Clémentine Autain, députée LFI-Nupes de Seine-Saint-Denis, est l'invitée du Grand Entretien.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00 avec Léa Salamé, nous recevons ce matin dans le grand entretien du 7-10 la députée
00:04 La France Insoumise, Nup de Seine-Saint-Denis, questions, réactions, amis auditeurs, au
00:09 01 45 24 7000, le standard d'Inter, vous pouvez aussi passer par WhatsApp désormais
00:15 et sur notre application mobile. Clémentine Autain, bonjour !
00:19 Bonjour ! Et bienvenue sur Inter en cette journée de
00:21 rentrée scolaire pour plus de 12 millions d'élèves et 850 000 enseignants. Allez,
00:26 un petit mot avant d'entrer dans les détails, qu'est-ce que vous leur souhaitez à tous
00:29 ? Je leur souhaite de passer une belle année,
00:32 une belle année scolaire, d'apprendre. Et en fait, peut-être ça me fait penser à
00:38 cette citation de John Lennon que peut-être vous connaissez. Quand il est allé à l'école,
00:44 on lui a demandé ce qu'il voulait faire quand il sera grand. Il a dit « je veux être
00:47 heureux ». On lui a dit qu'il n'avait pas compris la question et il a répondu
00:51 « vous n'avez pas compris la vie ». Et je trouve ça très joli parce qu'en fait
00:54 c'est aussi tout le sens de « à quoi sert l'école » qui est un des sujets fondamentaux.
01:01 Il y a les savoirs fondamentaux mais il y a aussi de savoir fondamentalement à quoi
01:04 sert l'école. Et l'école doit former des citoyennes et des citoyens avec un esprit
01:08 critique et une capacité à se mouvoir dans le monde et pas simplement être formé, être
01:14 des travailleurs au service d'une logique de marché.
01:17 Alors, à quoi sert l'école ? Emmanuel Macron en a parlé beaucoup dans son interview
01:22 du Point, son interview de rentrée, il décrit que ce sont pour lui les principes de l'école
01:27 qui sont importants et que les principes de l'école sont selon lui l'autorité des
01:31 savoirs et l'autorité des maîtres pour rebâtir la nation. Il a par ailleurs critiqué
01:35 un pédagogisme qui disait au fond que l'école ne doit plus transmettre. Non, l'école
01:39 c'est la transmission des savoirs, de l'esprit critique et des valeurs. Vous en pensez quoi ?
01:42 Je pense qu'il y a une pente de toute façon de la Macronie réactionnaire et que derrière
01:50 ce discours, avec lequel on pourrait spontanément se dire d'accord, parce qu'évidemment
01:54 qu'il faut qu'un enseignant ait autorité et donc légitimité, par autorité j'entends
01:58 la légitimité pour pouvoir transmettre, c'est évidemment fondamental. Mais derrière
02:02 ce discours-là, moi ce que j'entends...
02:04 Oui, parce que je ne vois pas ce qu'il y a de réactionnaire de dire l'autorité des
02:07 maîtres et des savoirs.
02:08 Parce que globalement, dans la remise en cause de certaines pédagogies, moi ce que j'entends
02:15 c'est un retour en arrière vers une classe qui serait à la fois acquise à des normes
02:22 qui sont des normes d'ordre et acquise à la préparation, comme on le voit avec le
02:28 lycée pro, d'élèves qui sont dans une logique libérale. Ce qui se passe aujourd'hui
02:33 dans l'école, c'est vraiment, ça tourne le dos à ce qu'il faudrait faire si on veut
02:40 encore une fois former des citoyens et des citoyennes. Je prends l'exemple du lycée
02:42 pro parce qu'il est fondamental. Vous savez qu'il y a un tiers quasiment des lycéens
02:47 qui sont en lycée professionnel aujourd'hui. Donc c'est très important.
02:51 620 000 élèves.
02:52 620 000 élèves. Or, alors que le ministre de l'Éducation nationale nous explique qu'il
02:59 faut plus d'écoles et qu'il faut un effort sur les fondamentaux, c'est les priorités
03:03 qu'il affiche, et bien là on voit une attaque, qui est une attaque structurelle vis-à-vis
03:08 des lycées professionnels. Puisque depuis 2009 déjà, il y a une année d'enseignement
03:13 au moins, on est passé de quatre ans d'enseignement à trois ans, et là il y a un grignotage
03:17 avec quatre semaines qui vont être des semaines de stage et non plus des semaines d'enseignement.
03:21 Donc le lycée professionnel est en train d'être brisé, et il est brisé dans une
03:27 logique qui est une logique de servir, en fait de faire en sorte que ces lycéens, ils
03:33 aillent vite sur le marché du travail, répondre à des besoins qui sont des lycées professionnels.
03:38 Les lycées professionnels sont en train d'être brisés. Emmanuel Macron est allé en lycée
03:43 professionnel vendredi pour dire qu'il mettrait particulièrement le paquet et l'argent sur
03:48 les lycées professionnels. Les élèves, les 620 000 élèves qui vont recevoir une
03:52 gratification de 50 à 100 euros par semaine lors de leur stage en entreprise, est-ce que
03:56 ça va dans le bon sens ? L'État qui va consacrer un milliard de plus dès sa rentrée
04:00 à la filière professionnelle, est-ce que ça, ça va dans le bon sens ? Ou vous balayez
04:03 tout en disant non, ils sont en train de casser le lycée pro ?
04:05 Non, je partage la colère des enseignants fortes et des syndicats sur ce terrain-là
04:10 parce qu'en réalité, on va transformer nos lycées en centres d'insertion professionnel
04:15 et les personnels en agents d'insertion. Et je crois qu'il y a dans cette réforme
04:19 du lycée pro, vraiment toute une logique qui ressemble à une capitulation à la fois
04:23 scolaire et sociale. Mais ça ne concerne que ce qui se passe dans le lycée pro, il
04:27 faut comprendre qu'il y a l'équivalent d'une certaine manière dans les établissements
04:32 scolaires en règle générale. En règle générale avec la ségrégation scolaire
04:36 qui est accrue par l'emprise du privé, le contournement de la carte scolaire possible
04:43 par le privé. Vous savez que depuis la loi Carles en 2009, en réalité, les communes
04:48 payent y compris pour des élèves qui ne sont pas dans leur commune, donc vous avez
04:52 beaucoup d'argent public qui part vers le privé. Et vous avez des profs qui sont dans
04:57 un état qui est un état inquiétant, très inquiétant. Il y a un mal-être de la communauté
05:04 éducative aujourd'hui que le président de la République n'entend pas et toutes
05:08 les promesses d'augmentation de salaire ne sont pas là.
05:10 Justement, sur le salaire des profs, citation, « Chaque enseignant gagnera 125 euros net
05:15 de plus par mois qu'à la rentrée 2022 et ça ira jusqu'à 250 euros net de plus
05:21 par mois selon le degré d'ancienneté ». Voilà ce que disait Gabriel Attal la semaine
05:26 dernière à notre micro. Cette augmentation-là est-elle bienvenue ? Est-ce que vous la saluez ?
05:31 Est-elle un geste clair selon vous ?
05:33 Non, il n'y a pas de geste clair.
05:35 Vous contestez ces chiffres ?
05:37 Je ne conteste pas. Les chiffres peuvent être contestables mais surtout il faut voir au
05:41 long cours. D'abord, tout le premier quinquennat d'Emmanuel Macron gèle du point d'indice
05:47 aucune augmentation des professeurs, des enseignants. Et j'ai là deux graphiques qui sont absolument
05:52 éclairants. Le premier c'est sur la chute du salaire des enseignants. La chute du salaire
05:56 des enseignants, c'est-à-dire qu'en 1980, un prof de collège débute avec 2,2 SMIC
06:03 et en 2022, un prof de collège débute autour de 1,2 SMIC. Vous m'entendez ?
06:09 Oui, c'est vrai. Vos chiffres sont justes. Il y a eu une dégringolade du salaire des
06:15 profs qui date de 1980. Ça fait 40 ans que les salaires baissent. Là, ça augmente.
06:20 Ça augmente de si peu. C'est tout petit. Et puis ce sont des primes. Vous savez que
06:25 ça va revenir à peu près à 95 euros, je crois, pour les enseignants par mois et c'est
06:31 sous forme de prime. Donc c'est une plaisanterie au regard des enjeux. Deuxième graphique,
06:35 il faut l'avoir en tête. C'est le graphique sur le salaire des enseignants en Europe.
06:39 Non seulement on est derrière le Portugal, on est derrière l'Espagne, évidemment
06:43 la Suède, mais les professeurs allemands gagnent plus du double de ce que touchent
06:48 les Français. Donc il y a une paupérisation des enseignants. Il y a des conditions de
06:53 travail qui sont détériorées. Vous seriez au pouvoir Clémentine Autain
06:57 aujourd'hui dans l'état des finances publiques. Vous doublez directement le salaire des profs.
07:00 Je pense qu'il faut y aller progressivement, mais il faut impérativement investir dans
07:04 l'ensemble des services publics. Parce que la détérioration de l'école, elle
07:09 s'inscrit dans une logique plus globale qui est celle de l'obsession de la réduction
07:13 de la dépense publique, celle du dénigrement aussi des fonctionnaires, des agents de l'État.
07:18 C'est un discours qu'on entend beaucoup. Et je veux ce matin appeler la gauche et
07:22 les écologistes à prendre à bras le corps la question des services publics.
07:27 Et à l'intérieur il y a bien sûr l'éducation, il y a la santé, mais ce sont aussi nos transports,
07:33 nos services d'aide sociale. On parle des restos du cœur en ce moment.
07:37 On va en parler dans un instant. Ça a tout à voir. C'est aussi la question
07:40 de la transition écologique. On va en parler.
07:41 Et je pense sincèrement que l'enjeu des services publics est celui qui peut parler
07:45 aussi bien aux habitants de Redon, de Marseille, du Puy-en-Velay, qui peut parler aux cheminots,
07:52 aux caissières, aux architectes comme aux boulangers. C'est-à-dire que c'est quelque
07:57 chose qui fédère. Or, on est sur un sujet où la droite a malmené dans son discours
08:05 et dans sa pratique, même toutes les droites, les services publics avec tous ces discours
08:09 vous savez sur les fonctionnaires sont des feignants, sur...
08:11 Ça fait longtemps qu'on ne l'a pas entendu cette fois-ci.
08:13 Vous plaisantez ?
08:14 Dans la bouche de la droite, les fonctionnaires sont des feignants, vous l'avez entendu
08:16 récemment là ?
08:17 Oui, c'est vrai que la crise du Covid a permis de mettre un petit peu d'eau dans
08:21 leur vin, mais pas plus tard qu'à la dernière présidentielle, toutes les droites ont dit
08:26 qu'il fallait diminuer le nombre de fonctionnaires. Sans jamais nous dire d'ailleurs dans quel
08:30 secteur on allait les diminuer.
08:31 En tout cas, cette rentrée scolaire est aussi marquée par la décision de Gabriel Attal
08:35 d'interdire les abayas à l'école, estimant qu'elles sont une atteinte à la laïcité.
08:40 Décision soutenue sur le fond par une partie de la gauche, Jérôme Gueige du PS, Fabien
08:45 Roussel du PC, Sophie Binet de la CGT à ce micro.
08:48 Sophie Binet et puis...
08:49 À ce micro, on était là, on s'en souvient.
08:51 Léa et moi, Lionel Jospin, vendredi sur Inter.
08:55 Position approuvée par ailleurs par 81% des Français selon un sondage IFOP pour Charlie
09:00 Hebdo.
09:01 Vous à la France Insoumise, pensez-vous, vous pensez que c'est une police du vêtement
09:05 et qu'il ne faut pas les interdire, qu'elles ne sont pas une atteinte à la laïcité ?
09:10 Je pense d'abord que la place prise par ce débat est voulue par Gabriel Attal en
09:16 cette rentrée.
09:17 Il a décidé sciemment de créer un écran de fumée sur des enjeux très importants
09:21 que sont par exemple en cette rentrée le coût des fournitures scolaires, +11%.
09:25 Et maintenant, quand vous allumez une télé ou vous ouvrez le journal, ce dont on parle
09:31 prioritairement sur les enjeux de l'école et de cette rentrée, c'est de l'abaya.
09:34 Donc c'est un écran de fumée parce qu'il y a des questions structurelles.
09:37 Est-ce que la promesse d'un prof devant chaque élève…
09:40 La question structurelle c'est la laïcité selon lui.
09:42 La République est testée.
09:44 Là on est dans un moment de rentrée scolaire.
09:46 Donc le ministre de l'Éducation nationale doit nous dire comment il assure que cette
09:51 rentrée se passe bien.
09:52 Est-ce que tous les élèves vont avoir des profs devant eux ? Or, vous le savez, et
09:57 malheureusement maintenant on le sait, quand on regarde les résultats au concours, on
10:01 voit qu'il y a des manquements.
10:03 Clémentine Otta, vous ne répondez pas à la question sur l'abaya.
10:07 Je vais vous répondre sur les abayas.
10:08 On a parlé de l'école, on a fait 10 minutes sur l'école, sur le salaire des profs,
10:11 sur le manque, etc.
10:12 La question c'est l'abaya.
10:13 Vous vous dites qu'il ne fallait absolument pas l'interdire.
10:16 C'est ça que vous dites.
10:17 Non, je dis d'abord que c'est un écran de fumée et je dis deuxièmement que c'est
10:20 une mise en avant de ce sujet voulu par le ministre et qui signe une obsession identitaire.
10:25 Sur le fond, est-ce que c'est un vêtement religieux ou pas ?
10:27 Il y a débat.
10:28 Vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il y a débat.
10:31 Ça pose problème.
10:32 Moi, je vous dis qu'il y a débat et vous le savez qu'il y a débat.
10:34 Donc ce n'est pas pour vous une atteinte à la laïcité, une jeune fille qui rentre
10:36 en abaya à l'école ? C'est ça la question ?
10:38 Je pense que s'il y a débat, il faut revenir au principe.
10:42 Et je ne voudrais pas qu'on crée plus de problèmes qu'on ne dégage de solutions.
10:47 Quand vous entendez que les atteintes à la laïcité se sont accrues de 120% entre les
10:52 années scolaires d'il y a deux ans et l'année dernière, ça ne vous inquiète pas ?
10:56 Bien sûr qu'il y a des chefs d'établissement qui ont tiré la sonnette d'alarme.
10:59 Et je ne dis pas qu'il ne faut rien dire.
11:01 Le ministre de l'Éducation nationale, à partir du moment où il est saisi de ces problèmes-là,
11:05 doit en effet y répondre.
11:06 Il y a répondu en l'interdisant ?
11:08 Il y a répondu dans ce sens-là.
11:10 Il aurait pu répondre peut-être plus conformément à ce que sont nos principes de laïcité.
11:16 Qui auraient été quoi ?
11:17 Qui auraient été de ne pas interdire formellement.
11:21 Avec en plus des difficultés pour savoir ce qui est une abaya, ce qui n'est pas une
11:24 abaya.
11:25 Et les établissements, vous vous débrouillez ?
11:26 Parce que c'est eux qui demandaient la règle.
11:28 Je sais bien.
11:29 Je sais bien.
11:30 Mais il faut faire attention jusqu'où on va aller.
11:33 Je vais vous donner, peut-être faire un petit rappel historique, mais vous savez, en 1905,
11:37 quand il y a eu le débat sur la loi sur la laïcité, ça a été très complexe d'établir
11:44 un équilibre, un consensus.
11:45 Et il y a eu cette phrase d'Aristide Briand au sujet de la soutane dans l'espace public
11:49 qui, je trouve, résonne avec force aujourd'hui.
11:51 Il a dit "l'ingéniosité combinée des prêtres et des tailleurs auront taufé de
11:56 créer un nouveau vêtement".
11:57 Et c'est un peu mon inquiétude.
11:59 C'est-à-dire que, est-ce qu'on ne va pas aller de polémique en polémique et aller
12:03 jusqu'où on va ?
12:05 D'ailleurs, l'extrême droite propose un uniforme à l'école.
12:08 Il n'y a pas que l'extrême droite.
12:09 Je sais bien qu'il n'y a pas que l'extrême droite.
12:11 Mais vous pensez que c'est un progrès, l'uniforme à l'école ?
12:13 Je n'ai aucun avis.
12:14 Voilà.
12:15 Donc on est en train de débattre de cela.
12:17 Je crois qu'on est d'abord sur un arbre qui cache la forêt et ensuite sur une obsession
12:23 identitaire qui correspond aussi à un agenda qui est celui imposé par l'extrême droite
12:28 au départ.
12:29 Les Restos du Coeur vont donc être contraints de réduire cet hiver le nombre de bénéficiaires
12:32 de leur distribution alimentaire.
12:33 C'est ce qu'a annoncé hier le patron de l'association.
12:35 Si rien n'est fait, on va devoir fermer d'ici trois ans à cause, vous le savez,
12:39 de la hausse très importante du nombre de personnes qui demandent de l'aide et de
12:43 l'augmentation des coûts dus à l'inflation.
12:45 Le gouvernement a réagi hier soir.
12:47 Robert Géannon se 15 millions d'euros pour les restos et lance un appel à la solidarité
12:51 des plus riches et des grandes entreprises.
12:53 C'était la bonne réponse à apporter très vite ?
12:56 Ecoutez, il tire la sonnette d'alarme.
12:59 Voilà, c'est dramatique ce qui se passe.
13:01 Et nous, ça fait très longtemps que nous la tirons.
13:03 Nous avions d'ailleurs déposé au dernier budget un amendement pour demander que soient
13:07 abondés les budgets pour les banques alimentaires.
13:11 Donc là, on est dans une situation de saturation.
13:14 Donc il faut d'abord répondre à l'urgence.
13:16 Ça veut dire débloquer pas simplement 15 millions.
13:19 Ce dont parle le président des Restos du Coeur, c'est de 35 millions.
13:23 Donc c'est insuffisant.
13:24 Il faut que l'État réponde à cette urgence.
13:28 Et ensuite…
13:29 L'appel à la solidarité des plus riches, vous auriez pu le faire.
13:33 Ensuite, c'est le partage des richesses.
13:34 C'est la paupérisation qui est en marche.
13:36 C'est des salaires qui sont trop bas.
13:38 Nous, on a des réponses qui sont des réponses au long cours.
13:41 Vous savez, quand les Restos du Coeur se sont créés, c'était censé être transitoire.
13:45 On se souvient tous de Coluche qui disait…
13:48 Non seulement c'est toujours là, mais les queues aux banques alimentaires ont explosé.
13:52 Et elles explosent pourquoi ? Parce que maintenant, vous avez même des gens qui travaillent et
13:56 qui ne peuvent pas vivre de leur travail.
13:58 Donc je pense que la mission des services publics, et c'est là où les services publics
14:02 peuvent être utiles, à ce rang, on a inauguré il n'y a pas très longtemps une épicerie
14:07 solidaire et sociale.
14:08 Donc par exemple, ça pourrait être une nouvelle mission de services publics que de répondre
14:12 à ces besoins qui sont des besoins urgents.
14:14 Mais si on ne change pas la situation structurellement, si on n'augmente pas le SMIC, si on n'indexe
14:19 pas les salaires sur l'inflation, si on n'a pas une augmentation des minimas sociaux,
14:25 si on n'est pas capable de bloquer les prix, notamment des produits de première nécessité,
14:31 et qu'on laisse tout à volo alors qu'on sait qu'il y a une boucle prix-profit.
14:35 C'est-à-dire que l'inflation aujourd'hui, elle n'est pas simplement liée à la hausse
14:39 des matières premières et à la guerre en Russie.
14:43 C'est que les grands groupes en Ukraine, pardon, des Russes contre les Ukrainiens,
14:48 mais ce n'est pas simplement là le sujet.
14:50 Le sujet c'est qu'à partir de cette crise-là, les grands groupes en ont profité pour augmenter
14:55 leur marge.
14:56 C'est les profits qui augmentent et ça c'est une injustice totale.
15:00 Or si nous étions capables de faire une taxe sur les super-profits par exemple, on
15:04 pourrait financer tous ces services publics qui améliorent le quotidien.
15:07 Parce que je pense que prendre soin des services publics et être capable de répondre à des
15:12 nouveaux besoins comme le quatrième âge, comme les besoins sur la petite enfance, le
15:17 numérique, sur la transition écologique qu'on ne pourra pas mener sans augmenter
15:22 ces services publics.
15:23 Si on veut les financer ou les transports, la rénovation thermique, il faut qu'on
15:28 arrive à faire rentrer de l'argent dans les caisses publiques au lieu de sans cesse
15:31 être obsédé par cette réduction et laisser les hyper-riches s'enrichir et les plus
15:36 pauvres s'appauvrir.
15:37 - C'est dur à couper Clémentine Autain !
15:39 - Dominique est en ligne et au standard d'Inter.
15:42 Dominique, il nous appelle de Mayenne.
15:44 Bonjour et bienvenue.
15:45 - Oui, bonjour et bienvenue.
15:47 Merci de me donner la parole.
15:48 - Je vous en prie.
15:49 - J'ai 75 ans, j'aime beaucoup Clémentine Autain.
15:52 Je fais partie de ces vieux militants qui, du Larzac au soulèvement de la terre, ont
15:57 participé à toutes les manifs et récemment aux manifs des retraites.
15:59 Vous ne voudrez pas que ma question paraisse un peu décalée mais sur l'enseignement,
16:03 juste une remarque, l'interview de Samia Essaba tout à l'heure, il y a quelques minutes,
16:09 en dit beaucoup plus long que toutes les réponses qu'on peut donner de façon politiquement
16:15 utile ou récupérée sur l'usage de la pédagogie et la façon d'intégrer les élèves.
16:21 - C'était au micro de Sonia De Villers à 7h50.
16:25 - Absolument.
16:26 - Alors dites-nous, de quoi voulez-vous parler avec Clémentine Autain ?
16:28 - Je vais être un petit peu décalé avec le débat.
16:31 - Allez-y.
16:32 - Je rappelle que j'aime beaucoup Clémentine Autain, je voudrais simplement demander à
16:36 quel moment on va se passer un petit peu des leaders testostéronés, c'est pas facile
16:40 à dire, qui envahissent la gauche depuis des décennies, qui empêchent toute possibilité
16:44 de regroupement parce qu'ils ont un ego super développé.
16:47 Je ne vais pas donner de nom parce qu'on va citer évidemment Mélenchon, on peut citer
16:51 Roussel et beaucoup d'autres.
16:52 Moi je voudrais entendre des gens comme Clémentine Autain, des gens comme Ruffin, des gens qui
16:56 sont sur le terrain, qui pourraient parler de la réalité des gens et du combat à mener
17:01 et sortir un tout petit peu de ces débats politiques stériles.
17:04 La droite sera toujours la droite, il appartiendrait à la gauche d'être un peu plus intelligente
17:09 et de porter les vrais discours.
17:11 - Bah écoutez, merci Dominique pour cette question, cet édito.
17:16 - Réaction, la gauche testostéronée, je vous advoire avec l'auditeur Clémentine Autain.
17:21 - Je pense en effet qu'on a besoin de sortir d'une certaine version viriliste de la politique
17:28 en règle générale, pas simplement à gauche, mais on n'est pas prémunis à gauche non
17:32 plus de cela, donc je partage en tout cas cette ambition.
17:38 C'est normal en tant que féministe.
17:40 Je pense que le féminisme peut apporter à la façon de faire de la politique, au rapport
17:46 au pouvoir.
17:47 L'idée que quand on est une femme féministe de gauche, on n'a pas envie d'être monarque
17:51 à la place du monarque.
17:52 Et je pense qu'on a un regard effectivement critique vis-à-vis du pouvoir, des relations
17:58 aussi entre des partenaires, je pense à la NUPES où parfois c'est assez tendu.
18:03 Et il me semble qu'en effet nous avons besoin…
18:06 - Qu'est-ce qui se passe à la NUPES ? C'est vrai que ça fait trois semaines qu'on vous
18:10 entend les uns et les autres, les leaders, vous invectiver, ce n'est pas des insultes
18:14 mais des infinctives un peu et des ultimatums par presse interposée ou par tweet interposée.
18:20 Vous cautionnez ça ? Vous dites qu'il faut en sortir ? Vous dites quoi ?
18:23 - Ah oui, je pense qu'il faut en sortir.
18:25 Je ne vois pas de solution en dehors de l'union dans notre pays pour gagner.
18:29 Je suis inquiète d'abord pour mon pays.
18:31 Des politiques très destructrices néolibérales qui sont menées et qui deviennent de plus
18:37 en plus autoritaires par la Macronie et la menace de l'extrême droite.
18:42 Et donc on est dans un schéma maintenant qui est avec trois pôles, qui s'affirment.
18:46 Donc il y a le pôle de l'extrême droite qui menace, il y a le pôle de la Macronie
18:50 et nous incarnons ce troisième pôle.
18:52 Et pour gagner, il faut qu'il soit uni.
18:55 Il n'y a pas d'autre solution.
18:56 Donc nos destins sont nécessairement liés et il ne faudrait pas que la NUPES devienne
19:01 quatre mariages et un enterrement.
19:02 - Vous soutenez la proposition de Ségolène Royal pour une liste commune à l'FIPS aux
19:07 européennes.
19:08 Y peut-être testée dans un sondage IFOP-JDD hier qui montre que cette liste ferait à
19:13 peine 11%, c'est-à-dire quasiment la même chose que ce que ferait une liste insoumise
19:19 ou une liste PS seule.
19:21 Vous y croyez encore Clémentine Autain ? Vous appelez quand même à la constitution d'une
19:26 liste avec Ségolène Royal ou une liste d'unité ?
19:29 - Ecoutez, moi je suis une femme engagée, donc il n'est pas question de croire ou
19:31 de ne pas croire.
19:32 Il est question de vouloir.
19:33 Donc moi je veux cette union, je la crois juste, je crois que c'est ce qui peut nous
19:39 permettre au moment des résultats justement d'être dans la course vis-à-vis de ces
19:44 trois pôles.
19:45 On peut être en tête.
19:46 On peut être en tête dans notre pays.
19:48 Donc ce serait un signal très fort.
19:49 Je pense aussi que la NUPE, selon le sondage d'hier, vous n'êtes pas en tête.
19:52 Vous êtes loin derrière l'unanime.
19:55 En général, les tests ne sont pas...
19:58 Il faut croire à la dynamique politique.
20:00 Les dynamiques politiques, elles ne se voient qu'à partir du moment où elles se mettent
20:04 en mouvement.
20:05 Et il y a différents sondages qui montrent qu'on est en tout cas au coude à coude.
20:09 On est au coude à coude.
20:10 Les trois pôles se donnent à voir.
20:12 Si vous avez un éclatement des lices, par définition, vous avez des lices qui vont
20:15 être autour de 10 et personne qui est au coude à coude.
20:17 Donc pour vous, une lice Ségolène Royal, c'est la bonne personne pour incarner cette
20:21 union à vos yeux ?
20:22 Je pense que c'est elle qui a fait cette proposition-là.
20:24 Si elle permet de faire advenir l'unité, je signe.
20:28 Après, l'enjeu, il est de savoir si on veut ou non cette union.
20:33 Moi, je la crois juste.
20:34 Je crois aussi que la NUPE, elle vit parce qu'on est rassemblée.
20:36 Après, quoi qu'il arrive, et je pense en particulier à 2027, je pense que nos sorts
20:42 sont liés et qu'il faut trouver le moyen de faire vivre cette NUPES dans le pluralisme
20:47 et dans la cohérence.
20:48 Donc même s'il y a des listes séparées aux européennes, vous n'excluez pas la
20:51 mort de la NUPES selon vous ?
20:53 Ce ne doit pas être la mort de la NUPES parce qu'encore une fois, nous n'avons pas le
20:57 choix.
20:58 Nous devons nous entendre.
20:59 Et c'est vrai que les européennes auraient pu aussi être l'occasion de donner à voir
21:03 que nous sommes capables de dire en commun des choses fortes sur l'Europe.
21:07 Mais est-ce que vous avez des choses fortes en commun sur l'Europe ?
21:10 Je crois.
21:11 En tout cas, si vous avez des listes séparées, chacun va être poussé vers sa propre identité.
21:16 Si nous faisons liste commune, je pense que nous avons les bases pour avoir un discours
21:19 commun et cela peut permettre de clarifier aussi vis-à-vis des Français notre point
21:24 de vue et de tourner la page de 2005 qui a été quand même très clivante à l'intérieur
21:29 de la gauche entre le oui et le non au traité constitutionnel européen.
21:33 Il y a un débat sur la ligne précisément de la gauche porté par François Ruffin.
21:37 À qui parlez-vous ? Ruffin, lors des universités d'été de la France Insoumise, a appelé
21:42 le mouvement à gagner en centralité et à parler aux profondeurs du pays, aux classes
21:47 populaires.
21:48 Il dit « quand on me dit radicalité, je nous demande est-ce qu'il s'agit d'être
21:53 applaudi dans une AG de socio à Nanterre ou de convaincre en Moselle, en Picardie,
21:58 partout dans le pays ? Qu'est-ce qu'on vise ? » et il ajoute « pourquoi demeurer
22:02 dans un risque de culture minoritaire ? » Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
22:06 Moi je partage la préoccupation de François Ruffin.
22:09 Je pense qu'être radical, ça veut dire prendre les problèmes à la racine, c'est
22:15 aujourd'hui ce qui peut nous permettre d'être majoritaire.
22:18 Donc je n'oppose pas les deux.
22:19 En revanche, il y a évidemment un moment que nous traversons, on a changé de position
22:26 entre 17 députés, même autrefois la gauche qui a été si longtemps dominée par le Parti
22:31 Socialiste et puis très vite maintenant on voit que la dominante elle est chez nous,
22:36 dans une gauche qui veut un changement en profondeur, social et écologique.
22:39 Nous sommes 75 députés, nous sommes le fer de lance de la NUPES et je crois en effet
22:44 que cela implique d'ébouger dans notre profil politique et de faire très attention
22:51 à la menace de cornerisation.
22:52 Ça il le dit, c'est son image.
22:55 Faire très attention, donc je partage une obsession qui est le fait majoritaire.
22:59 Mais qui vient d'où ? Elle viendrait d'où la cornerisation ?
23:01 C'est selon vous, quel est votre risque ? Qu'est-ce que vous dites qui vous cornerise ?
23:06 C'est pas toujours, parfois c'est la façon dont on peut le dire ou parfois c'est la
23:11 façon dont on peut le dire qui peut prêter à attiser.
23:16 Vous voyez ce que je veux dire, à attiser.
23:20 Je pense que vous le voyez quand vous lisez, je n'ai pas forcément envie de donner des
23:24 exemples contre mon propre camp.
23:25 Vous voyez ce que je veux dire ?
23:26 Oui, contre votre propre chef.
23:27 Non, c'est pas que…
23:28 Ah oui, il y en a d'autres ?
23:29 Je pense que c'est plus global.
23:32 Je pense que c'est pas simplement Jean-Luc Mélenchon qui, je vois bien, est la cible
23:38 souvent.
23:39 Là on ne l'a pas ciblée, c'est vous.
23:43 En l'occurrence, on ne l'a pas mentionnée.
23:45 Si, c'est vous qui venez de me dire que c'est votre chef.
23:47 Non, vous dites certains dans notre camp qui visent à cliver.
23:50 Oui, mais c'est vous qui me répondez, qui me dites c'est votre chef.
23:53 Donc je vous dis, je pense que c'est une question qui est plus globale.
23:56 C'est une question qui est plus globale, qui a à voir avec notre profil.
24:00 Je l'ai dit plusieurs fois et je le redis, je pense qu'on a besoin de se solaniser
24:03 et d'être effectivement obsédé par la façon de faire vivre la NUPES dans le pluralisme
24:09 et par la quête de majorité.
24:12 Dernière question, c'est un constat dressé par un élu socialiste du Lot qui a signé
24:16 une note pour la fondation Jean Jaurès sur la disparition de la gauche dans les territoires
24:19 ruraux.
24:20 Il s'appelle Rémi Branco et il affirmait à Libération cet été le site sur les territoires
24:24 ruraux, la ruralité.
24:25 La gauche est trop vue comme donneuse de leçons, perçue comme une menace pour leur
24:29 mode de vie si jamais elle arrivait au pouvoir.
24:31 Des donneurs de leçons qui depuis les métropoles sont en train de leur expliquer comment il
24:34 faut manger, s'habiller et se loger.
24:36 Qu'est-ce que vous en pensez ?
24:37 La gauche donneuse de leçons ?
24:39 Oui, moi je pense qu'il faut entendre.
24:40 Je pense qu'il faut entendre.
24:42 D'abord, on n'est pas au bout, vous savez, sur le projet.
24:45 On n'est pas arrivé à maturité et au bord de la majorité.
24:50 Donc si on ne s'interroge pas et qu'on ne réfléchit pas sur notre propre discours,
24:54 on ne va pas y arriver.
24:55 On ne trouve des réponses qu'aux questions qu'on se pose.
24:58 Et bien la question qui est posée là, moi, elle m'intéresse.
25:01 Et notamment sur l'enjeu écologique, parce que c'est souvent sur le terrain écologique
25:05 qu'on a l'impression d'être des donneurs de leçons.
25:06 Et bien si on veut faire une écologie populaire, il faut trouver les thèmes qui permettent
25:11 de rassembler.
25:12 Et c'est pour ça que je reviens au service public.
25:14 Je pense que quels que soient les territoires, et notamment pour les classes populaires,
25:17 c'est quelque chose de positif, qui fédère, qui dit le commun et qui dit le sens de la
25:22 société dans laquelle on a envie de vivre.
25:24 Clémentine Autain, merci ! Il est 8h48 !