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Mélanie Gomez, cheffe du service Société d’Europe 1, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Maman d'une petite fille née en 2017, elle témoigne de la maltraitance dont sa fille a été victime en crèche privée.
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Transcription
00:00 Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko vous recevez ce matin la chef du service Société d'Europe 1.
00:05 - Bonjour Mélanie Gomez. - Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:08 - Alors c'est un moment un peu particulier pour vous Mélanie parce que dans un instant vous allez nous raconter une page
00:12 vraiment douloureuse de votre vie de maman, ce que vous avez vécu.
00:16 Beaucoup de jeunes parents vont certainement s'y reconnaître. Je vois que vous avez déjà pratiquement les larmes aux yeux Mélanie.
00:21 - J'en ai jamais parlé ouvertement et publiquement donc effectivement c'est pas la meilleure partie de ma vie de maman.
00:26 - Eh bien crevons l'abcès parce qu'en cette rentrée, beaucoup de parents sont encore là à chercher une place en crèche pour leur tout petit.
00:31 C'est presque aujourd'hui plus difficile de trouver une place en crèche que de trouver un appartement à louer.
00:36 Et voilà que deux livres chocs sont sur le point de paraître dévoilant les dessous des crèches privées.
00:41 Vous avez eu l'un de ces ouvrages en main d'ailleurs.
00:43 Ces crèches privées, elles sont comparées dans ces deux livres à des usines à bébés où les enfants sont maltraités.
00:49 Et c'est arrivé à votre fille. Mélanie alors racontez-nous votre expérience.
00:53 - Alors effectivement j'ai eu un bébé en 2017, une petite fille.
00:57 Et après le congé maternel habituel, le congé parental.
01:01 J'ai pris un petit congé parental parce qu'elle avait eu des petits soucis de santé à la naissance.
01:04 Donc à partir de l'âge de 6 mois il a fallu que je reprenne le travail.
01:07 Et il a été question de trouver un mode de garde.
01:09 On a fait évidemment appel à notre mairie pour voir s'il y avait une place en crèche municipale.
01:12 On m'avait dit non, avancer un an il n'y a aucune chance.
01:14 En plus les dates de naissance des enfants jouent beaucoup mais c'est un bébé de septembre
01:18 donc elle n'avait pas de chance d'avancer un an d'avoir une crèche municipale.
01:21 Donc on cherchait aussi une assistante maternelle.
01:23 Pareil au mois de mars elle a 6 mois, c'est pas évident.
01:25 Les assistantes maternelles sont déjà toutes prises, elles n'ont plus de place.
01:27 Donc voilà on cherche, on cherche.
01:29 Et puis un jour en voiture, en se baladant en banlieue parisienne,
01:32 on passe devant une de ses crèches privées et on voit une grande banderole
01:35 disant "ici place disponible".
01:37 On se dit "oh mais qu'est-ce que c'est ?"
01:39 Honnêtement j'avais jamais à l'époque entendu parler vraiment des crèches privées.
01:41 Donc je me renseigne, on arrive à faire financer un berceau pour notre fille par l'entreprise de mon mari.
01:45 Et donc au mois de mars elle rentre en crèche privée dans un des grands groupes
01:49 qui est concerné par cette affaire.
01:51 - Et là vous allez déchanter assez rapidement parce que vous voyez très vite,
01:54 il y a des signes que ça ne va pas en fait dans cette crèche.
01:56 - Dès l'adaptation. Vous savez cette semaine où les parents font un petit peu moitié-moitié,
02:00 on les laisse une heure, on reste avec eux une heure et puis on les laisse tout seuls une heure.
02:03 Dès l'adaptation j'ai su que ça n'allait pas aller.
02:05 Pour nous permettre de faire une adaptation à peu près correcte,
02:08 c'est-à-dire rencontrer ma fille, nous, et voir quels étaient ses besoins,
02:12 on a casé les autres bébés de la section, puisqu'elle était donc chez les tout-petits.
02:15 Vous savez, en gros dans cette section-là, normalement c'est un adulte pour cinq enfants,
02:19 qui ne marche pas.
02:21 Tout de suite je vois qu'on laisse les autres bébés pleurer dans le dortoir.
02:24 - Pour se consacrer à vous.
02:25 - Voilà, elle me dit "non mais c'est pour qu'on ait le temps vraiment de faire connaissance".
02:27 Je dis "mais celle-là elle pleure depuis une demi-heure, vous allez la laisser pleurer combien de temps ?"
02:31 "Mais ne vous inquiétez pas, celle-là elle a toujours du mal à s'endormir,
02:34 puis ça fait les poumons, enfin des trucs évidemment qu'on n'entend plus normalement en 2018 à l'époque".
02:39 Donc l'adaptation déjà je sens que ça ne va pas le faire,
02:41 mais bon je me dis "on va voir, ça c'est un début, peut-être qu'après ça ira mieux".
02:45 Mais après l'adaptation est passée, on entame la crèche,
02:47 et là je vois que dès le début, dès le début, les premières semaines, tous les matins,
02:51 les têtes changent déjà.
02:52 Il y a un turnover de folie.
02:53 On m'a présenté pour moi la référente de ma fille,
02:57 au bout de trois jours c'est déjà plus la même,
02:59 tous les matins il manque du monde à l'appel,
03:01 entre celles qui ne donnent plus de nouvelles parce qu'elles ont disparu de la circulation,
03:04 celles qui sont en arrêt maladie, celles qui ont démissionné du jour au lendemain,
03:07 honnêtement le turnover est fou, et même au niveau de la direction.
03:09 Moi je suis restée cinq mois dans cette crèche,
03:11 il y a eu deux directrices déjà,
03:13 donc c'était vraiment effarant.
03:15 - Et puis votre fille, très vite, vous constatez des traces de cou,
03:18 de strangulation autour de son petit cou.
03:22 - Exactement.
03:23 - Votre fille, vous la récupérez, elle est affamée,
03:26 et il y a un vrai problème, vous le constatez très vite au niveau des couches,
03:30 vous la récupérez avec des érythèmes fessiers abominables.
03:32 - Elle n'avait jamais eu de problème jusqu'à ces six mois,
03:34 honnêtement tous les bébés peuvent avoir un érythème par-ci par-là,
03:36 mais elle ce n'était même pas le cas.
03:37 Ça a commencé tout de suite, dès les premières semaines,
03:39 des fesses rouges d'abord, et puis des fesses qui ne guérissent pas.
03:41 Et puis au-delà de l'érythème, je l'amène chez le pédiatre régulièrement à ce moment-là,
03:45 il me dit "il y a un problème de change, là c'est pas possible".
03:47 Elle avait des plaies à vif, c'est-à-dire qu'elle avait les fesses,
03:49 les couches remplies de sang le soir.
03:51 Donc je me dis "il y a un problème", je commence à en parler à la crèche,
03:54 à la directrice, je dis "vous êtes sûre qu'elle est changée suffisamment ?"
03:56 "Oui, oui, bien sûr, bien sûr".
03:57 Et comme à cette époque j'avais la même marque de couche que la crèche,
03:59 je décide pour essayer de les "piéger", en tout cas essayer de débusquer quelque chose,
04:03 de changer de marque.
04:04 Et j'achète des couches avec des petits motifs renards,
04:06 vous voyez, peu importe l'anecdote, mais ça m'a marqué.
04:08 Et je me souviens qu'un matin je la dépose avec cette petite couche,
04:10 et je la récupère à 17h30 avec la même couche que je lui avais mise le matin même.
04:14 - 9 heures plus tard ?
04:16 - Elle était restée de 8h30 à 17h30 avec cette couche,
04:19 avec en plus un enfant qui avait des problèmes d'érythème et plus que d'érythème.
04:22 Elle avait les fesses en sang, complètement, vraiment.
04:25 Et on était traumatisés à chaque changement de couche.
04:27 - Alors Mélanie, vous pourriez multiplier les anecdotes,
04:31 il faut comprendre que dans cette séquence-là, vous prenez conscience des choses,
04:35 et c'est dur pour vous parce que vous n'avez pas d'alternative,
04:38 vous n'avez pas de famille à proximité,
04:39 et ça c'est une situation que beaucoup de parents rencontrent,
04:41 et du coup vous êtes dans la culpabilité en fait.
04:43 - Complètement, au départ je n'en parle pas vraiment,
04:45 évidemment on en parle en famille avec mon époux, avec mes parents,
04:48 et tout le monde me dit, la seule chose qu'on sait me dire c'est
04:50 "mais pourquoi tu ne l'enlèves pas immédiatement ?"
04:51 Mais ce n'est pas aussi simple que ça,
04:52 j'avais un emploi, cet emploi ici d'ailleurs,
04:56 et puis j'avais envie de travailler, j'avais besoin de travailler,
04:58 et puis ce n'était pas simple, il n'y a pas de solution.
05:01 Je vous avoue que le jour où en juin je reçois un appel de la crèche municipale,
05:04 c'est le plus beau jour de ma vie.
05:05 Je me rappelle même du jour où je l'ai retiré,
05:07 le dernier jour en juillet de cette crèche privée,
05:09 je l'ai gardé, je l'ai sorti de la poussette,
05:11 je l'ai gardé contre moi pendant tout le trajet jusqu'à la maison,
05:13 c'était le plus... après sa naissance on va dire,
05:15 c'était le plus beau jour de ma vie, je savais que je la sortais, c'était enfer.
05:18 - Et vous constatez vraiment une différence importante
05:22 entre la crèche privée et la crèche municipale ?
05:25 - Rien à voir. Alors évidemment, là aussi, il y a du manque de personnel,
05:28 on a senti, mais je n'ai jamais vu le moindre signe de maltraitance.
05:31 Les filles aussi qui s'occupaient de mon enfant en crèche municipale faisaient part,
05:36 elles en parlent aux parents, de toute façon que ce soit en privé ou en public,
05:38 on sait très bien que c'est difficile pour elles, qu'elles sont sous-payées,
05:41 qu'elles sont pour certaines au bord du burn-out,
05:43 ont peur d'être maltraitantes, mais...
05:45 - Il y a la même crise de recrutement dans les crèches que dans les EHPAD.
05:48 - Ça évidemment, mais je n'ai jamais vu de signe de maltraitance,
05:50 mais c'est mon cas encore une fois, je ne sais pas,
05:52 il y a peut-être d'autres cas effectivement de maltraitance.
05:54 Mais le problème c'est que c'est systémique, ces femmes-là,
05:56 aucune, ces professionnelles pour certaines, ne sont des femmes maltraitantes
05:59 qui ont envie de faire du mal à des bébés, mais on les pousse à bout,
06:02 elles sont sous-payées, elles sont surchargées de travail.
06:05 Un matin, j'ai déposé ma fille avec une dame,
06:07 une dame pour 15 enfants de 3 mois à 2 ans.
06:10 Les grands tapaient sur les petits, elle était en pleurs,
06:12 au milieu des enfants eux-mêmes en pleurs.
06:14 C'est une image que je garderai toute ma vie, j'ai dû rester une demi-heure de plus
06:16 pour la calmer, pour l'aider à séparer les enfants qui se bagaraient.
06:20 C'est pour ça que ma fille avait des bleus, des traces de morsures,
06:22 c'est que les grands lui faisaient mal.
06:24 Mais ce n'est pas la faute des enfants, c'est par défaut de surveillance tout simplement.
06:26 - Merci beaucoup Mélanie Gomez pour votre témoignage.
06:29 Je rappelle que vous êtes la chef du service Société d'Europe 1,
06:31 c'est Affaire des crèches.
06:32 On va beaucoup en parler dans les heures et dans les jours qui viennent.
06:36 On perçoit tout de suite la similitude avec le scandale des EHPAD,
06:39 le scandale hors PA, on aura évidemment l'occasion d'en reparler
06:41 dès le journal de 7h30.
06:43 Merci beaucoup Mélanie d'avoir eu le courage de nous parler
06:46 de ces douloureux souvenirs pour vous.
06:48 Merci d'être venue.

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