Category
🚗
AutoTranscription
00:00 Ce circuit, c'est celui du Grand Prix de Formule 1 de Monaco.
00:03 C'est une des trois courses les plus mythiques du sport automobile,
00:06 avec les 24 heures du Mans et les 500 miles d'Indiana Police.
00:10 Ajoutez à cela la présence chaque année en principauté de stars du cinéma
00:14 et vous obtenez le Grand Prix le plus attendu du championnat.
00:18 Et grâce à son prestige, la course monégasque parvient à cacher son plus grand défaut.
00:25 C'est vrai que c'est probablement le dimanche de l'année où on s'ennuie peut-être le plus.
00:29 Lent, peu propice au dépassement, le GP de Monaco offre souvent des purges aux fans de F1.
00:35 Mais ces derniers en redemandent chaque année.
00:37 Une question s'impose donc, c'est quoi un bon circuit de Formule 1 ?
00:42 Chaque édition de la F1 est composée d'une vingtaine de circuits qu'on peut diviser en deux catégories.
00:51 D'un côté les circuits routiers, qui sont des constructions permanentes,
00:55 comme l'autodrome de Monza en Italie, et de l'autre les circuits urbains,
00:59 qui sont des tracés temporaires ayant lieu dans les rues d'une ville,
01:02 à l'image de celui de Bakou en Azerbaïdjan.
01:05 Mais justement, comment est-ce que l'on dessine un circuit de Formule 1 ?
01:09 Alors non, c'est pas comme ça qu'on fait.
01:12 Votre question est très compliquée, parce que c'est la question clé.
01:15 Est-ce qu'on ne fait que reproduire des pistes existantes ?
01:18 Est-ce qu'on se fait aider par des pilotes ? C'est un peu tout à la fois.
01:21 On va d'abord commencer à rechercher tous les circuits qui sont symptomatiques,
01:25 qui présentent des intérêts, et ceux qui ont des inconvénients.
01:28 On va essayer de décortiquer, de comprendre les enchaînements
01:30 et les caractéristiques dimensionnelles et géométriques des tracés,
01:33 et de venir les traduire.
01:34 On se retrouve comme ça à faire des premières ébauches,
01:36 et le circuit prend forme au fur et à mesure.
01:38 Si Thierry Lombardi a pu travailler sur la rénovation du circuit Paul Ricard,
01:42 dans le sud de la France,
01:43 il y a aujourd'hui un homme qui exerce un quasi-monopole sur le tracé des courses.
01:49 Mon nom est Hermann Tilke, et je commence à courir quand j'ai 18 ans.
01:53 Depuis plus de 20 ans,
01:54 cet architecte allemand conçoit la majorité des circuits de la Formule 1.
01:58 Le GP de Shanghai, c'est lui.
02:00 Austin, encore lui.
02:02 Abu Dhabi, toujours lui.
02:05 Pour certains observateurs,
02:06 ces nouveaux tracés sont beaucoup plus plats et lents que les anciens,
02:09 donc moins intéressants pour le spectacle.
02:11 Et forcément, Hermann Tilke est la cible de toutes les critiques.
02:16 Certes, il est à l'origine de la plupart des nouveaux circuits,
02:20 mais il a aussi fait des circuits d'avant.
02:23 La modernisation de Silverstone, c'est lui.
02:25 Le Nürburgring, c'est lui.
02:26 Je ne tomberai pas trop sur lui,
02:28 parce qu'il fait aussi avec le cahier des charges.
02:31 Typiquement, il y a des facteurs limitants.
02:32 Je me souviens un jour de l'avoir entendu dire,
02:35 "Les gens me demandent pourquoi je ne rajoute pas 100 m de ligne droite."
02:38 C'est tout simplement parce qu'il n'y a pas la place.
02:40 Je rappelle qu'un événement de sport mécanique,
02:42 ça représente globalement environ 200 000 personnes
02:45 sur deux ou trois jours de compétition.
02:47 Il faut un village, il faut le paddock.
02:49 Et le paddock, pour accueillir les camions, les voitures, les équipes,
02:52 c'est des choses qui sont colossalement en place,
02:55 mais aussi en énergie.
02:57 En marge des événements plutôt week-end, roulage,
02:59 il est de bon ton de créer des hôtels,
03:01 plutôt des hôtels qualitatifs, 4 ou 5 étoiles,
03:03 pour pouvoir recevoir les gens qui roulent,
03:05 et puis la clientèle, un peu plus grand public,
03:08 avec du 3 étoiles, parfois du camping.
03:10 L'architecte doit donc faire avec un cahier des charges assez conséquent
03:14 et des enveloppes financières parfois limitées.
03:16 Mais on ne va pas trop le plaindre sur ce dernier point.
03:19 En moyenne, la construction d'un circuit
03:21 coûterait entre 250 et 500 millions de dollars.
03:25 Tandis que celui d'Abu Dhabi aux Émirats Arabes Unis
03:28 aurait coûté plus d'un milliard de dollars.
03:31 À ces limitations, il faut aussi prendre en compte
03:34 les contraintes de sécurité fixées par la Fédération internationale de l'automobile,
03:39 qui ne concernent pas uniquement les voitures de Formule 1.
03:41 Parce que oui, les circuits accueillent aussi des courses de moto
03:45 ou des sessions organisées par des constructeurs.
03:47 L'exemple typique de cette sécurisation, ce sont les zones de dégagement.
03:51 On peut les voir ici, dans les zones rouge et bleue du circuit Paul Ricard.
03:56 Ces surfaces sont historiquement des bacs à gravier,
03:59 idéal pour bloquer les roues d'une monoplace en cas d'accident
04:02 et dissuader les pilotes qui souhaitent faire un dépassement
04:05 en sortant des tracés du circuit.
04:07 Mais aujourd'hui, la Formule 1 privilégie l'asphalte dans ces zones.
04:11 Et les pilotes estiment que cela empêche de bien visualiser les limites de la course.
04:15 C'est notamment ce qui est arrivé au pilote Ferrari Charles Leclerc en 2019
04:19 au GP d'Allemagne, le poussant à la faute et l'abandon.
04:23 Non !
04:24 Bref, construire un circuit de Formule 1,
04:27 c'est devoir satisfaire les intérêts de tout un tas de personnes
04:30 n'ayant pas forcément le même but.
04:32 Mais alors, comment on détermine ce qui est une bonne piste ?
04:35 Et pour qui d'ailleurs ?
04:36 Les pilotes ? Les téléspectateurs ? Le spectacle ?
04:40 Pour moi, les circuits les plus attrayants en télévision,
04:44 c'est les circuits naturels,
04:46 qui offrent déjà un décor aux alentours du circuit du dénivelé,
04:49 avec des apparitions, des Formule 1 dans le champ,
04:52 des disparitions où on les voit partir.
04:54 Ce qui compte le plus, à mon sens,
04:56 c'est qu'il y ait une grande variété de virages différents.
04:59 C'est ce qu'on appelle dans le milieu des virages à haute vitesse,
05:02 des virages serrés, qu'on appelle des épingles.
05:05 L'avantage de ces virages-là,
05:07 c'est que ça permet de casser complètement la vitesse.
05:09 Sur l'autoroute, dans votre voiture de tous les jours,
05:12 on ne double jamais en freinant.
05:13 Mais en Formule 1 et dans le sport automobile,
05:15 c'est vraiment par une phase de frein.
05:17 À ce petit jeu, deux circuits parviennent généralement
05:19 à contenter tout le monde.
05:21 Celui de Spa-Francorchamps, en Belgique,
05:23 et celui de Suzuka, au Japon.
05:26 Regardez les deux tracés l'un à côté de l'autre.
05:28 Les deux circuits offrent une grande variété de virages aux pilotes,
05:32 et donc de nombreuses options de dépassement tout au long de la course.
05:35 Du côté de Suzuka, le plus spectaculaire
05:38 et peut-être le plus dangereux est le 130R.
05:41 Une courbe que les pilotes empruntent à plus de 300 km/h.
05:45 À Spa-Francorchamps, la star, c'est le rédillon de l'eau rouge.
05:52 C'est un enchaînement gauche-droite-gauche
05:55 sur une pente pouvant atteindre les 18%.
05:58 Sur ces deux circuits, on a donc des virages,
06:00 du relief et de la forêt.
06:02 Tout le monde est content.
06:03 Le problème, c'est que cette formule gagnante,
06:06 on ne la retrouve pas toujours.
06:08 Un très bon exemple étant le GP de Hongrie, près de Budapest.
06:12 Paradoxalement, il est plutôt apprécié des pilotes
06:14 parce qu'il est assez technique,
06:15 mais on sait qu'on va passer des dimanches assez tranquilles,
06:18 quelques petites purges.
06:19 La raison, elle est simple, c'est que c'est un circuit
06:22 où il y a peu de lignes droites,
06:23 donc déjà peu de grosses prises de vitesse,
06:26 donc il n'y a pas de grosses phases où ça freine.
06:28 Dans cette catégorie des courses moyennes,
06:31 on peut ajouter l'ensemble des circuits urbains,
06:33 comme celui de Bakou et surtout celui de Monaco.
06:37 En plus d'offrir des courses généralement peu intéressantes,
06:40 ces circuits sont difficiles à mettre en image.
06:43 Monaco, c'est extrêmement sinueux,
06:45 donc tu ne peux pas avoir de plan long
06:48 parce qu'il y a toujours une courbe et toujours une sortie de champ.
06:50 Ça t'impose un rythme de découpage super rapide.
06:54 Tu ne peux pas te permettre de faire ça pendant deux heures.
06:56 Reste la solution miracle de la camera on board, de la vue pilote,
06:59 puisque là, le plan va être séquence, il va pouvoir durer tout un tour.
07:02 Et même avec cette solution miracle,
07:04 la réalisation reste moins agréable que sur les circuits permanents.
07:08 Et ce, malgré un dispositif assez massif.
07:11 En moyenne, on trouve sur un circuit de F1 une trentaine de caméras
07:15 auxquelles il faut ajouter celles des stands,
07:18 celles sur les voitures et celles sur l'hélicoptère.
07:21 Cela représente un peu plus de 150 plans possibles à exploiter.
07:26 Alors pourquoi persister avec ces courses ?
07:28 Et bien la raison, étonnamment, elle est sportive.
07:32 Même pour le Grand Prix de Monaco.
07:34 Je lui pardonne sa procession du dimanche,
07:38 parce qu'à mon sens, c'est la meilleure séance de qualification de l'année le samedi.
07:42 Les rails sont extrêmement proches, les voitures sont de plus en plus grosses.
07:45 Il y a la séquence qu'on appelle de la piscine,
07:48 qui est juste, mais fantastique.
07:51 C'est une prise de risque maximale de la part des pilotes.
07:56 C'est très important d'avoir ce genre de manches-là.
07:58 Rien que parce que tu es p*te.
08:01 Avec tous ces éléments, on pourrait se dire que la Formule 1
08:04 a toutes les données nécessaires pour choisir et construire les meilleurs circuits.
08:08 La preuve, certaines pistes quittent chaque année la compétition,
08:12 comme celle du Paul Ricard en 2022,
08:14 à qui on a reproché ses zones de dégagement et ses difficultés d'accès pour le public.
08:19 L'expérience spectateur est fondamentale,
08:21 parce qu'il n'y a pas de spectacle sans spectateur.
08:23 Le circuit du plaisir ultime, c'est à la fois de combiner un circuit
08:28 qui serait levé sur lui-même avec des virages relevés, des enseignements,
08:32 mais suffisamment bien conçu
08:35 pour que le public se retrouve tout autour dans un environnement un peu refermé.
08:40 On voit les voitures, on arrive à voir le paddock, on arrive à voir la ligne droite.
08:44 Depuis le rachat de la Formule 1 en 2017 par le groupe états-unien Liberty Media,
08:49 la priorité du championnat semble être de créer plusieurs circuits aux Etats-Unis.
08:53 Ajouté au calendrier lors de la saison 2023,
08:56 le circuit de Las Vegas n'est sportivement pas très intéressant.
09:00 De longues lignes droites, une poignée de virages pas très variés,
09:04 bref, tout ce qu'il ne faut pas pour favoriser le spectacle.
09:07 Là, on est plus sur le fait de faire rayonner un petit peu la F1 moderne, ce qu'elle est devenue.
09:13 La course aura lieu évidemment de nuit,
09:15 pour qu'il y ait un petit peu toutes les lumières bien connues du César Palace et de tout le strip.
09:19 Laissons sa chance au produit quand même,
09:21 mais je suis persuadé que ça va plaire beaucoup,
09:25 notamment à toute la nouvelle vague de fans bienvenus en F1.
09:29 Ces nouveaux fans, justement, la Formule 1 les doit grandement à la série Netflix Drive to Survive,
09:34 dont elle a permis la production.
09:35 La série aurait permis au championnat de gagner 360 000 fans rien qu'aux Etats-Unis.
09:41 De là à justifier la création de nouveaux circuits uniquement aux USA,
09:45 et ce, peu importe leur qualité, pas sûr que ça plaise aux pilotes.
09:49 Non !
09:50 Salut à tous, on espère que ce nouvel épisode d'Atlas vous a plu.
09:54 On aimerait savoir, selon vous, quel est le meilleur circuit de Formule 1 et lequel est le pire.
10:00 Dites-le-nous dans les commentaires, promis, on va tout lire.
10:03 Et n'hésitez pas à vous abonner à la chaîne si vous aimez ce qu'on fait.
10:05 Merci beaucoup et à bientôt.
10:08 [Générique]