faites, par définition d'une idée.
05:02 Et donc, on a tendance à les défendre toutes.
05:05 Et donc, on n'a pas le temps de faire le tri soi-même,
05:07 de savoir quelles sont les bonnes et les pas bonnes,
05:09 qu'on ait déjà bombardées,
05:11 et que si on ne les défend pas, elles sont toutes détruites.
05:14 C'est sans doute la pire idée qui soit.
05:20 Et c'est pour ça que c'est une très bonne idée.
05:22 Feuillemann ?
05:23 Ouais.
05:24 Je vais faire possiblement un super-héros qui s'appelle Feuillemann,
05:26 qui a juste le pouvoir de se transformer en feuille.
05:29 Mais feuille d'arbre ou feuille de papier ?
05:31 Feuille d'arbre.
05:32 Mais tu pourrais avoir un trou aussi.
05:37 Comme dans ton film, en fait ?
05:38 Bah ouais, c'est ça.
05:39 Un trou de texte ou un trou de feuille.
05:43 Voilà, il y a des bonnes et des mauvaises idées.
05:45 C'est vraiment pas une bonne idée.
05:46 Il y a toutes les raisons de ne surtout pas faire ce film.
05:48 C'est pour ça qu'on va le faire.
05:49 C'est exactement ce que tu ressens.
05:51 Ouais.
05:52 Parce que les mauvaises idées,
05:54 il faut vraiment travailler très dur pour les rendre acceptables.
05:58 Et c'est ce travail entre la médiocrité,
06:01 ou la pauvreté de l'idée, ou la maladie de l'idée, on va dire,
06:04 à l'acceptabilité de l'idée,
06:08 qui fait que ça devient présentable et ça devient fort.
06:13 Moi, je fais ça avec mes clips, par exemple.
06:15 Je fais défiler toutes les idées.
06:17 Et la plus pourrie, je reviens dessus, je me dis "Tiens, pourquoi pas ?"
06:20 Et bon.
06:21 Et parfois, ça fait le meilleur.
06:23 Et parfois, ça fait le pire.
06:25 Le plus dur de ton film ?
06:29 Je vais pas être négatif, mais un peu de tout.
06:31 Tous les échecs ?
06:34 "Mercredi, t'attends pas un miracle."
06:36 C'est ce que je voulais te dire.
06:39 Ne sois pas déçu.
06:41 Et des fois, tu as connu un succès très constant.
06:46 Peut-être le début du déclin.
06:49 Ou une rupture.
06:50 Une petite rupture.
06:51 Oui, en espérant que ce soit juste une crevasse.
06:54 À mon avis, ça sera une crevasse.
06:56 On va remonter.
06:57 Bah, tu vas remonter.
06:58 Ah oui, non, je te laisse en bas, pardon.
06:59 Je voulais dire "On, c'est moi avec l'équipe."
07:01 Moi, je suis émerveillé quand on donne des budgets pour faire des films.
07:04 Pas des grands budgets, bien sûr.
07:05 Non, là, ça va.
07:06 Tu seras bien.
07:08 Je me suis battu pour que Pierre ait une petite carriole.
07:14 Comment on appelle ça ?
07:15 Une loge ?
07:16 Une loge, un trailer.
07:18 Je me suis battu.
07:19 Ouais, parce qu'on va le mettre dans une pièce et tout.
07:21 Et je dis "Non, non, non."
07:23 C'est mon fiole, ça reste la famille.
07:24 Parce que la loge, ça sert à un truc.
07:28 Tu sais ce que c'est.
07:29 Moi, je dirais de dormir, mais...
07:30 Aussi, mais surtout, une intimité absolue quand on va faire ses besoins.
07:35 C'est vrai aussi.
07:37 Je ne l'avais pas vu sous cet angle-là, mais c'est vrai.
07:38 Non, mais c'est génial.
07:39 C'est vrai.
07:39 Moi, j'aime bien inventer des choses dans le jeu.
07:44 C'est ça que j'adore.
07:45 Moi, j'adore tous les petits trucs d'acteurs.
07:47 Je voulais me faire un compte Instagram à un moment
07:48 avec juste les deux secondes des acteurs dans les films.
07:51 Tu vois, genre, Denis qui mord son poing dans "Minstreet", je crois.
07:54 La tête de Di Caprio dans certains films.
07:56 Mais vraiment, des trois secondes,
07:57 les petites pépites que j'adore d'acteurs où tu sais que ce n'est pas scripté.
07:59 C'est vraiment eux qui ont ad lib le truc.
08:02 Donc, j'aime bien les petites inventions d'acteurs.
08:04 Mais après, Michel, lui, il construit des trucs avec ses mains.
08:07 Il est impressionnant pour ça.
08:08 Non, mais moi, je voulais quand même dire que des fois,
08:10 je regardais Pierre jouer et tout d'un coup,
08:13 je me reconnaissais dans un tout petit détail et je ne lui avais jamais dit.
08:17 Et c'est qu'en fait, je crois qu'il m'observait discrètement.
08:20 Je ne faisais que ça.

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